Sortie du DVD de Notre Monde
Notre Monde Notre Monde (2013, 119') un film de Thomas LacosteRassemblant plus de 35 intervenants, philosophes, sociologues, économistes, magistrats, médecins, universitaires et écrivains, Notre Monde propose un espace dexpression pour travailler, comme nous y enjoint JeanLuc Nancy à « une pensée commune ». Plus encore quun libre espace de parole, Notre Monde sappuie sur un ensemble foisonnant de propositions concrètes pour agir comme un rappel essentiel, individuel et collectif : « faites de la politique » et de préférence autrement.
Edito du Passant n°32 - Mutations urbaines
[décembre 2000 - janvier 2001]
Mutations urbaines.
A propos, où marche ce Passant Ordinaire qui nous sert d'emblème ? Où le mènent ses gran-des cannes décharnées ? Sans doute partout, par principe, et il ferait beau voir que l'on s'interdise d'aller où que ce soit sur la planète. Certes. Mais, le plus souvent, les Passants, ceux qui le lisent et ceux qui le font, se trouvent en ville, arpentent les trottoirs des cités, vivent, aiment et travaillent dans le grand alignement de façades qui nous sert de toile de fond quotidienne. C'est aussi là qu'ils luttent, qu'ils passent leurs nuits à recompter leurs rêves, leurs journées à bâtir des demains plus dignes, plus solidaires
Le plus souvent donc, mais sans exclusives, le Passant est un être urbain, et il nous a alors semblé utile de nous interroger sur les mutations de ces villes qui changent en permanence sous nos yeux. Une ville, ça grandit, ça mue, c'est à la fois une histoire et une géographie, une arithmétique et une géométrie, ça joue dans le politique et dans le symbolique, ça se passe là et partout
Dans les villes que nous habitons, combien de regards perdus, de vies fracassées, de cartons d'emballage marron mouillés par la pluie (peut-être par ceux qui pleurent dessous), combien de cachettes, de secrets, de plans pour conquérir sa rue, son quartier ? Comment se dessinent les frontières de nos territoires quotidiens, comment nous sépare-t-on en nous berçant de fausses convivialités orchestrées par les impératifs de la marchandise ? Ils mettent de la musique dans les rues pendant les soldes, des lumières de fête aux croiseurs de guerre, ils nous inventent du lien social Pendant ce temps, ça vend, ça expulse, ça revend, ça protège sa maison Et si on y regardait à deux fois, au moins ?
Comme il est d'usage, dans ce numéro les regards se croisent, les approches se confrontent, les points de vue s'échangent et petit à petit, les enjeux de cette question se définissent plus clairement. On pourra trouver dans ces pages des témoignages sur des villes, proches ou lointaines, dans lesquelles l'oppression de quelques-uns sur nombre d'autres se fait plus crue, en pleine lumière de néons blafards. A Grozny, Sao Paulo, mais aussi Jérusalem ou à Bordeaux, des passants racontent ce qu'ils ont vu. En Louisiane, en Chine, sur le trottoir d'en face, souvent la même galère, les mêmes insupportables situations, les mêmes stigmates sur la peau de ceux qui vivent là. C'est dit ici, comme il se doit. Mais il y a aussi dans ce numéro des Jules Verne en partance, une balade dans Paris, et l'histoire de Toufik Ouannès, flingué dans le béton.
Dans ce numéro, y'a notre vie de tous les jours, nos coups de gueule et nos moments passés à être ensemble au cur des cités. Il se pourrait bien, finalement, que ça serve à quelque chose de marcher.