Sortie du DVD de Notre Monde
Notre Monde Notre Monde (2013, 119') un film de Thomas LacosteRassemblant plus de 35 intervenants, philosophes, sociologues, économistes, magistrats, médecins, universitaires et écrivains, Notre Monde propose un espace dexpression pour travailler, comme nous y enjoint JeanLuc Nancy à « une pensée commune ». Plus encore quun libre espace de parole, Notre Monde sappuie sur un ensemble foisonnant de propositions concrètes pour agir comme un rappel essentiel, individuel et collectif : « faites de la politique » et de préférence autrement.
Edito du Passant n°29 - Entreprise
[juin 2000 - juillet 2000]
Lentreprise en trompe-lil.
Voilà un terme, entreprise, chargé de multiples sens. Lentreprise, lieu de création de richesses : une entité abstraite serait-elle créatrice, indépendamment des hommes et des femmes qui y travaillent ? Lentreprise, lieu de production de richesses utiles ou machine à transformer en argent toute chose, utile ou non ? Certains osent le grand écart : lentreprise pourrait être citoyenne. Citoyenneté, que de bêtises sont dites en ton nom ! Quest-ce quune citoyenneté dans laquelle le travailleur-citoyen na pas son mot à dire sur ce quil produit, comment il le produit et comment sa valeur est répartie ? Au Pays de Galles, des mineurs ont pourtant montré que lentreprise-citoyenne est viable et revigorante comme en témoigne Jean-Michel Carré. Léconomie solidaire qui a maintenant pignon sur rue au gouvernement sera-t-elle autre chose quun appendice sur le corps dune économie de profit triomphante ?
Lentreprise, lieu où le travail et le capital collaborent à lédification dune uvre commune qui fait deux un couple inséparable ? Quid alors de lenvolée des dividendes et des cours boursiers pendant que les salaires stagnent et que lemploi oscille au gré des restructurations, des concentrations et de la spéculation ? Lentreprise, lieu dexpression démocratique des « partenaires sociaux » ou bien lieu daffrontement entre adversaires sociaux dont les intérêts divergent parce que ce que prennent les uns nest plus disponible pour les autres ?
Telles sont quelques unes des questions que le dossier du Passant Ordinaire ouvre dans ce numéro à travers des textes et des chroniques qui tentent de comprendre comment la marchandisation du monde est à luvre, « jusquà la lune » tempête Jambonneau, comment les droits des salariés sont déniés au nom de la rentabilité, comment, en rognant sur leurs salaires, les employeurs simaginent les amadouer en leur attribuant des bouts de papier représentant des titres financiers dans un fonds de pension ou dépargne salariale ou, tout simplement, un bout de lune. Le projet dit de refondation sociale du MEDEF, nous explique Jean-Marie Harribey, prépare un retour en arrière de deux siècles car lentreprise serait un lieu doù la loi serait exclue et remplacée par un contrat liant des individus isolés à un patron maître du jeu. Formellement et réellement, lentreprise ressemble à un camp appuie Emmanuel Renault, là où cela fait mal ! Et pendant ce temps, lEtat, sous couvert dun discours sur la nécessaire régulation, achève la mise en place dune régulation de type libéral : en effet, ce quon appelle la dérégulation nest quune forme libérale de régulation dont la finalité est dassurer la pérennité dune logique marchande.
La chronique économique du Passant La bourse ou la vie, dont la problématique commence heureusement aujourdhui à être reprise ici où là, le rappelle régulièrement : ou bien lentreprise capitaliste est considérée comme la cellule de base indépassable de la vie en société dont toutes les valeurs procéderaient, ou bien les êtres humains protègent le fil ténu de la vie en domestiquant léconomie. « Nous sommes prisonniers et libres. Prisonniers de nos possibles et impossibles du moment. Libres, car à tout moment capables de nous créer dautres possibles et impossibles Lapproche anthropologique en terme de possibles-impossibles est source de liberté et despoir » indique Andréu Sole qui en appelle à une utopie mobilisatrice. Un nouveau monde nest pas forcément loin.