Sortie du DVD de Notre Monde
Notre Monde Notre Monde (2013, 119') un film de Thomas LacosteRassemblant plus de 35 intervenants, philosophes, sociologues, économistes, magistrats, médecins, universitaires et écrivains, Notre Monde propose un espace dexpression pour travailler, comme nous y enjoint JeanLuc Nancy à « une pensée commune ». Plus encore quun libre espace de parole, Notre Monde sappuie sur un ensemble foisonnant de propositions concrètes pour agir comme un rappel essentiel, individuel et collectif : « faites de la politique » et de préférence autrement.
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© Passant n°49 [juin 2004 - septembre 2004]
© Passant n°49 [juin 2004 - septembre 2004]
par Vincent Houillon
Imprimer l'articleMichel Suret-Canale, Peintre de la nuit
Lartiste est sa propre nuit. Il surgit de la nuit et, dans son travail de nuit, reste pourtant auprès delle, peignant la nuit la nuit elle-même, et pendant et au milieu. Le travail ne se produit pas seulement dans la nuit mais il provient de la nuit, comme son effet : ce que ne dit pas langlais painting at night, la nuit où et durant laquelle sexerce lactivité de peindre, mais que dit, en secret, le français : peindre la nuit, cest aussi bien peindre au cours de la nuit que la peindre elle, la nuit, en faire le thème de la peinture. Mais un thème qui se dérobe à toute thématisation selon sa propre puissance nocturne qui traverse lartiste crayonné de traits sombres. Peindre la nuit, peindre de nuit, la peinture est un travail de nuit. Travail de nuit comme il y a un travail du rêve, non pas selon la puissance éveillée de la conscience tournée vers lobjet intentionné et visé mais le travail de la nuit, son exercice en effet, qui sexerce à la nuit. « Peindre la nuit » se dédouble, comme les deux pans de nuit entourant lartiste : travail de nuit, au milieu de la nuit et nuit quil peint et qui le peint en retour. Le travail de lartiste, passeur de nuit, est affecté par le travail de la nuit elle-même. Le travail ny est plus seulement activité mais passivité accueillante où lartiste se figure. Eprouvé par le passage de la nuit en lui, son épuisement manifeste sa condition de travailleur de nuit et dénonce lexploitation de la nuit par le capitalisme du jour ou par la société du spectacle qui font disparaître sa fragilité ou son pudique retrait.
La nuit travaille en lartiste : il se tient au milieu de la nuit parce que la nuit ne se montre quen son milieu. Lartiste retourne au milieu de la révélation de la nuit, au milieu de son recouvrement ou retrait. Il ouvre la nuit et, par sa position, sa tenue entre deux traits de nuit, laisse voir la nuit : il la laisse voir déchirée, en deux, dans lentre-deux où elle se révèle comme nuit. Lartiste déchire la nuit, simmisce dans son antre, entre-deux, se tient dans le retrait de la nuit et, dans sa posture, la maintient comme nuit. Lartiste nest pas à lavant-poste de la nuit, il se tient en son milieu, là où la nuit se donne, où la nuit pouvait se donner don de la nuit à lartiste qui sy tient, non seulement au milieu, mais aussi à la promesse de sa fidélité à la nuit. La nuit se promet à celui qui sy adonne, à lartiste adonné à la nuit, qui se tourne vers elle pour la laisser se déployer et loffrir aux regards affaiblis.
Lartiste retourne à la nuit, là où le sens et la lumière, portés aux choses, sextrait de la nuit, là où les choses se tiennent encore dans leur propre ombre, se refusant à la lumière thématisante. « Le retour aux choses mêmes retourne au milieu de leur révélation ou apparition dans le sens : être là où je devais être pour être gratifié de leur apparition en terre sainte, en ceci ou cela. » écrit le poète Michel Deguy1. Lartiste de la nuit retient dans cette extraction un reste de nuit comme sa révélation : la révélation est de-la-nuit, jamais toute. La nuit nest jamais toute, mais déchirée et, de ce déchirement, se révèle comme elle est. On na jamais toute la nuit. La condition de sa révélation est aussi celle de son effacement ce qui indique aussi la révélation de la révélation ou du dévoilement ; le dé-voilement nest jamais tout, il réserve toujours un voilement : la nuit nest jamais toute sauf dans la peur de la nuit, dans la peur dêtre englobé ou dévoré par elle selon le phantasme projeté de la totalité du moi. La révélation de la nuit advient sans parousie mais comme déchirure qui maintient la nuit et la préserve de son effacement dans le jour sans mémoire. La nuit peinte est de-la-nuit. Lartiste peint au milieu de-la-nuit, là où sassemblent des figures de la nuit comme en un atelier nocturne2, là où se tiennent ensemble la nuit et la nuit, la nuit différante delle-même. Se tenant au milieu de la nuit où la nuit se révèle en son milieu, lartiste, qui peint la nuit, se peint la nuit, se peint comme la nuit, se peint en la nuit dans un mimétique auto-portrait de la nuit.
La nuit travaille en lartiste : il se tient au milieu de la nuit parce que la nuit ne se montre quen son milieu. Lartiste retourne au milieu de la révélation de la nuit, au milieu de son recouvrement ou retrait. Il ouvre la nuit et, par sa position, sa tenue entre deux traits de nuit, laisse voir la nuit : il la laisse voir déchirée, en deux, dans lentre-deux où elle se révèle comme nuit. Lartiste déchire la nuit, simmisce dans son antre, entre-deux, se tient dans le retrait de la nuit et, dans sa posture, la maintient comme nuit. Lartiste nest pas à lavant-poste de la nuit, il se tient en son milieu, là où la nuit se donne, où la nuit pouvait se donner don de la nuit à lartiste qui sy tient, non seulement au milieu, mais aussi à la promesse de sa fidélité à la nuit. La nuit se promet à celui qui sy adonne, à lartiste adonné à la nuit, qui se tourne vers elle pour la laisser se déployer et loffrir aux regards affaiblis.
Lartiste retourne à la nuit, là où le sens et la lumière, portés aux choses, sextrait de la nuit, là où les choses se tiennent encore dans leur propre ombre, se refusant à la lumière thématisante. « Le retour aux choses mêmes retourne au milieu de leur révélation ou apparition dans le sens : être là où je devais être pour être gratifié de leur apparition en terre sainte, en ceci ou cela. » écrit le poète Michel Deguy1. Lartiste de la nuit retient dans cette extraction un reste de nuit comme sa révélation : la révélation est de-la-nuit, jamais toute. La nuit nest jamais toute, mais déchirée et, de ce déchirement, se révèle comme elle est. On na jamais toute la nuit. La condition de sa révélation est aussi celle de son effacement ce qui indique aussi la révélation de la révélation ou du dévoilement ; le dé-voilement nest jamais tout, il réserve toujours un voilement : la nuit nest jamais toute sauf dans la peur de la nuit, dans la peur dêtre englobé ou dévoré par elle selon le phantasme projeté de la totalité du moi. La révélation de la nuit advient sans parousie mais comme déchirure qui maintient la nuit et la préserve de son effacement dans le jour sans mémoire. La nuit peinte est de-la-nuit. Lartiste peint au milieu de-la-nuit, là où sassemblent des figures de la nuit comme en un atelier nocturne2, là où se tiennent ensemble la nuit et la nuit, la nuit différante delle-même. Se tenant au milieu de la nuit où la nuit se révèle en son milieu, lartiste, qui peint la nuit, se peint la nuit, se peint comme la nuit, se peint en la nuit dans un mimétique auto-portrait de la nuit.
(1) Sans retour, Galilée, 2004, p.93.
(2) Le lieu nocturne de son atelier est visitable sur le site www.suret-canale.com
(2) Le lieu nocturne de son atelier est visitable sur le site www.suret-canale.com