Sortie du DVD de Notre Monde
Notre Monde Notre Monde (2013, 119') un film de Thomas LacosteRassemblant plus de 35 intervenants, philosophes, sociologues, économistes, magistrats, médecins, universitaires et écrivains, Notre Monde propose un espace dexpression pour travailler, comme nous y enjoint JeanLuc Nancy à « une pensée commune ». Plus encore quun libre espace de parole, Notre Monde sappuie sur un ensemble foisonnant de propositions concrètes pour agir comme un rappel essentiel, individuel et collectif : « faites de la politique » et de préférence autrement.
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© Passant n°48 [avril 2004 - juin 2004]
© Passant n°48 [avril 2004 - juin 2004]
par Philippe Rouy
Imprimer l'articleAu cur de linsurrection
La Commune (Paris 1871), un film de Peter Watkins
Lumières. La pellicule tourne. Se déroule et senroule autour de son axe. 24 images par seconde. [révolution] Deux acteurs épuisés. Tournage tout juste terminé. Leurs visages sont blafards, leurs voix blanches. Pendant trois semaines, ils y ont cru. [révolution] Dans le hangar de parpaings, les barricades sont effondrées. Ici la Commune a vécu. Dans lair encore, le sang des insurgés. Dans lair encore, la sueur des comédiens. Pendant trois semaines, ils y ont cru. [révolution]
Sur limage en noir et blanc, la silhouette dune révolte que nous navons pas connue. Des hommes et des femmes daujourdhui y gravent leurs colères et leurs espoirs. Sous les costumes dépoque battent des curs impatients. Diastole, systole. 1871, 2004. Diastole, systole. [révolution] La parole est à laccusation : « En 1870, 20 % des plus riches disposaient de 7 fois le revenu des 20% les plus pauvres. En 1997, ce rapport était de 74 contre 1. » Et aujourdhui ? La défense reste muette À larrivée, le point de départ Mouvement en courbe fermée. [révolution]
Dans les interstices de la reconstitution simmisce la pulsion vitale. Du plan-séquence naît le forum. Parole donnée, parole saisie. Les mots jaillissent et débordent du cadre. Comédien et personnage, dun cri fusionnent. Et revendiquent pour deux. Le hors-champ devient champ. [révolution] Ils sécoutent, sinterpellent, se haranguent. À lesprit, la mémoire des souffrances occultées par lHistoire. Dans la bouche, lincandescence des blessures daujourdhui. Faim de politique, de justice, dégalité, de liberté. En 1871 ou aujourdhui, « On a plus rien à perdre. La Commune cest maintenant ! » Hérédité de la colère. Atavisme de lespoir. Le hors-champ devient chant. [révolution]
Et si la télévision avait existé en 1871 ? Un anachronisme historique pour une insurrection de cinéma : la Commune filmée par la télé. [révolution] Une caméra de télévision pour redonner au lointain la puissance de la vitesse. Porter à bout de bras notre regard jusquau cur dune humanité bouillante. En sentir chacune des pulsations. Chaos, frénésie, fulgurance de limmédiateté. « La Commune, cest maintenant ! ». [révolution] Mais tout cela nappartient quau cinéma. La télévision, elle, est ailleurs. 24 heures sur 24, elle tourne sur elle-même. Télévision Nationale Versailles ou Télé Communale, 24 heures sur 24 les télévisions tournent. Tous les jours en couleur. TF1, France 2 ou France 3, 24 heures sur 24 les télévisions tournent. Pot commun des actionnaires, trésor de guerre des gouvernants, 24 heures sur 24 les télévisions tournent. Ordre établi. Flux continu. 25 fois par seconde lhistoire se répète. [révolution]
Sur les barricades, la semaine sanglante. Les Communards en sacrifice, les comédiens en perdition. Effusion, confusion, exaltation. LHistoire a beau être implacable, en connaître la fin décuple la rage. Parole donnée, paroles hurlées. « Et vous quauriez-vous fait en 1871 ? La même chose ! Et aujourdhui ? Aujourdhui, cest de soi même dont il faut faire une barricade ! »[révolution] Rage aux yeux, feu dans la voix, fusil à la main, les Communards en désespoir, les comédiens en fol espoir, tirent sur des ennemis invisibles ou absents. Mais sur les caméras et dans les fusils, les chargeurs sont inépuisables. Un plan séquence et tout vacille. Un plan-séquence pour tout changer. Le cinéma en prolongement de la vie. La vie en filiation du cinéma. Diastole, systole. 1871, 2004. 24 fois par seconde [révolution]
Dans le hangar de parpaings, les corps allongés succèdent aux corps alignés. Fusillés parce quinsurgés. Le film se termine. Lhistoire est finie. Ici aussi, la Commune a échoué. Dans mes yeux, deux acteurs épuisés, visages blafards et voix blanches. Pendant trois semaines ils y ont cru. Le film recommence. [révolution] « La Commune, cest maintenant ! ». [révolution]
Sur limage en noir et blanc, la silhouette dune révolte que nous navons pas connue. Des hommes et des femmes daujourdhui y gravent leurs colères et leurs espoirs. Sous les costumes dépoque battent des curs impatients. Diastole, systole. 1871, 2004. Diastole, systole. [révolution] La parole est à laccusation : « En 1870, 20 % des plus riches disposaient de 7 fois le revenu des 20% les plus pauvres. En 1997, ce rapport était de 74 contre 1. » Et aujourdhui ? La défense reste muette À larrivée, le point de départ Mouvement en courbe fermée. [révolution]
Dans les interstices de la reconstitution simmisce la pulsion vitale. Du plan-séquence naît le forum. Parole donnée, parole saisie. Les mots jaillissent et débordent du cadre. Comédien et personnage, dun cri fusionnent. Et revendiquent pour deux. Le hors-champ devient champ. [révolution] Ils sécoutent, sinterpellent, se haranguent. À lesprit, la mémoire des souffrances occultées par lHistoire. Dans la bouche, lincandescence des blessures daujourdhui. Faim de politique, de justice, dégalité, de liberté. En 1871 ou aujourdhui, « On a plus rien à perdre. La Commune cest maintenant ! » Hérédité de la colère. Atavisme de lespoir. Le hors-champ devient chant. [révolution]
Et si la télévision avait existé en 1871 ? Un anachronisme historique pour une insurrection de cinéma : la Commune filmée par la télé. [révolution] Une caméra de télévision pour redonner au lointain la puissance de la vitesse. Porter à bout de bras notre regard jusquau cur dune humanité bouillante. En sentir chacune des pulsations. Chaos, frénésie, fulgurance de limmédiateté. « La Commune, cest maintenant ! ». [révolution] Mais tout cela nappartient quau cinéma. La télévision, elle, est ailleurs. 24 heures sur 24, elle tourne sur elle-même. Télévision Nationale Versailles ou Télé Communale, 24 heures sur 24 les télévisions tournent. Tous les jours en couleur. TF1, France 2 ou France 3, 24 heures sur 24 les télévisions tournent. Pot commun des actionnaires, trésor de guerre des gouvernants, 24 heures sur 24 les télévisions tournent. Ordre établi. Flux continu. 25 fois par seconde lhistoire se répète. [révolution]
Sur les barricades, la semaine sanglante. Les Communards en sacrifice, les comédiens en perdition. Effusion, confusion, exaltation. LHistoire a beau être implacable, en connaître la fin décuple la rage. Parole donnée, paroles hurlées. « Et vous quauriez-vous fait en 1871 ? La même chose ! Et aujourdhui ? Aujourdhui, cest de soi même dont il faut faire une barricade ! »[révolution] Rage aux yeux, feu dans la voix, fusil à la main, les Communards en désespoir, les comédiens en fol espoir, tirent sur des ennemis invisibles ou absents. Mais sur les caméras et dans les fusils, les chargeurs sont inépuisables. Un plan séquence et tout vacille. Un plan-séquence pour tout changer. Le cinéma en prolongement de la vie. La vie en filiation du cinéma. Diastole, systole. 1871, 2004. 24 fois par seconde [révolution]
Dans le hangar de parpaings, les corps allongés succèdent aux corps alignés. Fusillés parce quinsurgés. Le film se termine. Lhistoire est finie. Ici aussi, la Commune a échoué. Dans mes yeux, deux acteurs épuisés, visages blafards et voix blanches. Pendant trois semaines ils y ont cru. Le film recommence. [révolution] « La Commune, cest maintenant ! ». [révolution]
La Commune (Paris 1871) est disponible en DVD aux éditions Doriane Films. Également disponible : Punishment Park, La Bombe (The War Game), et Culloden