Sortie du DVD de Notre Monde
Notre Monde Notre Monde (2013, 119') un film de Thomas LacosteRassemblant plus de 35 intervenants, philosophes, sociologues, économistes, magistrats, médecins, universitaires et écrivains, Notre Monde propose un espace dexpression pour travailler, comme nous y enjoint JeanLuc Nancy à « une pensée commune ». Plus encore quun libre espace de parole, Notre Monde sappuie sur un ensemble foisonnant de propositions concrètes pour agir comme un rappel essentiel, individuel et collectif : « faites de la politique » et de préférence autrement.
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© Passant n°48 [avril 2004 - juin 2004]
© Passant n°48 [avril 2004 - juin 2004]
par Alain Trautmann
Imprimer l'articleLes enjeux de la recherche
Naissance de « Sauvons la Recherche »
Le 7 janvier 2004 paraît lAppel « Sauvons la Recherche » sur le site éponyme. Cet appel ressemble à une pétition, signée au départ par environ 150 scientifiques français, dont 60 directeurs de laboratoires. Le texte analyse la situation de la recherche publique en France, et met en avant 3 demandes portant sur des crédits qui auraient dû être versés en 2002, sur le caractère inacceptable dune diminution de lemploi statutaire dans la recherche et lenseignement supérieur, et enfin sur la nécessité dun grand débat national sur la place de la recherche dans le pays et les moyens à mettre en uvre pour que notre pays ait une recherche digne de ce nom. Les signataires qui avaient un poste de responsabilité sengageaient, si des réponses gouvernementales nétaient pas rapidement données, à démissionner de leurs fonctions administratives. Les optimistes prédisaient que cet appel pourrait atteindre 5 000 signatures. Deux mois plus tard, il en avait atteint 70 000, cependant quune pétition citoyenne de non-chercheurs soutenant cette action avait été signée vers le 12 mars par 200 000 personnes.
La fronde des chercheurs du début 2004 na pas relevé de la génération spontanée. Depuis plus de 10 ans, si les chercheurs français étaient toujours très actifs, lorganisation du système de recherche en France et les moyens de travail des chercheurs laissaient de plus en plus à désirer, surtout en comparaison avec les efforts faits dans dautres pays (Suède, Finlande, Suisse, Canada, USA, Japon, et plus récemment la Chine). En 1998, Claude Allègre veut faire passer en force une réforme de la recherche réformant le CNRS et renforçant la capacité de pilotage de la recherche par le ministère. Larrogante prétention à lomniscience, la brutalité de la méthode font se dresser toute la profession. Pour la première fois dans les luttes des chercheurs français, Internet va permettre une réponse fulgurante, et pour la première
fois de son histoire, le Comité National (Parlement du CNRS) sauto-saisit et réunit le 14 décembre, à Paris, ses Etats Généraux.
Mars 2003 : aux annulations de crédits du début de lannée, le gouvernement Raffarin ajoute des gels, qui portent à environ 30% la diminution des moyens des labos. Le site « Sauvons la recherche » est alors créé, et immédiatement utilisé pour lancer « Lappel de Cochin », dénonçant cette politique et appelant à un « enterrement de la recherche » le 10 avril au Panthéon. Cette manifestation-spectacle rencontre un bon écho dans les médias. Dans les semaines qui suivent, les réactions syndicales, celles de personnalités médiatiques et de chercheurs sur le site aboutissent à ce quune partie des gels annoncés soient réduits. Le 30 juin, une assemblée exceptionnelle réunissant tout le Comité National débat de la situation et condamne vigoureusement la politique de recherche du gouvernement. Les chercheurs, eux, sont rentrés sagement dans leurs laboratoires.
En novembre-décembre, on apprend que le gouvernement a décidé de diminuer denviron 5 000 en 2004 le nombre de fonctionnaires (en ne remplaçant pas tous les départs à la retraite), et que plus de 10% de ces postes (550) seraient pris aux organismes de recherche, dans lesquels ne se trouvent pourtant quenviron 1% des fonctionnaires. Concrètement, cela implique, par exemple, que le nombre de postes mis au concours à lInserm, passera de 95 en 2002 à 30 en 2004.
De nombreux chercheurs ne comprennent pas ce qui leur arrive, ce qui motive une décision aussi brutale, et restent tétanisés. Ce nest pourtant pas compliqué. Les difficultés budgétaires, pour réelles quelles soient, ne peuvent expliquer ces choix, qui mettent en uvre une série didées grossières. (1) Toute activité doit pouvoir être évaluée en fonction dune rentabilité à court terme. (2) La fonction publique doit être considérée comme une source de dépenses quil faut réduire coûte que coûte, même si cela doit casser des secteurs entiers dactivité. (3) Les organismes de recherche et en particulier le CNRS constituent un système obsolète, coûteux, et un repaire délecteurs de gauche. Il faut le casser.
Le Directeur Général de lInserm, Christian Bréchot prend toute lannée 2003 une série de mesures qui aggravent les décisions gouvernementales. Nombre de chercheurs attendent avec inquiétude le prochain coup qui les frappera et les humiliera un peu plus. Chez dautres, tout ceci a provoqué la colère. Des collègues des Instituts Cochin, Curie et Pasteur rédigent un premier texte, « Le Silence des agneaux », qui est ensuite longuement discuté, via Internet, puis lors dune rencontre à la mi-décembre réunissant une quarantaine de personnes.
Le texte « Sauvons la Recherche » associé à la menace de démission est né.
La fronde des chercheurs du début 2004 na pas relevé de la génération spontanée. Depuis plus de 10 ans, si les chercheurs français étaient toujours très actifs, lorganisation du système de recherche en France et les moyens de travail des chercheurs laissaient de plus en plus à désirer, surtout en comparaison avec les efforts faits dans dautres pays (Suède, Finlande, Suisse, Canada, USA, Japon, et plus récemment la Chine). En 1998, Claude Allègre veut faire passer en force une réforme de la recherche réformant le CNRS et renforçant la capacité de pilotage de la recherche par le ministère. Larrogante prétention à lomniscience, la brutalité de la méthode font se dresser toute la profession. Pour la première fois dans les luttes des chercheurs français, Internet va permettre une réponse fulgurante, et pour la première
fois de son histoire, le Comité National (Parlement du CNRS) sauto-saisit et réunit le 14 décembre, à Paris, ses Etats Généraux.
Mars 2003 : aux annulations de crédits du début de lannée, le gouvernement Raffarin ajoute des gels, qui portent à environ 30% la diminution des moyens des labos. Le site « Sauvons la recherche » est alors créé, et immédiatement utilisé pour lancer « Lappel de Cochin », dénonçant cette politique et appelant à un « enterrement de la recherche » le 10 avril au Panthéon. Cette manifestation-spectacle rencontre un bon écho dans les médias. Dans les semaines qui suivent, les réactions syndicales, celles de personnalités médiatiques et de chercheurs sur le site aboutissent à ce quune partie des gels annoncés soient réduits. Le 30 juin, une assemblée exceptionnelle réunissant tout le Comité National débat de la situation et condamne vigoureusement la politique de recherche du gouvernement. Les chercheurs, eux, sont rentrés sagement dans leurs laboratoires.
En novembre-décembre, on apprend que le gouvernement a décidé de diminuer denviron 5 000 en 2004 le nombre de fonctionnaires (en ne remplaçant pas tous les départs à la retraite), et que plus de 10% de ces postes (550) seraient pris aux organismes de recherche, dans lesquels ne se trouvent pourtant quenviron 1% des fonctionnaires. Concrètement, cela implique, par exemple, que le nombre de postes mis au concours à lInserm, passera de 95 en 2002 à 30 en 2004.
De nombreux chercheurs ne comprennent pas ce qui leur arrive, ce qui motive une décision aussi brutale, et restent tétanisés. Ce nest pourtant pas compliqué. Les difficultés budgétaires, pour réelles quelles soient, ne peuvent expliquer ces choix, qui mettent en uvre une série didées grossières. (1) Toute activité doit pouvoir être évaluée en fonction dune rentabilité à court terme. (2) La fonction publique doit être considérée comme une source de dépenses quil faut réduire coûte que coûte, même si cela doit casser des secteurs entiers dactivité. (3) Les organismes de recherche et en particulier le CNRS constituent un système obsolète, coûteux, et un repaire délecteurs de gauche. Il faut le casser.
Le Directeur Général de lInserm, Christian Bréchot prend toute lannée 2003 une série de mesures qui aggravent les décisions gouvernementales. Nombre de chercheurs attendent avec inquiétude le prochain coup qui les frappera et les humiliera un peu plus. Chez dautres, tout ceci a provoqué la colère. Des collègues des Instituts Cochin, Curie et Pasteur rédigent un premier texte, « Le Silence des agneaux », qui est ensuite longuement discuté, via Internet, puis lors dune rencontre à la mi-décembre réunissant une quarantaine de personnes.
Le texte « Sauvons la Recherche » associé à la menace de démission est né.