Sortie du DVD de Notre Monde
Notre Monde Notre Monde (2013, 119') un film de Thomas LacosteRassemblant plus de 35 intervenants, philosophes, sociologues, économistes, magistrats, médecins, universitaires et écrivains, Notre Monde propose un espace dexpression pour travailler, comme nous y enjoint JeanLuc Nancy à « une pensée commune ». Plus encore quun libre espace de parole, Notre Monde sappuie sur un ensemble foisonnant de propositions concrètes pour agir comme un rappel essentiel, individuel et collectif : « faites de la politique » et de préférence autrement.
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© Passant n°47 [octobre 2003 - décembre 2003]
© Passant n°47 [octobre 2003 - décembre 2003]
par Hugues Jallon
Imprimer l'articlePremier rapport denquête sur un point de déséquilibre majeur en Haute Mer
Objet : Sealand-la Base
Préambule
Préambule
Madame, messieurs,
Conformément à la demande que vous avez souhaité formuler, je me permets de vous adresser le rapport préliminaire exposant les premiers résultats de lenquête sur la Base et ses activités (voir lettre de mission en annexe) conduite depuis maintenant sept mois par lÉquipe spéciale (ES) placée sous ma direction.
Les sommes engagées et le temps déjà considérables consacrés à cette enquête nous ont heureusement permis de clarifier une situation dont vous avez su, à lépoque, mesurer les menaces que sa pérennisation pouvait faire peser sur le fonctionnement de la vie, ainsi que le risque de déstabilisation quelle faisait courir aux principes de liberté et de tolérance, aux institutions internationales chargées de garantir leur respect et dassurer, dans le cadre de leurs missions, les formes de la stabilité globale nécessaire à la poursuite de votre activité.
Vous connaissez depuis longtemps la conviction qui manime ainsi que les membres de lES, notre ancienne fidélité à lidée désormais commune et partagée que notre présent et notre avenir doivent être sûrement guidés par le sentiment dappartenance aux valeurs douverture définie par la Charte et ses amendements ainsi quune vigilance aiguë devant tout risque de retour aux errements passés et à leurs cortèges dintolérance, de misère, de sclérose et de paralysie sociales. Notre conviction comme la vôtre est que les structures déchanges culturels, commerciaux, financiers, intellectuels intenses, les sociétés de droit et de responsabilité qui forment larchitecture pacifique et transparente comme leau douce de nos existences forment en létat actuel des possibilités culturelles de lhumanité un horizon probablement indépassable. Il va de soi, vous laurez compris, que le renfort de ce sentiment de responsabilité devant les risques encourus par notre monde était une condition importante, voire décisive, à la réussite de la mission que vous nous avez confiée.
En accord avec lordre de mission de la décision constitutive n° 215 ES/6.5, vous avez souhaité que lES inscrive sa réflexion et son action dans une logique proactive. Vous avez souhaité que lidentification de signaux faibles et moins faibles annonciateurs de risques éventuels et de facteurs dincertitude dont lapparition progressive est susceptible de déstabiliser durablement la trame des rapports humains exposée dans la Charte et ses amendements, forme le point de départ et le cur de son travail. Lautre partie cruciale de sa mission avant dissolution définitive de la structure et dispersion de ses membres résidait dans la proposition doptions alternatives et lélaboration de recommandations sur la base danalyses prospectives fondée sur une échelle consolidée des incertitudes potentiellement certain, difficilement probable, certainement invraisemblable, exceptionnellement possible.
Rapport dactivité (extraits)
1
Vous trouverez ci-dessous les extraits de la Synthèse des Conclusions de lEnquête conduite par Joy (SCE-JOY). Lensemble des données et faits rapportés dans ce document a fait lobjet dune procédure complète de validation, à lexception de certains prolongements et causalités souvent formulées à titre dhypothèses invérifiables et à lévidence imputables à la fébrilité mentale des auteurs du document, dispositions dont je rappelle que vous avez souhaité les retenir comme critères de recrutement des membres des ES leur exceptionnelle sensibilité au risque.
Avertissement : en raison de la capacité juridique difficilement évaluable de lobjet de ce rapport, rien ne permet de nous garantir contre le risque de poursuites en diffamation par les représentants daffaires autrichiens de la Base installés à Vienne.
2
Au printemps-été 1997, point de départ de lalerte, notre agent principal se trouve à Miami où elle participe très officiellement depuis un peu plus de trois semaines à des opérations de surveillance ordinaires sur la Zone Caraïbe-Nord (étude dimpact de la dilatation des eaux fonte lente de la cryosphère sur laugmentation des primes dassurances maritimes).
SCE JOY 1 : dans la soirée du 19 juillet, le bruit circule que les autorités ont trouvé dans la chambre de la résidence où lassassin présumé mit fin à ses jours des documents didentité dorigine mal identifiée au nom du propriétaire du bateau (formule entrefilet presse locale du 17 juillet 1997, soit trois jours après les faits : assassinat du couturier italien G. Versace par A. Cunanan). Quelques heures
de travail nous ont permis dauthentifier linformation, en dépit de la stratégie
manifeste mise en uvre pour ne rien laisser filtrer de cet aspect incident de
laffaire. Il ne nous a donc pas été possible davoir accès à ces documents, mais la confirmation de leur existence et, ultérieurement, les précisions quant à leur nature (passeport et certificat de naturalisation), nous ont engagés à poursuivre
linvestigation, en dépit de ce que savez à propos de la défection dEthan, il y a sept mois ce soir William, notre fils, ne manifeste à cet égard aucun signe
dinquiétude et ne le réclame pas.
SCE JOY 2 : Cest sans doute linterruption définitive de lactivité de radio Essex (qui émettait alors à partir de Fort Knock John) qui décida ce personnage secondaire et grotesque à tous égards à occuper Sealand-la Base et à sy installer avec sa famille. Il semble que Roy Bates occupa matériellement les lieux au milieu de lété 1967 à la suite des recommandations plus pressantes de Joan et de ses caprices imbéciles. Les semaines dété qui précédèrent le 2 septembre se passèrent en allers et retours quasi quotidiens. Alors que Joan reprenait ses habitudes au
comptoir des pubs de Felixtown en assurant toutefois les liaisons radios avec la Base, Bates et Bates Jr. embarquaient de nuit ou au petit jour léquipement
nécessaire à leur survie.
La plate-forme de Rough Tower avait alors, sans conteste, depuis son abandon par les autorités militaires britanniques au lendemain de la seconde guerre, toutes les qualités dune res derelicta.
3
Nous savons dores et déjà que lexistence et les activités multiples de la Base coïncident depuis la fin des années soixante avec :
- lexplosion brutale de la capitalisation des mondes offshore,
- la multiplication des abris de fortune, occupations illégales, aires de repos, zones de rachat, communautés, sociétés secrètes, et autres organisations humaines artificielles fermées (des premières retirement communities au
développement des communautés résidentielles militarisées dans les années quatre-vingt-dix)
- le développement de la piraterie radiophonique organisée à partir dinstallations artificielles en haute mer (pour lEurope du Nord qui retient notre attention : Radio Veronica, Radio Caroline, Reclam Explotatie Maatschappij REM auxquels
est rattachable le cas particulier des radio numbers1),
- lappel de la forêt suivi par la fraction dominante de la jeunesse nordiste et des cas isolés danalphabétisation volontaire apparus au même moment que les
premiers cadavres de vieillards décomposés retrouvés bien après que lodeur eut cessé dincommoder le voisinage proche dans les sociétés urbaines et dotées de services dalerte importants et compétents (à noter que, depuis cette période, la durée de décomposition hors sol na cessé de croître, de quelques semaines à parfois une voire deux années), sous leffet conjugué du déclin général de la profitabilité et de laugmentation à terme insoutenable de la pression fiscale parallèle à lamorce du plan dorganisation accélérée de la désintermédiation bancaire par les autorités publiques (pour, disent-elles alors, discrètement
donner de lair au capital)2 ;
4
La période 1966-1967 coïncide aussi probablement (information non vérifiée) avec la clôture officielle du cycle de lexploration territoriale mondiale annoncée par le Président Lyndon Johnson en juillet 1966 et surtout le 1er novembre 1967 soit deux mois presque jour pour jour après la déclaration officielle
dindépendance de Sealand-la Base , devant lAssemblée générale des Nations unies qui consacre la notion de Bien ou Patrimoine Commun (res communis) à propos de ce quil sera convenu dappeler officiellement La Zone pour désigner lensemble des fonds marins sous-jacents à la Haute Mer, sol et sous-sols
hors plateaux continentaux et Zones économiques exclusives des États côtiers
conférence de Montego Bay, 1982). Pendant la même année 1967, année
internationale du Tourisme des Nations unies, les possibilités doccupation ou de conquête des res ou terrae nullius disparaissent tout à fait et par anticipation
de lhorizon des désirs et des activités humains très strictement encadrés pour ce qui concerne lespace extra-atmosphérique, la Lune et les autres corps célestes (Traité spatial général, 27 janvier 1967).
SCE Joy 3 : Il nous a été impossible détablir la liste des membres-
ressortissants de la Base, hors famille dirigeante (époux Bates, un fils Michael dont lexistence est avérée, une seule mention est faite dune fille Pénélope dans lAnnuaire de droit international de la Haye de 1989, à propos dun incident
survenu en 1968 sans intérêt dans le cadre de cette enquête préliminaire) : un board informel de consultants juristes avocats internationaux daffaires officiellement
rattachés à des cabinets fiduciaires de la Zone Centre-Europe (Allemagne, Autriche), à qui sont attribués les quelque trois cents passeports officiels aujourdhui en
circulation dont il apparaît que plusieurs dentre eux ont reçu les visas de pays
dentrée incontestables France, Grande-Bretagne, Allemagne (qui laissent entier le problème particulièrement délicat de la masse de passeports en circulation et
présentés comme pièce didentification unique par les travailleurs clandestins des centres-zones de transit-rétention de la zone Manche-Sud. Information confidentielle fermement démenties par les autorités normandes).
SCE Joy 4 : Des diverses contributions de juristes il nous est difficile de déterminer la date à laquelle Sealand-la Base cesse dêtre considérée comme
un simple établissement technique privé au même titre que les îles flottantes
artificielles 3 et les plates-formes uni- ou multi-fonctionnelles.
5
A très juste titre, Joy névoque pas le cas des naïvetés purement virtuelles-numériques (micro-nations imaginaires) à partir du moment où lhypothèse sérieusement adoptée ici est que depuis la fin des années soixante, le nouveau cycle daccélération de laccumulation du capital peut véritablement bondir
jusquà la Lune4.
[ ] En moins de quarante ans durée de vie absolument exceptionnelle pour ce genre détablissement le groupe de Sealand (et ses représentants daffaires autrichiens) a accumulé et assemblé les éléments susceptibles détablir sa
reconnaissance internationale comme entité souveraine hors gadgets (hymne, monnaie, sceau, drapeau, timbres, etc.) et folklore monarchique (statut de principauté) parmi lesquels la déclaration dincompétence du Juge Justice Chapman (tribunal de Chelmsfort, Essex) le 25 octobre 1968 sur les faits concernant Sealand. La position de refus officielle du gouvernement britannique sest
révélée compatible avec une seconde décision de justice en 1984 dans laquelle les membres du groupe bénéficient dune exemption de paiement de leur
cotisation sociale pendant toute la durée de leur séjour sur la Base. La décision unilatérale du gouvernement britannique détendre la limite de ses eaux
territoriales de 3 à 12 miles nautiques (1987) ne semble pas avoir eu dincidence sur la situation ainsi créée [ ]
Premières conclusions
Toutes ces années, vous vous êtes largement occupés à identifier, réduire et anéantir les zones talibanisées, tous les points de résistance aux valeurs qui rendent tout à la fois acceptable notre coexistence et soutenable lhorizon de notre disparition, vous avez ignoré les risques réels, vous navez pas vu venir les sources potentielles de danger véritable, vous avez dans le même temps laissé se créer plus que des abris de fortune, des mondes durablement enclavés pour accélérer, pensiez-vous en secret, le cycle de laccumulation et de linvestissement, des zones de rachat destinées, pensiez-vous, à unir plus vite encore les points séparés du globe.
Je ne vous parle pas de ces provisoires et souvent malheureuses petites expériences de déconnexions, de ces débranchements momentanés qui parfois matérialisent les rêves et autres songeries de sortie du monde.
Je ne vous parle pas de ces rêves inoffensifs pour les principes que nous nous employons à défendre et à promouvoir et qui ont au contraire, vous le savez, toute leur place dans la nouvelle dynamique daccumulation.
Je vous parle dun point de déséquilibre majeur en Haute Mer, quelques mètres carrés de métal inutiles qui émergent de leau épaisse, je vous parle de lassemblage patient et progressif dune fiction lourde deffets puissants, mais pour lheure encore impossibles à évaluer, je vous parle dun point dappui discret capable à terme de soulever notre monde et les
principes qui lorganisent.
Vous conviendrez, à la lecture de ces analyses préalables, que lenquête engagée par lES doit naturellement être conduite jusquà son terme, en particulier pour ce qui concerne lactivité des représentants daffaires autrichiens qui jouent un rôle déterminant dans cette histoire.
Préambule
Madame, messieurs,
Conformément à la demande que vous avez souhaité formuler, je me permets de vous adresser le rapport préliminaire exposant les premiers résultats de lenquête sur la Base et ses activités (voir lettre de mission en annexe) conduite depuis maintenant sept mois par lÉquipe spéciale (ES) placée sous ma direction.
Les sommes engagées et le temps déjà considérables consacrés à cette enquête nous ont heureusement permis de clarifier une situation dont vous avez su, à lépoque, mesurer les menaces que sa pérennisation pouvait faire peser sur le fonctionnement de la vie, ainsi que le risque de déstabilisation quelle faisait courir aux principes de liberté et de tolérance, aux institutions internationales chargées de garantir leur respect et dassurer, dans le cadre de leurs missions, les formes de la stabilité globale nécessaire à la poursuite de votre activité.
Vous connaissez depuis longtemps la conviction qui manime ainsi que les membres de lES, notre ancienne fidélité à lidée désormais commune et partagée que notre présent et notre avenir doivent être sûrement guidés par le sentiment dappartenance aux valeurs douverture définie par la Charte et ses amendements ainsi quune vigilance aiguë devant tout risque de retour aux errements passés et à leurs cortèges dintolérance, de misère, de sclérose et de paralysie sociales. Notre conviction comme la vôtre est que les structures déchanges culturels, commerciaux, financiers, intellectuels intenses, les sociétés de droit et de responsabilité qui forment larchitecture pacifique et transparente comme leau douce de nos existences forment en létat actuel des possibilités culturelles de lhumanité un horizon probablement indépassable. Il va de soi, vous laurez compris, que le renfort de ce sentiment de responsabilité devant les risques encourus par notre monde était une condition importante, voire décisive, à la réussite de la mission que vous nous avez confiée.
En accord avec lordre de mission de la décision constitutive n° 215 ES/6.5, vous avez souhaité que lES inscrive sa réflexion et son action dans une logique proactive. Vous avez souhaité que lidentification de signaux faibles et moins faibles annonciateurs de risques éventuels et de facteurs dincertitude dont lapparition progressive est susceptible de déstabiliser durablement la trame des rapports humains exposée dans la Charte et ses amendements, forme le point de départ et le cur de son travail. Lautre partie cruciale de sa mission avant dissolution définitive de la structure et dispersion de ses membres résidait dans la proposition doptions alternatives et lélaboration de recommandations sur la base danalyses prospectives fondée sur une échelle consolidée des incertitudes potentiellement certain, difficilement probable, certainement invraisemblable, exceptionnellement possible.
Rapport dactivité (extraits)
1
Vous trouverez ci-dessous les extraits de la Synthèse des Conclusions de lEnquête conduite par Joy (SCE-JOY). Lensemble des données et faits rapportés dans ce document a fait lobjet dune procédure complète de validation, à lexception de certains prolongements et causalités souvent formulées à titre dhypothèses invérifiables et à lévidence imputables à la fébrilité mentale des auteurs du document, dispositions dont je rappelle que vous avez souhaité les retenir comme critères de recrutement des membres des ES leur exceptionnelle sensibilité au risque.
Avertissement : en raison de la capacité juridique difficilement évaluable de lobjet de ce rapport, rien ne permet de nous garantir contre le risque de poursuites en diffamation par les représentants daffaires autrichiens de la Base installés à Vienne.
2
Au printemps-été 1997, point de départ de lalerte, notre agent principal se trouve à Miami où elle participe très officiellement depuis un peu plus de trois semaines à des opérations de surveillance ordinaires sur la Zone Caraïbe-Nord (étude dimpact de la dilatation des eaux fonte lente de la cryosphère sur laugmentation des primes dassurances maritimes).
SCE JOY 1 : dans la soirée du 19 juillet, le bruit circule que les autorités ont trouvé dans la chambre de la résidence où lassassin présumé mit fin à ses jours des documents didentité dorigine mal identifiée au nom du propriétaire du bateau (formule entrefilet presse locale du 17 juillet 1997, soit trois jours après les faits : assassinat du couturier italien G. Versace par A. Cunanan). Quelques heures
de travail nous ont permis dauthentifier linformation, en dépit de la stratégie
manifeste mise en uvre pour ne rien laisser filtrer de cet aspect incident de
laffaire. Il ne nous a donc pas été possible davoir accès à ces documents, mais la confirmation de leur existence et, ultérieurement, les précisions quant à leur nature (passeport et certificat de naturalisation), nous ont engagés à poursuivre
linvestigation, en dépit de ce que savez à propos de la défection dEthan, il y a sept mois ce soir William, notre fils, ne manifeste à cet égard aucun signe
dinquiétude et ne le réclame pas.
SCE JOY 2 : Cest sans doute linterruption définitive de lactivité de radio Essex (qui émettait alors à partir de Fort Knock John) qui décida ce personnage secondaire et grotesque à tous égards à occuper Sealand-la Base et à sy installer avec sa famille. Il semble que Roy Bates occupa matériellement les lieux au milieu de lété 1967 à la suite des recommandations plus pressantes de Joan et de ses caprices imbéciles. Les semaines dété qui précédèrent le 2 septembre se passèrent en allers et retours quasi quotidiens. Alors que Joan reprenait ses habitudes au
comptoir des pubs de Felixtown en assurant toutefois les liaisons radios avec la Base, Bates et Bates Jr. embarquaient de nuit ou au petit jour léquipement
nécessaire à leur survie.
La plate-forme de Rough Tower avait alors, sans conteste, depuis son abandon par les autorités militaires britanniques au lendemain de la seconde guerre, toutes les qualités dune res derelicta.
3
Nous savons dores et déjà que lexistence et les activités multiples de la Base coïncident depuis la fin des années soixante avec :
- lexplosion brutale de la capitalisation des mondes offshore,
- la multiplication des abris de fortune, occupations illégales, aires de repos, zones de rachat, communautés, sociétés secrètes, et autres organisations humaines artificielles fermées (des premières retirement communities au
développement des communautés résidentielles militarisées dans les années quatre-vingt-dix)
- le développement de la piraterie radiophonique organisée à partir dinstallations artificielles en haute mer (pour lEurope du Nord qui retient notre attention : Radio Veronica, Radio Caroline, Reclam Explotatie Maatschappij REM auxquels
est rattachable le cas particulier des radio numbers1),
- lappel de la forêt suivi par la fraction dominante de la jeunesse nordiste et des cas isolés danalphabétisation volontaire apparus au même moment que les
premiers cadavres de vieillards décomposés retrouvés bien après que lodeur eut cessé dincommoder le voisinage proche dans les sociétés urbaines et dotées de services dalerte importants et compétents (à noter que, depuis cette période, la durée de décomposition hors sol na cessé de croître, de quelques semaines à parfois une voire deux années), sous leffet conjugué du déclin général de la profitabilité et de laugmentation à terme insoutenable de la pression fiscale parallèle à lamorce du plan dorganisation accélérée de la désintermédiation bancaire par les autorités publiques (pour, disent-elles alors, discrètement
donner de lair au capital)2 ;
4
La période 1966-1967 coïncide aussi probablement (information non vérifiée) avec la clôture officielle du cycle de lexploration territoriale mondiale annoncée par le Président Lyndon Johnson en juillet 1966 et surtout le 1er novembre 1967 soit deux mois presque jour pour jour après la déclaration officielle
dindépendance de Sealand-la Base , devant lAssemblée générale des Nations unies qui consacre la notion de Bien ou Patrimoine Commun (res communis) à propos de ce quil sera convenu dappeler officiellement La Zone pour désigner lensemble des fonds marins sous-jacents à la Haute Mer, sol et sous-sols
hors plateaux continentaux et Zones économiques exclusives des États côtiers
conférence de Montego Bay, 1982). Pendant la même année 1967, année
internationale du Tourisme des Nations unies, les possibilités doccupation ou de conquête des res ou terrae nullius disparaissent tout à fait et par anticipation
de lhorizon des désirs et des activités humains très strictement encadrés pour ce qui concerne lespace extra-atmosphérique, la Lune et les autres corps célestes (Traité spatial général, 27 janvier 1967).
SCE Joy 3 : Il nous a été impossible détablir la liste des membres-
ressortissants de la Base, hors famille dirigeante (époux Bates, un fils Michael dont lexistence est avérée, une seule mention est faite dune fille Pénélope dans lAnnuaire de droit international de la Haye de 1989, à propos dun incident
survenu en 1968 sans intérêt dans le cadre de cette enquête préliminaire) : un board informel de consultants juristes avocats internationaux daffaires officiellement
rattachés à des cabinets fiduciaires de la Zone Centre-Europe (Allemagne, Autriche), à qui sont attribués les quelque trois cents passeports officiels aujourdhui en
circulation dont il apparaît que plusieurs dentre eux ont reçu les visas de pays
dentrée incontestables France, Grande-Bretagne, Allemagne (qui laissent entier le problème particulièrement délicat de la masse de passeports en circulation et
présentés comme pièce didentification unique par les travailleurs clandestins des centres-zones de transit-rétention de la zone Manche-Sud. Information confidentielle fermement démenties par les autorités normandes).
SCE Joy 4 : Des diverses contributions de juristes il nous est difficile de déterminer la date à laquelle Sealand-la Base cesse dêtre considérée comme
un simple établissement technique privé au même titre que les îles flottantes
artificielles 3 et les plates-formes uni- ou multi-fonctionnelles.
5
A très juste titre, Joy névoque pas le cas des naïvetés purement virtuelles-numériques (micro-nations imaginaires) à partir du moment où lhypothèse sérieusement adoptée ici est que depuis la fin des années soixante, le nouveau cycle daccélération de laccumulation du capital peut véritablement bondir
jusquà la Lune4.
[ ] En moins de quarante ans durée de vie absolument exceptionnelle pour ce genre détablissement le groupe de Sealand (et ses représentants daffaires autrichiens) a accumulé et assemblé les éléments susceptibles détablir sa
reconnaissance internationale comme entité souveraine hors gadgets (hymne, monnaie, sceau, drapeau, timbres, etc.) et folklore monarchique (statut de principauté) parmi lesquels la déclaration dincompétence du Juge Justice Chapman (tribunal de Chelmsfort, Essex) le 25 octobre 1968 sur les faits concernant Sealand. La position de refus officielle du gouvernement britannique sest
révélée compatible avec une seconde décision de justice en 1984 dans laquelle les membres du groupe bénéficient dune exemption de paiement de leur
cotisation sociale pendant toute la durée de leur séjour sur la Base. La décision unilatérale du gouvernement britannique détendre la limite de ses eaux
territoriales de 3 à 12 miles nautiques (1987) ne semble pas avoir eu dincidence sur la situation ainsi créée [ ]
Premières conclusions
Toutes ces années, vous vous êtes largement occupés à identifier, réduire et anéantir les zones talibanisées, tous les points de résistance aux valeurs qui rendent tout à la fois acceptable notre coexistence et soutenable lhorizon de notre disparition, vous avez ignoré les risques réels, vous navez pas vu venir les sources potentielles de danger véritable, vous avez dans le même temps laissé se créer plus que des abris de fortune, des mondes durablement enclavés pour accélérer, pensiez-vous en secret, le cycle de laccumulation et de linvestissement, des zones de rachat destinées, pensiez-vous, à unir plus vite encore les points séparés du globe.
Je ne vous parle pas de ces provisoires et souvent malheureuses petites expériences de déconnexions, de ces débranchements momentanés qui parfois matérialisent les rêves et autres songeries de sortie du monde.
Je ne vous parle pas de ces rêves inoffensifs pour les principes que nous nous employons à défendre et à promouvoir et qui ont au contraire, vous le savez, toute leur place dans la nouvelle dynamique daccumulation.
Je vous parle dun point de déséquilibre majeur en Haute Mer, quelques mètres carrés de métal inutiles qui émergent de leau épaisse, je vous parle de lassemblage patient et progressif dune fiction lourde deffets puissants, mais pour lheure encore impossibles à évaluer, je vous parle dun point dappui discret capable à terme de soulever notre monde et les
principes qui lorganisent.
Vous conviendrez, à la lecture de ces analyses préalables, que lenquête engagée par lES doit naturellement être conduite jusquà son terme, en particulier pour ce qui concerne lactivité des représentants daffaires autrichiens qui jouent un rôle déterminant dans cette histoire.
* Directeur littéraire aux Editions La Découverte.
(1) Pour rappel, les radio numbers désignent des fréquences radio émettant de manière discontinue et aléatoire des séries de nombres dont le code na pu, jusquà ce jour, être décrypté. La première hypothèse crédible des services qui avérait lorigine militaire de ces messages chiffrés na pas, comme on le sait, résisté à la fin des conflits dans la zone, où depuis les émissions continuent. La piste de minorités politiques actives dans les premières années de la crise asiatique et le réservoir dangoisses danticipations dactions de groupes non-contrôlés, non-identifiés, non-situables sur léchelle classant ces
éléments selon des critères de positionnement idéologique politico-stratégique, de capacité déstabilisatrice, et/ou violente, en dépit de toutes les tentatives dinfiltration, na pour linstant pas abouti. Le sursis de la période suivante ne change pas la donne. Les émissions continuent dans la période plus récente marquée par les effets de plus en plus aigus de la crise qui sétend au continent européen par lEst ; la recrudescence des actes de piraterie isolés dans la zone a récemment conduit à la réouverture dune enquête parallèle, dont les résultats manquent à ce jour.
(2) Source : Ronen Palan, The Offshore world, sovereign markets, virtual places, and nomad millionaires, Cornell UP, 2003
(3) Et autres projets de construction non définitivement fixés à la terre plus ou moins animés dun espoir de sécession. Voir les cas détudes dAtlantis (Floride), Abalonia (110 miles de San Diego, Californie), République de Minerva (iles Tonga), République du grand Capri (Floride).
(4) Cf. Pr I. Angell The term capital flight will take on a whole new meaning The future of Money, Financial Times, 22 décembre 1997
(1) Pour rappel, les radio numbers désignent des fréquences radio émettant de manière discontinue et aléatoire des séries de nombres dont le code na pu, jusquà ce jour, être décrypté. La première hypothèse crédible des services qui avérait lorigine militaire de ces messages chiffrés na pas, comme on le sait, résisté à la fin des conflits dans la zone, où depuis les émissions continuent. La piste de minorités politiques actives dans les premières années de la crise asiatique et le réservoir dangoisses danticipations dactions de groupes non-contrôlés, non-identifiés, non-situables sur léchelle classant ces
éléments selon des critères de positionnement idéologique politico-stratégique, de capacité déstabilisatrice, et/ou violente, en dépit de toutes les tentatives dinfiltration, na pour linstant pas abouti. Le sursis de la période suivante ne change pas la donne. Les émissions continuent dans la période plus récente marquée par les effets de plus en plus aigus de la crise qui sétend au continent européen par lEst ; la recrudescence des actes de piraterie isolés dans la zone a récemment conduit à la réouverture dune enquête parallèle, dont les résultats manquent à ce jour.
(2) Source : Ronen Palan, The Offshore world, sovereign markets, virtual places, and nomad millionaires, Cornell UP, 2003
(3) Et autres projets de construction non définitivement fixés à la terre plus ou moins animés dun espoir de sécession. Voir les cas détudes dAtlantis (Floride), Abalonia (110 miles de San Diego, Californie), République de Minerva (iles Tonga), République du grand Capri (Floride).
(4) Cf. Pr I. Angell The term capital flight will take on a whole new meaning The future of Money, Financial Times, 22 décembre 1997