Sortie du DVD de Notre Monde
Notre Monde Notre Monde (2013, 119') un film de Thomas LacosteRassemblant plus de 35 intervenants, philosophes, sociologues, économistes, magistrats, médecins, universitaires et écrivains, Notre Monde propose un espace dexpression pour travailler, comme nous y enjoint JeanLuc Nancy à « une pensée commune ». Plus encore quun libre espace de parole, Notre Monde sappuie sur un ensemble foisonnant de propositions concrètes pour agir comme un rappel essentiel, individuel et collectif : « faites de la politique » et de préférence autrement.
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© Passant n°47 [octobre 2003 - décembre 2003]
© Passant n°47 [octobre 2003 - décembre 2003]
par Patrick Baudry
Imprimer l'articleIl ny a quun monde-s
Cest parce quil ny a quun monde, quil y a pluralité des rapports au monde, diversité et conflictualité des visions du monde.
En somme », il ny a pas un monde « Un », ni fragmentation de mondes particuliers, capables de con-vivre par bords juxtaposés ou signorant comme si tout du monde était leur monde aux limites maîtrisées. Une culture spécifique, par exemple, est toujours faite de lassemblage mal prévisible et de larticulation sans cesse en mouvement dorigines étrangères et parfois a priori incompatibles. Cest bien pourquoi je peux avoir de la conversation avec des gens dont jignore tout des codes sociaux. Ces codes particularisent des mondes sociaux, mais ceux-ci réfèrent à des rapports au monde. Ce sont ces rapports qui nous rapportent précisément à un monde, cest-à-dire à sa nécessaire mise en discussion.
On comprend ainsi aisément ce quest la domination : laisser entendre quil ny a pas dautre monde possible que le monde social quelle domine. En adoptant une position subalterne à
lintérieur de cet unique monde, vous vous adaptez au système qui simpose à vous. Et cest bien tout ce quon vous demande. « En échange », ils accepteront votre différence, comme on parle de différence de degré. Comme sil ny avait aucun autre choix possible que celui de vivre une des variantes possibles de ce monde unique. La différence na rien ici dune alternative, elle nest quune interprétation autorisée par la « partition ». Vous nêtes pas compositeur et vous ne jouez pas très bien, mais ce nest pas grave du moment que vous jouez à votre façon la partition écrite pour vous, conçue pour votre bien. Nallez pas résister à ce bien-là, ce serait mal. Si lon distribue les cartes et que vous ne connaissez pas les règles, cela na aucune importance : du moment que ceux qui les connaissent, parce quils les établissent et les modifient chaque fois que cela les arrange, gagnent toujours. Une telle imposture se fonde notamment sur un mépris total pour lordinaire et le singulier, ces autres mondes qui ne compteraient pas, qui seraient englobés par le monde dominateur. Or sil sagit de jouer « mythe contre mythe », ce nest pas ailleurs quil faut aller. Ce nest pas « ici », mais ici et là, par-ci, par-là, çà et là1 Ainsi que nous le faisons dans la vie quotidienne.
Car les autres mondes ne sont pas là où des charlatans nous les indiquent pour nous adapter en fait à ce monde-ci. Ainsi, par exemple, cette exploration des potentialités enfouies. Il sagit là de cette religiosité à la carte où se mélangent le marketing enchanteur des Disneyworld et le goût pour les mysticismes corporels et le sacré psychologisant. Chacun devrait devenir son propre spéléologue et ainsi soccuper le temps. Ou encore, il sagit de ce spiritualisme que sert comme une mauvaise soupe, la moralisation du politique que critique Emmanuel Renault2 Ou encore il sagit de croire en des mondes lointains et « parallèles » qui permettraient de patienter ici, de croire que le monde humain est en vérité second au regard dun monde supérieur où nous aurions déjà notre place. Ainsi Auguste Blanqui, dans LEternité par les astres (1871), explique-t-il que nous avons des sosies vivants en dautres planètes et grâce à qui nous sommes consolés des malheurs que lon rencontre ici : puisque existent des « là-bas » où lon na pas rencontré linfortune3. Lutopie au sens dun ailleurs meilleur peut être un enfermement. Non seulement le meilleur ailleurs peut-il être disciplinaire, totalitaire. Mais aussi, il qualifie négativement lici en le bornant à lici-même, en lui déniant ses ubiquités, ses entre-deux. Lutopie qui veut la réalisation du rêve peut être de cauchemar, en empêchant préalablement de rêver lici et, plus que de délirer sagement dans son recoin, de vivre létrangeté du quotidien. « Quelque chose se passe en nous, dit Jean Duvignaud, qui ne dépend plus des concepts ou des représentations collectives que nous inventons pour les contrôler »4.
Voudriez-vous croire quil ny a que ce monde normal, hautain et protecteur, avec comme seule solution de rechange la rêverie sage des mondes qui nexistent pas ou « intérieurs » ? Cette histoire suppose quon puisse stopper la complexité ( comme on stoppe un tissu, quon répare un accroc dans le « tissu social ») : ainsi vont-ils nous supprimer la mort, le sexe, la violence, tout ce qui nous empêche de vivre, disent-ils. Tout ce qui trame en vérité la vie quotidienne, et qui fait que le quotidien nest pas seulement quotidien.
La vie quotidienne, en effet, nest pas seulement enlisement, répétition morne, aliénation de la « quotidienneté » dont
parlait Henri Lefebvre. Le quotidien est aussi ce qui relie à des temporalités complexes qui font de chaque jour lendroit instable où la vie vient5. Je vous le raconterai ainsi.
La pluie vient au bout des arbres.
Lair tremble. Un mouvement se glisse. Vos cheveux avancent. Un sourire sarrête à lombre du mur. Il y a des mondes qui passent sous tes paupières. Et près de ce miroir, quand tu clignes tes yeux, cela minonde. Hôtel de Paris. Suresnes.
Je trouve cela curieux. Cest comme cela. On monte les marches quatre à quatre. Ne pas défaire les valises. Jouvre la fenêtre. La pluie ruisselle encore. Au loin la gare.
Jarrêterai bientôt le train violent qui siffle et coupe à travers moi. Sur le quai, dans la cohue, jai vu ta jambe. La pluie revient de tes épaules.
Tes yeux viennent pousser la porte.
Je monterai à ta prochaine.
Les flaques saspergent. Vous croyez que je vous regarde alors que jai disparu au coin de cette goutte au bord de votre bouche. Vraiment la pluie est un mouvement. Cela sent la ville.
Un air grésille sous vos pieds. Vous tendez un geste. Vous risquez un cri. Ils disent que tu es dingue. Plein de gens sont passés ici. Contre ce mur.
Ah, debout, cest un peu plus fatigant, peut-être, mais ça donne lidée quon va casser la baraque. Ça mintéresse vraiment ton enquête. Tu tournes
la tête vers la fenêtre. La pluie maintenant rentre par rasades entières sur le parquet. Hôtel de Paris à Suresnes, avec la fenêtre ouverte, la pluie qui ruisselle, le train qui siffle, le train qui traverse la voie, ta voix qui sétrangle, tes hanches qui bougent, ta salive qui vient à fond de train.
Quand tu hurles que tu voudras toujours, les façades me viennent, les pavés coulent dans ton son, le feu bleu passe. La ville entière bascule dans son image et cest la tienne.
Bien sûr, il arrive que le monde urbain semble sépuiser. Alors on croit pouvoir être un peu seul. Mais il ne dort jamais. Il promène les arbres, il cause au vent, il se déguise en nuit, il marche aussi dans le bruit silencieux : au fond de ce café où je ne sais pas
ce qui me prend. Ton pas, ta nuque. Tout ce mouvement des gens qui passent dans ton regard, la gare épuisée au bout du parapluie, un hôtel, une pause, un peu de brouillard, de la fatigue, du reposé, du pour plus tard, de linsensé dedans tes larmes, du bougé dans ton mouchoir, de lamertume de tes lèvres dont je voudrais cueillir le feu, du bout du monde en ce milieu dans la ville électrique, de létendue, létendue bleue pour jouer aux pirates, à la cabane, à la voiture, au voyage, au comme tu veux, si tu veux.
Tu dis que je débloque, et que tu aimes. Moi je dis que vous passez dans chaque mur. Un ventre à danser sur le feu, des pieds nus, des sourires parfois, des ciels bleus dans le fond de ton front, votre avancée aux fenêtres.
Ils avançaient sur les trottoirs, ils souriaient par la fenêtre. Les morts ne meurent-ils donc jamais, quon sen souvienne nimporte où ?..
Et vous qui fermez les yeux si bien sur la photographie que tu mavais fait prendre ? Un unique monde un, disent-ils ? Tu parles.
On comprend ainsi aisément ce quest la domination : laisser entendre quil ny a pas dautre monde possible que le monde social quelle domine. En adoptant une position subalterne à
lintérieur de cet unique monde, vous vous adaptez au système qui simpose à vous. Et cest bien tout ce quon vous demande. « En échange », ils accepteront votre différence, comme on parle de différence de degré. Comme sil ny avait aucun autre choix possible que celui de vivre une des variantes possibles de ce monde unique. La différence na rien ici dune alternative, elle nest quune interprétation autorisée par la « partition ». Vous nêtes pas compositeur et vous ne jouez pas très bien, mais ce nest pas grave du moment que vous jouez à votre façon la partition écrite pour vous, conçue pour votre bien. Nallez pas résister à ce bien-là, ce serait mal. Si lon distribue les cartes et que vous ne connaissez pas les règles, cela na aucune importance : du moment que ceux qui les connaissent, parce quils les établissent et les modifient chaque fois que cela les arrange, gagnent toujours. Une telle imposture se fonde notamment sur un mépris total pour lordinaire et le singulier, ces autres mondes qui ne compteraient pas, qui seraient englobés par le monde dominateur. Or sil sagit de jouer « mythe contre mythe », ce nest pas ailleurs quil faut aller. Ce nest pas « ici », mais ici et là, par-ci, par-là, çà et là1 Ainsi que nous le faisons dans la vie quotidienne.
Car les autres mondes ne sont pas là où des charlatans nous les indiquent pour nous adapter en fait à ce monde-ci. Ainsi, par exemple, cette exploration des potentialités enfouies. Il sagit là de cette religiosité à la carte où se mélangent le marketing enchanteur des Disneyworld et le goût pour les mysticismes corporels et le sacré psychologisant. Chacun devrait devenir son propre spéléologue et ainsi soccuper le temps. Ou encore, il sagit de ce spiritualisme que sert comme une mauvaise soupe, la moralisation du politique que critique Emmanuel Renault2 Ou encore il sagit de croire en des mondes lointains et « parallèles » qui permettraient de patienter ici, de croire que le monde humain est en vérité second au regard dun monde supérieur où nous aurions déjà notre place. Ainsi Auguste Blanqui, dans LEternité par les astres (1871), explique-t-il que nous avons des sosies vivants en dautres planètes et grâce à qui nous sommes consolés des malheurs que lon rencontre ici : puisque existent des « là-bas » où lon na pas rencontré linfortune3. Lutopie au sens dun ailleurs meilleur peut être un enfermement. Non seulement le meilleur ailleurs peut-il être disciplinaire, totalitaire. Mais aussi, il qualifie négativement lici en le bornant à lici-même, en lui déniant ses ubiquités, ses entre-deux. Lutopie qui veut la réalisation du rêve peut être de cauchemar, en empêchant préalablement de rêver lici et, plus que de délirer sagement dans son recoin, de vivre létrangeté du quotidien. « Quelque chose se passe en nous, dit Jean Duvignaud, qui ne dépend plus des concepts ou des représentations collectives que nous inventons pour les contrôler »4.
Voudriez-vous croire quil ny a que ce monde normal, hautain et protecteur, avec comme seule solution de rechange la rêverie sage des mondes qui nexistent pas ou « intérieurs » ? Cette histoire suppose quon puisse stopper la complexité ( comme on stoppe un tissu, quon répare un accroc dans le « tissu social ») : ainsi vont-ils nous supprimer la mort, le sexe, la violence, tout ce qui nous empêche de vivre, disent-ils. Tout ce qui trame en vérité la vie quotidienne, et qui fait que le quotidien nest pas seulement quotidien.
La vie quotidienne, en effet, nest pas seulement enlisement, répétition morne, aliénation de la « quotidienneté » dont
parlait Henri Lefebvre. Le quotidien est aussi ce qui relie à des temporalités complexes qui font de chaque jour lendroit instable où la vie vient5. Je vous le raconterai ainsi.
La pluie vient au bout des arbres.
Lair tremble. Un mouvement se glisse. Vos cheveux avancent. Un sourire sarrête à lombre du mur. Il y a des mondes qui passent sous tes paupières. Et près de ce miroir, quand tu clignes tes yeux, cela minonde. Hôtel de Paris. Suresnes.
Je trouve cela curieux. Cest comme cela. On monte les marches quatre à quatre. Ne pas défaire les valises. Jouvre la fenêtre. La pluie ruisselle encore. Au loin la gare.
Jarrêterai bientôt le train violent qui siffle et coupe à travers moi. Sur le quai, dans la cohue, jai vu ta jambe. La pluie revient de tes épaules.
Tes yeux viennent pousser la porte.
Je monterai à ta prochaine.
Les flaques saspergent. Vous croyez que je vous regarde alors que jai disparu au coin de cette goutte au bord de votre bouche. Vraiment la pluie est un mouvement. Cela sent la ville.
Un air grésille sous vos pieds. Vous tendez un geste. Vous risquez un cri. Ils disent que tu es dingue. Plein de gens sont passés ici. Contre ce mur.
Ah, debout, cest un peu plus fatigant, peut-être, mais ça donne lidée quon va casser la baraque. Ça mintéresse vraiment ton enquête. Tu tournes
la tête vers la fenêtre. La pluie maintenant rentre par rasades entières sur le parquet. Hôtel de Paris à Suresnes, avec la fenêtre ouverte, la pluie qui ruisselle, le train qui siffle, le train qui traverse la voie, ta voix qui sétrangle, tes hanches qui bougent, ta salive qui vient à fond de train.
Quand tu hurles que tu voudras toujours, les façades me viennent, les pavés coulent dans ton son, le feu bleu passe. La ville entière bascule dans son image et cest la tienne.
Bien sûr, il arrive que le monde urbain semble sépuiser. Alors on croit pouvoir être un peu seul. Mais il ne dort jamais. Il promène les arbres, il cause au vent, il se déguise en nuit, il marche aussi dans le bruit silencieux : au fond de ce café où je ne sais pas
ce qui me prend. Ton pas, ta nuque. Tout ce mouvement des gens qui passent dans ton regard, la gare épuisée au bout du parapluie, un hôtel, une pause, un peu de brouillard, de la fatigue, du reposé, du pour plus tard, de linsensé dedans tes larmes, du bougé dans ton mouchoir, de lamertume de tes lèvres dont je voudrais cueillir le feu, du bout du monde en ce milieu dans la ville électrique, de létendue, létendue bleue pour jouer aux pirates, à la cabane, à la voiture, au voyage, au comme tu veux, si tu veux.
Tu dis que je débloque, et que tu aimes. Moi je dis que vous passez dans chaque mur. Un ventre à danser sur le feu, des pieds nus, des sourires parfois, des ciels bleus dans le fond de ton front, votre avancée aux fenêtres.
Ils avançaient sur les trottoirs, ils souriaient par la fenêtre. Les morts ne meurent-ils donc jamais, quon sen souvienne nimporte où ?..
Et vous qui fermez les yeux si bien sur la photographie que tu mavais fait prendre ? Un unique monde un, disent-ils ? Tu parles.
(1) Voir Jean Didier Urbain, Ethnologue mais pas trop, Paris, Payot, 2003, p. 226.
(2) Voir Emmanuel Renault, Mépris social, Bordeaux, Editions du Passant, 2000, p. 54, qui parle de « la renaissance de ce spiritualisme qui veut faire croire quil suffit de se fonder sur la conscience morale pour agir et que par la seule introspection, notre esprit est capable de retrouver en lui les vérités éternelles qui y sont inscrites depuis toujours. »
(3) Voir Patrick Tacussel, Mythologie des formes sociales, Paris, Méridiens/Klincksieck, 1995, p. 212. On voit ici laspect sinistre que peut revêtir lutopisme. Blanqui lui-même disait que cette éternité de lhomme est « mélancolique ».
(4) Jean Duvignaud, La Genèse des passions dans la vie sociale, Paris, PUF, 1990, p. 194.
(5) Pour Henri Lefebvre, auteur de Critique de la vie quotidienne, Paris, LArche, 2 tomes, 1960 1661, la quotidienneté est misère et richesse : voir La Vie quotidienne dans le monde moderne, Paris, Gallimard, 1968, p. 30, et p. 50 où il écrit : « Dégager les virtualités du quotidien, nest-ce pas rétablir les droits de lappropriation, ce trait caractéristique de lactivité créatrice par laquelle ce qui vient de la nature et de la nécessité se change en uvre, en bien, pour et par lactivité humaine, en liberté ? ». Lenjeu est aussi celui dune rencontre entre la pensée politique et les réflexions philosophiques, contre lidéologie scientiste. Il sagit notamment de mettre laccent sur la modernité et la subjectivité, sur le temps. On peut aujourdhui encore préférer cette analyse composite à la sociologie dun Goffman dont les inlassables descriptions ne permettent délaborer aucune question
au-delà des « cadres sociaux », sauf à se contenter de cette découverte assez indigente (limitée et fausse) de la « sociologie compréhensive » (Weber, Simmel) que latome de toute vie sociale, cest la relation, dont une « grammaire » réglerait la vie quotidienne. Pour une critique de cette pensée des règles qui formeraient tout du social tel quil peut scientifiquement sobserver, et pour revenir sur les questions du sexe, de la mort et de la violence, voir Patrick Baudry La Question de la violence, Bordeaux, Les Éditions du Passant, IVe trimestre 2003.
(2) Voir Emmanuel Renault, Mépris social, Bordeaux, Editions du Passant, 2000, p. 54, qui parle de « la renaissance de ce spiritualisme qui veut faire croire quil suffit de se fonder sur la conscience morale pour agir et que par la seule introspection, notre esprit est capable de retrouver en lui les vérités éternelles qui y sont inscrites depuis toujours. »
(3) Voir Patrick Tacussel, Mythologie des formes sociales, Paris, Méridiens/Klincksieck, 1995, p. 212. On voit ici laspect sinistre que peut revêtir lutopisme. Blanqui lui-même disait que cette éternité de lhomme est « mélancolique ».
(4) Jean Duvignaud, La Genèse des passions dans la vie sociale, Paris, PUF, 1990, p. 194.
(5) Pour Henri Lefebvre, auteur de Critique de la vie quotidienne, Paris, LArche, 2 tomes, 1960 1661, la quotidienneté est misère et richesse : voir La Vie quotidienne dans le monde moderne, Paris, Gallimard, 1968, p. 30, et p. 50 où il écrit : « Dégager les virtualités du quotidien, nest-ce pas rétablir les droits de lappropriation, ce trait caractéristique de lactivité créatrice par laquelle ce qui vient de la nature et de la nécessité se change en uvre, en bien, pour et par lactivité humaine, en liberté ? ». Lenjeu est aussi celui dune rencontre entre la pensée politique et les réflexions philosophiques, contre lidéologie scientiste. Il sagit notamment de mettre laccent sur la modernité et la subjectivité, sur le temps. On peut aujourdhui encore préférer cette analyse composite à la sociologie dun Goffman dont les inlassables descriptions ne permettent délaborer aucune question
au-delà des « cadres sociaux », sauf à se contenter de cette découverte assez indigente (limitée et fausse) de la « sociologie compréhensive » (Weber, Simmel) que latome de toute vie sociale, cest la relation, dont une « grammaire » réglerait la vie quotidienne. Pour une critique de cette pensée des règles qui formeraient tout du social tel quil peut scientifiquement sobserver, et pour revenir sur les questions du sexe, de la mort et de la violence, voir Patrick Baudry La Question de la violence, Bordeaux, Les Éditions du Passant, IVe trimestre 2003.