Sortie du DVD de Notre Monde
Notre Monde Notre Monde (2013, 119') un film de Thomas LacosteRassemblant plus de 35 intervenants, philosophes, sociologues, économistes, magistrats, médecins, universitaires et écrivains, Notre Monde propose un espace dexpression pour travailler, comme nous y enjoint JeanLuc Nancy à « une pensée commune ». Plus encore quun libre espace de parole, Notre Monde sappuie sur un ensemble foisonnant de propositions concrètes pour agir comme un rappel essentiel, individuel et collectif : « faites de la politique » et de préférence autrement.
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© Passant n°44 [avril 2003 - mai 2003]
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La peau du capitalisme
« Pourquoi le capitalisme est malade » titrait Le Monde du 19 juillet 2002. « Pourquoi le capitalisme doit changer » titrait Alternatives économiques de septembre 2002. A remarquer que ces deux titres ne comprenaient pas de point dinterrogation. Cette éminente presse savait et allait tout nous expliquer. Et pourquoi tant détrangetés au mètre carré économiste et au centimètre carré journalistique ? (Là, le point dinterrogation figure car il faut bien reconnaître notre perplexité).
Le mouvement social de Seattle, Porto Alegre et Flo-rence en passant par Millau et Gênes se bat-il contre la mondialisation en soi ou contre la mondialisation ca-pitaliste dont laccélération date des années 1970 où la liberté absolue de circuler fut accordée aux capitaux ? De ce fait, le mouvement social est-il anti-mondialiste comme lont claironné la presse bien-pensante et tous les libéraux ou est-il foncièrement anti-mondialisation capitaliste, cest-à-dire anti-capitaliste, à linsu de beaucoup des participants à ce mouvement dailleurs, ou à leur corps défendant ?
Capitalisme et libéralisme
Insensiblement, au cours des dernières années, une double évolution sest opérée. La première a porté sur lidentification de ladversaire. La plupart des dirigeants ou théoriciens du mouvement avaient dès le début affirmé lobjectif anti-libéral de celui-ci. Mais très vite se posa la question des rapports entre libéralisme et capitalisme : les deux concepts sont-ils équivalents ? Sinon, lanti-libéralisme suffit-il pour construire l« autre monde possible » ?
Le libéralisme est la représentation qua la bourgeoisie du système social le capitalisme dont elle tire profit et pouvoir et dont lessence est lexploitation de la force de travail salariée. Les traits principaux de cette vision du monde sont : la propriété privée est légitime car cest un droit naturel ; le capital est fécond et la rémunération quil reçoit est justifiée.1 Il résulte de ce bric à brac idéologique et bien peu scientifique un projet normatif pour la société : la régulation de celle-ci est assurée par le marché qui na que faire dune action et dun droit collectifs ni dune régulation non marchande ; doù la formidable entreprise en cours depuis vingt ans de privatisations, de limitations des services publics et de la protection sociale, notamment des retraites, de restrictions du droit du travail et dappropriation de toutes les connaissances humaines. Le mouvement social est alors placé devant un choix crucial : faut-il revendiquer une meilleure régulation collective du capitalisme ou faut-il utiliser celle-là pour aller plus loin en remettant en cause le système lui-même ?
Il faut dire que cette alternative était rarement explicitée comme telle. Doù une redoutable ambiguïté que va contribuer à lever partiellement une seconde évolution. Lassés de se faire traiter danti-mondialistes ce qui ne veut strictement rien dire (sauf dans le schéma du relativisme culturel ou, à lautre bord, celui du souverainisme) tant quon ne précise pas de quelle mondialisation il sagit les prétendus anti-mondialistes ont réussi peu à peu à imposer lidée quils étaient des alter-mondialistes. Dans un premier temps, cela agaça fort les faiseurs dopinion, trop heureux de dénigrer un mouvement quils définissaient et qui se définissait lui-même souvent de manière négative, sans propositions constructives. Mais progressivement ils flanchèrent et remplacèrent de plus en plus souvent « anti » par « alter ». Non sans laisser transparaître une nouvelle inquiétude : ce mouvement « alter » ne saviserait-il pas de sattaquer au capitalisme, encouragé par la débâcle financière de celui-ci, par la gigantesque dégradation sociale en guise de refondation et par la dévastation écologique ? Et le quotidien le mieux-pensant français, après avoir titré sur la maladie du capitalisme2, a alerté ses lecteurs sur un nouveau danger : « Lanti-capitalisme fait peau neuve »3. Pour aussitôt se et nous rassurer : « La remise en cause des excès du capitalisme se construit autant sinon plus sur des comportements individuels que sur des engagements collectifs. » Sil ny a que les excès à contester et à corriger, chacun chez soi y suffira ! Tout danger de mouvement collectif sera facilement circonscrit si ce mouvement na pas de visée systémique.
Mais quest-ce quun mouvement qui aurait une telle portée ? Dominique Plihon, président du conseil scientifique dATTAC, propose une réponse : « La rupture radicale avec ce système est cependant moins intéressante à rechercher dans lanticapitalisme que dans la lutte contre la marchandisation du monde qui doit permettre denfoncer des coins dans lordre dominant en soustrayant aux règlements du commerce des biens collectifs comme leau, léducation et la santé. »4 Il a sans doute raison de dresser comme problématique une « rupture radicale ». Mais a-t-il raison dopposer capitalisme et marchandisation du monde puisque celle-ci est le principe même et le moteur de celui-là, comme lavait parfaitement montré Marx dès les premières pages du Capital ? Et donc, bloquer la marchandisation de toutes les activités humaines, cest bloquer la dynamique du capitalisme puisque les biens collectifs ne sont pas pour lui des buts à atteindre mais des moyens délargir le champ de son accumulation. La défense de leau, la santé et léducation ne doit pas être considérée comme une position de repli ou un substitut à lanti-capitalisme. Cest un de ses principaux leviers puisquelle sattaque à lextension du droit bourgeois de propriété qui a franchi successivement dans lhistoire plusieurs étapes la terre, les moyens de production industriels, les institutions émettrices de la monnaie, etc. et qui entend accomplir un nouveau saut en direction des biens publics, notamment le savoir humain, clé de voûte de la création de richesses.
Capitalisme et marché
Cette discussion se poursuit autour des rapports entre capitalisme et marché. Prenant acte de la victoire du marché au cours du XXe siècle sur les autres formes de conduite de léconomie, le sociologue Alain Caillé rejette la perspective anti-capitaliste au nom de lidentification du capitalisme au marché : « La distinction pertinente, à mes yeux, ne se situe pas entre capitalisme et économie de marché, mais au sein de léconomie capitaliste de marché, quelle soit régulée ou non. »5 Deux choses sont discutables dans cette affirmation. Premièrement, elle sous-entend que capitalisme et marché sont synonymes. Lhistorien Fernand Braudel6 avait pourtant montré que le marché existait avant le capitalisme et quà linverse de ce dernier, il nimpliquait pas obligatoirement exploitation du travail salarié et accumulation infinie.7 Deuxièmement, elle contient une contradiction dès linstant où lon admet que le marché nest pas un lieu déchange entre des individus coupés de tout environnement social mais est au contraire une institution sociale à part entière. Le marché est donc toujours régulé. Cest ainsi que lOrganisation mondiale du commerce ne dérégule pas, comme on le dit fréquemment. Elle supprime les régulations existantes pour aussitôt en imposer dautres règles de concurrence, de libre-échange plus favorables aux intérêts des puissants et entend les faire respecter, sans égard pour ceux qui sont en position de faiblesse. Prétendre que le choix se situe entre réguler ou non revient par conséquent à nier la définition même du marché qui fait pratiquement consensus aujourdhui dans les sciences sociales.
Anti ? Alter ?
Ou pro-après-capitalisme ?
Le fond de cette affaire est donc de savoir sil est souhaitable ou non de perpétuer un système dont le but est lappropriation générale de toutes les potentialités de richesses à des fins daccumulation illimitée et dont le ressort est lextorsion du fruit du travail. Derrière la spéculation financière, il y a toujours un renforcement de lexploitation de la force de travail par le biais de la précarisation des conditions demploi. On ne peut pas contester véritablement lune sans lautre. Derrière le libéralisme idéologie et pratique politique , il y a le capitalisme que le premier justifie, préserve et dont il organise les intérêts. Critiquer le premier sans le second serait sarrêter à mi-chemin ou, pire, se condamner à léchec. Derrière le capitalisme, il y a bien sûr le marché et la monnaie, comme institutions sociales mises à son service. La question du XXIe siècle sera de savoir comment abolir les rapports sociaux capitalistes tout en reconstruisant des institutions sociales telles que le marché et la monnaie qui soient au service de finalités de coopération entre les producteurs et de solidarité entre les citoyens du monde. A propos de ces finalités, Marx parlait de lauto-organisation des travailleurs et il ny a pas si longtemps encore la revendication dautogestion était exprimée au sein du salariat. La démocratie participative daujourdhui en est peut-être la préfiguration.
La confusion sciemment entretenue par les libéraux entre capitalisme et libéralisme contamine les esprits jusque dans les rangs des opposants à ce système, à son idéologie et à sa politique. Lassimilation hâtive et fausse entre capitalisme et marché, faite bien sûr par les libéraux qui ont tout intérêt à cette obscurité, mais aussi par des non libéraux qui créent une redoutable ambiguïté, est facilitée par léchec du marxisme officiel qui a régné pendant le XXe siècle. Celui-ci sest embourbé dans le productivisme et dans la négation de toute institution sociale qui némanait pas du parti centralisateur : ainsi, le marché et la monnaie ne pouvaient apparaître quintrinsèquement liés au capitalisme. Retrouver la perspective de Marx contre la marchandise, lui associer une exigence de soutenabilité sociale et écologique et non pas celle dun développement éternellement durable, constituent les bases dun projet daprès-capitalisme. Il nest plus besoin de rejeter lanti-capitalisme au prétexte que la forme quil a revêtue abusivement durant le siècle dernier a failli. Lélargissement de la sphère non marchande, celle où règne la gratuité, cest-à-dire la socialisation du coût, signifiera le recul du système du profit.
Pourquoi la « rupture radicale » souhaitée hésiterait-elle à se revendiquer comme un anti-capitalisme ? Y aurait-il encore dans nos têtes trop de scories laissées par la propagande libérale selon laquelle le capitalisme serait lhorizon indépassable de lhumanité ? Tant mieux si lanti-capitalisme fait peau neuve. Car celle du capitalisme est une vieille peau que ses mues successives ne parviennent pas à embellir.
A suivre
Le mouvement social de Seattle, Porto Alegre et Flo-rence en passant par Millau et Gênes se bat-il contre la mondialisation en soi ou contre la mondialisation ca-pitaliste dont laccélération date des années 1970 où la liberté absolue de circuler fut accordée aux capitaux ? De ce fait, le mouvement social est-il anti-mondialiste comme lont claironné la presse bien-pensante et tous les libéraux ou est-il foncièrement anti-mondialisation capitaliste, cest-à-dire anti-capitaliste, à linsu de beaucoup des participants à ce mouvement dailleurs, ou à leur corps défendant ?
Capitalisme et libéralisme
Insensiblement, au cours des dernières années, une double évolution sest opérée. La première a porté sur lidentification de ladversaire. La plupart des dirigeants ou théoriciens du mouvement avaient dès le début affirmé lobjectif anti-libéral de celui-ci. Mais très vite se posa la question des rapports entre libéralisme et capitalisme : les deux concepts sont-ils équivalents ? Sinon, lanti-libéralisme suffit-il pour construire l« autre monde possible » ?
Le libéralisme est la représentation qua la bourgeoisie du système social le capitalisme dont elle tire profit et pouvoir et dont lessence est lexploitation de la force de travail salariée. Les traits principaux de cette vision du monde sont : la propriété privée est légitime car cest un droit naturel ; le capital est fécond et la rémunération quil reçoit est justifiée.1 Il résulte de ce bric à brac idéologique et bien peu scientifique un projet normatif pour la société : la régulation de celle-ci est assurée par le marché qui na que faire dune action et dun droit collectifs ni dune régulation non marchande ; doù la formidable entreprise en cours depuis vingt ans de privatisations, de limitations des services publics et de la protection sociale, notamment des retraites, de restrictions du droit du travail et dappropriation de toutes les connaissances humaines. Le mouvement social est alors placé devant un choix crucial : faut-il revendiquer une meilleure régulation collective du capitalisme ou faut-il utiliser celle-là pour aller plus loin en remettant en cause le système lui-même ?
Il faut dire que cette alternative était rarement explicitée comme telle. Doù une redoutable ambiguïté que va contribuer à lever partiellement une seconde évolution. Lassés de se faire traiter danti-mondialistes ce qui ne veut strictement rien dire (sauf dans le schéma du relativisme culturel ou, à lautre bord, celui du souverainisme) tant quon ne précise pas de quelle mondialisation il sagit les prétendus anti-mondialistes ont réussi peu à peu à imposer lidée quils étaient des alter-mondialistes. Dans un premier temps, cela agaça fort les faiseurs dopinion, trop heureux de dénigrer un mouvement quils définissaient et qui se définissait lui-même souvent de manière négative, sans propositions constructives. Mais progressivement ils flanchèrent et remplacèrent de plus en plus souvent « anti » par « alter ». Non sans laisser transparaître une nouvelle inquiétude : ce mouvement « alter » ne saviserait-il pas de sattaquer au capitalisme, encouragé par la débâcle financière de celui-ci, par la gigantesque dégradation sociale en guise de refondation et par la dévastation écologique ? Et le quotidien le mieux-pensant français, après avoir titré sur la maladie du capitalisme2, a alerté ses lecteurs sur un nouveau danger : « Lanti-capitalisme fait peau neuve »3. Pour aussitôt se et nous rassurer : « La remise en cause des excès du capitalisme se construit autant sinon plus sur des comportements individuels que sur des engagements collectifs. » Sil ny a que les excès à contester et à corriger, chacun chez soi y suffira ! Tout danger de mouvement collectif sera facilement circonscrit si ce mouvement na pas de visée systémique.
Mais quest-ce quun mouvement qui aurait une telle portée ? Dominique Plihon, président du conseil scientifique dATTAC, propose une réponse : « La rupture radicale avec ce système est cependant moins intéressante à rechercher dans lanticapitalisme que dans la lutte contre la marchandisation du monde qui doit permettre denfoncer des coins dans lordre dominant en soustrayant aux règlements du commerce des biens collectifs comme leau, léducation et la santé. »4 Il a sans doute raison de dresser comme problématique une « rupture radicale ». Mais a-t-il raison dopposer capitalisme et marchandisation du monde puisque celle-ci est le principe même et le moteur de celui-là, comme lavait parfaitement montré Marx dès les premières pages du Capital ? Et donc, bloquer la marchandisation de toutes les activités humaines, cest bloquer la dynamique du capitalisme puisque les biens collectifs ne sont pas pour lui des buts à atteindre mais des moyens délargir le champ de son accumulation. La défense de leau, la santé et léducation ne doit pas être considérée comme une position de repli ou un substitut à lanti-capitalisme. Cest un de ses principaux leviers puisquelle sattaque à lextension du droit bourgeois de propriété qui a franchi successivement dans lhistoire plusieurs étapes la terre, les moyens de production industriels, les institutions émettrices de la monnaie, etc. et qui entend accomplir un nouveau saut en direction des biens publics, notamment le savoir humain, clé de voûte de la création de richesses.
Capitalisme et marché
Cette discussion se poursuit autour des rapports entre capitalisme et marché. Prenant acte de la victoire du marché au cours du XXe siècle sur les autres formes de conduite de léconomie, le sociologue Alain Caillé rejette la perspective anti-capitaliste au nom de lidentification du capitalisme au marché : « La distinction pertinente, à mes yeux, ne se situe pas entre capitalisme et économie de marché, mais au sein de léconomie capitaliste de marché, quelle soit régulée ou non. »5 Deux choses sont discutables dans cette affirmation. Premièrement, elle sous-entend que capitalisme et marché sont synonymes. Lhistorien Fernand Braudel6 avait pourtant montré que le marché existait avant le capitalisme et quà linverse de ce dernier, il nimpliquait pas obligatoirement exploitation du travail salarié et accumulation infinie.7 Deuxièmement, elle contient une contradiction dès linstant où lon admet que le marché nest pas un lieu déchange entre des individus coupés de tout environnement social mais est au contraire une institution sociale à part entière. Le marché est donc toujours régulé. Cest ainsi que lOrganisation mondiale du commerce ne dérégule pas, comme on le dit fréquemment. Elle supprime les régulations existantes pour aussitôt en imposer dautres règles de concurrence, de libre-échange plus favorables aux intérêts des puissants et entend les faire respecter, sans égard pour ceux qui sont en position de faiblesse. Prétendre que le choix se situe entre réguler ou non revient par conséquent à nier la définition même du marché qui fait pratiquement consensus aujourdhui dans les sciences sociales.
Anti ? Alter ?
Ou pro-après-capitalisme ?
Le fond de cette affaire est donc de savoir sil est souhaitable ou non de perpétuer un système dont le but est lappropriation générale de toutes les potentialités de richesses à des fins daccumulation illimitée et dont le ressort est lextorsion du fruit du travail. Derrière la spéculation financière, il y a toujours un renforcement de lexploitation de la force de travail par le biais de la précarisation des conditions demploi. On ne peut pas contester véritablement lune sans lautre. Derrière le libéralisme idéologie et pratique politique , il y a le capitalisme que le premier justifie, préserve et dont il organise les intérêts. Critiquer le premier sans le second serait sarrêter à mi-chemin ou, pire, se condamner à léchec. Derrière le capitalisme, il y a bien sûr le marché et la monnaie, comme institutions sociales mises à son service. La question du XXIe siècle sera de savoir comment abolir les rapports sociaux capitalistes tout en reconstruisant des institutions sociales telles que le marché et la monnaie qui soient au service de finalités de coopération entre les producteurs et de solidarité entre les citoyens du monde. A propos de ces finalités, Marx parlait de lauto-organisation des travailleurs et il ny a pas si longtemps encore la revendication dautogestion était exprimée au sein du salariat. La démocratie participative daujourdhui en est peut-être la préfiguration.
La confusion sciemment entretenue par les libéraux entre capitalisme et libéralisme contamine les esprits jusque dans les rangs des opposants à ce système, à son idéologie et à sa politique. Lassimilation hâtive et fausse entre capitalisme et marché, faite bien sûr par les libéraux qui ont tout intérêt à cette obscurité, mais aussi par des non libéraux qui créent une redoutable ambiguïté, est facilitée par léchec du marxisme officiel qui a régné pendant le XXe siècle. Celui-ci sest embourbé dans le productivisme et dans la négation de toute institution sociale qui némanait pas du parti centralisateur : ainsi, le marché et la monnaie ne pouvaient apparaître quintrinsèquement liés au capitalisme. Retrouver la perspective de Marx contre la marchandise, lui associer une exigence de soutenabilité sociale et écologique et non pas celle dun développement éternellement durable, constituent les bases dun projet daprès-capitalisme. Il nest plus besoin de rejeter lanti-capitalisme au prétexte que la forme quil a revêtue abusivement durant le siècle dernier a failli. Lélargissement de la sphère non marchande, celle où règne la gratuité, cest-à-dire la socialisation du coût, signifiera le recul du système du profit.
Pourquoi la « rupture radicale » souhaitée hésiterait-elle à se revendiquer comme un anti-capitalisme ? Y aurait-il encore dans nos têtes trop de scories laissées par la propagande libérale selon laquelle le capitalisme serait lhorizon indépassable de lhumanité ? Tant mieux si lanti-capitalisme fait peau neuve. Car celle du capitalisme est une vieille peau que ses mues successives ne parviennent pas à embellir.
A suivre
(1) Pour un approfondissement, voir J.M. Harribey, La démence sénile du capital, Fragments déconomie critique, Bègles. Ed. du Passant, 2002, notamment chapitres 1, 8 et 34.
(2) « Pourquoi le capitalisme est malade », Le Monde, 19 juillet 2002.
(3) A. Beuve-Méry, L. Caramel, « Lanticapitalisme fait peau neuve », Le Monde, 21 janvier 2003.
(4) Propos rapportés par A. Beuve-Méry, L. Caramel, op. cit.
(5) A. Caillé, « La distinction pertinente se situe entre régulation ou non de léconomie de marché », Propos recueillis par A. Beuve-Méry, L. Caramel, Le Monde, 21 janvier 2003.
(6) F. Braudel, La dynamique du capitalisme, Paris, Arthaud, 1985.
(7) Voir J.M. Harribey, La démence sénile du capital, op. cit., chapitre 34.
(8) Voir les deux articles J.M. Harribey, « Le développement : ça dure énormément », Le Passant Ordinaire, n°40-41, juin 2002 ; « Le seul développement soutenable sera celui qui ne sera pas durable », Le Passant Ordinaire, n°42, novembre 2002.
(2) « Pourquoi le capitalisme est malade », Le Monde, 19 juillet 2002.
(3) A. Beuve-Méry, L. Caramel, « Lanticapitalisme fait peau neuve », Le Monde, 21 janvier 2003.
(4) Propos rapportés par A. Beuve-Méry, L. Caramel, op. cit.
(5) A. Caillé, « La distinction pertinente se situe entre régulation ou non de léconomie de marché », Propos recueillis par A. Beuve-Méry, L. Caramel, Le Monde, 21 janvier 2003.
(6) F. Braudel, La dynamique du capitalisme, Paris, Arthaud, 1985.
(7) Voir J.M. Harribey, La démence sénile du capital, op. cit., chapitre 34.
(8) Voir les deux articles J.M. Harribey, « Le développement : ça dure énormément », Le Passant Ordinaire, n°40-41, juin 2002 ; « Le seul développement soutenable sera celui qui ne sera pas durable », Le Passant Ordinaire, n°42, novembre 2002.