Sortie du DVD de Notre Monde
Notre Monde Notre Monde (2013, 119') un film de Thomas LacosteRassemblant plus de 35 intervenants, philosophes, sociologues, économistes, magistrats, médecins, universitaires et écrivains, Notre Monde propose un espace dexpression pour travailler, comme nous y enjoint JeanLuc Nancy à « une pensée commune ». Plus encore quun libre espace de parole, Notre Monde sappuie sur un ensemble foisonnant de propositions concrètes pour agir comme un rappel essentiel, individuel et collectif : « faites de la politique » et de préférence autrement.
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© Passant n°44 [avril 2003 - mai 2003]
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Nunca Màis
Jamais plus, un trait bleu sur fond noir barré dun Nunca Màis1 affiché en grand aux fenêtres des maisons, collé sur le sac à main des femmes, accroché sous forme de pins à la poitrine, les Galiciens affichent ostensiblement ce plus jamais ça, jamais plus cette merde noire, ce chapapote déversé par centaine de tonnes sur leur côte2. Des Galiciens qui ne demandent pas moins que la démission immédiate dAznar, le président du gouvernement espagnol, et de Fraga Iribarne, lancien ministre de Franco, président largement octogénaire de la Junta de Galicia. La Galice, belle endormie, vouée au conservatisme, voire pire, a trouvé le chemin de la révolte.
Nunca Màis fut dabord le titre dune tribune publiée dans la presse espagnole par quel-ques écrivains galiciens et portugais, Suso de Toro, Manuel Rivas, José Saramago. Cest devenu le cri de ralliement de la jeunesse galicienne. Puis le nom dune plate-forme qui rassemble 300 associations, partis politiques, syndicats, confrérie de pêcheurs, ONG, groupes écologistes Fer de lance et chargés de la mise en couleur de ce mouvement social sans précédent en Galice, les artistes, comédiens, chanteurs, musiciens, écrivains. Pour lécrivain chilien, Luis Sepulveda : « Nunca Màis a allumé une grande étincelle despoir et beaucoup de gens se sont rendu compte de lincapacité du gouvernement, ils sont dorénavant prêts à exercer une pression citoyenne pour que soient prises des mesures environnementales afin quon évite dans le futur de telles tragédies ».
Lauteur du « Vieux qui lisait des romans damour » vit depuis des années à Gijon dans les Asturies voisines, il fut lun des premiers à se coltiner le fioul sur les plages de Galice avec ses amis pêcheurs. « Ce fut une belle expérience » se souvient-il. « Il y avait des gens venus de toute lEurope, des gens de toutes les couleurs venus là simplement motivés par leur amour de la mer, de la vie. » Et en Galice, locéan, cest en effet la vie, pas seulement parce que chaque galicien cultive un fort attachement symbolique à cette mer magnifique et violente, mais aussi parce quelle fait littéralement survivre économiquement la Galice. De Vigo au sud à La Corogne au nord, les ports lovés au fond des anses abritent la moitié de la flotte espagnole. Quelle soit de haute mer, côtière ou à pied, la pêche fait vivre des dizaines de milliers de personnes. La Galice est le premier producteur mondial de moules. Protégées de la contamination, elles se vendent à 20% de leur prix davant Prestige.
Naissance dun contre-pouvoir citoyen ?
Face à la totale incurie et aux mensonges du pouvoir local et central « ça nexiste pas, ya pas de problèmes », affirment les autorités, Nunca Màis a organisé le nettoyage des plages avec les milliers de volontaires qui arrivaient de partout, les confréries de pêcheurs ont assuré la logistique, les criées vides de poissons se sont transformées en lieux daccueil des volontaires, partout en Galice, des concerts ont été organisés pour alimenter les caisses de la plate-forme et soutenir les gens de mer. Des manifs géantes ont rassemblé des centaines de milliers de personnes en décembre, 200 000 dans la seule ville de Santiago de Compostella, qui ne compte que 150 000 habitants.
Nunca Màis commence à faire peur au pouvoir. Le mouvement fait « tache dhuile » et gagne toute lEspagne. Pour lécrivain chilien : « En Espagne, la tragédie du Prestige a servi à réveiller tous ceux qui étaient dans une grande léthargie politique. Ils se sont rendu compte que la solution, cétait pas de dire tous les politiques sont corrompus, moi, je ne me sens pas concerné on a redécouvert lutilité de la participation, la nécessité de participer mais dun point de vue critique. ». Le pouvoir a bien sûr tenté de criminaliser le mouvement, de le couper de sa base en insinuant des origines douteuses du financement de la plate-forme et des liens avec ETA. Pauvres manuvres qui nont pas abusé grand monde, les aides financières se sont au contraire multipliées après ces attaques. Aujourdhui, le chapapote a quasiment disparu des côtes galiciennes au prix dun énorme et dangereux effort.3 Reste le fioul incrusté dans les rochers et sur la végétation pour lequel on na aucune solution hors laisser la force de locéan faire son uvre. Quotidiennement arrivent encore quelques boulettes, mais vraisemblablement la Galice a fini de boire son bouillon noir. Le gouvernement, sous la pression dune partie des pêcheurs pressés et sur la base danalyse de contamination très controversée, a autorisé la pêche dans le sud de la Galice. Les pêcheurs proches de Nunca Màis, et cest la grande majorité, ont refusé dy retourner tant que la sûreté sanitaire nest pas sérieusement confirmée.
Dans le local du syndicat des artistes à Santiago, devenu le quartier général de Nunca Màis, les réunions se succèdent chaque soir. Quelques photographes, graphistes et journalistes mettent la dernière main au bimensuel qui devrait sortir courant février. Plus tard, un autre groupe prépare le carnaval.
Le 23 février, à lappel de la plate-forme, 1,5 millions de personnes selon les organisateurs (100.000 selon la police !!!) ont défilé dans la capitale pour exiger que des responsabilités politiques soient établies4. En Espagne, cest plus jamais ça, mais aussi plus jamais comme avant. Un mouvement est né qui durera bien plus que la pollution du Prestige.
Nunca Màis fut dabord le titre dune tribune publiée dans la presse espagnole par quel-ques écrivains galiciens et portugais, Suso de Toro, Manuel Rivas, José Saramago. Cest devenu le cri de ralliement de la jeunesse galicienne. Puis le nom dune plate-forme qui rassemble 300 associations, partis politiques, syndicats, confrérie de pêcheurs, ONG, groupes écologistes Fer de lance et chargés de la mise en couleur de ce mouvement social sans précédent en Galice, les artistes, comédiens, chanteurs, musiciens, écrivains. Pour lécrivain chilien, Luis Sepulveda : « Nunca Màis a allumé une grande étincelle despoir et beaucoup de gens se sont rendu compte de lincapacité du gouvernement, ils sont dorénavant prêts à exercer une pression citoyenne pour que soient prises des mesures environnementales afin quon évite dans le futur de telles tragédies ».
Lauteur du « Vieux qui lisait des romans damour » vit depuis des années à Gijon dans les Asturies voisines, il fut lun des premiers à se coltiner le fioul sur les plages de Galice avec ses amis pêcheurs. « Ce fut une belle expérience » se souvient-il. « Il y avait des gens venus de toute lEurope, des gens de toutes les couleurs venus là simplement motivés par leur amour de la mer, de la vie. » Et en Galice, locéan, cest en effet la vie, pas seulement parce que chaque galicien cultive un fort attachement symbolique à cette mer magnifique et violente, mais aussi parce quelle fait littéralement survivre économiquement la Galice. De Vigo au sud à La Corogne au nord, les ports lovés au fond des anses abritent la moitié de la flotte espagnole. Quelle soit de haute mer, côtière ou à pied, la pêche fait vivre des dizaines de milliers de personnes. La Galice est le premier producteur mondial de moules. Protégées de la contamination, elles se vendent à 20% de leur prix davant Prestige.
Naissance dun contre-pouvoir citoyen ?
Face à la totale incurie et aux mensonges du pouvoir local et central « ça nexiste pas, ya pas de problèmes », affirment les autorités, Nunca Màis a organisé le nettoyage des plages avec les milliers de volontaires qui arrivaient de partout, les confréries de pêcheurs ont assuré la logistique, les criées vides de poissons se sont transformées en lieux daccueil des volontaires, partout en Galice, des concerts ont été organisés pour alimenter les caisses de la plate-forme et soutenir les gens de mer. Des manifs géantes ont rassemblé des centaines de milliers de personnes en décembre, 200 000 dans la seule ville de Santiago de Compostella, qui ne compte que 150 000 habitants.
Nunca Màis commence à faire peur au pouvoir. Le mouvement fait « tache dhuile » et gagne toute lEspagne. Pour lécrivain chilien : « En Espagne, la tragédie du Prestige a servi à réveiller tous ceux qui étaient dans une grande léthargie politique. Ils se sont rendu compte que la solution, cétait pas de dire tous les politiques sont corrompus, moi, je ne me sens pas concerné on a redécouvert lutilité de la participation, la nécessité de participer mais dun point de vue critique. ». Le pouvoir a bien sûr tenté de criminaliser le mouvement, de le couper de sa base en insinuant des origines douteuses du financement de la plate-forme et des liens avec ETA. Pauvres manuvres qui nont pas abusé grand monde, les aides financières se sont au contraire multipliées après ces attaques. Aujourdhui, le chapapote a quasiment disparu des côtes galiciennes au prix dun énorme et dangereux effort.3 Reste le fioul incrusté dans les rochers et sur la végétation pour lequel on na aucune solution hors laisser la force de locéan faire son uvre. Quotidiennement arrivent encore quelques boulettes, mais vraisemblablement la Galice a fini de boire son bouillon noir. Le gouvernement, sous la pression dune partie des pêcheurs pressés et sur la base danalyse de contamination très controversée, a autorisé la pêche dans le sud de la Galice. Les pêcheurs proches de Nunca Màis, et cest la grande majorité, ont refusé dy retourner tant que la sûreté sanitaire nest pas sérieusement confirmée.
Dans le local du syndicat des artistes à Santiago, devenu le quartier général de Nunca Màis, les réunions se succèdent chaque soir. Quelques photographes, graphistes et journalistes mettent la dernière main au bimensuel qui devrait sortir courant février. Plus tard, un autre groupe prépare le carnaval.
Le 23 février, à lappel de la plate-forme, 1,5 millions de personnes selon les organisateurs (100.000 selon la police !!!) ont défilé dans la capitale pour exiger que des responsabilités politiques soient établies4. En Espagne, cest plus jamais ça, mais aussi plus jamais comme avant. Un mouvement est né qui durera bien plus que la pollution du Prestige.
(1) Nunca mas en castillan, nunca màis en galicien.
(2) LUrquiola en 76, 100 000 tonnes à la côte, lAndros Patria en 78, 50 000 tonnes, lAegean Sea en 92, 70 000 tonnes. Où cela ? En Galice, déjà !
(3) Plus dun millier de personnes a dû recevoir des soins pour des allergies, des intoxications au fioul. Sur le long terme, on craint des cancres de la peau et des leucémies. Au début, les pouvoirs publics équipaient les volontaires de masques à pollen !
(4) José Maria Aznar a dores et déjà jeté léponge, il ne briguera pas un troisième mandat. A laffaire du Prestige vient de sajouter son calamiteux alignement belliciste sur Bush/Blair dans le cadre de la crise irakoricaine, massivement dénoncé par la rue. Un sondage publié dans El Mundo atteste déjà dune très forte érosion de limage du Parti Popular et plus particulièrement dAznar auprès des électeurs ibériques.
(2) LUrquiola en 76, 100 000 tonnes à la côte, lAndros Patria en 78, 50 000 tonnes, lAegean Sea en 92, 70 000 tonnes. Où cela ? En Galice, déjà !
(3) Plus dun millier de personnes a dû recevoir des soins pour des allergies, des intoxications au fioul. Sur le long terme, on craint des cancres de la peau et des leucémies. Au début, les pouvoirs publics équipaient les volontaires de masques à pollen !
(4) José Maria Aznar a dores et déjà jeté léponge, il ne briguera pas un troisième mandat. A laffaire du Prestige vient de sajouter son calamiteux alignement belliciste sur Bush/Blair dans le cadre de la crise irakoricaine, massivement dénoncé par la rue. Un sondage publié dans El Mundo atteste déjà dune très forte érosion de limage du Parti Popular et plus particulièrement dAznar auprès des électeurs ibériques.