Sortie du DVD de Notre Monde
Notre Monde Notre Monde (2013, 119') un film de Thomas LacosteRassemblant plus de 35 intervenants, philosophes, sociologues, économistes, magistrats, médecins, universitaires et écrivains, Notre Monde propose un espace dexpression pour travailler, comme nous y enjoint JeanLuc Nancy à « une pensée commune ». Plus encore quun libre espace de parole, Notre Monde sappuie sur un ensemble foisonnant de propositions concrètes pour agir comme un rappel essentiel, individuel et collectif : « faites de la politique » et de préférence autrement.
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© Passant n°43 [février 2003 - mars 2003]
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Surtout, ne pas battre en retraite
Lheure de la confrontation est venue. En France, en Europe, et même partout dans le monde. Les capitalistes et leurs porte-parole libéraux ont juré davoir la peau des salariés. Ils lont eue en grande partie. Par le chômage, par la précarisation de lemploi, par le recul relatif des salaires au regard de la productivité du travail, par un grignotage de la protection sociale. Ils veulent aussi lavoir lorsque les salariés en auront fini avec le travail, cest-à-dire quand ils seront à la retraite. Lépreuve de force se prépare. Lopinion est labourée de fond en comble, matraquée. Avec comme principe de propagande : plus largument est biaisé, mieux il marche.
Tout a été dit en France sur les retraites depuis la publication du premier rapport du Commissariat Général du Plan en 19861. La population vieillit et va conti-nuer de vieillir à cause de lallongement de lespérance de vie et du maintien du taux de fécondité autour de 1,8 enfant par femme au lieu des 2,1 nécessaires au remplacement des générations. La stru-cture par âges de la population se modifie, dautant que la génération du baby-boom daprès-guerre approchera de la soixantaine au-delà de 2005. En 2000, il y avait 25,6% de la population âgés de 0 à 19 ans, 53,8% de 20 à 59 ans et 20,6% de plus de 60 ans. En 2040, il y en aura respectivement 20,6%, 45,9% et 33,5%2. La charge des jeunes et des vieux sur les adultes en âge de travailler augmentera donc de 37,1% en 40 ans. Celle des seules personnes âgées augmentera de 90,6%.
Un point reste cependant obscur. Lalourdissement de la charge pesant sur les actifs sera supportable tant que les progrès de la productivité du travail permettront de créer un supplément de richesses compensant lalourdissement en question : même si la croissance économique nétait que de 1,75% par an en moyenne, la production doublerait dans les 40 prochaines années, cest-à-dire augmen-terait de 100%3. La modification de la structure par âges de la population at-ténuera la portée de cet avantage mais ne le fera pas disparaître, loin de là. Pourtant, voici ce quen dit un expert de la question :
« Lessentiel du vieillissement est ainsi inévitable et le problème est plutôt de bien mesurer ses conséquences réelles pour les systèmes de retraite. Sur cette question, un élément de confusion possible concerne la prise en compte des progrès de producti-vité. Cette dernière peut saccroître très sensiblement sur une quarantaine dannées : linfluence des variables démographiques sen trouverait-elle réduite fortement pour autant ? Il existe deux façons denvisager limpact des progrès de productivité : lune donne limpression de résoudre totalement le problème des retraites, mais elle est erronée ; lautre est correcte mais de portée plus limitée.
Le raisonnement erroné est le suivant : le vieillissement va certes doubler la charge pesant sur chaque actif, mais si la productivité de chaque actif est multipliée par deux en quarante ans, ce qui est une hypothèse très raisonnable, alors ces actifs devraient être capables dassurer les mêmes retraites à des retraités deux fois plus nombreux sans quil y ait à augmenter leur taux de cotisation. Cette solution au pro-blème des retraites nest quen trompe-lil. Le problème nest pas de garantir aux retraités de 2040 le même niveau de vie absolu quaux retraités daujourdhui. Cet objectif est facile à atteindre, mais il est insuffisant : lefficacité des systèmes de retraite doit plutôt se mesurer en termes de pouvoir dachat relatif des retraités, cest-à-dire de rapport entre la retraite moyenne et le revenu net moyen des actifs. Par rapport à ce deuxième objectif, les progrès de productivité redeviennent neutres. A âge de la retraite, taux de chômage et taux dactivité donnés, lévolution démographique implique bien de sinscrire entre lun ou lautre des deux extrêmes suivants, qui sont totalement indépendants des hypothèses de productivité : - soit une division par deux du niveau de vie relatif des retraités sur les quarante ans à venir ; - soit le maintien strict de ce niveau de vie relatif, mais quil faudrait payer par une hausse dà peu près deux tiers du taux de cotisation retraite des actifs. Dun peu plus de 12% du PIB consacrés aux retraites, on passerait à environ 20% affectés au même poste, dici 2040. »4
La part des choses
Prenant appui sur ce raisonnement, les libéraux en tirent la conclusion que le système de retraites par répartition est condamné. Or ce raisonnement pêche par omissions.
Première omission : la charge sur les actifs ne va pas doubler car le supplément de personnes âgées est en partie compensé par la diminution des jeunes ce qui dailleurs nest pas une bonne nouvelle . Seule la charge des retraités va presque doubler.
Deuxième omission, plus coriace à relever. Aidons-nous dun exemple dont les proportions correspondent à peu près à la situation française. Le revenu national qui est issu en totalité du travail des actifs, rappelons-le est de 100. La masse salariale, cotisations sociales comprises, est de 60, les profits sont de 40. Sur les 60 de masse salariale, 12 constituent les cotisations vieillesse et servent à payer les retraites ; il reste donc 48 bruts pour les salariés actifs, soit quatre fois plus. Compte tenu du rapport actifs/retraités aujourdhui qui est presque de deux pour un, cela signifie quun actif salarié reçoit en moyenne deux fois plus quun retraité (quatre divisé par deux = deux)5. Si la production double en 40 ans, elle passera à 200. Si la masse salariale reste proportionnellement la même dans le revenu global, elle sera de 120. Sil y a à ce moment-là à peu près autant dactifs que de retraités et si lon respecte le rapport des revenus de deux pour un, les 120 seront partagés entre 80 pour les actifs salariés et 40 pour les retraités. Ce qui veut dire quau lieu de voir leur pouvoir dachat doubler en même temps que la production, comme ils auraient pu lespérer si la structure de la population navait pas changé, les actifs salariés devront se contenter de 66,7% de plus6 (80 en 2040 à comparer à 48 en 2000), de telle sorte que les retraités bénéficient de la même progression. Où est le malheur de voir 40 sur 200, soit 20% du PIB, affectés aux retraites quand on sait que les retraités représenteront un tiers de la population ?
Où est l'abomination de voir que les actifs, qui versent 12 sur 60 (un cinquième) aujourd'hui pour les retraites de leurs aînés, devront verser au pire 40 sur 120 (un tiers) en 2040, pour permettre une augmentation de la retraite moyenne de deux tiers en 40 ans (1,29% par an) qui prenne en compte le nombre plus élevé de retraités et fasse évoluer le pouvoir d¹achat de ceux-ci comme le leur ?
Aucun économiste résistant à lidéologie du capitalisme financier na dit que les cotisations sociales ne pouvaient augmenter ; au contraire, cette augmentation peut être facilement absorbée, et lhistoire montre que le système par répartition a déjà montré sa capacité à assurer le passage des retraites de 5% du PIB à 12% entre 1950 et aujourdhui.
Troisième omission, perverse celle-là. La masse salariale est postulée immuable proportionnellement au revenu national. Autrement dit, la régression de 10 points au cours des deux dernières décennies (la masse salariale est passée de 70% à 60% de la valeur ajoutée) est considérée comme un acquis irréversible voire susceptible de saméliorer encore pour les détenteurs de capitaux. Les libéraux font donc silence sur linversion de cette tendance que permettrait une contribution plus importante des revenus financiers à la prise en charge des cotisations sociales. Si, dici 2040, on reprenait aux détenteurs de capitaux les 10 points perdus, cela ferait dans notre exemple 20 de plus à partager entre salariés actifs et retraités, portant (sur la base de deux pour un comme ci-dessus) les salaires à 93,7, les retraites à 46,3, tandis que les profits sélèveraient à 60 et non à 80.7 Au lieu de cela, la pression saccentue pour que les salariés acceptent que leurs futures retraites soient amputées encore davantage que ce que la réforme Balladur de 1993 a déjà organisé (environ 18% de baisse relative des retraites en 2040) ou bien quils acceptent de travailler jusquà 65 ans, puis 70 ans, et cela quel que soit le niveau du chômage, ce qui est pour le moins paradoxal. Par ailleurs, une répartition entre masse salariale et profits plus favorable aux salariés et retraités atténuerait la nécessité dune croissance forte toujours préjudiciable à lécologie pour résoudre les problèmes sociaux.
Le parti pris
Laffaire semble donc entendue pour les libéraux. Le système de retraite par répartition ne sera pas suffisant. Et, ma-gnanimes, ils finissent par concéder quun système par capitalisation se trouvera confronté au même problème démogra-phique quun système par répartition. On est soulagé, mais ne nous réjouissons pas trop vite. Car voici le diagnostic en forme de coup de grâce : pour contrebalancer la baisse relative des retraites, « il ny a pour cela que deux possibilités : soit un recours accru à lépargne cest-à-dire lintroduction dune dose de capitalisation soit le recul de lâge de cessation de lactivité »8. Quoi de plus sage alors que daccepter la « voie moyenne » proposée par un autre expert ? Cest « le compromis des trois tiers » : un tiers du fardeau démographique supplémentaire assuré par la baisse des pensions, un tiers par lallongement de la durée dactivité, un tiers par la hausse des cotisations. Faisons la somme : deux tiers plus près de la moitié du troisième tiers = 5/6 du fardeau à la charge des salariés. Cest ce qui sappelle un compromis social !9 Quant à lincitation à lépargne individuelle, on reste confondu devant la contradiction qui confine au tour de passe-passe. Doù viendra la rémunération de lépargne qui sera capitalisée sinon du fruit du travail des actifs que les libéraux prétendent ne pas vouloir pressurer de cotisations ? Plus réalistes, les fonds de pension anglais ont bien compris que le capital ne créait aucune valeur car ils viennent de mettre cartes sur table en réclamant le recul de lâge de la retraite à 70 ans10. Mais où sera lamélioration sociale si la prolongation de lactivité jusquà 70 ans contribue à laisser le chômage dans toute lEurope et ailleurs à des niveaux insupportables ? Et à quoi servirait-il aux salariés dépargner pour leurs vieux jours sils devaient travailler jusquà ce que mort sensuive ?
Tout a été dit sur les retraites, sauf que cette partie sera décisive. Si on la perd, cest pour un siècle. Nous sommes donc condamnés à la gagner. Comment ? Je ne sais pas, mais je me souviens dun truc qui, à force de ne pas sen servir, risquerait de suser : on appelait ça autrefois la grève générale. Où est le peuple ? En bas, a claironné Raffarin. Où veut-il être ? En bas, a répondu le peuple, devançant une raffa-rinade de plus. Alors, quoi ? Oui, mais en enlevant le haut, a-t-il poursuivi avec jubilation
A suivre
Tout a été dit en France sur les retraites depuis la publication du premier rapport du Commissariat Général du Plan en 19861. La population vieillit et va conti-nuer de vieillir à cause de lallongement de lespérance de vie et du maintien du taux de fécondité autour de 1,8 enfant par femme au lieu des 2,1 nécessaires au remplacement des générations. La stru-cture par âges de la population se modifie, dautant que la génération du baby-boom daprès-guerre approchera de la soixantaine au-delà de 2005. En 2000, il y avait 25,6% de la population âgés de 0 à 19 ans, 53,8% de 20 à 59 ans et 20,6% de plus de 60 ans. En 2040, il y en aura respectivement 20,6%, 45,9% et 33,5%2. La charge des jeunes et des vieux sur les adultes en âge de travailler augmentera donc de 37,1% en 40 ans. Celle des seules personnes âgées augmentera de 90,6%.
Un point reste cependant obscur. Lalourdissement de la charge pesant sur les actifs sera supportable tant que les progrès de la productivité du travail permettront de créer un supplément de richesses compensant lalourdissement en question : même si la croissance économique nétait que de 1,75% par an en moyenne, la production doublerait dans les 40 prochaines années, cest-à-dire augmen-terait de 100%3. La modification de la structure par âges de la population at-ténuera la portée de cet avantage mais ne le fera pas disparaître, loin de là. Pourtant, voici ce quen dit un expert de la question :
« Lessentiel du vieillissement est ainsi inévitable et le problème est plutôt de bien mesurer ses conséquences réelles pour les systèmes de retraite. Sur cette question, un élément de confusion possible concerne la prise en compte des progrès de producti-vité. Cette dernière peut saccroître très sensiblement sur une quarantaine dannées : linfluence des variables démographiques sen trouverait-elle réduite fortement pour autant ? Il existe deux façons denvisager limpact des progrès de productivité : lune donne limpression de résoudre totalement le problème des retraites, mais elle est erronée ; lautre est correcte mais de portée plus limitée.
Le raisonnement erroné est le suivant : le vieillissement va certes doubler la charge pesant sur chaque actif, mais si la productivité de chaque actif est multipliée par deux en quarante ans, ce qui est une hypothèse très raisonnable, alors ces actifs devraient être capables dassurer les mêmes retraites à des retraités deux fois plus nombreux sans quil y ait à augmenter leur taux de cotisation. Cette solution au pro-blème des retraites nest quen trompe-lil. Le problème nest pas de garantir aux retraités de 2040 le même niveau de vie absolu quaux retraités daujourdhui. Cet objectif est facile à atteindre, mais il est insuffisant : lefficacité des systèmes de retraite doit plutôt se mesurer en termes de pouvoir dachat relatif des retraités, cest-à-dire de rapport entre la retraite moyenne et le revenu net moyen des actifs. Par rapport à ce deuxième objectif, les progrès de productivité redeviennent neutres. A âge de la retraite, taux de chômage et taux dactivité donnés, lévolution démographique implique bien de sinscrire entre lun ou lautre des deux extrêmes suivants, qui sont totalement indépendants des hypothèses de productivité : - soit une division par deux du niveau de vie relatif des retraités sur les quarante ans à venir ; - soit le maintien strict de ce niveau de vie relatif, mais quil faudrait payer par une hausse dà peu près deux tiers du taux de cotisation retraite des actifs. Dun peu plus de 12% du PIB consacrés aux retraites, on passerait à environ 20% affectés au même poste, dici 2040. »4
La part des choses
Prenant appui sur ce raisonnement, les libéraux en tirent la conclusion que le système de retraites par répartition est condamné. Or ce raisonnement pêche par omissions.
Première omission : la charge sur les actifs ne va pas doubler car le supplément de personnes âgées est en partie compensé par la diminution des jeunes ce qui dailleurs nest pas une bonne nouvelle . Seule la charge des retraités va presque doubler.
Deuxième omission, plus coriace à relever. Aidons-nous dun exemple dont les proportions correspondent à peu près à la situation française. Le revenu national qui est issu en totalité du travail des actifs, rappelons-le est de 100. La masse salariale, cotisations sociales comprises, est de 60, les profits sont de 40. Sur les 60 de masse salariale, 12 constituent les cotisations vieillesse et servent à payer les retraites ; il reste donc 48 bruts pour les salariés actifs, soit quatre fois plus. Compte tenu du rapport actifs/retraités aujourdhui qui est presque de deux pour un, cela signifie quun actif salarié reçoit en moyenne deux fois plus quun retraité (quatre divisé par deux = deux)5. Si la production double en 40 ans, elle passera à 200. Si la masse salariale reste proportionnellement la même dans le revenu global, elle sera de 120. Sil y a à ce moment-là à peu près autant dactifs que de retraités et si lon respecte le rapport des revenus de deux pour un, les 120 seront partagés entre 80 pour les actifs salariés et 40 pour les retraités. Ce qui veut dire quau lieu de voir leur pouvoir dachat doubler en même temps que la production, comme ils auraient pu lespérer si la structure de la population navait pas changé, les actifs salariés devront se contenter de 66,7% de plus6 (80 en 2040 à comparer à 48 en 2000), de telle sorte que les retraités bénéficient de la même progression. Où est le malheur de voir 40 sur 200, soit 20% du PIB, affectés aux retraites quand on sait que les retraités représenteront un tiers de la population ?
Où est l'abomination de voir que les actifs, qui versent 12 sur 60 (un cinquième) aujourd'hui pour les retraites de leurs aînés, devront verser au pire 40 sur 120 (un tiers) en 2040, pour permettre une augmentation de la retraite moyenne de deux tiers en 40 ans (1,29% par an) qui prenne en compte le nombre plus élevé de retraités et fasse évoluer le pouvoir d¹achat de ceux-ci comme le leur ?
Aucun économiste résistant à lidéologie du capitalisme financier na dit que les cotisations sociales ne pouvaient augmenter ; au contraire, cette augmentation peut être facilement absorbée, et lhistoire montre que le système par répartition a déjà montré sa capacité à assurer le passage des retraites de 5% du PIB à 12% entre 1950 et aujourdhui.
Troisième omission, perverse celle-là. La masse salariale est postulée immuable proportionnellement au revenu national. Autrement dit, la régression de 10 points au cours des deux dernières décennies (la masse salariale est passée de 70% à 60% de la valeur ajoutée) est considérée comme un acquis irréversible voire susceptible de saméliorer encore pour les détenteurs de capitaux. Les libéraux font donc silence sur linversion de cette tendance que permettrait une contribution plus importante des revenus financiers à la prise en charge des cotisations sociales. Si, dici 2040, on reprenait aux détenteurs de capitaux les 10 points perdus, cela ferait dans notre exemple 20 de plus à partager entre salariés actifs et retraités, portant (sur la base de deux pour un comme ci-dessus) les salaires à 93,7, les retraites à 46,3, tandis que les profits sélèveraient à 60 et non à 80.7 Au lieu de cela, la pression saccentue pour que les salariés acceptent que leurs futures retraites soient amputées encore davantage que ce que la réforme Balladur de 1993 a déjà organisé (environ 18% de baisse relative des retraites en 2040) ou bien quils acceptent de travailler jusquà 65 ans, puis 70 ans, et cela quel que soit le niveau du chômage, ce qui est pour le moins paradoxal. Par ailleurs, une répartition entre masse salariale et profits plus favorable aux salariés et retraités atténuerait la nécessité dune croissance forte toujours préjudiciable à lécologie pour résoudre les problèmes sociaux.
Le parti pris
Laffaire semble donc entendue pour les libéraux. Le système de retraite par répartition ne sera pas suffisant. Et, ma-gnanimes, ils finissent par concéder quun système par capitalisation se trouvera confronté au même problème démogra-phique quun système par répartition. On est soulagé, mais ne nous réjouissons pas trop vite. Car voici le diagnostic en forme de coup de grâce : pour contrebalancer la baisse relative des retraites, « il ny a pour cela que deux possibilités : soit un recours accru à lépargne cest-à-dire lintroduction dune dose de capitalisation soit le recul de lâge de cessation de lactivité »8. Quoi de plus sage alors que daccepter la « voie moyenne » proposée par un autre expert ? Cest « le compromis des trois tiers » : un tiers du fardeau démographique supplémentaire assuré par la baisse des pensions, un tiers par lallongement de la durée dactivité, un tiers par la hausse des cotisations. Faisons la somme : deux tiers plus près de la moitié du troisième tiers = 5/6 du fardeau à la charge des salariés. Cest ce qui sappelle un compromis social !9 Quant à lincitation à lépargne individuelle, on reste confondu devant la contradiction qui confine au tour de passe-passe. Doù viendra la rémunération de lépargne qui sera capitalisée sinon du fruit du travail des actifs que les libéraux prétendent ne pas vouloir pressurer de cotisations ? Plus réalistes, les fonds de pension anglais ont bien compris que le capital ne créait aucune valeur car ils viennent de mettre cartes sur table en réclamant le recul de lâge de la retraite à 70 ans10. Mais où sera lamélioration sociale si la prolongation de lactivité jusquà 70 ans contribue à laisser le chômage dans toute lEurope et ailleurs à des niveaux insupportables ? Et à quoi servirait-il aux salariés dépargner pour leurs vieux jours sils devaient travailler jusquà ce que mort sensuive ?
Tout a été dit sur les retraites, sauf que cette partie sera décisive. Si on la perd, cest pour un siècle. Nous sommes donc condamnés à la gagner. Comment ? Je ne sais pas, mais je me souviens dun truc qui, à force de ne pas sen servir, risquerait de suser : on appelait ça autrefois la grève générale. Où est le peuple ? En bas, a claironné Raffarin. Où veut-il être ? En bas, a répondu le peuple, devançant une raffa-rinade de plus. Alors, quoi ? Oui, mais en enlevant le haut, a-t-il poursuivi avec jubilation
A suivre
(1) Commissariat Général du Plan, Vieillir solidaires, Paris, La Documentation française, juin 1986. Pour une critique, voir Fondation Copernic, Les retraites au péril du libéralisme, Paris, Syllepse, 3e éd. 2002. Pour une vue densemble, voir http://harribey.montesquieu.u-bordeaux.fr/travaux/
(2) Chiffres tirés de C. Brutel, « Projections de population à lhorizon 2050, Un vieillissement inéluctable », INSEE Première, n°762, mars 2001.
(3) 1,017540 = 2.
(4) D. Blanchet, « Evolutions démographiques et retraites : quinze ans de débats », Population & sociétés, n°383, octobre 2002.
(5) Ce rapport de deux fois plus paraît élevé parce quil inclut les cotisations sociales qui sont « destinées » aux actifs, donc il ne correspond pas aux revenus nets. Le rapport revenus nets de cotisations sociales des actifs salariés/retraites serait denviron 1,75.
(6) Une hausse denviron 33,3% si lon regardait les revenus nets de toutes cotisations sociales.
(7) La mise à contribution des profits au moins à égalité avec les salaires équivaudrait à asseoir les cotisations sur la totalité de la valeur ajoutée qui, ne loublions pas, provient du travail humain.
(8) D. Blanchet, op. cit.
(9) Ce numéro déquilibriste entre le faux social et le vrai libéralisme est assuré par D. Clerc,« Le compromis introuvable », Alternatives économiques, n°209, décembre 2002.
(10) J.P. Langellier, « En Grande-Bretagne, les fonds de pension militent pour la retraite à 70 ans », Le Monde, 12 octobre 2002.
(2) Chiffres tirés de C. Brutel, « Projections de population à lhorizon 2050, Un vieillissement inéluctable », INSEE Première, n°762, mars 2001.
(3) 1,017540 = 2.
(4) D. Blanchet, « Evolutions démographiques et retraites : quinze ans de débats », Population & sociétés, n°383, octobre 2002.
(5) Ce rapport de deux fois plus paraît élevé parce quil inclut les cotisations sociales qui sont « destinées » aux actifs, donc il ne correspond pas aux revenus nets. Le rapport revenus nets de cotisations sociales des actifs salariés/retraites serait denviron 1,75.
(6) Une hausse denviron 33,3% si lon regardait les revenus nets de toutes cotisations sociales.
(7) La mise à contribution des profits au moins à égalité avec les salaires équivaudrait à asseoir les cotisations sur la totalité de la valeur ajoutée qui, ne loublions pas, provient du travail humain.
(8) D. Blanchet, op. cit.
(9) Ce numéro déquilibriste entre le faux social et le vrai libéralisme est assuré par D. Clerc,« Le compromis introuvable », Alternatives économiques, n°209, décembre 2002.
(10) J.P. Langellier, « En Grande-Bretagne, les fonds de pension militent pour la retraite à 70 ans », Le Monde, 12 octobre 2002.