Sortie du DVD de Notre Monde
Notre Monde Notre Monde (2013, 119') un film de Thomas LacosteRassemblant plus de 35 intervenants, philosophes, sociologues, économistes, magistrats, médecins, universitaires et écrivains, Notre Monde propose un espace dexpression pour travailler, comme nous y enjoint JeanLuc Nancy à « une pensée commune ». Plus encore quun libre espace de parole, Notre Monde sappuie sur un ensemble foisonnant de propositions concrètes pour agir comme un rappel essentiel, individuel et collectif : « faites de la politique » et de préférence autrement.
Retour
© Passant n°43 [février 2003 - mars 2003]
© Passant n°43 [février 2003 - mars 2003]
par Jambonneau et Emmanuel Renault
Imprimer l'articleFlorence-Millau aller et retour
Tous les participants du Forum social européen de Florence sont revenus galvanisés, mobilisés par les débats, encouragés par la présence dune nouvelle génération de militants, et impressionnés par la grande manifestation de clôture. Beau rayon de soleil dans un automne politiquement gris, qui donne envie que quelque chose se passe lannée prochaine en France lorsque le G8 se réunira à Evian, lorsque le prochain Forum social européen se tiendra à Saint-Denis. Ces grands rassemblements anti-mondialisation semblent maintenant capables déviter lengrenage de la violence et de sa répression aveugle, en prenant ainsi modèle sur ce qui sétait passé à Millau il y a trois ans à loccasion du premier procès de José Bové. Espérons quils contribueront au travail de reconstruction idéologique et programmatique qui fait tant défaut à la gauche, tout en initiant des alliances larges et nouvelles entre forces politiques, syndicats et mouvements associatifs. Il faut cependant reconnaître que les bénéfices politiques de telles réunions ne peuvent plus concerner aujourdhui que le long terme. Alors que les premiers rassemblements alter-mondialisation1 son-naient comme des coups de tonnerre, quils ébranlaient tout le paysage médiatique et politique en raison de leur nouveauté et de leur incroyable puissance de désorganisation, comme à Seattle, des rassemblements comme ceux de Florence font déjà figure de routine, en outre, quils parviennent à contourner la confrontation violente renforce un effet de banalisation qui limite leur impact politique à léchelle des militants et des sympathisants déjà mobilisés.
A lui seul, le nom de José Bové met cette limite en lumière. Symbole de ces grands rassemblements, il représentait également la tentative darticuler une réflexion politique de fond sur des questions comme la souveraineté alimentaire, et des formes de luttes ponctuelles et spectaculaires permettant de faire entrer de force des questions comme celle des OGM dans le débat public. Le voilà aujourdhui menacé dun nouveau séjour en prison, plus long et plus dur encore que le précédent, et finalement définitivement empêché de poursuivre laction directe qui permettait de relayer dans le court terme les effets à long terme des rassemblements alter-mondialisation ; ainsi la Confédération paysanne est-elle aujourdhui réduite à en appeler à de nouveaux José Bové qui mettraient en application les mêmes principes daction directe, on ne saurait trop relayer ce message !
A elle seule, léventualité dune nouvelle incarcération de José Bové est tout simplement écurante. On entend que la loi est la loi et quil serait injuste quelle ne sapplique pas à lui comme à tout autre2. Mais comment ne pas voir que les actions de la FNSEA ne font presque jamais lobjet de poursuites même lorsquelles se soldent par la destruction de biens privés ou publics ; comment ne pas mettre en balance la sévérité de ce jugement avec la quasi-impunité dont bénéficient bon nombre dhommes politiques de premier plan ; comment ne pas sétonner de cette peine de prison ferme là où les acti-vistes anti-IVG voient leurs peines de sursis sadditionner presque sans limites ?
Manifestement, la justice est plus sensible à la nécessité de protéger lordre social quà lexigence de faire valoir le droit. Ainsi le criminel contre lhumanité, Papon, peut-il sortir de prison alors que les détenus dAction Directe sont maintenus à lisolement malgré la gravité de leur état physique et psychique3 ; ainsi José Bové, partisan de laction directe non-violente au nom de la justice sociale, finira en prison parce quil sen prend à des intérêts assez puissants pour que leur défense apparaisse comme un impératif absolu. Constater tout cela est déjà assez pénible, devoir en plus implorer la grâce de Chirac4 alors que lon sest déjà fait couillonner une fois en votant pour lui, lui conférant ainsi une immunité de fait !
Mais plus généralement, léventuali-té de cette incarcération pose le pro-blème des formes actuelles de la lutte politique. Dans une situation où les mouvements syndicaux semblent éprouver de grandes difficultés à mobiliser léchec de la grève des routiers la bien illustré , seules des formes daction directe non violentes comme celles de la Confédération paysanne pourraient relayer les grandes réunions internationales en les in-scrivant dans un espace politique local, en conférant ainsi à ces mobilisations ponctuelles la durée et lattention publique sans laquelle il nest pas de politique possible. Le mouvement alter-mondialisation doit certes lutter con-tre lordre international actuel, mais lespace premier des mobilisations reste aujourdhui un espace régional et na-tional quil faut investir encore et en-core, pour que les prochains rassemblements dEvian et de Saint-Denis ne finissent pas par ressembler aux gran-des kermesses qui chaque année suivent chacune des étapes du Tour de France.
A lui seul, le nom de José Bové met cette limite en lumière. Symbole de ces grands rassemblements, il représentait également la tentative darticuler une réflexion politique de fond sur des questions comme la souveraineté alimentaire, et des formes de luttes ponctuelles et spectaculaires permettant de faire entrer de force des questions comme celle des OGM dans le débat public. Le voilà aujourdhui menacé dun nouveau séjour en prison, plus long et plus dur encore que le précédent, et finalement définitivement empêché de poursuivre laction directe qui permettait de relayer dans le court terme les effets à long terme des rassemblements alter-mondialisation ; ainsi la Confédération paysanne est-elle aujourdhui réduite à en appeler à de nouveaux José Bové qui mettraient en application les mêmes principes daction directe, on ne saurait trop relayer ce message !
A elle seule, léventualité dune nouvelle incarcération de José Bové est tout simplement écurante. On entend que la loi est la loi et quil serait injuste quelle ne sapplique pas à lui comme à tout autre2. Mais comment ne pas voir que les actions de la FNSEA ne font presque jamais lobjet de poursuites même lorsquelles se soldent par la destruction de biens privés ou publics ; comment ne pas mettre en balance la sévérité de ce jugement avec la quasi-impunité dont bénéficient bon nombre dhommes politiques de premier plan ; comment ne pas sétonner de cette peine de prison ferme là où les acti-vistes anti-IVG voient leurs peines de sursis sadditionner presque sans limites ?
Manifestement, la justice est plus sensible à la nécessité de protéger lordre social quà lexigence de faire valoir le droit. Ainsi le criminel contre lhumanité, Papon, peut-il sortir de prison alors que les détenus dAction Directe sont maintenus à lisolement malgré la gravité de leur état physique et psychique3 ; ainsi José Bové, partisan de laction directe non-violente au nom de la justice sociale, finira en prison parce quil sen prend à des intérêts assez puissants pour que leur défense apparaisse comme un impératif absolu. Constater tout cela est déjà assez pénible, devoir en plus implorer la grâce de Chirac4 alors que lon sest déjà fait couillonner une fois en votant pour lui, lui conférant ainsi une immunité de fait !
Mais plus généralement, léventuali-té de cette incarcération pose le pro-blème des formes actuelles de la lutte politique. Dans une situation où les mouvements syndicaux semblent éprouver de grandes difficultés à mobiliser léchec de la grève des routiers la bien illustré , seules des formes daction directe non violentes comme celles de la Confédération paysanne pourraient relayer les grandes réunions internationales en les in-scrivant dans un espace politique local, en conférant ainsi à ces mobilisations ponctuelles la durée et lattention publique sans laquelle il nest pas de politique possible. Le mouvement alter-mondialisation doit certes lutter con-tre lordre international actuel, mais lespace premier des mobilisations reste aujourdhui un espace régional et na-tional quil faut investir encore et en-core, pour que les prochains rassemblements dEvian et de Saint-Denis ne finissent pas par ressembler aux gran-des kermesses qui chaque année suivent chacune des étapes du Tour de France.
(1) Alter-mondialisation et non anti-mondialisation, car il ne sagit pas de lutter contre la mondialisation, mais pour une autre mondialisation, plus généralement, parce que ce qui est révolutionnaire, ce nest pas la résistance, cest lalternative, comme le suggère Etienne Balibar dans ce même numéro (lire p. 46).
(2) M. Laval, « Dura Lex, José Bové, sed lex », Le Monde, 30/11/2002, p. 15.
(3) Georges Cipriani a sombré dans la folie après avoir été maintenu à lisolement contre lavis des médecins. Le cas de Nathalie Ménigon est lui aussi hautement inquiétant, voir à ce propos, D. Simonnot, « Jurispru-dence Papon pour Action Directe ? Leurs avocats et le PCF demandent la libération de deux prisonniers malades », Libération, 26/09/2002.
(4) Pour participer à la campagne de grâce, voir www.confederationpaysanne.fr ou consulter le site de la revue.
(2) M. Laval, « Dura Lex, José Bové, sed lex », Le Monde, 30/11/2002, p. 15.
(3) Georges Cipriani a sombré dans la folie après avoir été maintenu à lisolement contre lavis des médecins. Le cas de Nathalie Ménigon est lui aussi hautement inquiétant, voir à ce propos, D. Simonnot, « Jurispru-dence Papon pour Action Directe ? Leurs avocats et le PCF demandent la libération de deux prisonniers malades », Libération, 26/09/2002.
(4) Pour participer à la campagne de grâce, voir www.confederationpaysanne.fr ou consulter le site de la revue.