Sortie du DVD de Notre Monde
Notre Monde Notre Monde (2013, 119') un film de Thomas LacosteRassemblant plus de 35 intervenants, philosophes, sociologues, économistes, magistrats, médecins, universitaires et écrivains, Notre Monde propose un espace dexpression pour travailler, comme nous y enjoint JeanLuc Nancy à « une pensée commune ». Plus encore quun libre espace de parole, Notre Monde sappuie sur un ensemble foisonnant de propositions concrètes pour agir comme un rappel essentiel, individuel et collectif : « faites de la politique » et de préférence autrement.
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© Passant n°42 [septembre 2002 - octobre 2002]
© Passant n°42 [septembre 2002 - octobre 2002]
par Maxim Jakubowsky
Imprimer l'articleAmis et/ou amants
Elle ressemblait à ça, quand elle ma fait son strip dans une chambre dhôtel.
Peut-être était-ce à Paris, dans un hôtel rue de lOdéon ; avec ces poutres en bois qui sillonnaient le crépi des murs et du plafond. Ou bien encore, dans lhôtel Gershwin, juste à coté de la Cinquième Avenue, où le sourire dune héroïne de Picasso illuminait le mur près du lit et observait nos ébats amoureux à travers les cloisons de lobscurité. Elle ne se gênait pas, pour autant, si nous gardions la lumière allumée. Peut être était-ce dans un petit hôtel dAmsterdam, dont les fenêtres surplombaient un canal aux eaux troubles et glauques, où nous étions demeurés éveillés toute la nuit, à cause du raffut occasionné par des bambocheurs bourrés et les voitures qui cherchaient à se garer. Ca cest sur, nous avons fréquenté beaucoup dhôtels. Quelquefois, ils étaient élégants, sordides souvent, derniers refuges contemporains des amours illicites. Comme celui de Chicago, en pleine rénovation, où elle préféra dormir dans le deuxième lit, parce que je ronflais trop (de fait, lhôtel terminus, tout le monde descend ! Le dernier endroit à abriter notre pathétique liaison ; lexcuse convoquée fut, peut être, un des signes avant-coureurs de son désintérêt grandissant à mon égard). Ou bien le St Pierre, sur Burgundy Street, à la Nouvelle-Orléans, suffisamment éloigné du tintamarre de Bourbon Street, où javais oublié de lamener danser (il ny a quà Chicago quelle dansa, mais ce fut avec dautres hommes).
Ou celui dont je garde les souvenirs les plus chers. Notre chambre couleur marine et pastel du Grand Hôtel, à Sète ; son balcon terrasse qui donnait sur un canal bien différent du précédent. Durant le week-end, nous avions pu contempler des jouteurs locaux saffrontant à bord de longues embarcations. Un port côtier où elle alluma, ce soir-là, le serveur boiteux qui sétait occupé de nous dans un restaurant de fruits de mer.
Elle suggéra, sérieuse, que nous linvitions plus tard à nous rejoindre dans la chambre. Ca nalla pas plus loin, mais pendant des mois, jusquà la fin, je demeurerais terriblement hanté par lidée de la voir se faire mettre par un autre homme ; au point de faire du repérage pour en trouver un, quand, juste après, nous avons visité Manhattan. Le plan tomba à leau : ses règles arrivèrent la semaine où nous venions de débarquer.
Dans mes rêves, je nétais même pas jaloux de limaginer dans les affres du plaisir, la queue dun autre homme lentement la pénétrant ; je me voyais en train découter ses gémissements, son abandon ; dobserver la scène, complètement fasciné, alors que ses yeux bleus, si clairs, se troubleraient, au point de devenir vitreux. Après notre toute première fois, alors que je la raccompagnais à la gare, elle me confia que son partenaire se rendrait immédiatement compte quelle sétait donnée à un autre, rien quau brillant intense de ses yeux. Non, je ne ressentais aucune jalousie à la pensée de ses ébats avec un autre. Pour moi, ça pouvait même constituer une sorte de plaisir instructif. Je linstallerais à quatre pattes sur le lit, la croupe face à la porte, je ferais glisser mes doigts dans le sillon de ses fesses, je plongerais ensuite dans son humidité, et ferais au nouveau venu les présentations de la beauté et des intimités secrètes et complexes de son corps. Voyez comme elle est chaude à lintérieur, comme cette douce chatte va vous attraper la queue, vous soutirer tout votre lait ; jusquà la moindre goutte ; jusquà sec. Je serais le réalisateur, moccupant du moindre détail de mise en scène, orchestrant mouvements et déplacements. Je me caresserais gentiment pendant que ses lèvres se refermeraient fermement autour du braquemart du monsieur pour lengloutir entier et aspirer sa substance avec lénergie du désespoir. (Jai déjà dû vous dire comme elle faisait bien les pipes, non ? Elle vous suçait avec une énergie passionnée, comme si sa vie entière en dépendait, mais conservait dans les yeux cet air dinnocence amusée. Elle manifestait un plaisir pur à pratiquer lart de la fellation. Ce que jespérais manifester moi-même, quand, penché sur elle, je la savourais, et me retrouvais secoué par les tremblements de son orgasme qui se propageaient à travers son corps jusquà ma langue, mon cur, mon âme, et ma bite.
Elle fit donc, pour moi, un strip dans une chambre dhôtel. Il ne restait que les bas. Elle ondulait, fragile, jetant son pelvis en avant, secouant ses seins délicats, les bras pendant en toute liberté, les mains caressant sa croupe dans une sorte de pastiche érotique, tout comme une strip-teaseuse au cinéma. Pas de musique, rien que nous, dans cette pièce, à sa façon, dénudée. Un mouvement plus surprenant, un bond, quelques tressautements ; là, comme Madonna dans cette vidéo, un truc un tantinet vulgaire, mais suffisamment suggestif ; là, débordante, façon Kylie Minogue, mais jamais aussi allumée que Jennifer Lopez ou Destinys Child.
Je mabreuvais de chaque petite quantité de son corps. A plus soif. La chair pale, les grains de beauté, et les imperfections ; locéan profond des yeux insondables ; les seins qui balançaient gentiment ; les cheveux blond cendré qui, à présent, atteignaient les épaules ; le triangle pétulant, soigné, formé par les boucles plus sombres de la pilosité pubienne, à travers duquel japercevais aisément lentaille de louverture nacrée ; les plis plus épais de la chair, là où les lèvres du sexe retombaient, se faisaient tellement charnues et saillantes ; létendu ferme, majestueuse de son cul, et qui mavait paru si beau dans le string que nous avions acheté ensemble chez Victorias Secrets sur Broadway.
Elle baissait les yeux, mapercevait, la langue, sans aucun doute, pendante, une érection douloureuse en train de tendre le tissu sombre de mes falzards ; elle souriait, et mon cur se mettait à fondre. Bien sûr que je voulais la tringler, à nous retrouver sur le cul et hors dhaleine. Cependant, cétait étrange : je me sentais submergé de bonté ; je sentais que cette sensation me transformait en un homme meilleur.
Ce corps je lai connu dans un telle intimité que je pourrais vous en lire les menus détails de ses soupirs ; vous décrire le regard dans ses yeux, au moment où elle se fait pénétrer ; la tache sur le côté gauche de son sein gauche ; la douzaine de variations de la couleur de peau entourant louverture godée de lanus ; et la centaine de nuances de rouge, de rose, hurlant vers moi lorsque je sépare les lèvres de son con pour louvrir en grand. Et les souvenirs reviennent à toute vitesse, comme un ouragan ; soudains, absurdes, brutaux. De bons moments, et aussi des mauvais. Du moment où nous nous sommes retrouvés à poil sur une plage balayée par un vent glacé. Dun autre moment, au Metropolitan Museum, où elle se sentit tellement excitée par les sculptures érotiques de lInde et de lOcéanie que nous avons presque baisé dans les toilettes dà côté (Je fus celui qui trouva ça bien trop risqué, et quand nous avons rejoint lhôtel, lenvie sétait dissipée ). De le-mail dans lequel elle minformait sêtre rasée la chatte, et quelques jours plus tard, dune autre communication laconique minformant quelle sétait dégotée un nouvel amant, et de ma colère quand jai réalisé quil était devenu celui qui pouvait à présent contempler, dans toute son érotique splendeur, son mont chauve. Je me souviens aussi de la première fois où elle mautorisa à la prendre par derrière, sans préservatif ; je me regardais menfoncer en elle, allant, venant, nos humeurs en pleine percolation. Et de la soirée où nous avions dégusté des huîtres, pour elle cétait la première fois, et dont elle retrouva le goût en avalant mon foutre quelques heures plus tard dans la chambre dhôtel.
Cette chambre dhôtel où elle fit son strip pour mon plaisir amusé, yeux baissés, un sobre collier en or passé autour du cou gracieux ; où, réduite maintenant à attaquer les bas résille, elle se dirigea lentement vers moi jétais assis sur le bord du lit , lodeur délicate de son con juste à proximité de mon visage ; elle sétait retrouvée dune enjambée debout sur la couverture du lit, me dominant de toute sa taille, puis écartant ses jambes largement, elle avait offert, à quelques centimètres de mes yeux grand ouverts, la vision obscène et merveilleuse de sa fente manifestement humide, passant de lattisement à loffrande, elle, ma maîtresse à poil, la performeuse rien que pour moi, mon amour toute nue.
« Ca vous plaît, Mister ? » demande-t-elle, un petit gloussement flanqué au fond de la gorge.
Bien sûr, japprouve.
Sa main descend alors, plante deux doigts opposés dans son humidité, et elle sécarte le con.
« Ca vous dit, Sir ? » me propose-t-elle.
Je souris, feins une indifférence détachée. Réponds, comme je peux, dune blague à propos dont je ne peux pas, Grand Dieu, me souvenir maintenant. Elle éclate de rire. Il était une fois une époque où je la faisais poiler comme personne. Je la préviens de tempérer son hilarité, lui rappelle le coup, sur le boulevard St Germain, où elle sest mise à pisser quelque peu à la culotte, emportée par son fou rire. Elle émet un hoquet, se penche vers moi. La chaleur hypnotique de son corps nu contre moi. Je suis encore tout habillé.
Maintenant ces souvenirs dhôtels, de blagues un temps amusantes, sont devenus insupportables.
Maintenant, trop de choses se sont passées depuis le temps où nous étions heureux tous les deux, dans notre simple et sexuelle façon dexister. Elle désire que nous devenions des amis, mais plus jamais des amants.
Il y a eu un Hollandais, marié, en plein divorce à présent ; un Coréen, à la peau sombre ; et Dieu seul sait qui dautre. Finalement, je suis jaloux. A fond. Pour sûr, elle insiste, nous pouvons encore passer du bon temps ensemble, en copains, pas de sexe, cest mieux comme ça. Comment, je lui demande, je le pourrais, nest-ce pas ? Comment pourrait-on passer nos journées dans des villes étrangères, partager une chambre dhôtel et faire semblant dignorer, en ce qui me concerne, que son corps, ses yeux, son odeur, ses propos et sa chatte gueulent le sexe ? Je sais bien que je ne peux pas accepter ce ridicule lot de consolation que serait entre nous lamitié.
Tu peux tenvoyer en lair avec dautres hommes, lui dis-je, je ne ten blâme pas et ne ten tiens aucune rigueur, je comprends que je ne suis pas toujours disponible, et que tu es jeune, avec des besoins et des désirs liés à ton âge. Elle sait bien cependant que je lui mens quelque part. Que je ne dirais rien pour quelle revienne.
Dans des chambres dhôtel.
A me faire son strip.
A rire avec moi. A rire de moi.
Elle se déplace dans lobscurité ; je suis sourd, je ne peux pas entendre la musique sur laquelle elle évolue, si sensuelle. Cest peut-être un blues, interprété par Christine McVie ou Nathalie Merchant. Ou bien « Sing » par Travis. Ou bien encore « Tumbling Towards Ecstasy » de Sarah McLahan (le Coréen, qui la laissée tomber pour une Russe après avoir brisé son cur si fragile, lavait initiée à cette musique ; dune certaine manière, il connaissait la chanson : un homme dun bon goût mélodique ). Ou bien, pour continuer dans lencore, cette chanson dAimée Mann tirée de la bande sonore de Magnolia (nous avions vu le film ensemble ; ah, comme elle aimait voir des films avec moi). Je nentends rien du tout. Je peux tout juste essayer den deviner lair à partir des mouvements langoureux de son corps alors que les pièces de vêtement choient, lune après lautre, révélant les trésors de son corps, de son intimité. La fissure de son nombril, Le bout plus sombre de ses tétons (si dénués de sensibilité, tenait-elle toujours à me rappeler), sa gorge, la luminosité de son visage, sa jeunesse, sa vitalité.
Jouvre la bouche mais je ne peux même pas mentendre dire « sil te plaît » ou « reviens » ou encore « pardonne-moi ».
Elle danse, mon ange érotique, ma maîtresse perdue.
Les mots silencieux prennent en moi du volume, mais elle est perdue dans la musique et naperçoit même plus son public. Derrière elle, les murs de lhôtel sont devenus tous noirs. Elle sest fixée comme une photo, sa pâleur en contraste avec ce qui lentoure. Un effeuillage dans une chambre dhôtel. Etude dombres et de lumières.
Comme lors dun cauchemar, ma gorge se contracte, les mots mabandonnent complètement. Je laisse tomber une larme solitaire de tendresse humide, bien trop averti que je ne pourrai plus jamais me permettre un strip-tease privé. Seul avec moi-même dans une chambre dhôtel.
Peut-être était-ce à Paris, dans un hôtel rue de lOdéon ; avec ces poutres en bois qui sillonnaient le crépi des murs et du plafond. Ou bien encore, dans lhôtel Gershwin, juste à coté de la Cinquième Avenue, où le sourire dune héroïne de Picasso illuminait le mur près du lit et observait nos ébats amoureux à travers les cloisons de lobscurité. Elle ne se gênait pas, pour autant, si nous gardions la lumière allumée. Peut être était-ce dans un petit hôtel dAmsterdam, dont les fenêtres surplombaient un canal aux eaux troubles et glauques, où nous étions demeurés éveillés toute la nuit, à cause du raffut occasionné par des bambocheurs bourrés et les voitures qui cherchaient à se garer. Ca cest sur, nous avons fréquenté beaucoup dhôtels. Quelquefois, ils étaient élégants, sordides souvent, derniers refuges contemporains des amours illicites. Comme celui de Chicago, en pleine rénovation, où elle préféra dormir dans le deuxième lit, parce que je ronflais trop (de fait, lhôtel terminus, tout le monde descend ! Le dernier endroit à abriter notre pathétique liaison ; lexcuse convoquée fut, peut être, un des signes avant-coureurs de son désintérêt grandissant à mon égard). Ou bien le St Pierre, sur Burgundy Street, à la Nouvelle-Orléans, suffisamment éloigné du tintamarre de Bourbon Street, où javais oublié de lamener danser (il ny a quà Chicago quelle dansa, mais ce fut avec dautres hommes).
Ou celui dont je garde les souvenirs les plus chers. Notre chambre couleur marine et pastel du Grand Hôtel, à Sète ; son balcon terrasse qui donnait sur un canal bien différent du précédent. Durant le week-end, nous avions pu contempler des jouteurs locaux saffrontant à bord de longues embarcations. Un port côtier où elle alluma, ce soir-là, le serveur boiteux qui sétait occupé de nous dans un restaurant de fruits de mer.
Elle suggéra, sérieuse, que nous linvitions plus tard à nous rejoindre dans la chambre. Ca nalla pas plus loin, mais pendant des mois, jusquà la fin, je demeurerais terriblement hanté par lidée de la voir se faire mettre par un autre homme ; au point de faire du repérage pour en trouver un, quand, juste après, nous avons visité Manhattan. Le plan tomba à leau : ses règles arrivèrent la semaine où nous venions de débarquer.
Dans mes rêves, je nétais même pas jaloux de limaginer dans les affres du plaisir, la queue dun autre homme lentement la pénétrant ; je me voyais en train découter ses gémissements, son abandon ; dobserver la scène, complètement fasciné, alors que ses yeux bleus, si clairs, se troubleraient, au point de devenir vitreux. Après notre toute première fois, alors que je la raccompagnais à la gare, elle me confia que son partenaire se rendrait immédiatement compte quelle sétait donnée à un autre, rien quau brillant intense de ses yeux. Non, je ne ressentais aucune jalousie à la pensée de ses ébats avec un autre. Pour moi, ça pouvait même constituer une sorte de plaisir instructif. Je linstallerais à quatre pattes sur le lit, la croupe face à la porte, je ferais glisser mes doigts dans le sillon de ses fesses, je plongerais ensuite dans son humidité, et ferais au nouveau venu les présentations de la beauté et des intimités secrètes et complexes de son corps. Voyez comme elle est chaude à lintérieur, comme cette douce chatte va vous attraper la queue, vous soutirer tout votre lait ; jusquà la moindre goutte ; jusquà sec. Je serais le réalisateur, moccupant du moindre détail de mise en scène, orchestrant mouvements et déplacements. Je me caresserais gentiment pendant que ses lèvres se refermeraient fermement autour du braquemart du monsieur pour lengloutir entier et aspirer sa substance avec lénergie du désespoir. (Jai déjà dû vous dire comme elle faisait bien les pipes, non ? Elle vous suçait avec une énergie passionnée, comme si sa vie entière en dépendait, mais conservait dans les yeux cet air dinnocence amusée. Elle manifestait un plaisir pur à pratiquer lart de la fellation. Ce que jespérais manifester moi-même, quand, penché sur elle, je la savourais, et me retrouvais secoué par les tremblements de son orgasme qui se propageaient à travers son corps jusquà ma langue, mon cur, mon âme, et ma bite.
Elle fit donc, pour moi, un strip dans une chambre dhôtel. Il ne restait que les bas. Elle ondulait, fragile, jetant son pelvis en avant, secouant ses seins délicats, les bras pendant en toute liberté, les mains caressant sa croupe dans une sorte de pastiche érotique, tout comme une strip-teaseuse au cinéma. Pas de musique, rien que nous, dans cette pièce, à sa façon, dénudée. Un mouvement plus surprenant, un bond, quelques tressautements ; là, comme Madonna dans cette vidéo, un truc un tantinet vulgaire, mais suffisamment suggestif ; là, débordante, façon Kylie Minogue, mais jamais aussi allumée que Jennifer Lopez ou Destinys Child.
Je mabreuvais de chaque petite quantité de son corps. A plus soif. La chair pale, les grains de beauté, et les imperfections ; locéan profond des yeux insondables ; les seins qui balançaient gentiment ; les cheveux blond cendré qui, à présent, atteignaient les épaules ; le triangle pétulant, soigné, formé par les boucles plus sombres de la pilosité pubienne, à travers duquel japercevais aisément lentaille de louverture nacrée ; les plis plus épais de la chair, là où les lèvres du sexe retombaient, se faisaient tellement charnues et saillantes ; létendu ferme, majestueuse de son cul, et qui mavait paru si beau dans le string que nous avions acheté ensemble chez Victorias Secrets sur Broadway.
Elle baissait les yeux, mapercevait, la langue, sans aucun doute, pendante, une érection douloureuse en train de tendre le tissu sombre de mes falzards ; elle souriait, et mon cur se mettait à fondre. Bien sûr que je voulais la tringler, à nous retrouver sur le cul et hors dhaleine. Cependant, cétait étrange : je me sentais submergé de bonté ; je sentais que cette sensation me transformait en un homme meilleur.
Ce corps je lai connu dans un telle intimité que je pourrais vous en lire les menus détails de ses soupirs ; vous décrire le regard dans ses yeux, au moment où elle se fait pénétrer ; la tache sur le côté gauche de son sein gauche ; la douzaine de variations de la couleur de peau entourant louverture godée de lanus ; et la centaine de nuances de rouge, de rose, hurlant vers moi lorsque je sépare les lèvres de son con pour louvrir en grand. Et les souvenirs reviennent à toute vitesse, comme un ouragan ; soudains, absurdes, brutaux. De bons moments, et aussi des mauvais. Du moment où nous nous sommes retrouvés à poil sur une plage balayée par un vent glacé. Dun autre moment, au Metropolitan Museum, où elle se sentit tellement excitée par les sculptures érotiques de lInde et de lOcéanie que nous avons presque baisé dans les toilettes dà côté (Je fus celui qui trouva ça bien trop risqué, et quand nous avons rejoint lhôtel, lenvie sétait dissipée ). De le-mail dans lequel elle minformait sêtre rasée la chatte, et quelques jours plus tard, dune autre communication laconique minformant quelle sétait dégotée un nouvel amant, et de ma colère quand jai réalisé quil était devenu celui qui pouvait à présent contempler, dans toute son érotique splendeur, son mont chauve. Je me souviens aussi de la première fois où elle mautorisa à la prendre par derrière, sans préservatif ; je me regardais menfoncer en elle, allant, venant, nos humeurs en pleine percolation. Et de la soirée où nous avions dégusté des huîtres, pour elle cétait la première fois, et dont elle retrouva le goût en avalant mon foutre quelques heures plus tard dans la chambre dhôtel.
Cette chambre dhôtel où elle fit son strip pour mon plaisir amusé, yeux baissés, un sobre collier en or passé autour du cou gracieux ; où, réduite maintenant à attaquer les bas résille, elle se dirigea lentement vers moi jétais assis sur le bord du lit , lodeur délicate de son con juste à proximité de mon visage ; elle sétait retrouvée dune enjambée debout sur la couverture du lit, me dominant de toute sa taille, puis écartant ses jambes largement, elle avait offert, à quelques centimètres de mes yeux grand ouverts, la vision obscène et merveilleuse de sa fente manifestement humide, passant de lattisement à loffrande, elle, ma maîtresse à poil, la performeuse rien que pour moi, mon amour toute nue.
« Ca vous plaît, Mister ? » demande-t-elle, un petit gloussement flanqué au fond de la gorge.
Bien sûr, japprouve.
Sa main descend alors, plante deux doigts opposés dans son humidité, et elle sécarte le con.
« Ca vous dit, Sir ? » me propose-t-elle.
Je souris, feins une indifférence détachée. Réponds, comme je peux, dune blague à propos dont je ne peux pas, Grand Dieu, me souvenir maintenant. Elle éclate de rire. Il était une fois une époque où je la faisais poiler comme personne. Je la préviens de tempérer son hilarité, lui rappelle le coup, sur le boulevard St Germain, où elle sest mise à pisser quelque peu à la culotte, emportée par son fou rire. Elle émet un hoquet, se penche vers moi. La chaleur hypnotique de son corps nu contre moi. Je suis encore tout habillé.
Maintenant ces souvenirs dhôtels, de blagues un temps amusantes, sont devenus insupportables.
Maintenant, trop de choses se sont passées depuis le temps où nous étions heureux tous les deux, dans notre simple et sexuelle façon dexister. Elle désire que nous devenions des amis, mais plus jamais des amants.
Il y a eu un Hollandais, marié, en plein divorce à présent ; un Coréen, à la peau sombre ; et Dieu seul sait qui dautre. Finalement, je suis jaloux. A fond. Pour sûr, elle insiste, nous pouvons encore passer du bon temps ensemble, en copains, pas de sexe, cest mieux comme ça. Comment, je lui demande, je le pourrais, nest-ce pas ? Comment pourrait-on passer nos journées dans des villes étrangères, partager une chambre dhôtel et faire semblant dignorer, en ce qui me concerne, que son corps, ses yeux, son odeur, ses propos et sa chatte gueulent le sexe ? Je sais bien que je ne peux pas accepter ce ridicule lot de consolation que serait entre nous lamitié.
Tu peux tenvoyer en lair avec dautres hommes, lui dis-je, je ne ten blâme pas et ne ten tiens aucune rigueur, je comprends que je ne suis pas toujours disponible, et que tu es jeune, avec des besoins et des désirs liés à ton âge. Elle sait bien cependant que je lui mens quelque part. Que je ne dirais rien pour quelle revienne.
Dans des chambres dhôtel.
A me faire son strip.
A rire avec moi. A rire de moi.
Elle se déplace dans lobscurité ; je suis sourd, je ne peux pas entendre la musique sur laquelle elle évolue, si sensuelle. Cest peut-être un blues, interprété par Christine McVie ou Nathalie Merchant. Ou bien « Sing » par Travis. Ou bien encore « Tumbling Towards Ecstasy » de Sarah McLahan (le Coréen, qui la laissée tomber pour une Russe après avoir brisé son cur si fragile, lavait initiée à cette musique ; dune certaine manière, il connaissait la chanson : un homme dun bon goût mélodique ). Ou bien, pour continuer dans lencore, cette chanson dAimée Mann tirée de la bande sonore de Magnolia (nous avions vu le film ensemble ; ah, comme elle aimait voir des films avec moi). Je nentends rien du tout. Je peux tout juste essayer den deviner lair à partir des mouvements langoureux de son corps alors que les pièces de vêtement choient, lune après lautre, révélant les trésors de son corps, de son intimité. La fissure de son nombril, Le bout plus sombre de ses tétons (si dénués de sensibilité, tenait-elle toujours à me rappeler), sa gorge, la luminosité de son visage, sa jeunesse, sa vitalité.
Jouvre la bouche mais je ne peux même pas mentendre dire « sil te plaît » ou « reviens » ou encore « pardonne-moi ».
Elle danse, mon ange érotique, ma maîtresse perdue.
Les mots silencieux prennent en moi du volume, mais elle est perdue dans la musique et naperçoit même plus son public. Derrière elle, les murs de lhôtel sont devenus tous noirs. Elle sest fixée comme une photo, sa pâleur en contraste avec ce qui lentoure. Un effeuillage dans une chambre dhôtel. Etude dombres et de lumières.
Comme lors dun cauchemar, ma gorge se contracte, les mots mabandonnent complètement. Je laisse tomber une larme solitaire de tendresse humide, bien trop averti que je ne pourrai plus jamais me permettre un strip-tease privé. Seul avec moi-même dans une chambre dhôtel.
Romancier, éditeur, libraire anglais, Maxim Jakubowsky est lauteur de nombreux ouvrages dont Montana que vient de publier les éd. Blanche (2001). Amis et/ou amants (Friends and/or lovers), la nouvelle que nous publions ici, est inédite en français. Elle est extraite de Thirteen, bel ouvrage collectif regroupant des fictions inspirées par les photographies de Marc Atkins, publié par les éditions anglaises The Do-Not-Press Limited en 2002. Lire également page 62 la nouvelle de Stella Duffy.