Sortie du DVD de Notre Monde
Notre Monde Notre Monde (2013, 119') un film de Thomas LacosteRassemblant plus de 35 intervenants, philosophes, sociologues, économistes, magistrats, médecins, universitaires et écrivains, Notre Monde propose un espace dexpression pour travailler, comme nous y enjoint JeanLuc Nancy à « une pensée commune ». Plus encore quun libre espace de parole, Notre Monde sappuie sur un ensemble foisonnant de propositions concrètes pour agir comme un rappel essentiel, individuel et collectif : « faites de la politique » et de préférence autrement.
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© Passant n°42 [septembre 2002 - octobre 2002]
© Passant n°42 [septembre 2002 - octobre 2002]
par Geneviève Azam
Imprimer l'articleLe corps hors de prix
La vie comme marchandise, cétait jusquà une date récente de lordre de limpensable : la vie nest-elle pas le symbole de la gratuité, celui dun don, du hors de prix ? La barrière éthique et politique semblait infranchissable. Cétait sans compter avec lanthropophagie du Mar-ché, avec la puissance de lidéologie économique qui depuis plus dun siècle sattache à vider de tout contenu moral et politique les concepts qui la fondent.
Lintérêt nouveau de la pensée économique pour la gratuité participe de ce mouvement de dé-moralisation. La privatisation du vivant et la marchandisation des corps peuvent alors apparaître comme moments neutres du calcul économique et de la recherche defficience.
Alors, tenter de penser la gratuité dans lordre politique, nest-ce pas résister à
la toute-puissance de lunivers de la marchandise dans lequel tout est produit et échangé selon le principe de léquivalence calculée ?
La gratuité concept neutre
de lidéologie économique
Au sens économique, est gratuit ce qui est « sans » prix, privé de valeur économique et par conséquent de valeur sociale. La gratuité ainsi comprise suggère lidée dun manque, dune privation, dun non-aboutissement. Sa conquête est un défi pour lextension du règne de la marchandise.
Pour cela, il sagit dabord den faire un concept neutre et sans valeur morale a priori. À cette condition, peut naître, comble de loxymore, une « économie de la gratuité » : le don et laltruisme, longtemps étrangers à lorthodoxie économique fondée sur la règle de légoïsme et de lintérêt individuel, entrent dans la « boîte » des économistes. Ils sont alors considérés comme comportements « éco-nomiques » particuliers, comme moments du calcul économique rationnel en vue de la plus grande satisfaction individuelle : « Laltruisme sociologique est entaché de valeurs morales (bien / mal, bon / mauvais, libre / totalitaire, juste / injuste) qui le ren-dent peu compatible avec le raisonnement économique »1.
Le don délivré de toute idée dobligation et de dette dans lanalyse économique est réduit à un échange donnant-donnant conforme à la tradition utilitariste qui consiste à dire quil peut être « intéressant dêtre désintéressé ». Laltruisme et la gratuité nont alors plus rien à voir avec le souci du bien dautrui ou du bien commun : ils se trouvent dé-moralisés et dé-politisés. Le don peut alors devenir un véritable investissement dont on attend un rendement, un « retour social sur investissement », comme le montre par exemple la nouvelle philanthropie américaine2.
La gratuité soupçonnée
Ces noces de lefficience et de la gratuité renforcent le soupçon moderne vis-à-vis de la gratuité, souvent associée à lidée de ruse, de domination, de soumission.
Attirer le consommateur avec un produit gratuit pour créer une habitude et linciter à consommer plus largement est une pratique ancienne et très courante. Elle peut se pratiquer désormais à grande échelle : « Au lieu dêtre évincée par la commercialisation de lInternet, léconomie de la gratuité est consolidée dans un nouveau contexte. La gratuité permet de rassembler une grande masse dutilisateurs [ ]. Pendant que lutilisateur va rechercher une information sur le web, il laisse des empreintes électroniques, ce qui permet de comprendre son comportement en temps réel, pour ajuster loffre au plus juste. Ces informations vont révolutionner lapproche marketing classique et ainsi accélérer le développement du commerce électronique »3.
Le soupçon a ses raisons dêtre ! En effet, dès lors que le don est soumis et intégré au paradigme de lintérêt, il est instrumentalisé et le soupçon moderne à légard de sa pureté ou de sa possibilité, maintes fois exprimé4, devient alors légitime.
Cette ambiguïté du don et sa possible transmutation en poison, Marcel Mauss lavait déjà notée dans son Essai sur le don5. Que le mot Gift signifie en allemand à la fois cadeau et poison, laisse poindre une ambivalence. Lexpression courante de « cadeau empoisonné » exprime une défiance à légard de la dépendance induite par un don unilatéral sans possibilité de retour : il y a le don qui honore et le don qui humilie.
La légitimité du soupçon vis-à-vis de la gratuité puise également à dautres sources, qui au-delà de leurs différences, ont en commun de poser la gratuité dans les termes de léconomie : est gratuit ce qui est « sans prix », qui nest pas compté, calculé et acquitté. Dans le monde de léconomie capitaliste, gratuité rime avec soumission, domination.
Nest-ce pas en effet la représentation dominante de la Nature comme objet inerte, stock de ressources potentielles, sans valeur et « gratuite » tant quelle nest pas propriété privée, qui se trouve au fondement de sa soumission et de son exploitation ?
De même, lanalyse marxiste de lexploitation repose sur lexistence dun sur-travail, invisible et gratuit, prélevé par les propriétaires du capital lors de la production. La gratuité est bien alors lexpression de la domination capitaliste.
Enfin, les activités dentretien et de reproduction de la vie, que les femmes exercent en grande partie, sont non marchandes et non monétaires. Cette « gratuité » est souvent dénoncée comme une expression de la domination masculine. Toutefois, la dénonciation de la gratuité, qui sexprime souvent par la revendication dune comptabilisation des activités domestiques dans le calcul de la production, contient une réduction de la richesse sociale à la valeur monétaire et exprime une vision économiciste de la vie sociale et de loppression des femmes.
La gratuité comme retour
à léthique et au politique
La remise en cause de la gratuité du vivant et la marchandisation des corps mettent à jour lexigence de penser la gratuité dans lordre du politique et de léthique.
Jusquici le vivant était considéré comme hors de prix, comme don, induisant une dette primordiale à la base du lien social. Cette idée a pris des formes différentes selon les sociétés : dettes envers les dieux, les ancêtres, le souverain, envers la Nature, vis-à-vis dautrui.
Or le libéralisme économique transforme radicalement les liens des individus et de la société. Ne sont reconnues en effet que les dettes privées, contractuelles. La dette sociale se trouve délégitimée et les dépenses publiques, qui en constituent une des expressions présentes, apparaissent comme parasitaires. Il en est de même de la dette vis-à-vis de la Nature. La rupture dun lien primordial de dette rend possible les manipulations génétiques les plus hasardeuses, la destruction de la diversité et la privatisation du vivant.
La génétique médicale et les techniques de reproduction artificielle font du corps une chose et du corps féminin un site passif où lexpert produit et ajoute de la valeur. Les femmes sont dépossédées de la procréation et soumises à un processus industriel de production. Comme si ne les intéressait désormais que le produit final et non lacte créatif lui-même.
Elles ne conçoivent pourtant pas leur grossesse comme plan de fabrication dun enfant. La naissance reste quelque chose dinouï, dimprévisible. Cest la nouveauté de chaque enfant qui est un événement et qui donne la plénitude : chaque être humain est inaugural dirait Hannah Arendt. Cest précisément cette nouveauté, ce caractère imprévisible qui est insupportable au regard de la rationalisation instrumentale du monde. Le déterminisme génétique ambiant, tout comme le darwinisme social et la concurrence qui font rage, poussent à la recherche de qualité de lhumain : la paideia est remplacée par lingenierie bio-génétique censée accoucher dune race meilleure.
La réduction de lincertitude ouvre la perspective dun nouveau marché, celui de la fécondation. Ovules et sperme deviennent ressources, pièces détachées traitées par les industries de la fécondation : « La procréation est de plus en plus soumise à lemprise technique et commerciale du corps des femmes, et le nouvel ordre mondial de la reproduction passe par un marché globalisé »6. Cest la fertilité qui doit être maîtrisée par les experts de la bio-technologie depuis les plus jeunes femmes jusquà la barrière de la ménopause.
« Mon corps mappartient », ont pourtant crié les femmes en quête dautonomie ! Ne vaut-il pas mieux, avec le recul, affirmer que le corps ne saurait se réduire à de la matière, quil définit lhumain, et à ce titre quil est hors de toute propriété ?
La gratuité de la vie est la dernière frontière avant la domination totale du Marché. Devient alors évidente lexigence de penser la gratuité non plus seulement sur le mode privatif et oppressif de labsence de valeur et de prix, mais comme le domaine du « hors de prix », comme valeur politique de refus de linstrumentalisation politique ou économique des personnes.
La gratuité ne serait plus alors un échange marchand incomplet dans lequel manquerait la monnaie comme équivalent général. Elle serait la reconnaissance que dans léchange, il y a autre chose que des biens matériels qui circulent, que donner, cest aussi donner une part de soi et reconnaître lautre dans son altérité, que « donner, recevoir, rendre » selon la formule de Marcel Mauss constitue le roc sur lequel sont assises les sociétés. Le travail non-payé, sans prix, prélevé dans la production capitaliste ne relève pas seulement de lexploitation économique, mais dune véritable aliénation, comme la souligné également Marx. De même, la vie domestique ne saurait se réduire à une « économie » domestique.
Ce serait admettre également que léchange avec la Nature suppose de la reconnaître comme partenaire. Et au-delà, quil existe des biens communs, fruit dune histoire collective, qui eux-mêmes se trouvent hors de prix. Vouloir donner une valeur déchange à ce qui est hors de prix consiste seulement à inscrire dans lordre économique des valeurs qui relèvent du politique et de léthique. La polysémie du terme valeur entretient cette confusion.
Reconnaître la gratuité comme valeur et en faire le fondement de la richesse sociale, cest admettre lidée dune dette sociale, dette symbolique qui ne saurait se réduire à une dette financière, ni à une faute à réparer. Cest la conscience de vivre dans des sociétés, qui pour être pleinement humaines et viables, doivent assumer collectivement une coopération bienveillante avec une Nature limitée au lieu du fantasme dune conquête illimitée, et la mise en uvre dune solidarité entre les humains et entre les générations successives.
Lintérêt nouveau de la pensée économique pour la gratuité participe de ce mouvement de dé-moralisation. La privatisation du vivant et la marchandisation des corps peuvent alors apparaître comme moments neutres du calcul économique et de la recherche defficience.
Alors, tenter de penser la gratuité dans lordre politique, nest-ce pas résister à
la toute-puissance de lunivers de la marchandise dans lequel tout est produit et échangé selon le principe de léquivalence calculée ?
La gratuité concept neutre
de lidéologie économique
Au sens économique, est gratuit ce qui est « sans » prix, privé de valeur économique et par conséquent de valeur sociale. La gratuité ainsi comprise suggère lidée dun manque, dune privation, dun non-aboutissement. Sa conquête est un défi pour lextension du règne de la marchandise.
Pour cela, il sagit dabord den faire un concept neutre et sans valeur morale a priori. À cette condition, peut naître, comble de loxymore, une « économie de la gratuité » : le don et laltruisme, longtemps étrangers à lorthodoxie économique fondée sur la règle de légoïsme et de lintérêt individuel, entrent dans la « boîte » des économistes. Ils sont alors considérés comme comportements « éco-nomiques » particuliers, comme moments du calcul économique rationnel en vue de la plus grande satisfaction individuelle : « Laltruisme sociologique est entaché de valeurs morales (bien / mal, bon / mauvais, libre / totalitaire, juste / injuste) qui le ren-dent peu compatible avec le raisonnement économique »1.
Le don délivré de toute idée dobligation et de dette dans lanalyse économique est réduit à un échange donnant-donnant conforme à la tradition utilitariste qui consiste à dire quil peut être « intéressant dêtre désintéressé ». Laltruisme et la gratuité nont alors plus rien à voir avec le souci du bien dautrui ou du bien commun : ils se trouvent dé-moralisés et dé-politisés. Le don peut alors devenir un véritable investissement dont on attend un rendement, un « retour social sur investissement », comme le montre par exemple la nouvelle philanthropie américaine2.
La gratuité soupçonnée
Ces noces de lefficience et de la gratuité renforcent le soupçon moderne vis-à-vis de la gratuité, souvent associée à lidée de ruse, de domination, de soumission.
Attirer le consommateur avec un produit gratuit pour créer une habitude et linciter à consommer plus largement est une pratique ancienne et très courante. Elle peut se pratiquer désormais à grande échelle : « Au lieu dêtre évincée par la commercialisation de lInternet, léconomie de la gratuité est consolidée dans un nouveau contexte. La gratuité permet de rassembler une grande masse dutilisateurs [ ]. Pendant que lutilisateur va rechercher une information sur le web, il laisse des empreintes électroniques, ce qui permet de comprendre son comportement en temps réel, pour ajuster loffre au plus juste. Ces informations vont révolutionner lapproche marketing classique et ainsi accélérer le développement du commerce électronique »3.
Le soupçon a ses raisons dêtre ! En effet, dès lors que le don est soumis et intégré au paradigme de lintérêt, il est instrumentalisé et le soupçon moderne à légard de sa pureté ou de sa possibilité, maintes fois exprimé4, devient alors légitime.
Cette ambiguïté du don et sa possible transmutation en poison, Marcel Mauss lavait déjà notée dans son Essai sur le don5. Que le mot Gift signifie en allemand à la fois cadeau et poison, laisse poindre une ambivalence. Lexpression courante de « cadeau empoisonné » exprime une défiance à légard de la dépendance induite par un don unilatéral sans possibilité de retour : il y a le don qui honore et le don qui humilie.
La légitimité du soupçon vis-à-vis de la gratuité puise également à dautres sources, qui au-delà de leurs différences, ont en commun de poser la gratuité dans les termes de léconomie : est gratuit ce qui est « sans prix », qui nest pas compté, calculé et acquitté. Dans le monde de léconomie capitaliste, gratuité rime avec soumission, domination.
Nest-ce pas en effet la représentation dominante de la Nature comme objet inerte, stock de ressources potentielles, sans valeur et « gratuite » tant quelle nest pas propriété privée, qui se trouve au fondement de sa soumission et de son exploitation ?
De même, lanalyse marxiste de lexploitation repose sur lexistence dun sur-travail, invisible et gratuit, prélevé par les propriétaires du capital lors de la production. La gratuité est bien alors lexpression de la domination capitaliste.
Enfin, les activités dentretien et de reproduction de la vie, que les femmes exercent en grande partie, sont non marchandes et non monétaires. Cette « gratuité » est souvent dénoncée comme une expression de la domination masculine. Toutefois, la dénonciation de la gratuité, qui sexprime souvent par la revendication dune comptabilisation des activités domestiques dans le calcul de la production, contient une réduction de la richesse sociale à la valeur monétaire et exprime une vision économiciste de la vie sociale et de loppression des femmes.
La gratuité comme retour
à léthique et au politique
La remise en cause de la gratuité du vivant et la marchandisation des corps mettent à jour lexigence de penser la gratuité dans lordre du politique et de léthique.
Jusquici le vivant était considéré comme hors de prix, comme don, induisant une dette primordiale à la base du lien social. Cette idée a pris des formes différentes selon les sociétés : dettes envers les dieux, les ancêtres, le souverain, envers la Nature, vis-à-vis dautrui.
Or le libéralisme économique transforme radicalement les liens des individus et de la société. Ne sont reconnues en effet que les dettes privées, contractuelles. La dette sociale se trouve délégitimée et les dépenses publiques, qui en constituent une des expressions présentes, apparaissent comme parasitaires. Il en est de même de la dette vis-à-vis de la Nature. La rupture dun lien primordial de dette rend possible les manipulations génétiques les plus hasardeuses, la destruction de la diversité et la privatisation du vivant.
La génétique médicale et les techniques de reproduction artificielle font du corps une chose et du corps féminin un site passif où lexpert produit et ajoute de la valeur. Les femmes sont dépossédées de la procréation et soumises à un processus industriel de production. Comme si ne les intéressait désormais que le produit final et non lacte créatif lui-même.
Elles ne conçoivent pourtant pas leur grossesse comme plan de fabrication dun enfant. La naissance reste quelque chose dinouï, dimprévisible. Cest la nouveauté de chaque enfant qui est un événement et qui donne la plénitude : chaque être humain est inaugural dirait Hannah Arendt. Cest précisément cette nouveauté, ce caractère imprévisible qui est insupportable au regard de la rationalisation instrumentale du monde. Le déterminisme génétique ambiant, tout comme le darwinisme social et la concurrence qui font rage, poussent à la recherche de qualité de lhumain : la paideia est remplacée par lingenierie bio-génétique censée accoucher dune race meilleure.
La réduction de lincertitude ouvre la perspective dun nouveau marché, celui de la fécondation. Ovules et sperme deviennent ressources, pièces détachées traitées par les industries de la fécondation : « La procréation est de plus en plus soumise à lemprise technique et commerciale du corps des femmes, et le nouvel ordre mondial de la reproduction passe par un marché globalisé »6. Cest la fertilité qui doit être maîtrisée par les experts de la bio-technologie depuis les plus jeunes femmes jusquà la barrière de la ménopause.
« Mon corps mappartient », ont pourtant crié les femmes en quête dautonomie ! Ne vaut-il pas mieux, avec le recul, affirmer que le corps ne saurait se réduire à de la matière, quil définit lhumain, et à ce titre quil est hors de toute propriété ?
La gratuité de la vie est la dernière frontière avant la domination totale du Marché. Devient alors évidente lexigence de penser la gratuité non plus seulement sur le mode privatif et oppressif de labsence de valeur et de prix, mais comme le domaine du « hors de prix », comme valeur politique de refus de linstrumentalisation politique ou économique des personnes.
La gratuité ne serait plus alors un échange marchand incomplet dans lequel manquerait la monnaie comme équivalent général. Elle serait la reconnaissance que dans léchange, il y a autre chose que des biens matériels qui circulent, que donner, cest aussi donner une part de soi et reconnaître lautre dans son altérité, que « donner, recevoir, rendre » selon la formule de Marcel Mauss constitue le roc sur lequel sont assises les sociétés. Le travail non-payé, sans prix, prélevé dans la production capitaliste ne relève pas seulement de lexploitation économique, mais dune véritable aliénation, comme la souligné également Marx. De même, la vie domestique ne saurait se réduire à une « économie » domestique.
Ce serait admettre également que léchange avec la Nature suppose de la reconnaître comme partenaire. Et au-delà, quil existe des biens communs, fruit dune histoire collective, qui eux-mêmes se trouvent hors de prix. Vouloir donner une valeur déchange à ce qui est hors de prix consiste seulement à inscrire dans lordre économique des valeurs qui relèvent du politique et de léthique. La polysémie du terme valeur entretient cette confusion.
Reconnaître la gratuité comme valeur et en faire le fondement de la richesse sociale, cest admettre lidée dune dette sociale, dette symbolique qui ne saurait se réduire à une dette financière, ni à une faute à réparer. Cest la conscience de vivre dans des sociétés, qui pour être pleinement humaines et viables, doivent assumer collectivement une coopération bienveillante avec une Nature limitée au lieu du fantasme dune conquête illimitée, et la mise en uvre dune solidarité entre les humains et entre les générations successives.
Enseignante-chercheuse en socio-économie à lUniversité de Toulouse Le Mirail.
(1) Mahieu R.F., 1998, « Altruisme et ingérence. Modalités de laltruisme dans lanalyse économique », p. 114, in Mahieu F.R., Rapport H., 1998, Altruisme, Analyses économiques, Economica, Paris.
(2) Voir à ce propos un dossier relatif au « Capital-risque philanthropique », in Les Échos, 24 septembre 2002.
(3) Dalloz X., 1999, « La gratuité, un nouveau modèle économique », in Problèmes Économiques, n° 2642, pp. 28-29.
(4) Par exemple par Derrida J., 1991, Donner le temps, Galilée, Paris.
(5) Marcel Mauss,1950, « Essai sur le don », in Sociologie et anthropologie, PUF.
(6) Christa Wichterich, 1999, La femme mondialisée, p. 146, Solin, Actes Sud.
(1) Mahieu R.F., 1998, « Altruisme et ingérence. Modalités de laltruisme dans lanalyse économique », p. 114, in Mahieu F.R., Rapport H., 1998, Altruisme, Analyses économiques, Economica, Paris.
(2) Voir à ce propos un dossier relatif au « Capital-risque philanthropique », in Les Échos, 24 septembre 2002.
(3) Dalloz X., 1999, « La gratuité, un nouveau modèle économique », in Problèmes Économiques, n° 2642, pp. 28-29.
(4) Par exemple par Derrida J., 1991, Donner le temps, Galilée, Paris.
(5) Marcel Mauss,1950, « Essai sur le don », in Sociologie et anthropologie, PUF.
(6) Christa Wichterich, 1999, La femme mondialisée, p. 146, Solin, Actes Sud.
Geneviève Azam