Sortie du DVD de Notre Monde
Notre Monde Notre Monde (2013, 119') un film de Thomas LacosteRassemblant plus de 35 intervenants, philosophes, sociologues, économistes, magistrats, médecins, universitaires et écrivains, Notre Monde propose un espace dexpression pour travailler, comme nous y enjoint JeanLuc Nancy à « une pensée commune ». Plus encore quun libre espace de parole, Notre Monde sappuie sur un ensemble foisonnant de propositions concrètes pour agir comme un rappel essentiel, individuel et collectif : « faites de la politique » et de préférence autrement.
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© Passant n°42 [septembre 2002 - octobre 2002]
© Passant n°42 [septembre 2002 - octobre 2002]
par Guillaume S. et Laurent Perreau
Imprimer l'articleCriminalisation des luttes : tous terroristes ?
Une des caractéristiques les plus intéressantes du renouveau militant des années 1990 réside dans lapparition dactions radicales qui ne se contentent pas dexprimer des revendications mais sefforcent de les mettre directement en uvre et en scène. Quil sagisse doccuper des logements vides avec le DAL, de démonter un MO ou de faucher des champs dOGM sous la houlette de la Confédération Paysanne ou encore dorganiser des réappropriations festives de lespace public (raves, street-parades, etc.), on se met dans et devant le fait accompli pour signifier une revendication. La fonction de telles actions est double : dune part, on force les instances concernées (Etat, collectivités locales, entreprises, etc.) à prendre en compte la réalité dun problème, lurgence dune situation, la légitimité dune revendication, dautre part, à grands renforts de micros et de caméras au besoin, on alerte lopinion publique, on pose les éléments dun débat jusqualors inexistant, on assure des gains de visibilité médiatique à des luttes jusque-là ignorées par lactualité.
Ces actions se jouent souvent aux marges de la légalité : occupations temporaires despaces privés (sièges sociaux, appartements vides, champs) ou public (rues, routes, mairies, etc.), perturbation de cérémonies ou de réunions Dans chacune de ces initiatives, les risques de sanctions judiciaires sont pris et pleinement assumés par les acteurs mais on sefforce de limiter les incompréhensions en exposant clairement les motifs de revendication et en affichant une attitude résolue mais non-violente. Si la portée des revendications dépend ensuite de la pertinence des cibles choisies, de lampleur des luttes ou de leur audience conjoncturelle dans les médias, les marges daction dépendent elles directement de ce que lon pourrait appeler des « tolérances informelles » de lEtat : une répression policière des militants peut bien avoir lieu, mais on prend le pari que les « autorités » nengageront pas immédiatement dépreuve de force, le coût politique et médiatique à payer étant au final parfois bien trop élevé. Certes, face à ces nouveaux modes de revendication, on sest parfois contenté de déloger les perturbateurs de manière plus ou moins fracassante (quon se rappelle lévacuation de léglise Saint-Bernard à grands coups de hache), mais on peut aussi considérer quil aura été possible, un temps au moins, de miser sur ces tolérances informelles pour découvrir des formes de luttes innovantes et donner de lair frais à la scène militante.
Face à cette agitation, il fut bien tentant de répondre par ladoption dune posture légaliste et pénaliste stricte : il y a toujours un quelconque délit à trouver dans ces actions, quil sagisse dun trouble mineur à l« ordre public » ou dune atteinte à la propriété privée. Ce que lon nomme criminalisation des luttes, dans ce cas précis, cest la volonté de couper court à toute initiative du genre en instruisant des procès qui doivent briser financièrement ou pénalement les militants ou les organisations concernés et qui doivent avoir valeur dexemple : les procès récents intentés à José Bové et aux autres militants de la Confédération Paysanne en sont une illustration criante. Ce qui frappe alors, ce nest pas tant que certaines actions fassent lobjet de poursuites judiciaires, puisque après tout ce risque est bien assumé, cest plutôt la sévérité de la justice à légard dun militantisme que lon veut mani-festement étouffer, quand dautres en réchappent ou bénéficient dune impunité quasi systématique : on accable ainsi la Confédération paysanne quand syndicalistes de la FNSEA et autres chasseurs mettent à sac villes et bureau de ministre sans être inquiétés.
Mais à bien y regarder, on pourrait se demander si cette criminalisation somme toute peu surprenante de certaines luttes ne se double pas dune tentative de cri-minalisation dune autre nature. Que certaines luttes occasionnent des actions qui peuvent être qualifiées de délits, cest une chose ; que, de là, on considère tout militant comme une menace potentielle pour l« ordre public », comme un délinquant en puissance, comme un terroriste virtuel, cen est une autre, qui suppose un changement déchelle et ouvre grand la porte à une répression beaucoup plus dure. Ces derniers temps, sous couvert de traque anti-terroriste tous azimuts, le pas fut allégrement franchi. La lutte contre le terrorisme, sans que cette qualification soit toujours vraiment clarifiée, est en effet devenue au-delà des conditions que lon sait le prétexte bien commode pour étendre considérablement les compétences des instances chargées de veiller au maintien de lordre.
En France, la « loi sur la sécurité quo-tidienne et la lutte anti-terroriste » pro-mulguée en novembre 2001 a déjà modifié la donne puisquelle accorde aux institutions chargées du maintien de lordre des pouvoirs de police étendus tout en réduisant les garanties de contrôle démocratique et de recours1.
Au niveau européen, les choses sont encore plus parlantes. A Gênes, en juil-let 2001, on avait déjà eu loccasion dassister à la répression sanglante et meurtrière de militants en très grande majorité pacifistes et non-violents, le tout agrémenté de tortures et dentorses aux procédures dignes dune république bananière. Par la suite, on a vu fleurir dans plusieurs textes de la Commission européenne et dautres institutions européennes une rhétorique de disqualification qui assimilait le militant trans-
national à un hooligan politique, puis, 11 septembre aidant, à un terroriste2. Dans un rapport consacré aux tendances du terrorisme européen, Europol, approuvé en cela par le Conseil des ministres de juin dernier à Séville, a étendu la définition
du terrorisme à un « pré-terrorisme », un « éco-terrorisme » et un « terrorisme anarchiste ». En toute rigueur, le fauchage dun champ dOGM relève désormais de léco-terrorisme. Létiquette « terroriste » est devenue cette catégorie fourre-tout, à la consistance juridique douteuse, qui permet lextension des pouvoirs judiciaires et policiers et labolition des droits fondamentaux des personnes. Parallèle-ment, le même rapport minimisait voire ignorait le terrorisme dextrême droite, qui pourtant a fait récemment parler de lui en France et qui est responsable dattentats à la bombe visant aveuglément des civils en Italie.
Conséquemment, la collaboration des polices européennes porte aussi ses fruits. Une Police Chiefs Operational Task Force a été mise sur pied, sans statut légal clairement défini depuis 1999 et sans quil soit possible daccéder aux minutes de ses rencontres. Les compétences des services de renseignement en matière de sur-veillance des communications ont été renforcées. Le Système dInformation Schengen (SIS) institue la création de fichiers nationaux de « fauteurs de troubles » fondés sur la suspicion et la supposition et autorise leurs échanges incontrôlés, sans aucune norme légale ou protection des données. Ces différentes mesures, qui visent prioritairement les contestataires altermondialistes, clairement stigmatisés dans différents documents officiels, ont trouvé une formidable légitimation avec laprès 11 septembre3. Les dernières manifestations des opposants aux différents sommets européens se sont accompagnées de mesures dexception qui composent un tableau à la facture bien peu démocratique : police omniprésente, zones dexclusion, contrôles didentités à tout va, saisie et confiscation de matériels, suspension provisoire des accords de Schengen sur la libre circulation des personnes, déni du droit de manifester.
Les bénéfices de cette répression sont de trois ordres. La rhétorique anti-terrorisme qui enrobe la criminalisation des militants, cultive les peurs individuelles et collectives et ménage un effet décran qui fait passer toute lutte revendicative pour un problème de second ordre. Ce faisant, elle accorde une légitimité retrouvée à laction de lEtat, qui peut bien privatiser à tout va et négliger toute misère sociale tout en faisant mine de se concentrer sur cette mission d« intérêt public » : assurer la sécurité de tous. Enfin, elle produit leffet recherché, en décourageant toute entreprise trop audacieuse, en intimidant les contestataires et en les détournant de leurs luttes premières.
De ce point de vue, deux affaires récentes sont sans doute à resituer dans le cadre de cette évolution.
A la fin du mois daoût, décidant dappliquer au pied de la lettre un décret de 1994 signé par Edouard Balladur, Dominique Perben, ministre de la Justice, a choisi de livrer Paolo Persichetti à la justice italienne et de réviser « au cas par cas » le sort des anciens militants dextrême gauche réfugiés sur le territoire français. Peu importe que Paolo Persichetti, acquitté en première instance, ait été condamné en appel à 22 ans demprisonnement pour « concours moral » dans lexécution dune action armée « liée à une entreprise subversive ou de terrorisme » sur le seul témoignage dun repenti qui sest ensuite rétracté : comme lexplique Dominique Perben, ministre de la Justice, le 26 août sur RTL, il sagit dun « geste de solidarité des différents pays européens face au terrorisme »4. La virevolte de lEtat français en matière de protection-extradition de militants ita-liens établis sur le sol français est ici tout à fait symptomatique : sur fond doubli et de confusion, elle agite les fantasmes du « péril rouge », participe à la construction imaginaire dun « ennemi intérieur »5 et envoie un signal fort de bonne volonté de coopération à la lutte « anti-terrorisme ».
Dans le courant de lété, on a pu assister à la répression violente dun camp No Border établi à Strasbourg et qui entendait dénoncer la politique européenne en matière dimmigration. Un des cofondateurs du Mouvement Spontané du Peuple, Ahmed Meguini, est depuis condamné à huit mois de prison dont trois fermes pour « violence et outrage à agent », sur la base de témoignages contradictoires (un des policiers plaignants est apparu à la comparution immédiate). On eut recours aux flash-balls pour disperser une manifestation non-violente, loccupation pacifique dune annexe du ministère de la Justice par le comité de soutien à Ahmed Meguini fut qualifiée de « prise dotage » et mobilisa BAC et GIPN pour des arrestations musclées. En dépit des dénégations des autorités européennes et françaises, les militants sont désormais traités dans les faits comme de dangereux terroristes. Les militants ont été directement exposés à des offensives policières qui bénéficient dune grande liberté de manuvre et dune impunité de fait6. Une justice ubuesque complète le tout : témoignages contradictoires, peines de prison fermes pour outrage à agent, mise à lisolement du prévenu Ahmed Meguini, déclaration dincompétence du tribunal correctionnel, appel du parquet, etc.
Chacune à leur manière, ces deux affaires traduisent assez bien une sorte demballement de la lutte anti-terrorisme, qui amplifie et justifie tout à la fois la répression des contestataires. Faudra-t-il donc en venir à lutter pour avoir le droit de lutter ?
Guillaume S. et Laurent Perreau*
* Membres du collectif Aarrg.
Ces actions se jouent souvent aux marges de la légalité : occupations temporaires despaces privés (sièges sociaux, appartements vides, champs) ou public (rues, routes, mairies, etc.), perturbation de cérémonies ou de réunions Dans chacune de ces initiatives, les risques de sanctions judiciaires sont pris et pleinement assumés par les acteurs mais on sefforce de limiter les incompréhensions en exposant clairement les motifs de revendication et en affichant une attitude résolue mais non-violente. Si la portée des revendications dépend ensuite de la pertinence des cibles choisies, de lampleur des luttes ou de leur audience conjoncturelle dans les médias, les marges daction dépendent elles directement de ce que lon pourrait appeler des « tolérances informelles » de lEtat : une répression policière des militants peut bien avoir lieu, mais on prend le pari que les « autorités » nengageront pas immédiatement dépreuve de force, le coût politique et médiatique à payer étant au final parfois bien trop élevé. Certes, face à ces nouveaux modes de revendication, on sest parfois contenté de déloger les perturbateurs de manière plus ou moins fracassante (quon se rappelle lévacuation de léglise Saint-Bernard à grands coups de hache), mais on peut aussi considérer quil aura été possible, un temps au moins, de miser sur ces tolérances informelles pour découvrir des formes de luttes innovantes et donner de lair frais à la scène militante.
Face à cette agitation, il fut bien tentant de répondre par ladoption dune posture légaliste et pénaliste stricte : il y a toujours un quelconque délit à trouver dans ces actions, quil sagisse dun trouble mineur à l« ordre public » ou dune atteinte à la propriété privée. Ce que lon nomme criminalisation des luttes, dans ce cas précis, cest la volonté de couper court à toute initiative du genre en instruisant des procès qui doivent briser financièrement ou pénalement les militants ou les organisations concernés et qui doivent avoir valeur dexemple : les procès récents intentés à José Bové et aux autres militants de la Confédération Paysanne en sont une illustration criante. Ce qui frappe alors, ce nest pas tant que certaines actions fassent lobjet de poursuites judiciaires, puisque après tout ce risque est bien assumé, cest plutôt la sévérité de la justice à légard dun militantisme que lon veut mani-festement étouffer, quand dautres en réchappent ou bénéficient dune impunité quasi systématique : on accable ainsi la Confédération paysanne quand syndicalistes de la FNSEA et autres chasseurs mettent à sac villes et bureau de ministre sans être inquiétés.
Mais à bien y regarder, on pourrait se demander si cette criminalisation somme toute peu surprenante de certaines luttes ne se double pas dune tentative de cri-minalisation dune autre nature. Que certaines luttes occasionnent des actions qui peuvent être qualifiées de délits, cest une chose ; que, de là, on considère tout militant comme une menace potentielle pour l« ordre public », comme un délinquant en puissance, comme un terroriste virtuel, cen est une autre, qui suppose un changement déchelle et ouvre grand la porte à une répression beaucoup plus dure. Ces derniers temps, sous couvert de traque anti-terroriste tous azimuts, le pas fut allégrement franchi. La lutte contre le terrorisme, sans que cette qualification soit toujours vraiment clarifiée, est en effet devenue au-delà des conditions que lon sait le prétexte bien commode pour étendre considérablement les compétences des instances chargées de veiller au maintien de lordre.
En France, la « loi sur la sécurité quo-tidienne et la lutte anti-terroriste » pro-mulguée en novembre 2001 a déjà modifié la donne puisquelle accorde aux institutions chargées du maintien de lordre des pouvoirs de police étendus tout en réduisant les garanties de contrôle démocratique et de recours1.
Au niveau européen, les choses sont encore plus parlantes. A Gênes, en juil-let 2001, on avait déjà eu loccasion dassister à la répression sanglante et meurtrière de militants en très grande majorité pacifistes et non-violents, le tout agrémenté de tortures et dentorses aux procédures dignes dune république bananière. Par la suite, on a vu fleurir dans plusieurs textes de la Commission européenne et dautres institutions européennes une rhétorique de disqualification qui assimilait le militant trans-
national à un hooligan politique, puis, 11 septembre aidant, à un terroriste2. Dans un rapport consacré aux tendances du terrorisme européen, Europol, approuvé en cela par le Conseil des ministres de juin dernier à Séville, a étendu la définition
du terrorisme à un « pré-terrorisme », un « éco-terrorisme » et un « terrorisme anarchiste ». En toute rigueur, le fauchage dun champ dOGM relève désormais de léco-terrorisme. Létiquette « terroriste » est devenue cette catégorie fourre-tout, à la consistance juridique douteuse, qui permet lextension des pouvoirs judiciaires et policiers et labolition des droits fondamentaux des personnes. Parallèle-ment, le même rapport minimisait voire ignorait le terrorisme dextrême droite, qui pourtant a fait récemment parler de lui en France et qui est responsable dattentats à la bombe visant aveuglément des civils en Italie.
Conséquemment, la collaboration des polices européennes porte aussi ses fruits. Une Police Chiefs Operational Task Force a été mise sur pied, sans statut légal clairement défini depuis 1999 et sans quil soit possible daccéder aux minutes de ses rencontres. Les compétences des services de renseignement en matière de sur-veillance des communications ont été renforcées. Le Système dInformation Schengen (SIS) institue la création de fichiers nationaux de « fauteurs de troubles » fondés sur la suspicion et la supposition et autorise leurs échanges incontrôlés, sans aucune norme légale ou protection des données. Ces différentes mesures, qui visent prioritairement les contestataires altermondialistes, clairement stigmatisés dans différents documents officiels, ont trouvé une formidable légitimation avec laprès 11 septembre3. Les dernières manifestations des opposants aux différents sommets européens se sont accompagnées de mesures dexception qui composent un tableau à la facture bien peu démocratique : police omniprésente, zones dexclusion, contrôles didentités à tout va, saisie et confiscation de matériels, suspension provisoire des accords de Schengen sur la libre circulation des personnes, déni du droit de manifester.
Les bénéfices de cette répression sont de trois ordres. La rhétorique anti-terrorisme qui enrobe la criminalisation des militants, cultive les peurs individuelles et collectives et ménage un effet décran qui fait passer toute lutte revendicative pour un problème de second ordre. Ce faisant, elle accorde une légitimité retrouvée à laction de lEtat, qui peut bien privatiser à tout va et négliger toute misère sociale tout en faisant mine de se concentrer sur cette mission d« intérêt public » : assurer la sécurité de tous. Enfin, elle produit leffet recherché, en décourageant toute entreprise trop audacieuse, en intimidant les contestataires et en les détournant de leurs luttes premières.
De ce point de vue, deux affaires récentes sont sans doute à resituer dans le cadre de cette évolution.
A la fin du mois daoût, décidant dappliquer au pied de la lettre un décret de 1994 signé par Edouard Balladur, Dominique Perben, ministre de la Justice, a choisi de livrer Paolo Persichetti à la justice italienne et de réviser « au cas par cas » le sort des anciens militants dextrême gauche réfugiés sur le territoire français. Peu importe que Paolo Persichetti, acquitté en première instance, ait été condamné en appel à 22 ans demprisonnement pour « concours moral » dans lexécution dune action armée « liée à une entreprise subversive ou de terrorisme » sur le seul témoignage dun repenti qui sest ensuite rétracté : comme lexplique Dominique Perben, ministre de la Justice, le 26 août sur RTL, il sagit dun « geste de solidarité des différents pays européens face au terrorisme »4. La virevolte de lEtat français en matière de protection-extradition de militants ita-liens établis sur le sol français est ici tout à fait symptomatique : sur fond doubli et de confusion, elle agite les fantasmes du « péril rouge », participe à la construction imaginaire dun « ennemi intérieur »5 et envoie un signal fort de bonne volonté de coopération à la lutte « anti-terrorisme ».
Dans le courant de lété, on a pu assister à la répression violente dun camp No Border établi à Strasbourg et qui entendait dénoncer la politique européenne en matière dimmigration. Un des cofondateurs du Mouvement Spontané du Peuple, Ahmed Meguini, est depuis condamné à huit mois de prison dont trois fermes pour « violence et outrage à agent », sur la base de témoignages contradictoires (un des policiers plaignants est apparu à la comparution immédiate). On eut recours aux flash-balls pour disperser une manifestation non-violente, loccupation pacifique dune annexe du ministère de la Justice par le comité de soutien à Ahmed Meguini fut qualifiée de « prise dotage » et mobilisa BAC et GIPN pour des arrestations musclées. En dépit des dénégations des autorités européennes et françaises, les militants sont désormais traités dans les faits comme de dangereux terroristes. Les militants ont été directement exposés à des offensives policières qui bénéficient dune grande liberté de manuvre et dune impunité de fait6. Une justice ubuesque complète le tout : témoignages contradictoires, peines de prison fermes pour outrage à agent, mise à lisolement du prévenu Ahmed Meguini, déclaration dincompétence du tribunal correctionnel, appel du parquet, etc.
Chacune à leur manière, ces deux affaires traduisent assez bien une sorte demballement de la lutte anti-terrorisme, qui amplifie et justifie tout à la fois la répression des contestataires. Faudra-t-il donc en venir à lutter pour avoir le droit de lutter ?
Guillaume S. et Laurent Perreau*
* Membres du collectif Aarrg.
(1) Sur ce point, lire Fabien Jobard, La loi de la peur, in Le Passant Ordinaire n°39.
(2) Cf. la note au Conseil de LUnion 5712/02 du 29 janvier 2002, présentée par la présidence espagnole.
(3) Un bilan complet des différentes mesures répressives de lUnion est à lire dans un article signé Tony Bunyan, « The war on Freedom and Democracy », in Statewatch Publications, disponible sur www.statewatch.org.
(4) Sur lensemble de laffaire, voir larticle de Nathaniel Herzberg, « La France, lItalie et les années de plomb », in Le Monde du 04 septembre 2002 ; et celui dAnne Schimel, Justice de « plomb » en Italie, Le Monde diplomatique, avril 1998.
(5) « Construire lennemi intérieur », in Cultures et conflits, sociologie politique de linternational, n° 43.
(6) Roland Bavard, « Jétais à No Border », in Politis, 12 septembre 2002.
(2) Cf. la note au Conseil de LUnion 5712/02 du 29 janvier 2002, présentée par la présidence espagnole.
(3) Un bilan complet des différentes mesures répressives de lUnion est à lire dans un article signé Tony Bunyan, « The war on Freedom and Democracy », in Statewatch Publications, disponible sur www.statewatch.org.
(4) Sur lensemble de laffaire, voir larticle de Nathaniel Herzberg, « La France, lItalie et les années de plomb », in Le Monde du 04 septembre 2002 ; et celui dAnne Schimel, Justice de « plomb » en Italie, Le Monde diplomatique, avril 1998.
(5) « Construire lennemi intérieur », in Cultures et conflits, sociologie politique de linternational, n° 43.
(6) Roland Bavard, « Jétais à No Border », in Politis, 12 septembre 2002.
Guillaume S.Laurent Perreau