Sortie du DVD de Notre Monde
Notre Monde Notre Monde (2013, 119') un film de Thomas LacosteRassemblant plus de 35 intervenants, philosophes, sociologues, économistes, magistrats, médecins, universitaires et écrivains, Notre Monde propose un espace dexpression pour travailler, comme nous y enjoint JeanLuc Nancy à « une pensée commune ». Plus encore quun libre espace de parole, Notre Monde sappuie sur un ensemble foisonnant de propositions concrètes pour agir comme un rappel essentiel, individuel et collectif : « faites de la politique » et de préférence autrement.
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© Passant n°40-41 [mai 2002 - septembre 2002]
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Léloge de la gratuité
Le capitalisme veut tout marchandiser. Cest le ressort de sa dynamique daccumulation. En phagocytant toutes les activités productives, en éliminant celles qui relèvent de la tradition dans les pays pauvres, en créant de nouveaux besoins, en privatisant les services publics, en grignotant la protection sociale, en sappropriant les ressources naturelles et la culture, en déposant des brevets sur toutes les connaissances scientifiques, il assure son développement planétaire. Le capital a soif de profit et le profit est au bout de la marchandise. Lextension de la sphère marchande se fait au détriment de la sphère non monétaire (celle des échanges où règnent laffectivité, la réciprocité ou le bénévolat et qui se déroulent dans un cadre intime ou associatif) et de la sphère monétaire non marchande (celle des services dont le financement est socialisé comme léducation, la santé et les retraites). Pourtant, la gratuité et le non marchand dont le paiement est socialisé sont indispensables à toute économie et même paradoxalement au capitalisme.
Le faux gratuit
Dernièrement, sont apparus des journaux quotidiens distribués « gratuitement ». Nous connaissions déjà les périodiques dannonces dont nos boîtes aux lettres sont bourrées sans que nous ayons à débourser un centime. Ce sont des exemples typiques de fausse gratuité. Le journal « gratuit » nest pas payé par son lecteur mais par les annonceurs et, au bout du compte, par les consommateurs des produits dont les annonceurs ont vanté les mérites puisque le coût de la publicité est inclus dans le prix du produit final.
Les déboires du commerce en ligne sexpliquent aisément : le journal Libération a perdu des clients de papier quand il a mis le contenu en accès libre sur Internet ; Le Monde na pas trouvé dacheteurs pour son journal électronique payant. Le mythe de la « nouvelle économie » réside dans la difficulté de trouver qui va payer et ce quon va faire payer. Ainsi grandissent les incertitudes au sujet du système UMTS de téléphonie mobile. Et se révèle une nouvelle contradiction du capitalisme : les techniques quil développe dans lespoir de faire du profit donnent un accès potentiel de tous les consommateurs aux biens et services (principe de non-exclusion) sans que ces consommateurs se fassent concurrence entre eux (principe de non-rivalité).
La leçon à retirer est que tout ce qui a un coût de production nest pas et ne peut être gratuit. Quelquun doit en payer le prix. La fausse gratuité consiste à trouver une bonne mule endossant le fardeau du coût.
Le vrai gratuit
Il nexiste que deux cas de figure de vraie gratuité. Le premier correspond aux productions dont le coût tend vers zéro parce quelles demandent de moins en moins doutils, de matières premières et de travail vivant. On commence à entrevoir cette possibilité pour certaines productions comme les logiciels dont la conception (qui représente un coût fixe) est amortie sur un tel grand nombre de duplications que le coût unitaire en est infime. On trouve là, une fois de plus, une confirmation de cette loi de la valeur-travail si étonnante et dérangeante pour les libéraux : la valeur diminue quand la productivité du travail progresse.
Le deuxième cas de figure de vraie gratuité correspond aux biens naturels auxquels lhumanité a accès sans restriction parce que leur abondance est telle que leur usage est possible sans aucun effort. Cest le cas limite du précédent. Les meilleurs exemples en sont la lumière du soleil et lair. Mais on voit aussitôt que cette vraie gratuité peut être anéantie si labondance se révèle nêtre que factice et si lon a gaspillé une ressource naturelle en croyant à tort quelle était inépuisable. Cela sest passé pour leau et risque darriver à lair. La vraie gratuité peut être également anéantie si une ressource inépuisable est appropriée par certains individus ou groupes qui en limitent laccès. Cela peut paraître surprenant quune ressource inépuisable puisse être appropriée. Or, si lair et leau ne sépuisent pas quantitativement, leur qualité se détériore et le rétablissement de celle-ci a un coût. Le travail alors nécessaire crée une valeur dont le propriétaire de la ressource appropriée saccapare une part sous forme de rente. Leau a déjà un prix, lair en aura un lorsque les permis de polluer lauront privatisé. Le capitalisme détruit tout sur son passage et la destruction engendre la rareté : cest la fin de la gratuité. Elle est donc à reconstruire.
La construction sociale
de la gratuité
Puisque la gratuité nest pas naturelle, la lumière solaire étant la seule exception subsistant, il faut la construire socialement. Cette construction suppose que soit préservé lespace des relations non monétaires parce quil contient des formes de richesses qui échappent à la quantification économique. La qualité des relations humaines, lallaitement dun nourrisson par sa mère, le guidage des premiers pas de lenfant, le lien social qui naît dans laction associative, léchange de services entre amis, sont autant de lieux et de moments qui se suffisent à eux-mêmes car ils sont empreints de la logique du don. La gratuité et le don forment un couple damour.
Cette construction de la gratuité suppose aussi que soit maintenu et même élargi lespace monétaire non marchand, cest-à-dire celui où ne peut régner la gratuité totale à cause du coût mais où ce dernier est pris en charge par la collectivité afin dassurer une meilleure égalité sociale et laccès de tous à léducation, la santé et la retraite. Ces domaines sont ainsi soustraits à la logique de la rentabilité du capital et cela explique lacharnement avec lequel lOCDE, lOMC, lUnion européenne, tous les gouvernements libéraux ou sociaux-libéraux et les dirigeants des grandes firmes capitalistes veulent les « ouvrir à la concurrence », cest-à-dire les privatiser.
La gratuité na pas de prix
Laccumulation du capital engendre linsoutenabilité du développement économique, tant sur le plan social puisque le développement implique la généralisation du rapport salarial, que sur le plan écologique puisquil implique la dégradation de la nature. Et on voudrait nous faire croire que ces contradictions pourraient se résoudre par une extension encore plus grande des activités marchandes.
Or, ce quoublient les apologistes du marché, cest que léconomie marchande cesserait immédiatement dexister si un champ de la gratuité ne fonctionnait pas simultanément. Quelle activité économique serait possible sans la lumière gratuite du soleil ? Imagine-t-on une économie qui nécessiterait de devoir payer pour donner la vie à des enfants ? Quelle civilisation se préparerait-il si nous devions acheter notre air quotidien ?
Lorsque les économistes libéraux feignent de sétonner que les biens fournis par la nature naient pas de prix et clament : « mais cela ne vaut pas rien, fixons un prix », ils ignorent que la gratuité est ici synonyme dinfinitude et que, par voie de conséquence, tout ce qui a trait à la vie, celle des hommes ou des autres espèces, et tout ce qui a trait aux conditions de la vie, quelles soient biologiques, culturelles ou affectives, échappent au marché et au champ de la monnaie, pour rentrer dans celui de la gratuité. Réciproquement, la gratuité confère un degré de valeur incommensurable. Comme lécrit Jean-Louis Sagot-Duvauroux : « Seules les choses gratuites donnent sa valeur à la vie humaine »1. Fondamentalement, la gratuité a sa source dans le don de la vie et la soutenabilité sociale et écologique fonde sa légitimité dans la perpétuation de cette vie reçue et donnée gratuitement. Ce qui est dit de la vie humaine peut être étendu aux choses du monde qui nous entoure. La lumière du soleil et lair doivent rester gratuits. La santé, léducation et leau quil faut acheminer ont certes un coût, mais leur caractère non marchand signifie que la cotisation versée par chacun lui donne droit à sa part de bien ou service dont la production est collectivement décidée et organisée, part déconnectée du montant de sa cotisation. La sauvegarde des gratuités existantes et lextension de leur champ sont-elles des manifestations des « rigidités de la société » ? Sil sagit de se défendre contre la marchandisation, sil sagit de se prémunir contre une stratégie de développement durable qui se résumerait au business écologique, assurément. Mais ce qui est accusé dêtre du conservatisme est éminemment porteur de valeurs humaines tout en restreignant les possibilités daccroissement des valeurs déchange.
Le temps na pas de prix
Mieux la charge de travail nécessaire à la production et les revenus qui en résultent sont équitablement répartis et plus la société reconnaît à chacun de ses membres légalité de sa vie, de son temps de vie, de son apport à la production collective par rapport à ceux de ses semblables, alors plus il est possible à chacun de trouver identité et reconnaissance sociale à la fois dans le travail et dans des activités autonomes libérées de la contrainte marchande. En dautres termes, la soutenabilité, la réduction des inégalités, lextension de la gratuité forment une alternative avec la dualisation de la société. Le partage et la gratuité unifient la société là où la marchandisation la fissure, la fracture, la dissout.
La réappropriation par lhomme de son temps, donc de sa vie elle-même, nest réelle que si le temps libre est du temps gratuit. Le développement économique et laccumulation capitaliste nont été possibles que par le découpage du temps de vie en tranches, dont une était transformée en quasi marchandise le temps de travail pour produire de véritables marchandises, une autre était transformée en consommation de marchandises, la tranche libre étant réduite à la portion congrue. Laliénation du temps de vie, qui est à la base de tout rapport social dexploitation et de domination, empêche la libre disposition de lexistence que chaque être humain reçoit gratuitement. La malédiction tu travailleras à la sueur de ton front qui habite la philosophie judéo-chrétienne place lobligation daliéner son temps, cest-à-dire linterdit de sa libre jouissance, dans les têtes et les consciences. Temps libre et temps gratuit : là se trouve lenjeu de la réduction du temps de travail car le capitalisme ne peut se permettre de ne plus contrôler une part du temps de vie qui ne serait consacrée ni à travailler, ni à consommer, ni à se reposer du travail, ni à se reposer du travail en consommant. Telle est la raison de la haine de classe qui transpire chez les bourgeois quand on leur parle de RTT pour les salariés : où irions-nous si nous nous mettions à penser ? Or, calculer et fabriquer prennent de moins en moins de temps et penser en prend toujours autant. Mais, réjouissons-nous : penser est gratuit.
A suivre
Le faux gratuit
Dernièrement, sont apparus des journaux quotidiens distribués « gratuitement ». Nous connaissions déjà les périodiques dannonces dont nos boîtes aux lettres sont bourrées sans que nous ayons à débourser un centime. Ce sont des exemples typiques de fausse gratuité. Le journal « gratuit » nest pas payé par son lecteur mais par les annonceurs et, au bout du compte, par les consommateurs des produits dont les annonceurs ont vanté les mérites puisque le coût de la publicité est inclus dans le prix du produit final.
Les déboires du commerce en ligne sexpliquent aisément : le journal Libération a perdu des clients de papier quand il a mis le contenu en accès libre sur Internet ; Le Monde na pas trouvé dacheteurs pour son journal électronique payant. Le mythe de la « nouvelle économie » réside dans la difficulté de trouver qui va payer et ce quon va faire payer. Ainsi grandissent les incertitudes au sujet du système UMTS de téléphonie mobile. Et se révèle une nouvelle contradiction du capitalisme : les techniques quil développe dans lespoir de faire du profit donnent un accès potentiel de tous les consommateurs aux biens et services (principe de non-exclusion) sans que ces consommateurs se fassent concurrence entre eux (principe de non-rivalité).
La leçon à retirer est que tout ce qui a un coût de production nest pas et ne peut être gratuit. Quelquun doit en payer le prix. La fausse gratuité consiste à trouver une bonne mule endossant le fardeau du coût.
Le vrai gratuit
Il nexiste que deux cas de figure de vraie gratuité. Le premier correspond aux productions dont le coût tend vers zéro parce quelles demandent de moins en moins doutils, de matières premières et de travail vivant. On commence à entrevoir cette possibilité pour certaines productions comme les logiciels dont la conception (qui représente un coût fixe) est amortie sur un tel grand nombre de duplications que le coût unitaire en est infime. On trouve là, une fois de plus, une confirmation de cette loi de la valeur-travail si étonnante et dérangeante pour les libéraux : la valeur diminue quand la productivité du travail progresse.
Le deuxième cas de figure de vraie gratuité correspond aux biens naturels auxquels lhumanité a accès sans restriction parce que leur abondance est telle que leur usage est possible sans aucun effort. Cest le cas limite du précédent. Les meilleurs exemples en sont la lumière du soleil et lair. Mais on voit aussitôt que cette vraie gratuité peut être anéantie si labondance se révèle nêtre que factice et si lon a gaspillé une ressource naturelle en croyant à tort quelle était inépuisable. Cela sest passé pour leau et risque darriver à lair. La vraie gratuité peut être également anéantie si une ressource inépuisable est appropriée par certains individus ou groupes qui en limitent laccès. Cela peut paraître surprenant quune ressource inépuisable puisse être appropriée. Or, si lair et leau ne sépuisent pas quantitativement, leur qualité se détériore et le rétablissement de celle-ci a un coût. Le travail alors nécessaire crée une valeur dont le propriétaire de la ressource appropriée saccapare une part sous forme de rente. Leau a déjà un prix, lair en aura un lorsque les permis de polluer lauront privatisé. Le capitalisme détruit tout sur son passage et la destruction engendre la rareté : cest la fin de la gratuité. Elle est donc à reconstruire.
La construction sociale
de la gratuité
Puisque la gratuité nest pas naturelle, la lumière solaire étant la seule exception subsistant, il faut la construire socialement. Cette construction suppose que soit préservé lespace des relations non monétaires parce quil contient des formes de richesses qui échappent à la quantification économique. La qualité des relations humaines, lallaitement dun nourrisson par sa mère, le guidage des premiers pas de lenfant, le lien social qui naît dans laction associative, léchange de services entre amis, sont autant de lieux et de moments qui se suffisent à eux-mêmes car ils sont empreints de la logique du don. La gratuité et le don forment un couple damour.
Cette construction de la gratuité suppose aussi que soit maintenu et même élargi lespace monétaire non marchand, cest-à-dire celui où ne peut régner la gratuité totale à cause du coût mais où ce dernier est pris en charge par la collectivité afin dassurer une meilleure égalité sociale et laccès de tous à léducation, la santé et la retraite. Ces domaines sont ainsi soustraits à la logique de la rentabilité du capital et cela explique lacharnement avec lequel lOCDE, lOMC, lUnion européenne, tous les gouvernements libéraux ou sociaux-libéraux et les dirigeants des grandes firmes capitalistes veulent les « ouvrir à la concurrence », cest-à-dire les privatiser.
La gratuité na pas de prix
Laccumulation du capital engendre linsoutenabilité du développement économique, tant sur le plan social puisque le développement implique la généralisation du rapport salarial, que sur le plan écologique puisquil implique la dégradation de la nature. Et on voudrait nous faire croire que ces contradictions pourraient se résoudre par une extension encore plus grande des activités marchandes.
Or, ce quoublient les apologistes du marché, cest que léconomie marchande cesserait immédiatement dexister si un champ de la gratuité ne fonctionnait pas simultanément. Quelle activité économique serait possible sans la lumière gratuite du soleil ? Imagine-t-on une économie qui nécessiterait de devoir payer pour donner la vie à des enfants ? Quelle civilisation se préparerait-il si nous devions acheter notre air quotidien ?
Lorsque les économistes libéraux feignent de sétonner que les biens fournis par la nature naient pas de prix et clament : « mais cela ne vaut pas rien, fixons un prix », ils ignorent que la gratuité est ici synonyme dinfinitude et que, par voie de conséquence, tout ce qui a trait à la vie, celle des hommes ou des autres espèces, et tout ce qui a trait aux conditions de la vie, quelles soient biologiques, culturelles ou affectives, échappent au marché et au champ de la monnaie, pour rentrer dans celui de la gratuité. Réciproquement, la gratuité confère un degré de valeur incommensurable. Comme lécrit Jean-Louis Sagot-Duvauroux : « Seules les choses gratuites donnent sa valeur à la vie humaine »1. Fondamentalement, la gratuité a sa source dans le don de la vie et la soutenabilité sociale et écologique fonde sa légitimité dans la perpétuation de cette vie reçue et donnée gratuitement. Ce qui est dit de la vie humaine peut être étendu aux choses du monde qui nous entoure. La lumière du soleil et lair doivent rester gratuits. La santé, léducation et leau quil faut acheminer ont certes un coût, mais leur caractère non marchand signifie que la cotisation versée par chacun lui donne droit à sa part de bien ou service dont la production est collectivement décidée et organisée, part déconnectée du montant de sa cotisation. La sauvegarde des gratuités existantes et lextension de leur champ sont-elles des manifestations des « rigidités de la société » ? Sil sagit de se défendre contre la marchandisation, sil sagit de se prémunir contre une stratégie de développement durable qui se résumerait au business écologique, assurément. Mais ce qui est accusé dêtre du conservatisme est éminemment porteur de valeurs humaines tout en restreignant les possibilités daccroissement des valeurs déchange.
Le temps na pas de prix
Mieux la charge de travail nécessaire à la production et les revenus qui en résultent sont équitablement répartis et plus la société reconnaît à chacun de ses membres légalité de sa vie, de son temps de vie, de son apport à la production collective par rapport à ceux de ses semblables, alors plus il est possible à chacun de trouver identité et reconnaissance sociale à la fois dans le travail et dans des activités autonomes libérées de la contrainte marchande. En dautres termes, la soutenabilité, la réduction des inégalités, lextension de la gratuité forment une alternative avec la dualisation de la société. Le partage et la gratuité unifient la société là où la marchandisation la fissure, la fracture, la dissout.
La réappropriation par lhomme de son temps, donc de sa vie elle-même, nest réelle que si le temps libre est du temps gratuit. Le développement économique et laccumulation capitaliste nont été possibles que par le découpage du temps de vie en tranches, dont une était transformée en quasi marchandise le temps de travail pour produire de véritables marchandises, une autre était transformée en consommation de marchandises, la tranche libre étant réduite à la portion congrue. Laliénation du temps de vie, qui est à la base de tout rapport social dexploitation et de domination, empêche la libre disposition de lexistence que chaque être humain reçoit gratuitement. La malédiction tu travailleras à la sueur de ton front qui habite la philosophie judéo-chrétienne place lobligation daliéner son temps, cest-à-dire linterdit de sa libre jouissance, dans les têtes et les consciences. Temps libre et temps gratuit : là se trouve lenjeu de la réduction du temps de travail car le capitalisme ne peut se permettre de ne plus contrôler une part du temps de vie qui ne serait consacrée ni à travailler, ni à consommer, ni à se reposer du travail, ni à se reposer du travail en consommant. Telle est la raison de la haine de classe qui transpire chez les bourgeois quand on leur parle de RTT pour les salariés : où irions-nous si nous nous mettions à penser ? Or, calculer et fabriquer prennent de moins en moins de temps et penser en prend toujours autant. Mais, réjouissons-nous : penser est gratuit.
A suivre
(1) J.L. Sagot-Duvauroux, Pour la gratuité, D. de Brouwer, 1995, p. 20. Lire son article p. 64 de ce numéro.