Sortie du DVD de Notre Monde
Notre Monde Notre Monde (2013, 119') un film de Thomas LacosteRassemblant plus de 35 intervenants, philosophes, sociologues, économistes, magistrats, médecins, universitaires et écrivains, Notre Monde propose un espace dexpression pour travailler, comme nous y enjoint JeanLuc Nancy à « une pensée commune ». Plus encore quun libre espace de parole, Notre Monde sappuie sur un ensemble foisonnant de propositions concrètes pour agir comme un rappel essentiel, individuel et collectif : « faites de la politique » et de préférence autrement.
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© Passant n°40-41 [mai 2002 - septembre 2002]
© Passant n°40-41 [mai 2002 - septembre 2002]
entretien de Antonio Lobo Antunes par Jean-François Meekel
Imprimer l'articleNous navons pas su renouveler lespérance
Ce nest pas Le Pen qui minquiète, il est très primitif. Ce qui se passe en Hollande minquiète vraiment, cest beaucoup plus élaboré. Mais cest de notre faute, car nous navons pas su donner despoir, nous navons pas su renouveler lespérance. Les gens sont fatigués des partis traditionnels, fatigués des mots vides. Quand un homme comme Fortuyn apparaît avec un discours très cohérent et bien fait, cest dangereux. Je crains que cela se développe partout et cela me fait peur. Pour nous qui avons dû sacrifier nos vies pour des choses qui restent importantes, nous avons stéréotypé notre discours et nos ambitions. Ce nest pas seulement de la faute aux politiques, cest de notre faute à tous. Ce qui se passe en Palestine, par exemple, est affreux. Pour quelquun qui, comme moi, a investi beaucoup despoir et un peu de sa vie en risquant sa peau, cest très décevant. Jai très peur que ce dont javais rêvé et que je crois encore possible, pas seulement la liberté mais
aussi une plus grande justice, séloigne
maintenant.
Pourtant je pense aux propos de Blondin : « Je nai pas la foi, mais jai tellement despérance ». Et ce qui sest passé en France entre les deux tours est en ce sens assez rassurant, surtout si la gauche en tire quelques enseignements, si cest encore possible, si elle nest pas trop ankylosée, car dune certaine façon, la gauche sankylose et ça me fait beaucoup de peine, cest là que jai mon cur.
Est-ce que la littérature peut intervenir
Jai toujours relativisé le rôle de la littérature, car il y a tellement peu de gens qui lisent, cest toujours une minorité. Jai vendu près de 2 millions de livres au Portugal, mais combien les ont vraiment lus, je ne sais pas. Lénine disait quil fallait élever le lecteur à la hauteur des écrivains, mais le problème, cest comment aider les gens Je crois que Blondin, encore, avait raison quand il disait : « quand vous navez plus despérance, cest là seulement que vous êtes mort ». Le problème, cest que nous navons pas dexistence collective et jai toujours séparé très nettement mes romans de mon activité politique qui fut très intense. Parfois, mes amis me reprochent mon silence : « si de temps en temps tu disais quelque chose, un mot, ce serait important ». Je pense quils ont raison. Je devrais, nous devrions tous, intervenir un peu plus car quand même, si comme vous le dites, il y a encore des gens qui mécoutent, qui nous écoutent, et pour lesquels mon opinion, nos opinions, ont du poids, alors peut-être, si cela peut aider à changer, jinterviendrai.
Antonio Lobo Antunes*
Propos recueillis par Jean-François Meekel
aussi une plus grande justice, séloigne
maintenant.
Pourtant je pense aux propos de Blondin : « Je nai pas la foi, mais jai tellement despérance ». Et ce qui sest passé en France entre les deux tours est en ce sens assez rassurant, surtout si la gauche en tire quelques enseignements, si cest encore possible, si elle nest pas trop ankylosée, car dune certaine façon, la gauche sankylose et ça me fait beaucoup de peine, cest là que jai mon cur.
Est-ce que la littérature peut intervenir
Jai toujours relativisé le rôle de la littérature, car il y a tellement peu de gens qui lisent, cest toujours une minorité. Jai vendu près de 2 millions de livres au Portugal, mais combien les ont vraiment lus, je ne sais pas. Lénine disait quil fallait élever le lecteur à la hauteur des écrivains, mais le problème, cest comment aider les gens Je crois que Blondin, encore, avait raison quand il disait : « quand vous navez plus despérance, cest là seulement que vous êtes mort ». Le problème, cest que nous navons pas dexistence collective et jai toujours séparé très nettement mes romans de mon activité politique qui fut très intense. Parfois, mes amis me reprochent mon silence : « si de temps en temps tu disais quelque chose, un mot, ce serait important ». Je pense quils ont raison. Je devrais, nous devrions tous, intervenir un peu plus car quand même, si comme vous le dites, il y a encore des gens qui mécoutent, qui nous écoutent, et pour lesquels mon opinion, nos opinions, ont du poids, alors peut-être, si cela peut aider à changer, jinterviendrai.
Antonio Lobo Antunes*
Propos recueillis par Jean-François Meekel
* écrivain portugais, psychiatre, participa à la guerre coloniale contre lAngola puis à la révolution des illets. Ecrit actuellement son 17e roman. Labsurdité de la guerre, lenfance perdue, la folie, état de la condition humaine, ses livres sont des kaléidoscopes où se mêlent dans une construction très élaborée thèmes et époques. Dessai en essai, Lobo Antunes est à la recherche dune écriture qui fusionnerait passé, présent et futur.
Métailié et Bourgois ont publié la totalité de son uvre traduite en français : Connaissance de lenfer, Mémoire déléphant et Le cul de Judas à propos de la guerre d'Angola ; Le retour des caravelles et Exhortation aux crocodiles sur laprès 74; dernier paru, Nentre pas si vite dans cette nuit noire.
Métailié et Bourgois ont publié la totalité de son uvre traduite en français : Connaissance de lenfer, Mémoire déléphant et Le cul de Judas à propos de la guerre d'Angola ; Le retour des caravelles et Exhortation aux crocodiles sur laprès 74; dernier paru, Nentre pas si vite dans cette nuit noire.