Sortie du DVD de Notre Monde
Notre Monde Notre Monde (2013, 119') un film de Thomas LacosteRassemblant plus de 35 intervenants, philosophes, sociologues, économistes, magistrats, médecins, universitaires et écrivains, Notre Monde propose un espace dexpression pour travailler, comme nous y enjoint JeanLuc Nancy à « une pensée commune ». Plus encore quun libre espace de parole, Notre Monde sappuie sur un ensemble foisonnant de propositions concrètes pour agir comme un rappel essentiel, individuel et collectif : « faites de la politique » et de préférence autrement.
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© Passant n°40-41 [mai 2002 - septembre 2002]
© Passant n°40-41 [mai 2002 - septembre 2002]
par Jambonneau
Imprimer l'articleImpunité journalistique
Ce fut la ruée journalistique, la curée médiatique dans la fange des peurs,
à gerber son guide de la rédaction et le code de déontologie.
Après le journalisme de révérence / connivence cher à Serge Halimi, sommes-nous entrés dans lère du journalisme dinconscience ? A part quelques journalistes de France 2, je nai, à ma connaissance, guère entendu de doctes plumes sinterroger sur le suivisme honteux dont ils ont fait preuve quand lélection sest jouée essentiellement sur le thème de linsécurité.
Depuis longtemps pourtant, Le Monde diplomatique et quelques autres médias ont alerté le chaland sur la manipulation des statistiques de la délinquance et la dangerosité idéologique du concept de « tolérance zéro ». Mais rien na fait. En 2001, une fois de plus, on nous a servi du bon gros chiffre qui tue, de la délinquance exponentielle, du sensationnel à porter à la une, et ce fut la ruée journalistique, la curée médiatique dans la fange des peurs, à gerber son guide de la rédaction et le code de déontologie.
Dernièrement, le magazine Médias tirait encore la sonnette dalarme sur « le malaise des chiffres »1. Pascale Krieff y pointait notamment que « lannée 2001 a correspondu à louverture de postes de police de proximité supplémentaires, à la simplification des procédures de dépôt de plainte, à lamélioration de lîlotage, qui constituent autant dincitations pour les victimes à se manifester. La multiplication de coups de filet est aussi susceptible davoir fait augmenter ces chiffres, tout activisme policier entraînant mécaniquement un enregistrement des faits. » Cette tendance sinscrivant dans un mouvement plus général depuis le début des années 80 de dépôt de plaintes et denregistrement de celles-ci par les autorités concernées. La parole sest libérée : « ce qui a démultiplié le nombre apparent de faits sans pour autant signifier quils sont réellement plus nombreux » poursuit-elle.
Pascale Krieff donne également un chiffre qui peut avoir induit là encore mécaniquement une augmentation des chiffres de la délinquance : avec un képi pour 243 habitants, la France est devenue lun des pays dEurope où le nombre de policiers est le plus élevé, loin devant lAllemagne (un pour 300) et lAngleterre (un pour 380).
Tous les chiffres, quels quils soient, sont à manier avec grande précaution. Les journalistes ont oublié ce postulat de base, et leffet de contagion dont ils ont été les victimes pour le moins consentantes pour ne pas dire les zélateurs nest guère à porter à leur crédit. Le journalisme est un métier de terrain et non une profession pied de grue aux portes du ministère de lIntérieur. La « naïveté » de Jospin na dégal que leur aveuglement, à suivre notamment les sondages comme un missel. Tout raccourci est toujours le plus long chemin vers la réalité.
Leur responsabilité est lourde dans la montée du sentiment dinsécurité, lequel a presque toujours été décliné « sous langle de la violence de rue, presque jamais sous ceux de la précarité, de léducation, des salaires »2. Ce comportement pose la question de la responsabilité des journalistes dans les résultats des élections présidentielles.
Et un peu dautocritique ne nuirait pas ! Les analystes politiques, toujours aussi prompts à donner de grandes leçons finement ciselées, devraient parfois se flageller la croupe avec la même ardeur quils mettent à asséner leurs vérités vraies. Ils devraient également descendre de ce piédestal dont ils nont pas su voir venir Jeanne dArc pour aller comprendre comment et pourquoi nous en sommes arrivés là ?
à gerber son guide de la rédaction et le code de déontologie.
Après le journalisme de révérence / connivence cher à Serge Halimi, sommes-nous entrés dans lère du journalisme dinconscience ? A part quelques journalistes de France 2, je nai, à ma connaissance, guère entendu de doctes plumes sinterroger sur le suivisme honteux dont ils ont fait preuve quand lélection sest jouée essentiellement sur le thème de linsécurité.
Depuis longtemps pourtant, Le Monde diplomatique et quelques autres médias ont alerté le chaland sur la manipulation des statistiques de la délinquance et la dangerosité idéologique du concept de « tolérance zéro ». Mais rien na fait. En 2001, une fois de plus, on nous a servi du bon gros chiffre qui tue, de la délinquance exponentielle, du sensationnel à porter à la une, et ce fut la ruée journalistique, la curée médiatique dans la fange des peurs, à gerber son guide de la rédaction et le code de déontologie.
Dernièrement, le magazine Médias tirait encore la sonnette dalarme sur « le malaise des chiffres »1. Pascale Krieff y pointait notamment que « lannée 2001 a correspondu à louverture de postes de police de proximité supplémentaires, à la simplification des procédures de dépôt de plainte, à lamélioration de lîlotage, qui constituent autant dincitations pour les victimes à se manifester. La multiplication de coups de filet est aussi susceptible davoir fait augmenter ces chiffres, tout activisme policier entraînant mécaniquement un enregistrement des faits. » Cette tendance sinscrivant dans un mouvement plus général depuis le début des années 80 de dépôt de plaintes et denregistrement de celles-ci par les autorités concernées. La parole sest libérée : « ce qui a démultiplié le nombre apparent de faits sans pour autant signifier quils sont réellement plus nombreux » poursuit-elle.
Pascale Krieff donne également un chiffre qui peut avoir induit là encore mécaniquement une augmentation des chiffres de la délinquance : avec un képi pour 243 habitants, la France est devenue lun des pays dEurope où le nombre de policiers est le plus élevé, loin devant lAllemagne (un pour 300) et lAngleterre (un pour 380).
Tous les chiffres, quels quils soient, sont à manier avec grande précaution. Les journalistes ont oublié ce postulat de base, et leffet de contagion dont ils ont été les victimes pour le moins consentantes pour ne pas dire les zélateurs nest guère à porter à leur crédit. Le journalisme est un métier de terrain et non une profession pied de grue aux portes du ministère de lIntérieur. La « naïveté » de Jospin na dégal que leur aveuglement, à suivre notamment les sondages comme un missel. Tout raccourci est toujours le plus long chemin vers la réalité.
Leur responsabilité est lourde dans la montée du sentiment dinsécurité, lequel a presque toujours été décliné « sous langle de la violence de rue, presque jamais sous ceux de la précarité, de léducation, des salaires »2. Ce comportement pose la question de la responsabilité des journalistes dans les résultats des élections présidentielles.
Et un peu dautocritique ne nuirait pas ! Les analystes politiques, toujours aussi prompts à donner de grandes leçons finement ciselées, devraient parfois se flageller la croupe avec la même ardeur quils mettent à asséner leurs vérités vraies. Ils devraient également descendre de ce piédestal dont ils nont pas su voir venir Jeanne dArc pour aller comprendre comment et pourquoi nous en sommes arrivés là ?
(1) In « Insécurité : le malaise des chiffres » de Pascale Krieff, Médias, avril/mai 2002,
p. 46 et 47.
(2) In « Sur quelques contes sécuritaires venus dAmérique » de Loïc Wacquant,
Le Monde diplomatique, mai 2002, p. 6 et 7.
p. 46 et 47.
(2) In « Sur quelques contes sécuritaires venus dAmérique » de Loïc Wacquant,
Le Monde diplomatique, mai 2002, p. 6 et 7.