Sortie du DVD de Notre Monde
Notre Monde Notre Monde (2013, 119') un film de Thomas LacosteRassemblant plus de 35 intervenants, philosophes, sociologues, économistes, magistrats, médecins, universitaires et écrivains, Notre Monde propose un espace dexpression pour travailler, comme nous y enjoint JeanLuc Nancy à « une pensée commune ». Plus encore quun libre espace de parole, Notre Monde sappuie sur un ensemble foisonnant de propositions concrètes pour agir comme un rappel essentiel, individuel et collectif : « faites de la politique » et de préférence autrement.
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© Passant n°39 [mars 2002 - avril 2002]
© Passant n°39 [mars 2002 - avril 2002]
par Gilles Mangard
Imprimer l'articleDerrière le pêne
Il se réveilla dans la gorge, lesprit troublé par ce cauchemar dont la récurrence leffrayait et le rassurait en même temps. Cela commençait toujours ainsi, par un cri denfant. Celui quil pensait avoir été, peut-être, ou bien celui quil se souvenait à peine avoir fait. Quoiquil en soit, ce cri infantile et frais lui procurait une sensation immédiate de sécurité. Il se levait alors dans lombre et se mettait à marcher. Lespace minuscule dans lequel il se mouvait dhabitude sétait considérablement accru. Plus il savançait vers ce point de lumière tout au bout, plus celui-ci semblait séloigner, et plus le cri joyeux du début se muait en une plainte sinistre. Il lui fallait atteindre la sortie avant dentendre ce rire qui, il le sentait dans lintime de ses viscères, augurait comme une fin du monde. Mais alors quil atteignait le but et tendait en transpirant une main vers louverture, le rire attendu le clouait sur place et il revenait brutalement à la réalité.
Lentement, il remit en place les éléments de son univers. Tout en laissant sa tête posée sur la base du pêne dormant, il refit en mémoire les gestes de son quotidien. Ne pas heurter surtout. Ne pas heurter. Ou plutôt, ne pas se blesser soi-même. Le monde est si petit, vu dici. Enfin, tout dépend de léchelle, des valeurs que lon investit dans sa ligne de fuite. Mais un jour nouveau est un autre jour. Il se leva précautionneusement en évitant de se cogner. De sous le ressort de la gorge, il sortit la théière, la boîte de Greenpowder. Il tira la tablette, alluma la petite bonbonne de gaz, versa le contenu de trois tasses deau dans la théière et la mit sur le feu. Comme chaque matin, il pensa : « si leau ne bout pas, je sors de là ». Quelques minutes après, la théière commença à chanter et il y versa deux cuillères de thé.
Il but lentement. Rien ne pressait. Il aimait attendre que la dernière tasse refroidisse au rythme de sa rêverie. Le thé se boit froid quand lâme séloigne. Il revoyait le temps davant les portes. Des éclairs de lumière lui traversaient le crâne. Des mouvements de collines, des océans de dunes où la lumière du soir irisait la douleur ; à ces moments étranges où nexistait plus que la prière. Il avait des visions de sable et de ciel. Des espoirs de néant vital. Avec des oasis comme impasses sensuelles. La pensée prenait alors sa place dans le spectacle de la démesure. Et lhomme, enfin petit, touchait la grâce du miracle.
Cétait avant les portes.
On lui avait laissé le temps de connaître une femme. Et puis la joie fugace de la procréation. Le plaisir de se croire, assistant à laccouchement, le maître du monde. Ensuite, comme tous les autres, on lavait enfermé. Car avec les portes copulent les serrures. Depuis quelques années, il vivait dans lune delles. Il ne sen étonnait pas. On lavait préparé. Quelques sursauts de révolte ny avaient rien changé. Il sétait fait les muscles suffisants pour pouvoir résister. Voilà tout. Trois ans auparavant, il avait pensé en finir. Mais il ny a guère de place pour un aimable suicide dans une serrure (tout y est si lisse et si bien huilé), et on avait pris soin dy ôter les instruments efficaces.
Il rinça la tasse dans lévier miniature puis descendit prendre une douche, dans la cabine aménagée près du palâtre. Il ne se posait plus la question de leau. Au début, il sétait étonné. Mais ça faisait partie du jeu. Limiter les mystères lui permettait encore daménager un espace critique. Leau était là parce quil en avait besoin. Point. Se savonnant, il essaya vaguement de stimuler une érection. Mais ses fantasmes restaient ferronniers et son sexe pendait, alourdi par le poids du métal. Il éclata de rire en tentant une chanson :
Me gusta la puerta
Me gustas tú
Me gusta la llave
Me gustas tú
Avec un blaireau, il fit mousser le savon sur ses joues et se rasa. Il se souvint de létonnement de son fils quand celui-ci le regardait passer la lame sur sa peau. Cette lame qui pouvait trancher une jugulaire, ce coupe-chou redoutable, il le maniait avec adresse et son geste était une caresse. Lenfant émerveillé glissait ses yeux sur le reflet de lacier suédois. On lui avait laissé un rasoir jetable aux lames incassables. Usage unique, renouvelé quotidiennement et absolument impropre à un usage contondant. Le degré infantile de lacier. Pour un rasage sans risque de décalage. Au début, il avait bien tenté den faire une arme quelconque. Loutil était magnifiquement fonctionnel. Donc impropre au détournement.
Il reposa lobjet inique sur la tablette en plastique, se sécha, shabilla et, comme chaque jour, se cogna la tête au fouillot. Sans résultat. Il nen attendait pas. Juste la douleur pour se rappeler la vie. Sur la petite table à tout faire, un micro-ordinateur ronronnait. Il composa son code et consulta son courrier. Les nouvelles des serrures. Affligeant. Il ny en avait que pour les nombrils. Son temps de connexion était limité. Pas de message du fiston. Quelques instants après, lécran lui signifia quil fallait remettre à demain une autre ouverture vers lau-delà.
Il ouvrit le fichier « mes documents », cliqua sur « vers la clé ». Il relut le dernier chapitre du long roman quil travaillait chaque matin. Deux heures volées à limaginaire. Deux heures de tranquille frustration. Deux heures à limer les barreaux de sa geôle cérébrale.
nétait plus de mise dans ce monde. Elle comprenait, à la vibration du sol, que sa planète changeait sa forme. Alors langoisse la prenait, comme chaque matin parce quelle, elle savait quelle ne pouvait pas sassocier à cet exercice de morphogenèse aléatoire. Lunivers se remodelait continuellement autour delle et elle ne bougeait pas. Elle ne supporterait plus très longtemps cet affrontement stérile. Elle leva la tête et regarda les lunes jumelles, espérant y percevoir un signe logique lui permettant de comprendre la dynamique de cet ensemble en mouvement. Elle se prit à rêver dune éternité immobile
Ce matin, il avait du mal à sextraire. Il laisserait donc cette jeune femme se brûler les yeux en regardant trop longtemps les deux lunes. Il pointa la croix en haut de lécran à droite et le chapitre XXXIV se recroquevilla quelque part sur le disque dur.
Il se demanda si chaque individu « intra-serruraire » faisait de même chaque matin afin déchapper à lennui. Quelle étrange bibliothèque cela ferait, tous ces mots écrits à lombre des têtières. En fait, pendant quil écrivait, dautres jouaient aux échecs ou se perdaient dans les arcades des jeux vidéos débiles et lobotomisants. Dautres passaient des heures sous la douche pour oublier leur peau, dautres dormaient trop longtemps pour perdre le temps. Dautres encore mouraient en silence, leur vie gâchée près du gâche
Il se leva, ouvrit le petit placard encastré dans la planche, en sortit la burette et le petit chiffon graisseux. Nous avons tous un rôle à remplir, plus ou moins glorieux. Son travail consistait à entretenir le mécanisme. Pour la porte, pour la serrure et pour la clé.
Il ne lavait jamais vue, la clé, doù le titre de son roman. Certains paraît-il, ne la verraient jamais. Enfin, cest ce quil avait lu dans un message quelques années auparavant. Peut-être même ni la porte ni la clé nexistaient. Rien que les serrures. Pourquoi pas ? Combien doutils inutiles mais bien huilés fonctionnaient dans le monde avant les portes ?
Il se concentra sur son travail, huila prudemment le ressort du demi-tour. Un vrai couperet. Un coup dil sur le pêne et son ève. Il posa la main sur lalliage, apprécia langle, puis, satisfait, se dirigea vers la variure, une anglaise à gorge dont il appréciait la simplicité. Il sentit un léger souffle la traverser. Ou peut-être nétait-ce quune impression, un souhait, un désir.
Il vérifia létoquiau. Depuis quelque temps, il prenait du jeu. Il lavait déjà réajusté le mois dernier. Il ne parvenait pas à comprendre la raison de ce léger dérèglement. Il se demanda si les anomalies nétaient pas là pour le maintenir en éveil en attendant la clé. Il fallait que tout soit prêt pour ce moment.
Le contact de la chair. Le goût de la chair projetée. La véracité et la douceur des corps pénétrés. Pourquoi avaient-ils voulu supprimer cela ? Bien sûr, cest beau une serrure. Aussi précis son mécanisme que celui dun fusil. Voilà, cest le mot : « précision ». Nos vies étaient imprécises et ils nous ont confronté aux machines implacables. Rien à dire. La logique de leur pensée est un cristal tranchant.
Il rangea la burette et son chiffon dans le petit placard, sassit et se mit à pleurer doucement. Comme tous les matins. Parce quil y a toujours un étage final en haut de lescalator, quau bout du souffle, le gaz carbonique se dilue dans léther.
When music is over, its gone on the air. You can never captured it again1.
Il se souvenait de cette phrase de Dolphy, un musicien qui se prenait pour un oiseau lorsquil soufflait dans son saxophone, et qui était mort de trop de sucre dans le sang.
Il entendit le bruit. Pour la première fois. Voici venu le temps de la sérénité, camarade. Il savait ce quil signifiait. Plus question du rire sardonique qui le sortirait dun cauchemar stupide. Juste le son du métal qui cogne contre le métal ; la vie et le mouvement exaltés par une matière inerte. Lexact contraire de ce quils avaient fait de leurs corps. Il sourit.
Vers la clé Il y était et son héroïne garderait à jamais la tête tournée vers les satellites.
Le tintement se rapprochait, il pensa à son fils. Puis il se leva et marcha vers la lumière. Lorsquil atteignit la variure, le panneton de la clé y pénétra. Il posa sa main dessus. Il ne voulait pas, dans ce geste, opposer une résistance au mouvement programmé. Juste apprécier, et même amadouer lalliage métallique dans lequel était fondu lélément mâle.
Il ferma les yeux, fit le vide dans son monde et colla sa joue contre la clé. Celle-ci tourna, lécrasant contre la planche. Son corps inerte senroula autour de la tige et la porte souvrit.
Lentement, il remit en place les éléments de son univers. Tout en laissant sa tête posée sur la base du pêne dormant, il refit en mémoire les gestes de son quotidien. Ne pas heurter surtout. Ne pas heurter. Ou plutôt, ne pas se blesser soi-même. Le monde est si petit, vu dici. Enfin, tout dépend de léchelle, des valeurs que lon investit dans sa ligne de fuite. Mais un jour nouveau est un autre jour. Il se leva précautionneusement en évitant de se cogner. De sous le ressort de la gorge, il sortit la théière, la boîte de Greenpowder. Il tira la tablette, alluma la petite bonbonne de gaz, versa le contenu de trois tasses deau dans la théière et la mit sur le feu. Comme chaque matin, il pensa : « si leau ne bout pas, je sors de là ». Quelques minutes après, la théière commença à chanter et il y versa deux cuillères de thé.
Il but lentement. Rien ne pressait. Il aimait attendre que la dernière tasse refroidisse au rythme de sa rêverie. Le thé se boit froid quand lâme séloigne. Il revoyait le temps davant les portes. Des éclairs de lumière lui traversaient le crâne. Des mouvements de collines, des océans de dunes où la lumière du soir irisait la douleur ; à ces moments étranges où nexistait plus que la prière. Il avait des visions de sable et de ciel. Des espoirs de néant vital. Avec des oasis comme impasses sensuelles. La pensée prenait alors sa place dans le spectacle de la démesure. Et lhomme, enfin petit, touchait la grâce du miracle.
Cétait avant les portes.
On lui avait laissé le temps de connaître une femme. Et puis la joie fugace de la procréation. Le plaisir de se croire, assistant à laccouchement, le maître du monde. Ensuite, comme tous les autres, on lavait enfermé. Car avec les portes copulent les serrures. Depuis quelques années, il vivait dans lune delles. Il ne sen étonnait pas. On lavait préparé. Quelques sursauts de révolte ny avaient rien changé. Il sétait fait les muscles suffisants pour pouvoir résister. Voilà tout. Trois ans auparavant, il avait pensé en finir. Mais il ny a guère de place pour un aimable suicide dans une serrure (tout y est si lisse et si bien huilé), et on avait pris soin dy ôter les instruments efficaces.
Il rinça la tasse dans lévier miniature puis descendit prendre une douche, dans la cabine aménagée près du palâtre. Il ne se posait plus la question de leau. Au début, il sétait étonné. Mais ça faisait partie du jeu. Limiter les mystères lui permettait encore daménager un espace critique. Leau était là parce quil en avait besoin. Point. Se savonnant, il essaya vaguement de stimuler une érection. Mais ses fantasmes restaient ferronniers et son sexe pendait, alourdi par le poids du métal. Il éclata de rire en tentant une chanson :
Me gusta la puerta
Me gustas tú
Me gusta la llave
Me gustas tú
Avec un blaireau, il fit mousser le savon sur ses joues et se rasa. Il se souvint de létonnement de son fils quand celui-ci le regardait passer la lame sur sa peau. Cette lame qui pouvait trancher une jugulaire, ce coupe-chou redoutable, il le maniait avec adresse et son geste était une caresse. Lenfant émerveillé glissait ses yeux sur le reflet de lacier suédois. On lui avait laissé un rasoir jetable aux lames incassables. Usage unique, renouvelé quotidiennement et absolument impropre à un usage contondant. Le degré infantile de lacier. Pour un rasage sans risque de décalage. Au début, il avait bien tenté den faire une arme quelconque. Loutil était magnifiquement fonctionnel. Donc impropre au détournement.
Il reposa lobjet inique sur la tablette en plastique, se sécha, shabilla et, comme chaque jour, se cogna la tête au fouillot. Sans résultat. Il nen attendait pas. Juste la douleur pour se rappeler la vie. Sur la petite table à tout faire, un micro-ordinateur ronronnait. Il composa son code et consulta son courrier. Les nouvelles des serrures. Affligeant. Il ny en avait que pour les nombrils. Son temps de connexion était limité. Pas de message du fiston. Quelques instants après, lécran lui signifia quil fallait remettre à demain une autre ouverture vers lau-delà.
Il ouvrit le fichier « mes documents », cliqua sur « vers la clé ». Il relut le dernier chapitre du long roman quil travaillait chaque matin. Deux heures volées à limaginaire. Deux heures de tranquille frustration. Deux heures à limer les barreaux de sa geôle cérébrale.
nétait plus de mise dans ce monde. Elle comprenait, à la vibration du sol, que sa planète changeait sa forme. Alors langoisse la prenait, comme chaque matin parce quelle, elle savait quelle ne pouvait pas sassocier à cet exercice de morphogenèse aléatoire. Lunivers se remodelait continuellement autour delle et elle ne bougeait pas. Elle ne supporterait plus très longtemps cet affrontement stérile. Elle leva la tête et regarda les lunes jumelles, espérant y percevoir un signe logique lui permettant de comprendre la dynamique de cet ensemble en mouvement. Elle se prit à rêver dune éternité immobile
Ce matin, il avait du mal à sextraire. Il laisserait donc cette jeune femme se brûler les yeux en regardant trop longtemps les deux lunes. Il pointa la croix en haut de lécran à droite et le chapitre XXXIV se recroquevilla quelque part sur le disque dur.
Il se demanda si chaque individu « intra-serruraire » faisait de même chaque matin afin déchapper à lennui. Quelle étrange bibliothèque cela ferait, tous ces mots écrits à lombre des têtières. En fait, pendant quil écrivait, dautres jouaient aux échecs ou se perdaient dans les arcades des jeux vidéos débiles et lobotomisants. Dautres passaient des heures sous la douche pour oublier leur peau, dautres dormaient trop longtemps pour perdre le temps. Dautres encore mouraient en silence, leur vie gâchée près du gâche
Il se leva, ouvrit le petit placard encastré dans la planche, en sortit la burette et le petit chiffon graisseux. Nous avons tous un rôle à remplir, plus ou moins glorieux. Son travail consistait à entretenir le mécanisme. Pour la porte, pour la serrure et pour la clé.
Il ne lavait jamais vue, la clé, doù le titre de son roman. Certains paraît-il, ne la verraient jamais. Enfin, cest ce quil avait lu dans un message quelques années auparavant. Peut-être même ni la porte ni la clé nexistaient. Rien que les serrures. Pourquoi pas ? Combien doutils inutiles mais bien huilés fonctionnaient dans le monde avant les portes ?
Il se concentra sur son travail, huila prudemment le ressort du demi-tour. Un vrai couperet. Un coup dil sur le pêne et son ève. Il posa la main sur lalliage, apprécia langle, puis, satisfait, se dirigea vers la variure, une anglaise à gorge dont il appréciait la simplicité. Il sentit un léger souffle la traverser. Ou peut-être nétait-ce quune impression, un souhait, un désir.
Il vérifia létoquiau. Depuis quelque temps, il prenait du jeu. Il lavait déjà réajusté le mois dernier. Il ne parvenait pas à comprendre la raison de ce léger dérèglement. Il se demanda si les anomalies nétaient pas là pour le maintenir en éveil en attendant la clé. Il fallait que tout soit prêt pour ce moment.
Le contact de la chair. Le goût de la chair projetée. La véracité et la douceur des corps pénétrés. Pourquoi avaient-ils voulu supprimer cela ? Bien sûr, cest beau une serrure. Aussi précis son mécanisme que celui dun fusil. Voilà, cest le mot : « précision ». Nos vies étaient imprécises et ils nous ont confronté aux machines implacables. Rien à dire. La logique de leur pensée est un cristal tranchant.
Il rangea la burette et son chiffon dans le petit placard, sassit et se mit à pleurer doucement. Comme tous les matins. Parce quil y a toujours un étage final en haut de lescalator, quau bout du souffle, le gaz carbonique se dilue dans léther.
When music is over, its gone on the air. You can never captured it again1.
Il se souvenait de cette phrase de Dolphy, un musicien qui se prenait pour un oiseau lorsquil soufflait dans son saxophone, et qui était mort de trop de sucre dans le sang.
Il entendit le bruit. Pour la première fois. Voici venu le temps de la sérénité, camarade. Il savait ce quil signifiait. Plus question du rire sardonique qui le sortirait dun cauchemar stupide. Juste le son du métal qui cogne contre le métal ; la vie et le mouvement exaltés par une matière inerte. Lexact contraire de ce quils avaient fait de leurs corps. Il sourit.
Vers la clé Il y était et son héroïne garderait à jamais la tête tournée vers les satellites.
Le tintement se rapprochait, il pensa à son fils. Puis il se leva et marcha vers la lumière. Lorsquil atteignit la variure, le panneton de la clé y pénétra. Il posa sa main dessus. Il ne voulait pas, dans ce geste, opposer une résistance au mouvement programmé. Juste apprécier, et même amadouer lalliage métallique dans lequel était fondu lélément mâle.
Il ferma les yeux, fit le vide dans son monde et colla sa joue contre la clé. Celle-ci tourna, lécrasant contre la planche. Son corps inerte senroula autour de la tige et la porte souvrit.
(1) « Quand la musique est finie, elle est se dissout dans lespace. On ne peut plus la rattraper. »