Sortie du DVD de Notre Monde
Notre Monde Notre Monde (2013, 119') un film de Thomas LacosteRassemblant plus de 35 intervenants, philosophes, sociologues, économistes, magistrats, médecins, universitaires et écrivains, Notre Monde propose un espace dexpression pour travailler, comme nous y enjoint JeanLuc Nancy à « une pensée commune ». Plus encore quun libre espace de parole, Notre Monde sappuie sur un ensemble foisonnant de propositions concrètes pour agir comme un rappel essentiel, individuel et collectif : « faites de la politique » et de préférence autrement.
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© Passant n°38 [janvier 2002 - février 2002]
© Passant n°38 [janvier 2002 - février 2002]
par Lucie Peytermann et America Lopez
Imprimer l'articleA Koudougou,
où l'atypisme se forge
La lumière apaisante dune fin daprès-midi accablée de chaleur irradie le centre Benebnooma à Koudougou, coin dAfrique noire unique de vitalité sociale et délan solidaire. Latérite rougeoyante, vert des manguiers, goût poussiéreux de la saison sèche. LHarmattan implacable de ce 1er décembre balaie les bâtiments du « centre de formation initiale et permanente en milieu ouvert », situé à 100 kilomètres de Ouagadougou, capitale du Burkina Faso, « pays des hommes intègres ».
Une respiration, un souffle est à lorigine de lexpérience : celui de Koudbi Koala, issu dune famille de forgerons, pauvre et illettrée mais qui réussira à poursuivre ses études jusquà un doctorat danglais obtenu en France. « Il fallait que je partage cette chance davoir été à lécole », explique Koudbi. En 1982, il fonde le groupe de musique Saaba (« forgeron »), qui depuis 18 ans, autofinance le centre grâce à ses tournées en Europe. Le soufflet de la forge a donné vie et rythme aux djembés de Saaba et à ce centre de formation alternatif pour des jeunes en rupture avec le système scolaire. Koudbi (« petite forge » en mooré) a transmis à son aventure lesprit du prénom de sa mère, décédée alors quil navait que cinq ans : Benebnooma, qui veut dire « comme on est bien ensemble ! ».
À Benebnooma, lémetteur de la radio communautaire, Radio Palabre, côtoie les instruments noircis de la forge ou les pneus de latelier mécanique... « Détermination, partage et solidarité » : cest dabord sous les flamboyants que les premiers élèves du centre, qui en accueille aujourdhui 300 à 400, ont récité les sésames dune expérience atypique, devenue un modèle pour des pays voisins.
« Devant la rareté de lenseignement technique au Burkina, devant linadaptation du système scolaire qui entraîne léjection des jeunes, devant la démission des parents face à leurs enfants », les fondateurs de Benebnooma ont ressenti la nécessité de créer « lautre école ».
Un pari, une autre façon dappliquer le fameux concept de « développement » (de plus en plus décrié) dans un pays parmi les plus pauvres de la planète : 46% des habitants vivent en dessous du seuil de pauvreté et 60% sont analphabètes. Le Burkina est le pays le plus touché par le sida après la Côte-dIvoire en Afrique de lOuest... Mais cest le paludisme qui est le plus meurtrier, tuant chaque année près de 20 000 personnes.
« Le modèle de Benebnooma est atypique car il rompt avec un enseignement formaté et académique sur le modèle européen, où les élèves vont jusquen terminale et ne savent pas quoi faire après », analyse Koudbi. Face au dénigrement de plus en plus fréquent chez les jeunes de gagner leur vie honnêtement et du spectacle de la corruption, Koudbi Koala reconnaît que son centre a une chance : lintérêt des jeunes pour leur formation, qui va de la maternelle aux ateliers « maçonnerie, imprimerie, mécanique, couture, secrétariat ou pharmacie populaire ». Lesprit de Benebnooma, « cest que lon ne peut pas réussir sans transpirer », comme lon transpirait sous le feu de la forge. Koudbi assure que « les élèves sautorecrutent » et que la « plupart ont un boulot à la sortie ». « On les aide pour sinstaller et ils transmettent cette aide à dautres ». La réussite de deux anciens élèves, Maurice Yaméogo et Appolinaire Nabaloum mérite dêtre soulignée : ces artistes dynamiques ont fondé la Cité des Arts atypiques de Koudougou et deux ateliers de « batik » et de bronze, sappliquant à transmettre leur savoir-faire à dautres jeunes. Depuis sept ans, ils voyagent plusieurs mois de lannée en Europe pour des stages de djembés ou de « batik » et espèrent implanter un village artisanal au centre de Koudougou.
De transmission des savoirs en partage de la solidarité, un véritable esprit alternatif règne ainsi à Koudougou. Ce nest pas un hasard si le journaliste Norbert Zongo, directeur de lhebdomadaire lIndépendant, était originaire de cette ville. Ce journaliste luttait sans relâche pour la fin de limpunité des crimes dEtat au Burkina, notamment concernant un homicide et des actes de torture dans laquelle François Compaoré (frère du président) serait directement mis en cause. Devenu gênant aux yeux du pouvoir, Norbert Zongo a été assassiné le 13 décembre 1998. Marcel Kafando, ex-chef de la sécurité présidentielle, emprisonné à ce jour, est le seul, dans le cercle proche de la présidence, à être inculpé dans cette affaire.
Qui sétonnera également que ce soit à Koudougou que soient nées les Nuits Atypiques, jumelées et épaulées à ses débuts par léquipe organisatrice des Nuits Atypiques de Langon (sud-Gironde). La VIe édition des NAK, dont le fondateur est linfatigable Koudbi, a eu lieu dans une ambiance daffluence festive, du 29 novembre au 2 décembre 2001, accueillant des artistes africains (Burkina, Guinée, Côte-dIvoire) comme du ska hollandais. Ce festival, qui a désormais acquis son autonomie par rapport à ses « parrains » girondins, apparaît comme une synthèse de lesprit de solidarité citoyenne et de « coopération différente », où toute la dynamique des différents projets de Koudougou prend un sens. Les NAK ont réussi à maintenir leur rendez-vous annuel, incontournable pour lexpression artistique du Burkina et les retombées économiques suivent : deux hôtels sont en construction pour accueillir les festivaliers. Les hommages vibrants à Thomas Sankara (héros de la « révolution burkinabè ») ou à Norbert Zongo, et les coups de gueule contre le régime du président Blaise Compaoré ou la corruption, ont fusé lors de certains concerts, acclamés par un public en liesse. Les NAK sont aussi un espace de liberté dexpression préservée et de prises de position citoyennes, qui ne sont pas du luxe aujourdhui en Afrique. Des rencontres professionnelles, organisées en marge des concerts in et off, ont permis aux artistes de sinformer sur leurs métiers et de nouer des contacts en vue de contrats.
Le souffle de Benebnooma, porté par lHarmattan, a essaimé au nord du Burkina, au cur du Sahel. Là où le désert avance inexorablement, aidé par un vent de sable qui harcèle des populations déjà éprouvées. À Dori, « capitale du Sahel », le groupe Fomtuguol (« linspiration », la « respiration » en langue peule) a débuté par des tournées musicales, notamment un passage aux Nuits atypiques de Langon. Puis en 2000, le leader de Fomtuguol, Boubacar Dicko (doté de la même énergie solidaire que son ami Koudbi) a été élu maire de Dori et les activités de Fomtuguol se sont épanouies : club de sports, radio communautaire, restaurant, etc. Une respiration pour trouver des alternatives à une réalité éprouvante où la poussière malsaine est omniprésente, à la sécheresse, à lenclavement dû à des conditions de transports déplorables sur les pistes quand elles existent. Tout au long de notre périple dans le Nord, nous avons été confrontées au dénuement inadmissible des populations. À Oursi, aux environs de Gorom-Gorom, les habitants, qui ont toujours vécu sans eau ni électricité, ne semblent jamais avoir accès aux soins médicaux. Dans un village, chaque enfant croisé était atteint dune maladie : bébé avec un il aveugle, nez infecté, plaies qui gangrènent, ventre proéminent, etc. Sans compter que le Sahel détient les taux de prévalence du sida les plus forts du pays, dûs aux nombreux mouvements de population venant de Côte-dIvoire et des pays voisins pour tenter sa chance dans les mines dor.
Loriginalité de Benebnooma a aussi conquis la deuxième ville du pays, Bobo-Dioulasso, où lassociation Djiguiya (issue du groupe de musique Djiguiya, qui sest souvent produit à Langon, et épaulée par lassociation du Prado 33) a également construit un centre de formation pour accueillir les enfants des rues et les exclus de la scolarité classique.
Analysant les raisons du « sous-développement » de son pays, Koudbi Koala dénonce demblée « linertie ambiante ». « Quand on a lancé lidée des Nuits Atypiques, les gens nous ont ri au nez ! », lance-t-il. Aujourdhui, lEtat approuve, mais ne facilite pas : « on nest même pas exonéré dimpôts et les NAK prennent à leur compte 20% du cachet des artistes », précise-t-il. La force de Benebnooma a été de se tenir au principe « charité bien donnée commence par soi-même ». Un « refus positif » du financement extérieur car les « financeurs finissent toujours par imposer leurs vues, ils samusent en construisant leurs projets, puis repartent ». Le développement, « cest être en accord avec soi, se former, et non la richesse matérielle avec la voiture et la villa ! », ironise-t-il. Cest comme « lorsquune femme prend un canari pour le remplir deau au puits : elle le monte jusquà ses genoux ; et ensuite, on va laider à le mettre sur sa tête, car on a constaté son effort et sa bonne volonté », explique Koudbi. Benebnooma fonctionne aujourdhui avec divers partenaires, comme les ministères burkinabè de lAction sociale et de la Famille, de lEnseignement de base et de lalphabétisation, des ONG nationales, lUnicef ou Emmaüs International.
La démarche portée par Benebnooma dun « autre développement » se pose, selon son fondateur, comme une résistance aux ravages de la mondialisation néo-libérale dans les pays sous-développés. « Ce quil faudrait au contraire pour un monde plus viable, cest mondialiser les solidarités, parvenir à un partage plus fraternel et plus humain des ressources et des compétences », affirme Koudbi, qui dénonce « une Banque mondiale et un FMI qui veulent gérer le propre quotidien des gens ». Et de rappeler que « le Burkinabé moyen est analphabète, quil lutte seulement au jour le jour pour survivre et quil se lève le matin sans savoir ce quil va manger le soir ». « 99% des Burkinabés ne savent pas ce que veut dire mondialisation » estime-t-il, soulignant que « des initiatives nationales pour se prendre en main sont possibles, mais il manque la volonté ».
En juillet 2001, il a dailleurs expliqué les tenants et les aboutissants de ses projets à Gênes, lors de rencontres dONG organisées lors du « contre-sommet », pour protester contre la tenue de la réunion du G8 dans la ville italienne. Et comme à Koudougou, tout est histoire de transmission, le président du Conseil scientifique dATTAC Burkina Faso (crée en mars 2000), Pierre Nakoulima1 est un ancien élève de Koudbi. Celui-ci a promis quun stand Attac « sera présent aux NAK 2002 ».
2 décembre, petit matin. Montant de la concession voisine, la résonance du pilon frappant le mil dans le mortier accompagne notre réveil à la Maison daccueil de Koudougou. Quotidien mille fois répété pour la mère de famille : la corvée du bois et de leau au puits, son canari posé sur la tête ; aller chercher le petit mil pour cuisiner le to, plat national et souvent unique.
Dureté, âpreté dun quotidien parfois insoutenable.
Mais, ici, à Koudougou, on forge lespoir.
Lucie Peytermann et America Lopez*
Une respiration, un souffle est à lorigine de lexpérience : celui de Koudbi Koala, issu dune famille de forgerons, pauvre et illettrée mais qui réussira à poursuivre ses études jusquà un doctorat danglais obtenu en France. « Il fallait que je partage cette chance davoir été à lécole », explique Koudbi. En 1982, il fonde le groupe de musique Saaba (« forgeron »), qui depuis 18 ans, autofinance le centre grâce à ses tournées en Europe. Le soufflet de la forge a donné vie et rythme aux djembés de Saaba et à ce centre de formation alternatif pour des jeunes en rupture avec le système scolaire. Koudbi (« petite forge » en mooré) a transmis à son aventure lesprit du prénom de sa mère, décédée alors quil navait que cinq ans : Benebnooma, qui veut dire « comme on est bien ensemble ! ».
À Benebnooma, lémetteur de la radio communautaire, Radio Palabre, côtoie les instruments noircis de la forge ou les pneus de latelier mécanique... « Détermination, partage et solidarité » : cest dabord sous les flamboyants que les premiers élèves du centre, qui en accueille aujourdhui 300 à 400, ont récité les sésames dune expérience atypique, devenue un modèle pour des pays voisins.
« Devant la rareté de lenseignement technique au Burkina, devant linadaptation du système scolaire qui entraîne léjection des jeunes, devant la démission des parents face à leurs enfants », les fondateurs de Benebnooma ont ressenti la nécessité de créer « lautre école ».
Un pari, une autre façon dappliquer le fameux concept de « développement » (de plus en plus décrié) dans un pays parmi les plus pauvres de la planète : 46% des habitants vivent en dessous du seuil de pauvreté et 60% sont analphabètes. Le Burkina est le pays le plus touché par le sida après la Côte-dIvoire en Afrique de lOuest... Mais cest le paludisme qui est le plus meurtrier, tuant chaque année près de 20 000 personnes.
« Le modèle de Benebnooma est atypique car il rompt avec un enseignement formaté et académique sur le modèle européen, où les élèves vont jusquen terminale et ne savent pas quoi faire après », analyse Koudbi. Face au dénigrement de plus en plus fréquent chez les jeunes de gagner leur vie honnêtement et du spectacle de la corruption, Koudbi Koala reconnaît que son centre a une chance : lintérêt des jeunes pour leur formation, qui va de la maternelle aux ateliers « maçonnerie, imprimerie, mécanique, couture, secrétariat ou pharmacie populaire ». Lesprit de Benebnooma, « cest que lon ne peut pas réussir sans transpirer », comme lon transpirait sous le feu de la forge. Koudbi assure que « les élèves sautorecrutent » et que la « plupart ont un boulot à la sortie ». « On les aide pour sinstaller et ils transmettent cette aide à dautres ». La réussite de deux anciens élèves, Maurice Yaméogo et Appolinaire Nabaloum mérite dêtre soulignée : ces artistes dynamiques ont fondé la Cité des Arts atypiques de Koudougou et deux ateliers de « batik » et de bronze, sappliquant à transmettre leur savoir-faire à dautres jeunes. Depuis sept ans, ils voyagent plusieurs mois de lannée en Europe pour des stages de djembés ou de « batik » et espèrent implanter un village artisanal au centre de Koudougou.
De transmission des savoirs en partage de la solidarité, un véritable esprit alternatif règne ainsi à Koudougou. Ce nest pas un hasard si le journaliste Norbert Zongo, directeur de lhebdomadaire lIndépendant, était originaire de cette ville. Ce journaliste luttait sans relâche pour la fin de limpunité des crimes dEtat au Burkina, notamment concernant un homicide et des actes de torture dans laquelle François Compaoré (frère du président) serait directement mis en cause. Devenu gênant aux yeux du pouvoir, Norbert Zongo a été assassiné le 13 décembre 1998. Marcel Kafando, ex-chef de la sécurité présidentielle, emprisonné à ce jour, est le seul, dans le cercle proche de la présidence, à être inculpé dans cette affaire.
Qui sétonnera également que ce soit à Koudougou que soient nées les Nuits Atypiques, jumelées et épaulées à ses débuts par léquipe organisatrice des Nuits Atypiques de Langon (sud-Gironde). La VIe édition des NAK, dont le fondateur est linfatigable Koudbi, a eu lieu dans une ambiance daffluence festive, du 29 novembre au 2 décembre 2001, accueillant des artistes africains (Burkina, Guinée, Côte-dIvoire) comme du ska hollandais. Ce festival, qui a désormais acquis son autonomie par rapport à ses « parrains » girondins, apparaît comme une synthèse de lesprit de solidarité citoyenne et de « coopération différente », où toute la dynamique des différents projets de Koudougou prend un sens. Les NAK ont réussi à maintenir leur rendez-vous annuel, incontournable pour lexpression artistique du Burkina et les retombées économiques suivent : deux hôtels sont en construction pour accueillir les festivaliers. Les hommages vibrants à Thomas Sankara (héros de la « révolution burkinabè ») ou à Norbert Zongo, et les coups de gueule contre le régime du président Blaise Compaoré ou la corruption, ont fusé lors de certains concerts, acclamés par un public en liesse. Les NAK sont aussi un espace de liberté dexpression préservée et de prises de position citoyennes, qui ne sont pas du luxe aujourdhui en Afrique. Des rencontres professionnelles, organisées en marge des concerts in et off, ont permis aux artistes de sinformer sur leurs métiers et de nouer des contacts en vue de contrats.
Le souffle de Benebnooma, porté par lHarmattan, a essaimé au nord du Burkina, au cur du Sahel. Là où le désert avance inexorablement, aidé par un vent de sable qui harcèle des populations déjà éprouvées. À Dori, « capitale du Sahel », le groupe Fomtuguol (« linspiration », la « respiration » en langue peule) a débuté par des tournées musicales, notamment un passage aux Nuits atypiques de Langon. Puis en 2000, le leader de Fomtuguol, Boubacar Dicko (doté de la même énergie solidaire que son ami Koudbi) a été élu maire de Dori et les activités de Fomtuguol se sont épanouies : club de sports, radio communautaire, restaurant, etc. Une respiration pour trouver des alternatives à une réalité éprouvante où la poussière malsaine est omniprésente, à la sécheresse, à lenclavement dû à des conditions de transports déplorables sur les pistes quand elles existent. Tout au long de notre périple dans le Nord, nous avons été confrontées au dénuement inadmissible des populations. À Oursi, aux environs de Gorom-Gorom, les habitants, qui ont toujours vécu sans eau ni électricité, ne semblent jamais avoir accès aux soins médicaux. Dans un village, chaque enfant croisé était atteint dune maladie : bébé avec un il aveugle, nez infecté, plaies qui gangrènent, ventre proéminent, etc. Sans compter que le Sahel détient les taux de prévalence du sida les plus forts du pays, dûs aux nombreux mouvements de population venant de Côte-dIvoire et des pays voisins pour tenter sa chance dans les mines dor.
Loriginalité de Benebnooma a aussi conquis la deuxième ville du pays, Bobo-Dioulasso, où lassociation Djiguiya (issue du groupe de musique Djiguiya, qui sest souvent produit à Langon, et épaulée par lassociation du Prado 33) a également construit un centre de formation pour accueillir les enfants des rues et les exclus de la scolarité classique.
Analysant les raisons du « sous-développement » de son pays, Koudbi Koala dénonce demblée « linertie ambiante ». « Quand on a lancé lidée des Nuits Atypiques, les gens nous ont ri au nez ! », lance-t-il. Aujourdhui, lEtat approuve, mais ne facilite pas : « on nest même pas exonéré dimpôts et les NAK prennent à leur compte 20% du cachet des artistes », précise-t-il. La force de Benebnooma a été de se tenir au principe « charité bien donnée commence par soi-même ». Un « refus positif » du financement extérieur car les « financeurs finissent toujours par imposer leurs vues, ils samusent en construisant leurs projets, puis repartent ». Le développement, « cest être en accord avec soi, se former, et non la richesse matérielle avec la voiture et la villa ! », ironise-t-il. Cest comme « lorsquune femme prend un canari pour le remplir deau au puits : elle le monte jusquà ses genoux ; et ensuite, on va laider à le mettre sur sa tête, car on a constaté son effort et sa bonne volonté », explique Koudbi. Benebnooma fonctionne aujourdhui avec divers partenaires, comme les ministères burkinabè de lAction sociale et de la Famille, de lEnseignement de base et de lalphabétisation, des ONG nationales, lUnicef ou Emmaüs International.
La démarche portée par Benebnooma dun « autre développement » se pose, selon son fondateur, comme une résistance aux ravages de la mondialisation néo-libérale dans les pays sous-développés. « Ce quil faudrait au contraire pour un monde plus viable, cest mondialiser les solidarités, parvenir à un partage plus fraternel et plus humain des ressources et des compétences », affirme Koudbi, qui dénonce « une Banque mondiale et un FMI qui veulent gérer le propre quotidien des gens ». Et de rappeler que « le Burkinabé moyen est analphabète, quil lutte seulement au jour le jour pour survivre et quil se lève le matin sans savoir ce quil va manger le soir ». « 99% des Burkinabés ne savent pas ce que veut dire mondialisation » estime-t-il, soulignant que « des initiatives nationales pour se prendre en main sont possibles, mais il manque la volonté ».
En juillet 2001, il a dailleurs expliqué les tenants et les aboutissants de ses projets à Gênes, lors de rencontres dONG organisées lors du « contre-sommet », pour protester contre la tenue de la réunion du G8 dans la ville italienne. Et comme à Koudougou, tout est histoire de transmission, le président du Conseil scientifique dATTAC Burkina Faso (crée en mars 2000), Pierre Nakoulima1 est un ancien élève de Koudbi. Celui-ci a promis quun stand Attac « sera présent aux NAK 2002 ».
2 décembre, petit matin. Montant de la concession voisine, la résonance du pilon frappant le mil dans le mortier accompagne notre réveil à la Maison daccueil de Koudougou. Quotidien mille fois répété pour la mère de famille : la corvée du bois et de leau au puits, son canari posé sur la tête ; aller chercher le petit mil pour cuisiner le to, plat national et souvent unique.
Dureté, âpreté dun quotidien parfois insoutenable.
Mais, ici, à Koudougou, on forge lespoir.
Lucie Peytermann et America Lopez*
* Journalistes.
(1) Voir lentretien in le Passant Ordinaire n° 37, Frontières disponible sur notre site www.passant-ordinaire.fr.st. Le 27 novembre dernier, une rencontre de jumelage a également eu lieu à la Bourse du travail de Ouagadougou entre des représentants dAttac Sud-Gironde et dAttac Burkina, dans un esprit dentraide concrète.
(1) Voir lentretien in le Passant Ordinaire n° 37, Frontières disponible sur notre site www.passant-ordinaire.fr.st. Le 27 novembre dernier, une rencontre de jumelage a également eu lieu à la Bourse du travail de Ouagadougou entre des représentants dAttac Sud-Gironde et dAttac Burkina, dans un esprit dentraide concrète.