Sortie du DVD de Notre Monde
Notre Monde Notre Monde (2013, 119') un film de Thomas LacosteRassemblant plus de 35 intervenants, philosophes, sociologues, économistes, magistrats, médecins, universitaires et écrivains, Notre Monde propose un espace dexpression pour travailler, comme nous y enjoint JeanLuc Nancy à « une pensée commune ». Plus encore quun libre espace de parole, Notre Monde sappuie sur un ensemble foisonnant de propositions concrètes pour agir comme un rappel essentiel, individuel et collectif : « faites de la politique » et de préférence autrement.
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© Passant n°38 [janvier 2002 - février 2002]
© Passant n°38 [janvier 2002 - février 2002]
par Michel Ducom
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et Trans-Mission
Le rôle dhistoire que celle de la Trans-Mission. Peut-être la plus grande supercherie du siècle précédent et le plus grand défi de celui qui samorce.
Entre les générations, et entre les êtres, les savoirs. Il ne viendrait sans doute à lidée de personne que ceux-ci conditionnent notre existence, et que ceux que nous pouvons inventer seront à diffuser dans lespace et dans le temps. Et des images circulent : les savoirs sont comme des lettres, des paquets-poste, des blocs, au mieux des énigmes ou des rébus, mais dans tous les cas des objets, images dautant plus prégnantes que les savoirs sont souvent inclus dans les objets : que de savoirs dans un micro-ordinateur ou dans un CD ! On en oublie parfois la musique ou ce à quoi peut servir un micro !
On en oublie facilement que nous entretenons avec les savoirs un rapport vivant qui est plus complexe quun rapport dacquisition et dabandon, et que les savoirs nous forment, nous formatent ou nous transforment. On oublie que la façon dont ils sont transmis nous conditionne pour longtemps et que ce conditionnement a des effets durables sur les rapports que les hommes entretiennent entre eux. Quand les premiers apprentissages se font comme lacquisition dune vérité révélée et non comme un terrain de recherches et daventures, quand les savoirs sont présentés comme des objets finis, coupés des enjeux qui ont présidé à leur naissance, comment sétonner encore de la soumission volontaire de nos concitoyens et de leur course éperdue et naïve après les idées toutes faites ?
Comment sétonner, quand les premiers apprentissages mais aussi les suivants réifient les savoirs, que la seule analyse contradictoire générale qui règne sur la pensée des intellectuels progressistes comme sur celle des goldens boys se fasse en terme de marchandisation ?
Or les savoirs ne sont des marchandises que lorsquon les vend ou lorsquon les achète. Ce qui est, tous comptes faits, une situation assez rare quand on regarde comment ils se transmettent réellement.
En général, même avec la pire des méthodes pédagogiques, le savoir grandit quand on le partage, ce qui nest guère le cas pour la plupart des marchandises. Et cela oblige ceux qui voudraient faire commerce du savoir à inventer des règles complexes et souvent bien peu efficaces pour éviter ce phénomène de laugmentation par le partage. Le miracle de la multiplication des petits pains est une sale affaire pour la boulange de ceux qui veulent faire du fric avec le savoir. Ils essaient quand même. Et nous avons à garder lil ouvert. Mais à regarder dun seul il, on shabitue à devenir borgne. Il vaut mieux voir des deux yeux ce qui se passe : en matière de savoir nous sommes les excellents alliés de ceux qui voudraient nous amener où ce nest pas notre intérêt. Il y a des façons de résister qui sont la meilleure façon dintégrer une place dans le processus que lon combat. Parfois même une place fort distinguée ! Quand allons-nous donner à la transmission des savoirs tout son sens humain et pas seulement son sens économique ? Quand allons nous dire que dans un monde où sévissent inégalités et injustices, la question de léducation et de la culture nest pas seconde, face à des préalables économiques et à des impératifs politiques mais quelle se pose comme urgence de civilisation ? Une urgence de civilisation que concerne toute responsabilité immédiate et locale. Parce que lhomme ne naît ni soumis ni émancipé, il le devient. Parce quil ne naît ni fanatique ni citoyen, il le devient.
Plus les élèves, comme les hommes, semploient à archiver les « dépôts de savoirs » qui leur sont remis, moins il se développe en eux la conscience critique qui permettrait leur insertion dans le monde comme agents de transformation, comme sujets. Et plus les enseignants ou les explicateurs de tous ordre aident à la mise en place de ces archivages moins ils peuvent imaginer dautres façons de se battre, dautres terrains, dautres victoires. Ils gèrent les stocks. Cest ce que Paolo Freire appelle « la conception bancaire de léducation ». Ils oublient que les savoirs sont vivants, quils ont une naissance souvent conflictuelle, un développement souvent triomphal, une mort assurée. Ils oublient que les savoirs sont en interactions permanentes avec les sujets, que tout savoir nouveau heurte une représentation antérieure, quil nexiste pas de savoir coupé des affaires des hommes. Science sans crise de conscience nest que mauvaise foi. Ils ignorent tout cela, quand ce nest pas sciemment quils le cachent. Comment oublier ce prof dinformatique qui pour garder un prestige misérable ne dévoilait pas à ses collègues quel geste simple il suffisait daccomplir pour initialiser un travail ? Et tous ces écrivains, musiciens ou plasticiens parmi les meilleurs au demeurant qui gardent un air mystérieux lorsquon les interroge sur leurs recettes de cuisine de peur de descendre de leur piédestal, et qui finissent même les pauvres par ne plus savoir en parler et par là-même, par ne plus savoir ce quils font réellement ? Et ces laboratoires chercheurs collectifs et mutualisateurs à linterne de notre magnifique société à capitaux flottants donc coulables qui ne communiquent pas à ceux qui meurent de faim ou de maladie les formules despérance ?
Aujourdhui lun des grands consensus de la planète concerne le droit à léducation que nous sommes bien loin de voir appliqué partout. Et cela est si effrayant que cela laisse la place à une conception minimaliste du savoir : de pauvres savoirs pour les enfants des pauvres ! Avec une pauvre pédagogie en prime ?
Que serait laccès au droit dapprendre sans le pouvoir de comprendre ? Face à une conception marchande des savoirs, à leur instrumentalisation et leur accumulation, il sagit de développer une intelligence capable de penser autrement le monde. Face à la reproduction de savoirs-transmis comme produits-finis, comme vérités indiscutables, il sagit de faire émerger une pensée créative et audacieuse. Mais comment éduquer à lesprit critique en exigeant une soumission appliquée à des règlements, dès lécole et jusquau lycée, quand ils sont seulement élaborés par dautres ? Comment éduquer à la solidarité face à lexclusion et à la compétition individuelle dans les apprentissages ?
Cest dans la notion et la pratique de démarche dauto-socio-construction du savoir que, prenant appui sur des situations incitatrices de départ, sont impulsés des processus constructifs qui sollicitent les forces inventives, créatrices de chacun. Dans une interaction entre soi et les autres se travaillent questionnements, contradictions et conflits. Là, dans un va et vient entre lacte et la pensée, entre hypothèses et conscientisation, entre schèmes balbutiants et formulations, se construit une pensée opératoire, une pensée réinvestissable ailleurs. Là sexerce la prise en compte créatrice des divergences. A fréquenter dans le rapport au savoir la pluralité et la diversité, se développe lexercice du débat constructif, démocratique, condition pour des apprentissages solidaires en même temps que conceptualisés.
Qui va éduquer à la solidarité et aux apprentissages mutualisés ? Ceux qui sont Victorieux sur les Perdants aux Concours ? Non ? Et pourquoi pas ? Cela éviterait dattendre une réforme et poserait tout de suite une question de transformation ! La réponse nécessite de poser avec force les contenus de la formation de ceux qui vont éduquer. Concours ou pas, cest à une véritable révolution mentale que les politiques ministérielles doivent satteler. Apprendre autrement sapprend. Apprendre à travailler en équipe nest pas un don mais une conquête, apprendre la recherche se fait en menant des recherches, apprendre la vie coopérative se fait dans laction coopérative et non par un savoir magistral. Le magistral viendra après laction, pour lenrichir et la distancier. Tout cela peut se transmettre dans une cohérence entre le concept transmis et la façon dont il se construit. Car les concepts ne sont plus les catégories, monades, idées issues du monde des idées dont on nous a appris la vie abstraite et édulcorée. Les savoirs ne sont ni neutres ni innocents, et parfois ils sont franchement coupables.
Les transmissions aujourdhui se font dans lordre des valeurs, de léthique, en même temps que dans lordre du savoir et des pouvoirs.
Aujourdhui lenjeu de la transmission pour des millions denfants et leurs enseignants est de devenir citoyens dans le savoir et les apprentissages. Non pas un citoyen passif mais un être critique, pensant, indocile et ne délégant à personne son pouvoir de penser. Bien sûr, les savoirs risquent gros dans cette démarche. Sans cesse ré-inventés, ré-interrogés, les faux savoirs ne tiennent pas la route. Bien sûr, on perd du temps sur un tel chemin, on perd tout le temps et toute la patience quil a fallu jusque là, à léducation, pour formater du vivant, pour empêcher de penser et de penser le changement. On perd donc fort heureusement son temps à préparer très vite dautres temps plus fraternels et plus lucides. On prend le temps de préparer un développement humain durable.
On perd aussi ses Maîtres, les Maîtres de la Trans-Mission-dEducationà Risques limités-avec Assurance-surla-vie-étriquée. On perd de vagues et médiocres gourous pour gagner des égaux pensants, on perd quelques certitudes, on en gagne dautres, provisoires celles-ci.
Cest dans de tels processus que ne doivent pas être évacués les questions, contre-évidences et débats dont les savoirs sont issus. Ils sont nés daudaces et ils furent en général, dans leur genèse, combats contre lignorance, les interdits et les fatalités. Cest dans de tels processus que chaque apprenant peut mobiliser ses propres capacités à penser, à créer, à agir et les mettre en synergie avec celles de ceux qui, bien avant lui et autour de lui, les ont déjà exercées. Il découvre ainsi dans lacte de savoir la force dune fraternité humaine.
Dans une telle approche de la transmission comme dans la vie coopérative, dans la conception et la réalisation de projets, dans les situations multiples décriture où se construisent des pouvoirs de penser et de créer, la mise en pratique de tels principes ne peut se faire sans le pari philosophique exprimé dans lidée du « Tous capables ! ». Mobiliser et développer les potentialités immenses de chaque enfant, chaque adulte, chaque peuple, potentialités trop souvent insoupçonnées ou massacrées, niées ou écartées est une affaire philosophique qui a un poids économique et politique considérable : celui du chemin inverse que prennent tant bien que mal ceux qui se prennent pour les Maîtres du Monde. Combien de temps encore, ceux qui les combattent avec courage et ténacité sous-estimeront-ils cette question de philosophie et de politique pratiques ?
Entre les générations, et entre les êtres, les savoirs. Il ne viendrait sans doute à lidée de personne que ceux-ci conditionnent notre existence, et que ceux que nous pouvons inventer seront à diffuser dans lespace et dans le temps. Et des images circulent : les savoirs sont comme des lettres, des paquets-poste, des blocs, au mieux des énigmes ou des rébus, mais dans tous les cas des objets, images dautant plus prégnantes que les savoirs sont souvent inclus dans les objets : que de savoirs dans un micro-ordinateur ou dans un CD ! On en oublie parfois la musique ou ce à quoi peut servir un micro !
On en oublie facilement que nous entretenons avec les savoirs un rapport vivant qui est plus complexe quun rapport dacquisition et dabandon, et que les savoirs nous forment, nous formatent ou nous transforment. On oublie que la façon dont ils sont transmis nous conditionne pour longtemps et que ce conditionnement a des effets durables sur les rapports que les hommes entretiennent entre eux. Quand les premiers apprentissages se font comme lacquisition dune vérité révélée et non comme un terrain de recherches et daventures, quand les savoirs sont présentés comme des objets finis, coupés des enjeux qui ont présidé à leur naissance, comment sétonner encore de la soumission volontaire de nos concitoyens et de leur course éperdue et naïve après les idées toutes faites ?
Comment sétonner, quand les premiers apprentissages mais aussi les suivants réifient les savoirs, que la seule analyse contradictoire générale qui règne sur la pensée des intellectuels progressistes comme sur celle des goldens boys se fasse en terme de marchandisation ?
Or les savoirs ne sont des marchandises que lorsquon les vend ou lorsquon les achète. Ce qui est, tous comptes faits, une situation assez rare quand on regarde comment ils se transmettent réellement.
En général, même avec la pire des méthodes pédagogiques, le savoir grandit quand on le partage, ce qui nest guère le cas pour la plupart des marchandises. Et cela oblige ceux qui voudraient faire commerce du savoir à inventer des règles complexes et souvent bien peu efficaces pour éviter ce phénomène de laugmentation par le partage. Le miracle de la multiplication des petits pains est une sale affaire pour la boulange de ceux qui veulent faire du fric avec le savoir. Ils essaient quand même. Et nous avons à garder lil ouvert. Mais à regarder dun seul il, on shabitue à devenir borgne. Il vaut mieux voir des deux yeux ce qui se passe : en matière de savoir nous sommes les excellents alliés de ceux qui voudraient nous amener où ce nest pas notre intérêt. Il y a des façons de résister qui sont la meilleure façon dintégrer une place dans le processus que lon combat. Parfois même une place fort distinguée ! Quand allons-nous donner à la transmission des savoirs tout son sens humain et pas seulement son sens économique ? Quand allons nous dire que dans un monde où sévissent inégalités et injustices, la question de léducation et de la culture nest pas seconde, face à des préalables économiques et à des impératifs politiques mais quelle se pose comme urgence de civilisation ? Une urgence de civilisation que concerne toute responsabilité immédiate et locale. Parce que lhomme ne naît ni soumis ni émancipé, il le devient. Parce quil ne naît ni fanatique ni citoyen, il le devient.
Plus les élèves, comme les hommes, semploient à archiver les « dépôts de savoirs » qui leur sont remis, moins il se développe en eux la conscience critique qui permettrait leur insertion dans le monde comme agents de transformation, comme sujets. Et plus les enseignants ou les explicateurs de tous ordre aident à la mise en place de ces archivages moins ils peuvent imaginer dautres façons de se battre, dautres terrains, dautres victoires. Ils gèrent les stocks. Cest ce que Paolo Freire appelle « la conception bancaire de léducation ». Ils oublient que les savoirs sont vivants, quils ont une naissance souvent conflictuelle, un développement souvent triomphal, une mort assurée. Ils oublient que les savoirs sont en interactions permanentes avec les sujets, que tout savoir nouveau heurte une représentation antérieure, quil nexiste pas de savoir coupé des affaires des hommes. Science sans crise de conscience nest que mauvaise foi. Ils ignorent tout cela, quand ce nest pas sciemment quils le cachent. Comment oublier ce prof dinformatique qui pour garder un prestige misérable ne dévoilait pas à ses collègues quel geste simple il suffisait daccomplir pour initialiser un travail ? Et tous ces écrivains, musiciens ou plasticiens parmi les meilleurs au demeurant qui gardent un air mystérieux lorsquon les interroge sur leurs recettes de cuisine de peur de descendre de leur piédestal, et qui finissent même les pauvres par ne plus savoir en parler et par là-même, par ne plus savoir ce quils font réellement ? Et ces laboratoires chercheurs collectifs et mutualisateurs à linterne de notre magnifique société à capitaux flottants donc coulables qui ne communiquent pas à ceux qui meurent de faim ou de maladie les formules despérance ?
Aujourdhui lun des grands consensus de la planète concerne le droit à léducation que nous sommes bien loin de voir appliqué partout. Et cela est si effrayant que cela laisse la place à une conception minimaliste du savoir : de pauvres savoirs pour les enfants des pauvres ! Avec une pauvre pédagogie en prime ?
Que serait laccès au droit dapprendre sans le pouvoir de comprendre ? Face à une conception marchande des savoirs, à leur instrumentalisation et leur accumulation, il sagit de développer une intelligence capable de penser autrement le monde. Face à la reproduction de savoirs-transmis comme produits-finis, comme vérités indiscutables, il sagit de faire émerger une pensée créative et audacieuse. Mais comment éduquer à lesprit critique en exigeant une soumission appliquée à des règlements, dès lécole et jusquau lycée, quand ils sont seulement élaborés par dautres ? Comment éduquer à la solidarité face à lexclusion et à la compétition individuelle dans les apprentissages ?
Cest dans la notion et la pratique de démarche dauto-socio-construction du savoir que, prenant appui sur des situations incitatrices de départ, sont impulsés des processus constructifs qui sollicitent les forces inventives, créatrices de chacun. Dans une interaction entre soi et les autres se travaillent questionnements, contradictions et conflits. Là, dans un va et vient entre lacte et la pensée, entre hypothèses et conscientisation, entre schèmes balbutiants et formulations, se construit une pensée opératoire, une pensée réinvestissable ailleurs. Là sexerce la prise en compte créatrice des divergences. A fréquenter dans le rapport au savoir la pluralité et la diversité, se développe lexercice du débat constructif, démocratique, condition pour des apprentissages solidaires en même temps que conceptualisés.
Qui va éduquer à la solidarité et aux apprentissages mutualisés ? Ceux qui sont Victorieux sur les Perdants aux Concours ? Non ? Et pourquoi pas ? Cela éviterait dattendre une réforme et poserait tout de suite une question de transformation ! La réponse nécessite de poser avec force les contenus de la formation de ceux qui vont éduquer. Concours ou pas, cest à une véritable révolution mentale que les politiques ministérielles doivent satteler. Apprendre autrement sapprend. Apprendre à travailler en équipe nest pas un don mais une conquête, apprendre la recherche se fait en menant des recherches, apprendre la vie coopérative se fait dans laction coopérative et non par un savoir magistral. Le magistral viendra après laction, pour lenrichir et la distancier. Tout cela peut se transmettre dans une cohérence entre le concept transmis et la façon dont il se construit. Car les concepts ne sont plus les catégories, monades, idées issues du monde des idées dont on nous a appris la vie abstraite et édulcorée. Les savoirs ne sont ni neutres ni innocents, et parfois ils sont franchement coupables.
Les transmissions aujourdhui se font dans lordre des valeurs, de léthique, en même temps que dans lordre du savoir et des pouvoirs.
Aujourdhui lenjeu de la transmission pour des millions denfants et leurs enseignants est de devenir citoyens dans le savoir et les apprentissages. Non pas un citoyen passif mais un être critique, pensant, indocile et ne délégant à personne son pouvoir de penser. Bien sûr, les savoirs risquent gros dans cette démarche. Sans cesse ré-inventés, ré-interrogés, les faux savoirs ne tiennent pas la route. Bien sûr, on perd du temps sur un tel chemin, on perd tout le temps et toute la patience quil a fallu jusque là, à léducation, pour formater du vivant, pour empêcher de penser et de penser le changement. On perd donc fort heureusement son temps à préparer très vite dautres temps plus fraternels et plus lucides. On prend le temps de préparer un développement humain durable.
On perd aussi ses Maîtres, les Maîtres de la Trans-Mission-dEducationà Risques limités-avec Assurance-surla-vie-étriquée. On perd de vagues et médiocres gourous pour gagner des égaux pensants, on perd quelques certitudes, on en gagne dautres, provisoires celles-ci.
Cest dans de tels processus que ne doivent pas être évacués les questions, contre-évidences et débats dont les savoirs sont issus. Ils sont nés daudaces et ils furent en général, dans leur genèse, combats contre lignorance, les interdits et les fatalités. Cest dans de tels processus que chaque apprenant peut mobiliser ses propres capacités à penser, à créer, à agir et les mettre en synergie avec celles de ceux qui, bien avant lui et autour de lui, les ont déjà exercées. Il découvre ainsi dans lacte de savoir la force dune fraternité humaine.
Dans une telle approche de la transmission comme dans la vie coopérative, dans la conception et la réalisation de projets, dans les situations multiples décriture où se construisent des pouvoirs de penser et de créer, la mise en pratique de tels principes ne peut se faire sans le pari philosophique exprimé dans lidée du « Tous capables ! ». Mobiliser et développer les potentialités immenses de chaque enfant, chaque adulte, chaque peuple, potentialités trop souvent insoupçonnées ou massacrées, niées ou écartées est une affaire philosophique qui a un poids économique et politique considérable : celui du chemin inverse que prennent tant bien que mal ceux qui se prennent pour les Maîtres du Monde. Combien de temps encore, ceux qui les combattent avec courage et ténacité sous-estimeront-ils cette question de philosophie et de politique pratiques ?
* Professeur, poète, et aussi Secrétaire National du Groupe Français dEducation Nouvelle (GFEN).