Sortie du DVD de Notre Monde
Notre Monde Notre Monde (2013, 119') un film de Thomas LacosteRassemblant plus de 35 intervenants, philosophes, sociologues, économistes, magistrats, médecins, universitaires et écrivains, Notre Monde propose un espace dexpression pour travailler, comme nous y enjoint JeanLuc Nancy à « une pensée commune ». Plus encore quun libre espace de parole, Notre Monde sappuie sur un ensemble foisonnant de propositions concrètes pour agir comme un rappel essentiel, individuel et collectif : « faites de la politique » et de préférence autrement.
Retour
© Passant n°38 [janvier 2002 - février 2002]
© Passant n°38 [janvier 2002 - février 2002]
par Marie-Claire Calmus
Imprimer l'articleTransporter et transmettre
Mémoire et business
Les habitants de Chaulnes et des environs, menacés, je dirais même requis de voir se construire un aéroport sur lemplacement de leurs maisons et jardins, viennent de recevoir une aide inattendue : celle des morts, en En particulier les Britanniques, qui peuplent les vastes cimetières internationaux. Cest cette face tragique de lHistoire, visible à travers champs, qui dissuade certains de nos concitoyens et autres weekendiers de tous poils de venir y traîner leurs guêtres. Ce qui surprend davantage est lignorance des décideurs nos gouvernants entre autres à qui, faute sans doute davoir pris la peine daller sur le terrain, le caractère sacré de cette terre a dû échapper une des régions françaises où la mémoire nest pas un vain mot, mais figurée en des monuments, certains grandioses, tous émouvants, érigés à la gloire et au souvenir des millions des sacrifiés de la 1e guerre.
A une époque où lon na jamais assez battu sa coulpe pour un passé que lon a insuffisamment combattu (la guerre dAlgérie et ses tortures, la boucherie de 14 et lécrasement des mutins, etc.), il est étrange que les intérêts des affaires aient balayé dun coup, voué à loubli, ces combattants auxquels on sétait efforcé de rendre existence et dignité. Y aurait-il une mémoire qui gêne (le capitalisme) et une autre inoffensive, lénifiante, consensuelle... et si lon ose dire, en dehors des cérémonies et protestations gesticulatoires, qui ne « mange pas de pain » ?
Dun autre côté, on peut nous répondre que céder à la pression doutre-Manche, et refuser de déloger les morts nest quà moitié satisfaisant philosophiquement : que ne remue-t-on ciel et terre pour éviter de voir délogés les vivants : les Palestiniens au Proche-Orient, ou, plus près de nous, la population la moins aisée, expulsée de la capitale ?
A une époque où lon na jamais assez battu sa coulpe pour un passé que lon a insuffisamment combattu (la guerre dAlgérie et ses tortures, la boucherie de 14 et lécrasement des mutins, etc.), il est étrange que les intérêts des affaires aient balayé dun coup, voué à loubli, ces combattants auxquels on sétait efforcé de rendre existence et dignité. Y aurait-il une mémoire qui gêne (le capitalisme) et une autre inoffensive, lénifiante, consensuelle... et si lon ose dire, en dehors des cérémonies et protestations gesticulatoires, qui ne « mange pas de pain » ?
Dun autre côté, on peut nous répondre que céder à la pression doutre-Manche, et refuser de déloger les morts nest quà moitié satisfaisant philosophiquement : que ne remue-t-on ciel et terre pour éviter de voir délogés les vivants : les Palestiniens au Proche-Orient, ou, plus près de nous, la population la moins aisée, expulsée de la capitale ?
Marie-Claire Calmus