Sortie du DVD de Notre Monde
Notre Monde Notre Monde (2013, 119') un film de Thomas LacosteRassemblant plus de 35 intervenants, philosophes, sociologues, économistes, magistrats, médecins, universitaires et écrivains, Notre Monde propose un espace dexpression pour travailler, comme nous y enjoint JeanLuc Nancy à « une pensée commune ». Plus encore quun libre espace de parole, Notre Monde sappuie sur un ensemble foisonnant de propositions concrètes pour agir comme un rappel essentiel, individuel et collectif : « faites de la politique » et de préférence autrement.
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© Passant n°38 [janvier 2002 - février 2002]
© Passant n°38 [janvier 2002 - février 2002]
par Michel Cahen
Imprimer l'articleLe 3e aéroport de Paris,
une très certaine idée de la France
A propos dun investissement gigantesque aux conséquences de long terme, il est consternant de voir que les arguments avancés sont uniquement fondés sur les projections statistiques du trafic aérien. Le trafic laissé libre denfler indéfiniment, dici trois ans Roissy-Charles de Gaulle sera complètement « saturé ». Il faut donc le « prévoir » et prendre des mesures immédiatement. En clair, accompagner le laisser-faire à coups de milliards de francs. Tout se passe comme si lon considérait que la croissance du trafic aérien était une donnée « naturelle », « inéluctable » et « neutre », en somme le versant transport de la « mondialisation ». On évacue complètement quil sagit avant tout de politique et de stratégie. Selon la même logique, il faudrait du reste commencer à penser très sérieusement au quatrième aéroport, qui sera à lordre du jour vers 2020 ; ou encore, plutôt que de développer le ferroutage, on pourrait proposer des autoroutes réservées aux camions puisque leur trafic croît aussi sans fin. En réalité, on décide de laisser faire, en une sorte de corruption mentale où ce nest pas un hasard le libéralisme le plus sauvage rejoint le jacobinisme le plus éculé.
Paris et sa région auraient techniquement besoin dune capacité aérienne plus forte. À un moment donné, ce peut être incontestable. Mais cela est le résultat dune politique ou plutôt dune politique dabsence de politique. À force de faire de Paris le lieu où tout arrive et où tout se produit, on créé évidemment les conditions dune croissance ininterrompue de la mégapole jusquà son propre étouffement au coût exponentiel dans la pollution, la précarité sociale et linsécurité. La décentralisation timidement poursuivie par les gouvernements est plus que contrebalancée par le fonctionnement même de lÉtat qui, quotidiennement, produit de la centralisation politique et de la concentration administrative pour ne point parler de résistances caricaturales comme dans ce cas dune ENA incapable de sortir de son arrondissement lutétien à lère de la mondialisation alors que sa fonction est la formation des cadres de lÉtat, y compris, et peut-être surtout, de leur imaginaire. Du pilotage de la recherche scientifique par les sommets au détriment des laboratoires (qui oblige à « monter » à Paris pour la moindre démarche), au budget du ministère de la Culture scandaleusement hypertrophié au seul profit de Paris, au tracé en étoile des TGV encore plus centralisé que le dense réseau en toile daraignée imaginé sous Napoléon III, on pourrait trouver mille manières de montrer que la sociologie même de cet État réduit les timides politiques de décentralisation et déconcentration au rang dalibi.
Le cas du TGV, lui aussi relatif aux transports, mérite quon y revienne. Son tracé exclusivement de et vers Paris nest nullement dû à la fatalité ou à la rentabilité. Il relève dabord de limaginaire de la nation qui hante ceux qui nous gouvernent. Cet imaginaire, qui confond nation et pouvoir dÉtat, ne pense la nation France que relativement à Paris. Le beau TGV ne doit servir quà monter plus vite à la capitale au grand contentement, souvent, délites provinciales produites par les « régions de programme » gaulliennes (cest-à-dire des régions ne correspondant pas aux réalités historiques et culturelles, mais imaginées par le planificateur), et qui ne sont que les clones rapetissés du modèle parisien. Chaque président de conseil régional, chaque maire de grande ville veut son TGV pour se rapprocher du pouvoir dÉtat. Ainsi, quand la ligne grande-vitesse Paris-Bordeaux sera achevée, Paris sera-t-il à deux heures de Bordeaux. Un progrès ? Non, une catastrophe. Paris, à 600 Km, sera plus « proche » de la capitale girondine, que Toulouse, à 250 km (2 h 05 en TGV sur ligne normale, 2 h 12 à 2 h 51 par le corail ou le TER). Quand on créé sciemment de telles distorsions complètement artificielles, on ne peut plus penser et maîtriser laménagement du territoire. Il ne faudrait achever la ligne Paris-Bordeaux que dix ans après quune navette TGV aura mis, vingt fois par jour, les deux capitales du sud-ouest à cinquante minutes lune de lautre, dix ans après que se seront ainsi fortifiées à nouveau les relations interrégionales habituelles.
Le problème nest pas que franco-français. On a fait le forcing pour que Strasbourg soit lié à Paris par une ligne nouvelle entièrement de grande vitesse. En même temps, on mène le combat pour que la capitale alsacienne reste aussi capitale européenne. Neût-il pas été plus stratégique dimaginer le grand TGV de la « banane bleue », Bruxelles-LuxembourgStrasbourg, prolongé vers Londres et Genève-Turin ? Cette stratégie est parfaitement praticable mais là est le problème elle demeure inimaginée.
La SNCF a beau jeu de répondre que des TGV transversaux, soient-ils internationaux, ne sont pas rentables. Mais pourquoi ne le sont-ils pas présentement ? On fait des enquêtes en prenant pour base le nombre actuel de gens qui prennent le train pour aller de Bordeaux à Marseille : ce nombre est insuffisant. Forcément ! Il faut au mieux 5 h 41 et souvent plus de sept heures ! Il faut, depuis Bordeaux, 5 h 40 (changement à Redon ou Nantes) ou 6 h 06 (sans changement) pour aller à Rennes. Pour aller de Bordeaux à Lyon, cest 7 h 30 : il « vaut mieux », donc, passer par Paris (5 h 56), mais on paye le kilométrage. Ce sera la même chose, demain, pour aller de Bordeaux à Marseille et pourquoi pas Barcelone, dès que les voies à grande vitesse Bordeaux-Tours et Montpellier-Barcelone seront achevées ! Cest ou long, ou très cher. Donc on ne prend pas le train, au profit de lavion ou de sa voiture. Donc ce nest pas rentable.
Cela questionne le rôle de lÉtat en tant que grand aménageur du territoire. Si la SNCF est conduite par des politiques de rentabilité à court ou moyen terme, et que des normes européennes interdisent peu ou prou à lÉtat de lui « passer des commandes » non rentables au nom du marché libre, la question est insoluble. Le marché libre ne fait que suivre la raison du plus fort, du plus rentable immédiatement il est triste quun ministre communiste des Transports sen accommode et limaginaire de la France jacobine sallie ainsi fort bien au libéralisme : Paris le plus gros, le plus rentable structure la France. Pourtant, cest le rôle de lÉtat, financé par limpôt, que dassumer la non-rentabilité temporaire de projets qui restructureraient le territoire en fonction des besoins des habitants, rétabliraient les équilibres régionaux historiques, et parviendraient ensuite à léquilibre financier. Mais, à lheure des négociations de lOMC sur un « accord général sur les biens et services », notre État en aura-t-il encore seulement le droit ?
Laffaire du troisième aéroport de Paris surgit comme une manifestation extrême du conservatisme dans limaginaire de la nation. Dune part, il est absurde datterrir à Paris quand on se rend à Bordeaux, Strasbourg ou Lyon. Les milliards dépensés pour détruire/bétonner/polluer les terres fertiles de la Somme seraient mieux utilisés dans laménagement des aéroports internationaux non parisiens déjà existants. « Mais on ne peut pas empêcher les gens de vouloir se rendre à Paris ! », répondra-t-on. Si tout se passe à Paris, cest évident. Il faut donc politiquement décider que tout ne doit pas se passer à Paris.
Mais dautre part, cet imaginaire de la nation nest pas illustré seulement dans les phénomènes classiques de centralisme et de concentration. Il relève autant du rôle attribué à la ville. Or, depuis Henri Lefèbvre, on sait quà lère des technologies modernes, le concept même de ville est dépassé. Si les villes historiquement constituées ont, de ce fait même, un avenir, on sait que lon va vers lurbanisation générale de la campagne au sens de son équipement urbain et des métiers de ses habitants. La société actuelle na besoin ni de villes (en tout cas pas dhypercentres) ni de déserts, mais elle a plus que jamais besoin de lurbanisation de la campagne, de bourgades et de laménagement du territoire.
Laisser croître les très grandes villes, prôner des politiques de simple accompagnement de ce laisser-faire fussent-elles « sociales » : cest ce quon appelle la « politique de la ville » renforcées tant par la logique libérale (nécessairement de court terme) que par limaginaire jacobin, est complètement anachronique et antisocial. Il faut politiquement décider de faire cesser la croissance de Paris et des grandes métropoles régionales. Cela doit impérativement se conjuguer dans tous les secteurs de la politique : de la délocalisation de ministères entiers au prêt 0 % attribué sans condition de ressource dans les communes de moins de 5 000 habitants pour la rénovation du logement ancien, des aides à la création dentreprises très prioritairement destinées aux mêmes communes à la priorité aux transports publics sur un réseau conçu à long terme en fonction des besoins des habitants, du renforcement des aéroports internationaux non parisiens à luniformisation à 3 % de lindemnité de résidence des fonctionnaires, de linterdiction des fermetures décoles et de bureaux de poste à la campagne à laccroissement du rôle des « pays », etc.
Politiquement décider de faire cesser la croissance de Paris pour favoriser bourgades et campagnes na rien danti-parisien : Paris étouffe sur lui-même ! Plafonner Roissy à 55 millions de passagers annuels pour laisser la tendance se poursuivre à quelques encablures est une aberration. Aucun amendement nest possible à ce projet dément. Lavion na de sens que sur le long courrier tout le reste, même à linternational proche, devrait relever dun dense réseau ferroviaire de qualité. Le plafonnement politique, complet et définitif, du trafic aérien dans lensemble du bassin parisien à lactuel total Orly+Roissy sera une contrainte féconde pour mieux desservir les autres provinces, mieux penser lensemble des transports, plus vite passer de la ville à lurbanisation de la campagne. Le refus du troisième aéroport nest nullement une vision « ruraliste », mais au contraire le projet moderne dune autre idée de lurbanisation de la France. Le troisième aéroport est au transport ce que le grand ensemble fut à la ville au cours du baby-boom. On sait maintenant ce quil en coûte, on entrevoit ce quil en coûtera encore pendant des dizaines dannées.
Si lon peut tirer une leçon de la tragédie des Twin Towers, cest que lhyper-concentration, en un même lieu, de certaines fonctions, est antagonique tant à la démocratie quà la sécurité, et relève typiquement dune pensée prémoderne, si ce nest babelienne.
Le troisième aéroport, cest la même chose que le symbole désormais attaché à McDonald : un espace national qui nest plus sous la maîtrise démocratique de ses habitants. Les deux questions sont liées, il faut que le mouvement social sen saisisse.
Paris et sa région auraient techniquement besoin dune capacité aérienne plus forte. À un moment donné, ce peut être incontestable. Mais cela est le résultat dune politique ou plutôt dune politique dabsence de politique. À force de faire de Paris le lieu où tout arrive et où tout se produit, on créé évidemment les conditions dune croissance ininterrompue de la mégapole jusquà son propre étouffement au coût exponentiel dans la pollution, la précarité sociale et linsécurité. La décentralisation timidement poursuivie par les gouvernements est plus que contrebalancée par le fonctionnement même de lÉtat qui, quotidiennement, produit de la centralisation politique et de la concentration administrative pour ne point parler de résistances caricaturales comme dans ce cas dune ENA incapable de sortir de son arrondissement lutétien à lère de la mondialisation alors que sa fonction est la formation des cadres de lÉtat, y compris, et peut-être surtout, de leur imaginaire. Du pilotage de la recherche scientifique par les sommets au détriment des laboratoires (qui oblige à « monter » à Paris pour la moindre démarche), au budget du ministère de la Culture scandaleusement hypertrophié au seul profit de Paris, au tracé en étoile des TGV encore plus centralisé que le dense réseau en toile daraignée imaginé sous Napoléon III, on pourrait trouver mille manières de montrer que la sociologie même de cet État réduit les timides politiques de décentralisation et déconcentration au rang dalibi.
Le cas du TGV, lui aussi relatif aux transports, mérite quon y revienne. Son tracé exclusivement de et vers Paris nest nullement dû à la fatalité ou à la rentabilité. Il relève dabord de limaginaire de la nation qui hante ceux qui nous gouvernent. Cet imaginaire, qui confond nation et pouvoir dÉtat, ne pense la nation France que relativement à Paris. Le beau TGV ne doit servir quà monter plus vite à la capitale au grand contentement, souvent, délites provinciales produites par les « régions de programme » gaulliennes (cest-à-dire des régions ne correspondant pas aux réalités historiques et culturelles, mais imaginées par le planificateur), et qui ne sont que les clones rapetissés du modèle parisien. Chaque président de conseil régional, chaque maire de grande ville veut son TGV pour se rapprocher du pouvoir dÉtat. Ainsi, quand la ligne grande-vitesse Paris-Bordeaux sera achevée, Paris sera-t-il à deux heures de Bordeaux. Un progrès ? Non, une catastrophe. Paris, à 600 Km, sera plus « proche » de la capitale girondine, que Toulouse, à 250 km (2 h 05 en TGV sur ligne normale, 2 h 12 à 2 h 51 par le corail ou le TER). Quand on créé sciemment de telles distorsions complètement artificielles, on ne peut plus penser et maîtriser laménagement du territoire. Il ne faudrait achever la ligne Paris-Bordeaux que dix ans après quune navette TGV aura mis, vingt fois par jour, les deux capitales du sud-ouest à cinquante minutes lune de lautre, dix ans après que se seront ainsi fortifiées à nouveau les relations interrégionales habituelles.
Le problème nest pas que franco-français. On a fait le forcing pour que Strasbourg soit lié à Paris par une ligne nouvelle entièrement de grande vitesse. En même temps, on mène le combat pour que la capitale alsacienne reste aussi capitale européenne. Neût-il pas été plus stratégique dimaginer le grand TGV de la « banane bleue », Bruxelles-LuxembourgStrasbourg, prolongé vers Londres et Genève-Turin ? Cette stratégie est parfaitement praticable mais là est le problème elle demeure inimaginée.
La SNCF a beau jeu de répondre que des TGV transversaux, soient-ils internationaux, ne sont pas rentables. Mais pourquoi ne le sont-ils pas présentement ? On fait des enquêtes en prenant pour base le nombre actuel de gens qui prennent le train pour aller de Bordeaux à Marseille : ce nombre est insuffisant. Forcément ! Il faut au mieux 5 h 41 et souvent plus de sept heures ! Il faut, depuis Bordeaux, 5 h 40 (changement à Redon ou Nantes) ou 6 h 06 (sans changement) pour aller à Rennes. Pour aller de Bordeaux à Lyon, cest 7 h 30 : il « vaut mieux », donc, passer par Paris (5 h 56), mais on paye le kilométrage. Ce sera la même chose, demain, pour aller de Bordeaux à Marseille et pourquoi pas Barcelone, dès que les voies à grande vitesse Bordeaux-Tours et Montpellier-Barcelone seront achevées ! Cest ou long, ou très cher. Donc on ne prend pas le train, au profit de lavion ou de sa voiture. Donc ce nest pas rentable.
Cela questionne le rôle de lÉtat en tant que grand aménageur du territoire. Si la SNCF est conduite par des politiques de rentabilité à court ou moyen terme, et que des normes européennes interdisent peu ou prou à lÉtat de lui « passer des commandes » non rentables au nom du marché libre, la question est insoluble. Le marché libre ne fait que suivre la raison du plus fort, du plus rentable immédiatement il est triste quun ministre communiste des Transports sen accommode et limaginaire de la France jacobine sallie ainsi fort bien au libéralisme : Paris le plus gros, le plus rentable structure la France. Pourtant, cest le rôle de lÉtat, financé par limpôt, que dassumer la non-rentabilité temporaire de projets qui restructureraient le territoire en fonction des besoins des habitants, rétabliraient les équilibres régionaux historiques, et parviendraient ensuite à léquilibre financier. Mais, à lheure des négociations de lOMC sur un « accord général sur les biens et services », notre État en aura-t-il encore seulement le droit ?
Laffaire du troisième aéroport de Paris surgit comme une manifestation extrême du conservatisme dans limaginaire de la nation. Dune part, il est absurde datterrir à Paris quand on se rend à Bordeaux, Strasbourg ou Lyon. Les milliards dépensés pour détruire/bétonner/polluer les terres fertiles de la Somme seraient mieux utilisés dans laménagement des aéroports internationaux non parisiens déjà existants. « Mais on ne peut pas empêcher les gens de vouloir se rendre à Paris ! », répondra-t-on. Si tout se passe à Paris, cest évident. Il faut donc politiquement décider que tout ne doit pas se passer à Paris.
Mais dautre part, cet imaginaire de la nation nest pas illustré seulement dans les phénomènes classiques de centralisme et de concentration. Il relève autant du rôle attribué à la ville. Or, depuis Henri Lefèbvre, on sait quà lère des technologies modernes, le concept même de ville est dépassé. Si les villes historiquement constituées ont, de ce fait même, un avenir, on sait que lon va vers lurbanisation générale de la campagne au sens de son équipement urbain et des métiers de ses habitants. La société actuelle na besoin ni de villes (en tout cas pas dhypercentres) ni de déserts, mais elle a plus que jamais besoin de lurbanisation de la campagne, de bourgades et de laménagement du territoire.
Laisser croître les très grandes villes, prôner des politiques de simple accompagnement de ce laisser-faire fussent-elles « sociales » : cest ce quon appelle la « politique de la ville » renforcées tant par la logique libérale (nécessairement de court terme) que par limaginaire jacobin, est complètement anachronique et antisocial. Il faut politiquement décider de faire cesser la croissance de Paris et des grandes métropoles régionales. Cela doit impérativement se conjuguer dans tous les secteurs de la politique : de la délocalisation de ministères entiers au prêt 0 % attribué sans condition de ressource dans les communes de moins de 5 000 habitants pour la rénovation du logement ancien, des aides à la création dentreprises très prioritairement destinées aux mêmes communes à la priorité aux transports publics sur un réseau conçu à long terme en fonction des besoins des habitants, du renforcement des aéroports internationaux non parisiens à luniformisation à 3 % de lindemnité de résidence des fonctionnaires, de linterdiction des fermetures décoles et de bureaux de poste à la campagne à laccroissement du rôle des « pays », etc.
Politiquement décider de faire cesser la croissance de Paris pour favoriser bourgades et campagnes na rien danti-parisien : Paris étouffe sur lui-même ! Plafonner Roissy à 55 millions de passagers annuels pour laisser la tendance se poursuivre à quelques encablures est une aberration. Aucun amendement nest possible à ce projet dément. Lavion na de sens que sur le long courrier tout le reste, même à linternational proche, devrait relever dun dense réseau ferroviaire de qualité. Le plafonnement politique, complet et définitif, du trafic aérien dans lensemble du bassin parisien à lactuel total Orly+Roissy sera une contrainte féconde pour mieux desservir les autres provinces, mieux penser lensemble des transports, plus vite passer de la ville à lurbanisation de la campagne. Le refus du troisième aéroport nest nullement une vision « ruraliste », mais au contraire le projet moderne dune autre idée de lurbanisation de la France. Le troisième aéroport est au transport ce que le grand ensemble fut à la ville au cours du baby-boom. On sait maintenant ce quil en coûte, on entrevoit ce quil en coûtera encore pendant des dizaines dannées.
Si lon peut tirer une leçon de la tragédie des Twin Towers, cest que lhyper-concentration, en un même lieu, de certaines fonctions, est antagonique tant à la démocratie quà la sécurité, et relève typiquement dune pensée prémoderne, si ce nest babelienne.
Le troisième aéroport, cest la même chose que le symbole désormais attaché à McDonald : un espace national qui nest plus sous la maîtrise démocratique de ses habitants. Les deux questions sont liées, il faut que le mouvement social sen saisisse.
* Historien, institut détudes politiques de Bordeaux.