Sortie du DVD de Notre Monde
Notre Monde Notre Monde (2013, 119') un film de Thomas LacosteRassemblant plus de 35 intervenants, philosophes, sociologues, économistes, magistrats, médecins, universitaires et écrivains, Notre Monde propose un espace dexpression pour travailler, comme nous y enjoint JeanLuc Nancy à « une pensée commune ». Plus encore quun libre espace de parole, Notre Monde sappuie sur un ensemble foisonnant de propositions concrètes pour agir comme un rappel essentiel, individuel et collectif : « faites de la politique » et de préférence autrement.
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© Passant n°37 [novembre 2001 - décembre 2001]
© Passant n°37 [novembre 2001 - décembre 2001]
par Cédric Jaburek
Imprimer l'articleSomewhere over the rainbow
À chaque aiguillon, réprimer un accès de fou-rire qui chatouillait ses entrailles. Elle avait déjà essayé des dizaines de régimes draconiens, tenté toutes sortes de gymnastiques, trempé ses lèvres dans toutes les tisanes dAmérique, elle avait même failli succomber aux charmes dun gourou malveillant (ça lui avait coûté la peau des fesses, pourtant elle na pas perdu un gramme de graisse), mais là, elle avait la conviction de franchir un cap. Davoir trouvé le truc. Depuis que son mari lavait plaquée, la laissant avec son fils Marlon qui commençait maintenant à avoir des boutons, elle navait pas trouvé de meilleure consolation aux tracasseries quotidiennes quun frigo bien rempli. Elle aimait terriblement le sucré. La chinoise, madame Goul-Tchao, enfonçait les aiguilles avec une habilité qui trahissait des années dexpérience. Les épines restaient plantées dans sa peau comme des flèches empoisonnées. Dorothy pensa avec un faible frisson quelle aurait dû sinformer si la vielle nétait pas islamiste. Par hasard. Quoi quil se passe, elle était prête à souffrir. Elle préféra néanmoins fermer les yeux par crainte davoir un haut-le-cur en voyant les longs dards plantés dans sa chair molle.
Marlon était depuis des heures avec un copain de classe devant sa console de jeux. Les deux gamins avaient découvert ce jeu de course-poursuite dans les rues de New-York la veille de leffondrement des tours jumelles.
Alors que Marlon sétait vite lassé des images à la télé pour revenir à son jeu où la ville était encore intacte et où cétait lui qui samusait à la détruire, Dorothy avait acheté des drapeaux américains pour décorer le jardin. Elle en planta un sur un monticule de vieux débris quon avait tardé à déblayer et elle était fière de leffet que ça faisait. On aurait dit quelle avait eu sa petite Tour-catastrophe chez elle. Dommage que Marlon ne jouât plus avec ses voitures de pompiers. Puis elle était partie à léglise pour prier et allumer des cierges. Léglise était pleine de gens qui pleuraient, alors elle aussi versa des larmes en écoutant le prêtre qui avait dit que le monde désormais nétait plus ce quil était. Ensuite elle était allée dans la pâtisserie en face de léglise et elle fit des vux. Elle décida alors de sen prendre une fois pour toutes à son corps. En Croisade contre son corps.
Shit, venait de sexclamer Kevin, le copain de Marlon, qui venait de sécraser dans sa voiture volée, tu tes trompé de planète euh de manette.
La Chinoise est partie faire ses courses ou piquer un autre cobaye humain, en promettant de revenir dans une demi-heure. Dorothy eut envie de se gratter à loreille, mais elle ne se souvenait plus où la baba-yaga avait planté des aiguilles et elle avait peur de se les enfoncer plus profondément. Elle serra les dents et commençait à somnoler alors quon entendait, côté console, une voix au talkie-walkie : « on a perdu sa trace ».
Dehors, le vent se levait dans lannonce dune violente tempête et les volets se mirent à claquer. Ne pouvant pas faire un mouvement, Dorothy attendait paisiblement larrivée de la tornade.
Bang, ça va faire mal !, les aiguillons oscillaient sous la poussée puissante du vent et soudain, légère, Dorothy se sentit emportée par le cyclone. Elle entendit encore un on a perdu sa trace puis des sirènes de policiers au loin ; la sorcière ne lavait pas ménagée, elle atterrit en plein désert. Recouverte dépines comme un porc-épic, elle avança lentement. La mémoire lui revint. Il fallait retrouver le puissant magicien Marc Oz, lui seul pouvait exaucer les vux. Elle croisa un groupe de Mexicains qui allait dans le sens inverse. Ils semblaient moins étonnés par son apparence cactacée que par la direction quelle suivait. Elle leur lança un « hello homebress » qui les laissa cois. Puis ils continuèrent leur chemin, ces hommes sans courage, pour déjouer les garde-frontières sans cervelle, placés là par des hommes sans cur. Dorothy connaissait le chemin et traversa sans histoires les obstacles qui lui avaient été tendus. Elle arriva sous lArbre et appela le magicien. « Sous-magicien, répondit celui-ci quand il apparut, mais tu as changé, dit-il dun air étonné.
Que fais-tu ici dans cette drôle de parure ? »
« Le monde de là-bas nest plus ce quil était et jai décidé de maigrir », dit Dorothy qui avait retrouvé sa timidité.
Le magicien sourit et fit vibrer avec un air taquin la piquante qui était plantée dans le nez. Puis il sattrista. « Depuis quon sest attaqué à lOz zone, notre pays non plus nest plus ce quil était. On est comme dans un trou. Et chez vous, cest la serre. Enfin, ici au moins on respire. Tu aimes encore les bonbons ?
Dorothy acquiesça brusquement et les aiguilles se remirent en mouvement. Le magicien sortit plusieurs paquets et les remit à Dorothy. « Je cherchais justement quelquun pour ça », puis il disparut.
Dorothy se mit à ranger les bonbons dans des boîtes suivant leur taille, leur couleur ou le parfum. Quand elle eut fini, elle prit un bâton et traça dans le sol poussiéreux : Je vous informe que nos chichis reprennent dès maintenant et je voulais vous prévenir que nos chichis se vendent toujours à lunité. La responsable de la boîte à chichis.
Allez, on se réveille doucement, une voix mielleuse lui fit ouvrir les yeux. Malheur ! La sorcière de lEst lui retirait, une à une, les aiguilles et Dorothy retrouvait, peu à peu, ses esprits. Bang ! ça va faire mal pensa-t-elle quand elle tendit le billet vert à la mégère. Puis elle rejoignit son fils qui avait entre temps cessé de jouer pour regarder sa série préférée. Un prisonnier dans la douche venait de découvrir une lame de rasoir dissimulée sous sa langue. Il se tourna vers un autre prisonnier et lui offrit un baiser mortel. « Cest génial, sexclama Marlon, ça se passe dans une prison imaginaire et ils sentretuent tous. ça sappelle Oz la cité dEmeraude ». Dorothy se leva pour prendre un bonbon. Lenvie soudaine lui en prit.
Marlon était depuis des heures avec un copain de classe devant sa console de jeux. Les deux gamins avaient découvert ce jeu de course-poursuite dans les rues de New-York la veille de leffondrement des tours jumelles.
Alors que Marlon sétait vite lassé des images à la télé pour revenir à son jeu où la ville était encore intacte et où cétait lui qui samusait à la détruire, Dorothy avait acheté des drapeaux américains pour décorer le jardin. Elle en planta un sur un monticule de vieux débris quon avait tardé à déblayer et elle était fière de leffet que ça faisait. On aurait dit quelle avait eu sa petite Tour-catastrophe chez elle. Dommage que Marlon ne jouât plus avec ses voitures de pompiers. Puis elle était partie à léglise pour prier et allumer des cierges. Léglise était pleine de gens qui pleuraient, alors elle aussi versa des larmes en écoutant le prêtre qui avait dit que le monde désormais nétait plus ce quil était. Ensuite elle était allée dans la pâtisserie en face de léglise et elle fit des vux. Elle décida alors de sen prendre une fois pour toutes à son corps. En Croisade contre son corps.
Shit, venait de sexclamer Kevin, le copain de Marlon, qui venait de sécraser dans sa voiture volée, tu tes trompé de planète euh de manette.
La Chinoise est partie faire ses courses ou piquer un autre cobaye humain, en promettant de revenir dans une demi-heure. Dorothy eut envie de se gratter à loreille, mais elle ne se souvenait plus où la baba-yaga avait planté des aiguilles et elle avait peur de se les enfoncer plus profondément. Elle serra les dents et commençait à somnoler alors quon entendait, côté console, une voix au talkie-walkie : « on a perdu sa trace ».
Dehors, le vent se levait dans lannonce dune violente tempête et les volets se mirent à claquer. Ne pouvant pas faire un mouvement, Dorothy attendait paisiblement larrivée de la tornade.
Bang, ça va faire mal !, les aiguillons oscillaient sous la poussée puissante du vent et soudain, légère, Dorothy se sentit emportée par le cyclone. Elle entendit encore un on a perdu sa trace puis des sirènes de policiers au loin ; la sorcière ne lavait pas ménagée, elle atterrit en plein désert. Recouverte dépines comme un porc-épic, elle avança lentement. La mémoire lui revint. Il fallait retrouver le puissant magicien Marc Oz, lui seul pouvait exaucer les vux. Elle croisa un groupe de Mexicains qui allait dans le sens inverse. Ils semblaient moins étonnés par son apparence cactacée que par la direction quelle suivait. Elle leur lança un « hello homebress » qui les laissa cois. Puis ils continuèrent leur chemin, ces hommes sans courage, pour déjouer les garde-frontières sans cervelle, placés là par des hommes sans cur. Dorothy connaissait le chemin et traversa sans histoires les obstacles qui lui avaient été tendus. Elle arriva sous lArbre et appela le magicien. « Sous-magicien, répondit celui-ci quand il apparut, mais tu as changé, dit-il dun air étonné.
Que fais-tu ici dans cette drôle de parure ? »
« Le monde de là-bas nest plus ce quil était et jai décidé de maigrir », dit Dorothy qui avait retrouvé sa timidité.
Le magicien sourit et fit vibrer avec un air taquin la piquante qui était plantée dans le nez. Puis il sattrista. « Depuis quon sest attaqué à lOz zone, notre pays non plus nest plus ce quil était. On est comme dans un trou. Et chez vous, cest la serre. Enfin, ici au moins on respire. Tu aimes encore les bonbons ?
Dorothy acquiesça brusquement et les aiguilles se remirent en mouvement. Le magicien sortit plusieurs paquets et les remit à Dorothy. « Je cherchais justement quelquun pour ça », puis il disparut.
Dorothy se mit à ranger les bonbons dans des boîtes suivant leur taille, leur couleur ou le parfum. Quand elle eut fini, elle prit un bâton et traça dans le sol poussiéreux : Je vous informe que nos chichis reprennent dès maintenant et je voulais vous prévenir que nos chichis se vendent toujours à lunité. La responsable de la boîte à chichis.
Allez, on se réveille doucement, une voix mielleuse lui fit ouvrir les yeux. Malheur ! La sorcière de lEst lui retirait, une à une, les aiguilles et Dorothy retrouvait, peu à peu, ses esprits. Bang ! ça va faire mal pensa-t-elle quand elle tendit le billet vert à la mégère. Puis elle rejoignit son fils qui avait entre temps cessé de jouer pour regarder sa série préférée. Un prisonnier dans la douche venait de découvrir une lame de rasoir dissimulée sous sa langue. Il se tourna vers un autre prisonnier et lui offrit un baiser mortel. « Cest génial, sexclama Marlon, ça se passe dans une prison imaginaire et ils sentretuent tous. ça sappelle Oz la cité dEmeraude ». Dorothy se leva pour prendre un bonbon. Lenvie soudaine lui en prit.