Sortie du DVD de Notre Monde
Notre Monde Notre Monde (2013, 119') un film de Thomas LacosteRassemblant plus de 35 intervenants, philosophes, sociologues, économistes, magistrats, médecins, universitaires et écrivains, Notre Monde propose un espace dexpression pour travailler, comme nous y enjoint JeanLuc Nancy à « une pensée commune ». Plus encore quun libre espace de parole, Notre Monde sappuie sur un ensemble foisonnant de propositions concrètes pour agir comme un rappel essentiel, individuel et collectif : « faites de la politique » et de préférence autrement.
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© Passant n°37 [novembre 2001 - décembre 2001]
© Passant n°37 [novembre 2001 - décembre 2001]
par Cédric Jaburek
Imprimer l'articleUn camp près de chez vous
Boulogne-Calais est le point de la côte française le plus proche de lAngleterre. Au long dune plage de sable blanc, des dizaines détrangers errent, observent et rêvent silencieusement dans lattente dun passage en Grande-Bretagne par tous les moyens : petits passeurs rémunérés à laide de leur voiture, chauffeurs de camions (rémunérés ou non), ferries, train, ou même marche à pied dans le tunnel sous la Manche.
Or les contrôles se faisant de plus en plus rigoureux, malgré les impératifs économiques (des contrôles trop minutieux ralentiraient le trafic qui est très dense), la durée dattente sur la côte française avant darriver à regagner la Grande-Bretagne ne cesse daugmenter. Ainsi, des milliers de migrants restent bloqués dans cette zone de transit.
Lactuel camp de Sangatte, créé en septembre 1999, est un immense hangar de tôles, grand comme une cathédrale (25 000 m2), situé à 500 mètres de la petite station balnéaire de Sangatte. Ce hangar, réquisitionné pour « accueillir » les étrangers errant le long de la côte, était à lorigine un entrepôt de matériel pour le forage du tunnel sous la Manche.
On sinstalle dans le camp sans formalités, puisquil ny existe pas de registre : il suffit de sy rendre, de signaler sa présence et de se faire attribuer un lit. Sous le hangar, ont été montées des cabines préfabriquées en tôles et des tentes. Le confort est spartiate. La vie privée est impossible.
À lentrée du camp, un car de CRS veille. À la tombée de la nuit, des résidents par petits groupes sen vont à pied vers la côte, en espérant que cette fois-ci ils parviendront à passer. Les policiers laissent faire1. Ces étrangers peuvent disparaître. Personne ne les connaît.
À louverture, le camp accueillait 200 étrangers. Ils étaient 400 à la fin de lannée 1999. Ils sont actuellement 700 en moyenne à dormir là. Le camp connaît des « pointes » à 1 000 personnes. Certaines nationalités y sont surreprésentées, en raison des crises momentanées dans le monde. Après les Kosovars, Irakiens, Iraniens, Roms, Sri-lankais, les Afghans y sont fortement représentés depuis un an.
La France, avec le souci de jouer à légard de lAngleterre son rôle de partenaire de lUnion européenne, fait mine d« imperméabiliser » ses frontières. LAngle-terre dailleurs a exprimé son hostilité à la création du camp de Sangatte. Or le camp noffre quasiment aucune aide juridique aux étrangers accueillis. Deux organismes, lOIM et lOMI, jouent en réalité sur le plan de la dissuasion et leur aide se résume au rapatriement2. Cela a pour résultat, quà peine 0,01% des hébergés du camp engagent une demande dasile (statut de réfugié et asile territorial cumulés).
Il savère que les autorités françaises (les autres pays européens agissent de même) ne veulent pas sortir des contradictions suivantes :
1. Les étrangers qui transitent par Boulogne-Calais sont, dans leur immense majorité, de réels persécutés auxquels des textes internationaux reconnaissent le droit de fuir et de se réfugier à létranger où ils doivent obtenir une protection officielle.
2. Comme elles pratiquent la fermeture des frontières, les autorités des pays européens font obstacle à lentrée sur leur territoire de toute immigration dinstallation, y compris les persécutés.
3. Comme les étrangers qui veulent absolument migrer finissent par y parvenir, la fermeture des frontières conduit simplement à les rendre dépendants des filières dimmigration et autres mafias, pour lesquelles la fermeture des frontières constitue une opportunité.
4. Dans ce contexte de violation des règles internationales en faveur de la protection des réfugiés, au lieu dune coopération européenne cons-tructive, il nexiste quune concurrence autoprotectrice entre partenaires de lUnion, consistant à pousser les exilés chez leurs voisins faute davoir pu les empêcher dentrer chez soi.
5. Cette incapacité à tenir compte à la fois de la réalité et du droit en vigueur conduit à lérection de simples « camps » dhébergement, à Sangatte, mais aussi à Melilla, à Ceuta, partout où, en raison des conditions géographiques, la fuite des exilés a davantage de chances de suivre son cours.
Il est prévisible que le « camp » de Sangatte explosera tôt ou tard sous la pression dun nombre détrangers toujours plus grand si lon nentreprend pas de les traiter comme les réfugiés quils sont.
Or les contrôles se faisant de plus en plus rigoureux, malgré les impératifs économiques (des contrôles trop minutieux ralentiraient le trafic qui est très dense), la durée dattente sur la côte française avant darriver à regagner la Grande-Bretagne ne cesse daugmenter. Ainsi, des milliers de migrants restent bloqués dans cette zone de transit.
Lactuel camp de Sangatte, créé en septembre 1999, est un immense hangar de tôles, grand comme une cathédrale (25 000 m2), situé à 500 mètres de la petite station balnéaire de Sangatte. Ce hangar, réquisitionné pour « accueillir » les étrangers errant le long de la côte, était à lorigine un entrepôt de matériel pour le forage du tunnel sous la Manche.
On sinstalle dans le camp sans formalités, puisquil ny existe pas de registre : il suffit de sy rendre, de signaler sa présence et de se faire attribuer un lit. Sous le hangar, ont été montées des cabines préfabriquées en tôles et des tentes. Le confort est spartiate. La vie privée est impossible.
À lentrée du camp, un car de CRS veille. À la tombée de la nuit, des résidents par petits groupes sen vont à pied vers la côte, en espérant que cette fois-ci ils parviendront à passer. Les policiers laissent faire1. Ces étrangers peuvent disparaître. Personne ne les connaît.
À louverture, le camp accueillait 200 étrangers. Ils étaient 400 à la fin de lannée 1999. Ils sont actuellement 700 en moyenne à dormir là. Le camp connaît des « pointes » à 1 000 personnes. Certaines nationalités y sont surreprésentées, en raison des crises momentanées dans le monde. Après les Kosovars, Irakiens, Iraniens, Roms, Sri-lankais, les Afghans y sont fortement représentés depuis un an.
La France, avec le souci de jouer à légard de lAngleterre son rôle de partenaire de lUnion européenne, fait mine d« imperméabiliser » ses frontières. LAngle-terre dailleurs a exprimé son hostilité à la création du camp de Sangatte. Or le camp noffre quasiment aucune aide juridique aux étrangers accueillis. Deux organismes, lOIM et lOMI, jouent en réalité sur le plan de la dissuasion et leur aide se résume au rapatriement2. Cela a pour résultat, quà peine 0,01% des hébergés du camp engagent une demande dasile (statut de réfugié et asile territorial cumulés).
Il savère que les autorités françaises (les autres pays européens agissent de même) ne veulent pas sortir des contradictions suivantes :
1. Les étrangers qui transitent par Boulogne-Calais sont, dans leur immense majorité, de réels persécutés auxquels des textes internationaux reconnaissent le droit de fuir et de se réfugier à létranger où ils doivent obtenir une protection officielle.
2. Comme elles pratiquent la fermeture des frontières, les autorités des pays européens font obstacle à lentrée sur leur territoire de toute immigration dinstallation, y compris les persécutés.
3. Comme les étrangers qui veulent absolument migrer finissent par y parvenir, la fermeture des frontières conduit simplement à les rendre dépendants des filières dimmigration et autres mafias, pour lesquelles la fermeture des frontières constitue une opportunité.
4. Dans ce contexte de violation des règles internationales en faveur de la protection des réfugiés, au lieu dune coopération européenne cons-tructive, il nexiste quune concurrence autoprotectrice entre partenaires de lUnion, consistant à pousser les exilés chez leurs voisins faute davoir pu les empêcher dentrer chez soi.
5. Cette incapacité à tenir compte à la fois de la réalité et du droit en vigueur conduit à lérection de simples « camps » dhébergement, à Sangatte, mais aussi à Melilla, à Ceuta, partout où, en raison des conditions géographiques, la fuite des exilés a davantage de chances de suivre son cours.
Il est prévisible que le « camp » de Sangatte explosera tôt ou tard sous la pression dun nombre détrangers toujours plus grand si lon nentreprend pas de les traiter comme les réfugiés quils sont.
Cette article a été élaboré à partir de documents du GISTI (Groupe dInformation et de Soutien des Immigrés, association loi 1901) disponibles sur le site http://www.gisti.org
(1) Dans sa réglementation, la France prévoit des sanctions pénales contre les étrangers en séjour irrégulier. À Sangatte et dans les environs, la justice a décidé de ne pas utiliser ce mode de répression parce que ces étrangers lui paraissent fuir des pays où ils sont réellement en danger.
(2) OIM - Organisation Internationale des Migrations qui coopère avec lONU et lorganisme français OMI (Office des Migrations Internationales) proposent aux réfugiés de visionner un film financé par les gouvernements français et britannique sur la difficulté dobtenir un titre de séjour en Grande-Bretagne, la répression des clandestins, etc. Une brochure, intitulée « Dignité ou exploitation : le choix est entre vos mains » semble illustrer ce même souci de dissuasion, dautant plus que le ministère de lIntérieur français y a interdit toute information sur le droit dasile en France.
(1) Dans sa réglementation, la France prévoit des sanctions pénales contre les étrangers en séjour irrégulier. À Sangatte et dans les environs, la justice a décidé de ne pas utiliser ce mode de répression parce que ces étrangers lui paraissent fuir des pays où ils sont réellement en danger.
(2) OIM - Organisation Internationale des Migrations qui coopère avec lONU et lorganisme français OMI (Office des Migrations Internationales) proposent aux réfugiés de visionner un film financé par les gouvernements français et britannique sur la difficulté dobtenir un titre de séjour en Grande-Bretagne, la répression des clandestins, etc. Une brochure, intitulée « Dignité ou exploitation : le choix est entre vos mains » semble illustrer ce même souci de dissuasion, dautant plus que le ministère de lIntérieur français y a interdit toute information sur le droit dasile en France.