Sortie du DVD de Notre Monde
Notre Monde Notre Monde (2013, 119') un film de Thomas LacosteRassemblant plus de 35 intervenants, philosophes, sociologues, économistes, magistrats, médecins, universitaires et écrivains, Notre Monde propose un espace dexpression pour travailler, comme nous y enjoint JeanLuc Nancy à « une pensée commune ». Plus encore quun libre espace de parole, Notre Monde sappuie sur un ensemble foisonnant de propositions concrètes pour agir comme un rappel essentiel, individuel et collectif : « faites de la politique » et de préférence autrement.
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© Passant n°36 [septembre 2001 - octobre 2001]
© Passant n°36 [septembre 2001 - octobre 2001]
par Bernard Daguerre
Imprimer l'articleLa Rochelle, nous voilà !
Le programme du festival de cinéma de la Rochelle fait de cette manifestation cinématographique quelque chose dassez unique : il comble un vide, celui de la mémoire cinématographique au double plan, celui de lespace du cinéma mondial, et celui du temps, doù son succès.
La palme du bizarre, de lexcessif revenait sans contexte à Béla Tar, cinéaste hongrois dont lunivers de lenteur tragique en fait le frère mineur de Tarkovski le Russe et de Kobayashi, le Japonais. Ainsi, largument de Damnation (Perdition), réalisé en 1987, repose sur le mal-être dun homme qui essaie de se remettre dun amour malheureux en contemplant le défilé de bennes pleines de gravats dans limmense plaine hongroise, puis en salcoolisant fortement, forcément. Il passe des soirées interminables dans des boîtes de nuit ou des bars ; parfois sy produit son ancienne maîtresse, chanteuse de charme, pendant que la pluie tombe à lextérieur, sans discontinuer. Dailleurs, le café où se produit la belle sappelle le Titanic. Liquéfaction des sentiments, à limage de celle de la plaine, comme si le décor de cette histoire triste pleurait à son tour sur cette misère générale. Et pourtant, après deux heures de travellings latéraux, mouvement de caméra quaffectionne notre cinéaste, le film se clôt sur un superbe plan fixe où des buveurs, hommes et femmes enlacés dans un café forment une chaîne tourbillonnante, lente et sans fin. Bref, on le voit un sentiment mitigé. Le festival offrait aussi une rétrospective de luvre Joseph L. Mankiewicz, cinéaste de la conscience de gauche américaine et qui sut briller dans tous les genres où son talent sexerça : par exemple, une comédie musicale, Blanches colombes et vilains messieurs, où un escroc (Marlon Brando) se doit de séduire une oie blanche (Jean Simmons), chef duvre dhumour caustique qui taille des croupières au genre cinématographique le plus proche du conte de fées.
A La Rochelle, on trouvait encore un film sur le poids de la tradition chez les Juifs géorgiens émigrés en Israël (Mariage tardif de Dover Kosashvili), le premier film de Neil Jordan en 1982 (Angel), un polar déjanté dans lIrlande du Nord dominée par les règlements de compte entre « communautés », une chronique désenchantée de la fin du mandat britannique à Hong-Kong (Little Cheung de Fruit Chan), enfin une chose curieuse, un polar luxembourgeois signé Andy Bausch (Troublemaker).
Cette chronique ne pouvait pas ne pas saluer la réussite de la biographie que Nick Tosches a consacrée à Dean Martin. Celui-ci ne fut pas le meilleur acteur de cinéma de sa génération, celle des années 50 aux années 70 du siècle dernier. Il a surtout tourné dans des nanars, en particulier les premiers films où Jerry Lewis aiguisait son personnage de pitre. Il fit une prestation plus convaincante de shérif poivrot dans Rio Bravo dHoward Hawks où il secondait brillamment John Wayne. Mais la biographie de Tosches (Dino sous-titré « La belle vie dans la sale industrie du rêve », aux Editions Rivages) sattache à décrire le succès populaire extraordinaire de ce crooner, fils dun coiffeur italien immigré dans lOhio, passé maître dans lutilisation de la radio, du cinéma, de la télévision, du disque avec toutes les compromissions possibles vis-à-vis du syndicat du crime. Son personnage nonchalant de « menefreghista », de type qui nen a rien à foutre, pour reprendre lexpression de son biographe, a longtemps séduit. Il a eu le même succès, en plus mâle bien sûr, et sur une plus longue durée que les starlettes qui faisaient la saga dHollywood. Et cest linconsistance vertigineuse du personnage que le solide ouvrage de Tosches sait, sans concession, mettre en valeur.
La palme du bizarre, de lexcessif revenait sans contexte à Béla Tar, cinéaste hongrois dont lunivers de lenteur tragique en fait le frère mineur de Tarkovski le Russe et de Kobayashi, le Japonais. Ainsi, largument de Damnation (Perdition), réalisé en 1987, repose sur le mal-être dun homme qui essaie de se remettre dun amour malheureux en contemplant le défilé de bennes pleines de gravats dans limmense plaine hongroise, puis en salcoolisant fortement, forcément. Il passe des soirées interminables dans des boîtes de nuit ou des bars ; parfois sy produit son ancienne maîtresse, chanteuse de charme, pendant que la pluie tombe à lextérieur, sans discontinuer. Dailleurs, le café où se produit la belle sappelle le Titanic. Liquéfaction des sentiments, à limage de celle de la plaine, comme si le décor de cette histoire triste pleurait à son tour sur cette misère générale. Et pourtant, après deux heures de travellings latéraux, mouvement de caméra quaffectionne notre cinéaste, le film se clôt sur un superbe plan fixe où des buveurs, hommes et femmes enlacés dans un café forment une chaîne tourbillonnante, lente et sans fin. Bref, on le voit un sentiment mitigé. Le festival offrait aussi une rétrospective de luvre Joseph L. Mankiewicz, cinéaste de la conscience de gauche américaine et qui sut briller dans tous les genres où son talent sexerça : par exemple, une comédie musicale, Blanches colombes et vilains messieurs, où un escroc (Marlon Brando) se doit de séduire une oie blanche (Jean Simmons), chef duvre dhumour caustique qui taille des croupières au genre cinématographique le plus proche du conte de fées.
A La Rochelle, on trouvait encore un film sur le poids de la tradition chez les Juifs géorgiens émigrés en Israël (Mariage tardif de Dover Kosashvili), le premier film de Neil Jordan en 1982 (Angel), un polar déjanté dans lIrlande du Nord dominée par les règlements de compte entre « communautés », une chronique désenchantée de la fin du mandat britannique à Hong-Kong (Little Cheung de Fruit Chan), enfin une chose curieuse, un polar luxembourgeois signé Andy Bausch (Troublemaker).
Cette chronique ne pouvait pas ne pas saluer la réussite de la biographie que Nick Tosches a consacrée à Dean Martin. Celui-ci ne fut pas le meilleur acteur de cinéma de sa génération, celle des années 50 aux années 70 du siècle dernier. Il a surtout tourné dans des nanars, en particulier les premiers films où Jerry Lewis aiguisait son personnage de pitre. Il fit une prestation plus convaincante de shérif poivrot dans Rio Bravo dHoward Hawks où il secondait brillamment John Wayne. Mais la biographie de Tosches (Dino sous-titré « La belle vie dans la sale industrie du rêve », aux Editions Rivages) sattache à décrire le succès populaire extraordinaire de ce crooner, fils dun coiffeur italien immigré dans lOhio, passé maître dans lutilisation de la radio, du cinéma, de la télévision, du disque avec toutes les compromissions possibles vis-à-vis du syndicat du crime. Son personnage nonchalant de « menefreghista », de type qui nen a rien à foutre, pour reprendre lexpression de son biographe, a longtemps séduit. Il a eu le même succès, en plus mâle bien sûr, et sur une plus longue durée que les starlettes qui faisaient la saga dHollywood. Et cest linconsistance vertigineuse du personnage que le solide ouvrage de Tosches sait, sans concession, mettre en valeur.