Sortie du DVD de Notre Monde
Notre Monde Notre Monde (2013, 119') un film de Thomas LacosteRassemblant plus de 35 intervenants, philosophes, sociologues, économistes, magistrats, médecins, universitaires et écrivains, Notre Monde propose un espace dexpression pour travailler, comme nous y enjoint JeanLuc Nancy à « une pensée commune ». Plus encore quun libre espace de parole, Notre Monde sappuie sur un ensemble foisonnant de propositions concrètes pour agir comme un rappel essentiel, individuel et collectif : « faites de la politique » et de préférence autrement.
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© Passant n°36 [septembre 2001 - octobre 2001]
© Passant n°36 [septembre 2001 - octobre 2001]
par Frédéric Barbe
Imprimer l'articleLa liberté dexpression nest pas une marchandise
Dans mes souvenirs, la publicité apparaît lentement. Enfant des années 70, je ne men souviens pas vraiment, elle sadressait sans doute à dautres, aux grandes personnes. Quand ses maîtres-penseurs lont autoproclamée art majeur quelques années plus tard, elle demeurait encore dans lombre portée de la société. Ce nest plus le cas aujourdhui et il devient difficile de lignorer. La rapidité de la transformation, juste une génération, son ubiquité, sa puissance, ses capacités de recyclage, mais aussi son acceptation sociale sont remarquables. Si la publicité na pas suscité davantage de résistances, cest quévidemment la publicité est ambivalente. Je ne serai pas assez sot pour la diaboliser ici. La publicité, en mélangeant les genres, les langages, en disant merde à Vauban et à quelques autres, est souvent complice et émancipatrice. Elle « autorise » son spectateur, lui montre la voie, comme on la dit du porno. Alors à quoi bon sexciter ?
Cest quil faut retourner la question et abandonner lanalyse des contenus au profit de lanalyse des mécanismes juridiques et économiques. A ce niveau, lambivalence de la publicité disparaît au profit dune logique industrielle et comptable. Sans rejeter une certaine forme dirrationnel, la profession publicitaire met en uvre un projet systématique, un projet dinvasion de la société par les firmes. Que ce projet se mène aussi par la fiction - et particulièrement ses formes brèves - na rien détonnant, celle-ci a toujours été en avance sur la réalité. Cest donc de la liberté dexpression quil faut discuter, non en censeur, mais en juriste et en politique, ces deux postures qui ont précisément pour objet de réguler la société. En faisant cet effort, on sapercevra que la publicité est fondée sur un abus de pouvoir initial : la captation par les firmes de la liberté dexpression et son industrialisation progressive.
Au terme dun siècle de développement capitaliste forcené, la publicité forme un méta-système. Elle constitue véritablement dans nos pays lenvironnement de tous les autres environnements. La publicité est partout, à chaque instant, la référence première de toute chose. Devenue liturgie commerciale du quotidien, donneuse de sens, la publicité est amusante, jolie, érotique, complaisante, drôle même parfois, tant elle se moque du monde. Les gens qui la produisent sont des créatifs, souvent frottés de cultures contestataires. Dans les incessantes représentations de leur art, les créatifs se moquent du monde quils contribuent à construire, mais ils sen moquent au bénéfice exclusif de ceux qui les payent, les élites dirigeantes, qui dépensent ainsi dans la joie une petite partie de largent extorqué à la population. Les créatifs ont peu à peu obtenu le droit de tout dire au nom des firmes. Et au nom de la liberté dexpression, ce droit humain chèrement acquis par dautres (qui nétaient ni publicitaires, ni dirigeants de firmes, mais résistants), limposition de leurs éphémères et permanentes créations ne connaît plus de limites. La publicité, lultime et rafraîchissante critique de la société, est partout et se multiplie sans cesse.
Il y a dans cet amer constat dune anti-démocratie de la publicité, système de représentation totalisant et totalitaire, deux questions qui nont jamais vraiment été discutées, parce que le tuyau ombilical de la publicité en a fait deux évidences de la nature des choses, la question de limposition, comme attenante à celle de la liberté dexpression et la question de lextension de la liberté dexpression aux firmes. Procédons à quelques expériences publicitaires. En affirmant Jésus lave plus blanc pour promouvoir la lessive Jésus, celle que Marie utilisait plusieurs fois par semaine, chaque fois que son fils lui amenait son tas de linge sale, que fait le publicitaire ? Blasphème-t-il, insulte-t-il la communauté des croyants ? Méprise-t-il la religion ? Est-il condamnable, en dehors du fait quil espère mettre les rieurs de son côté ? Il nest pas facile de répondre à cette question, dautant que le créatif et son donneur dordre invoqueront bientôt la liberté dexpression. Peut-être soutiendront-ils même, dans un fâcheux chur de faux naïfs audacieux, quils défendent ce droit contre lordre moral et tous les tabous de la société1. Ils uvreraient ainsi pour lextension des libertés humaines. Mais à mélanger publicité des firmes et parole des citoyens, le débat sur la liberté dexpression se perd. Au revers des apparences, nous affirmons que le statut publicitaire du message en modifie la nature et que distinguer celui-ci du reste de la parole humaine est un bon moyen pour stopper le harcèlement des intégristes un peu partout dans le monde contre la liberté dexpression des citoyens. Si tel artiste ou simple citoyen affirme Jésus lave plus blanc, il procède de sa liberté dexpression dans les limites de la réception de son message par ses contemporains. Le publicitaire et son donneur dordre procèdent tout autrement. Par limposition renouvelée et polymorphe de leur message. Jésus lave plus blanc devient un élément obligé de la culture commune, un élément du formatage courant, qui na dautre légitimité que les millions quy consacrent les donneurs dordres. Là est une différence essentielle, qui fait de la publicité non un acte dexpression, mais tout au contraire une structure dimposition, dont le vrai nom est propagande, une forme de loppression. Les publicitaires-propagandistes et leurs donneurs dordre nont aucun droit à se réclamer de la liberté dexpression, qui nest aucunement la propriété dune profession ou dun secteur dactivité, mais lessence indivise de la communauté des humains.
Ainsi, nous observons que les firmes procèdent habilement en faisant passer leur imposition idéologique relativiste, qui est bien plus que la simple promotion des produits commercialisés, pour lessence même de la liberté dexpression. Par suite et fort logiquement, ces firmes nous font savoir par la voix de leurs hérauts auto-célébrés que lacte de consommer est bien la forme ultime de la démocratie. Au risque de passer pour des pisse-froid, les vrais défenseurs de la liberté dexpression devraient distinguer formellement le droit dexpression des citoyens, individuellement ou collectivement, et le droit dexpression étendu aux firmes. Seul le premier nous semble devoir être défendu. Le droit dexpression des firmes ou des monopoles publics na aucune légitimité démocratique, au contraire, il témoigne du retour progressif et douloureux aux régimes censitaires. La publicité est aujourdhui une des formes rieuses de la nouvelle société censitaire, qui donne aux riches lexercice effectif des droits des citoyens, en une concession sympathique et perpétuelle. La publicité politique fantastiquement développée aux Etats-Unis nest pas le sous-ensemble litigieux, cest tout lédifice publicitaire qui procède de la même dénégation démocratique. Largent de la publicité et de la communication dont nous reparlons plus loin fait aujourdhui la culture, il aimerait bien se faire la pensée. Ainsi, la critique intégriste doit être entendue, quand elle lutte contre une imposition, un irrespect, un mépris véhiculé sans échappatoire par le média publicitaire. Au contraire de la chasse aux artistes, aux enseignants, aux chercheurs, aux uvres de lesprit, parfois tristement dédoublée en une ignoble chasse à la femme qui doit avorter ou à létranger non-européen, de ces mortelles obsessions qui doivent être combattues sans retard. Il serait bien curieux, en vérité, dabandonner la lutte contre limposition publicitaire aux mains des seuls intégristes. Ajoutons à lattention des croyants de toutes obédiences, que le mouvement ouvrier et le mouvement social sont quotidiennement insultés et traînés dans la boue par les publicitaires qui en ont pillé et détourné le patrimoine et les valeurs afin de les neutraliser par le ridicule. Jaurès lave plus blanc, Gandhi lave plus blanc et bientôt Bourdieu lave plus blanc sont aussi insultants que Jésus lave plus blanc. Les croyants nont pas le monopole du martyr publicitaire.
Nous proposons, cohérents en cela avec quelques apostats de la religion publicitaire2, de considérer et de défendre la seule véritable liberté dexpression, celle des citoyens, individus ou groupes, et de résister au déploiement infini du méta-système publicitaire, censitaire et anti-démocratique, qui cible aujourdhui de manière privilégiée nos enfants et adolescents. Ces propos sur la publicité comme propagande sont ceux dun géographe, Cela na rien danodin. La référence à Augustin Berque, géographe de la médiance ou à Abraham Moles, psycho-géographe pourra apparaître exotique. Il nen est rien. La publicité génère aujourdhui sa propre géographie du monde, car les trajets dordre phénoménal et ceux dordre physique ne peuvent se dissocier absolument. Le sensible et le factuel sy composent en proportions variables. Chevauchant ainsi la distinction théorique du subjectif et de lobjectif, disons quils sont trajectifs ; quà la fois matériel et idéal, le processus en question est une trajection3. La publicité, méta-paysage, est empreinte et matrice de la société mondiale des inégalités. Elle tend à devenir le mode de relation principal et malheureusement censitaire entre les sociétés et leur environnement, entre les sociétés, entre les humains, entre les hommes et les femmes. En forçant le texte de Berque, jécris que la publicité est aujourdhui une forme censitaire, habile et vorace de la trajection et quil nous faut intégrer rapidement cette donnée dans notre action politique. Jajouterai pour clore, très provisoirement4, cette contribution au débat que la publicité comme système relativiste absolu tend à créer elle-même les conditions de son apparente disparition. En assurant les conditions de son invisibilité sociale par une nouvelle stratégie, les élites transforment partiellement la publicité en ce quil faut nommer (misérablement, car il y a tromperie sur lappellation) communication et qui nest rien dautre que la publicité intégrée. Jaccole ainsi trois termes, fortement semblables dans leur objet social principal, limposition dun ordre anti-démocratique, mais différents dans leur apparence, leur visibilité et donc leur repérage possible, du plus trivial au plus intégré, propagande, publicité et communication. Tous trois opèrent dans limposition, nous lavons dit, mais pour le dernier dentre eux, le plus discret, leffacé, la production des innombrables services de communication, par un puissant effet de diversion et dintrusion, envahit et occupe lespace du discours sérieux. La communication, où se dissout également le journalisme, crée ainsi les conditions pour que les acteurs développent, en contrepoint des faits et de la réalité5, un discours de remplacement, un discours factice, notamment dans lentreprise et la vie politique. Là encore, nous aurions tort de concéder notre droit dexpression, sous prétexte de division du travail, aux propagandistes diplômés du système capitaliste ou étatique, particulièrement lorsque ceux-ci se parent des habits de la compétence et de la science pour nous en imposer. Puisque propagande, publicité et communication forment aujourdhui les discours obligés de la nouvelle société censitaire, la politique (et la fiction !) comme lieu de la vie démocratique se doit absolument et sans retard dassurer sa propre reproduction, en bornant par le geste, la parole et par la loi les effets pernicieux et anti-démocratiques de cette affligeante trinité (propagande, publicité et communication).
Cest quil faut retourner la question et abandonner lanalyse des contenus au profit de lanalyse des mécanismes juridiques et économiques. A ce niveau, lambivalence de la publicité disparaît au profit dune logique industrielle et comptable. Sans rejeter une certaine forme dirrationnel, la profession publicitaire met en uvre un projet systématique, un projet dinvasion de la société par les firmes. Que ce projet se mène aussi par la fiction - et particulièrement ses formes brèves - na rien détonnant, celle-ci a toujours été en avance sur la réalité. Cest donc de la liberté dexpression quil faut discuter, non en censeur, mais en juriste et en politique, ces deux postures qui ont précisément pour objet de réguler la société. En faisant cet effort, on sapercevra que la publicité est fondée sur un abus de pouvoir initial : la captation par les firmes de la liberté dexpression et son industrialisation progressive.
Au terme dun siècle de développement capitaliste forcené, la publicité forme un méta-système. Elle constitue véritablement dans nos pays lenvironnement de tous les autres environnements. La publicité est partout, à chaque instant, la référence première de toute chose. Devenue liturgie commerciale du quotidien, donneuse de sens, la publicité est amusante, jolie, érotique, complaisante, drôle même parfois, tant elle se moque du monde. Les gens qui la produisent sont des créatifs, souvent frottés de cultures contestataires. Dans les incessantes représentations de leur art, les créatifs se moquent du monde quils contribuent à construire, mais ils sen moquent au bénéfice exclusif de ceux qui les payent, les élites dirigeantes, qui dépensent ainsi dans la joie une petite partie de largent extorqué à la population. Les créatifs ont peu à peu obtenu le droit de tout dire au nom des firmes. Et au nom de la liberté dexpression, ce droit humain chèrement acquis par dautres (qui nétaient ni publicitaires, ni dirigeants de firmes, mais résistants), limposition de leurs éphémères et permanentes créations ne connaît plus de limites. La publicité, lultime et rafraîchissante critique de la société, est partout et se multiplie sans cesse.
Il y a dans cet amer constat dune anti-démocratie de la publicité, système de représentation totalisant et totalitaire, deux questions qui nont jamais vraiment été discutées, parce que le tuyau ombilical de la publicité en a fait deux évidences de la nature des choses, la question de limposition, comme attenante à celle de la liberté dexpression et la question de lextension de la liberté dexpression aux firmes. Procédons à quelques expériences publicitaires. En affirmant Jésus lave plus blanc pour promouvoir la lessive Jésus, celle que Marie utilisait plusieurs fois par semaine, chaque fois que son fils lui amenait son tas de linge sale, que fait le publicitaire ? Blasphème-t-il, insulte-t-il la communauté des croyants ? Méprise-t-il la religion ? Est-il condamnable, en dehors du fait quil espère mettre les rieurs de son côté ? Il nest pas facile de répondre à cette question, dautant que le créatif et son donneur dordre invoqueront bientôt la liberté dexpression. Peut-être soutiendront-ils même, dans un fâcheux chur de faux naïfs audacieux, quils défendent ce droit contre lordre moral et tous les tabous de la société1. Ils uvreraient ainsi pour lextension des libertés humaines. Mais à mélanger publicité des firmes et parole des citoyens, le débat sur la liberté dexpression se perd. Au revers des apparences, nous affirmons que le statut publicitaire du message en modifie la nature et que distinguer celui-ci du reste de la parole humaine est un bon moyen pour stopper le harcèlement des intégristes un peu partout dans le monde contre la liberté dexpression des citoyens. Si tel artiste ou simple citoyen affirme Jésus lave plus blanc, il procède de sa liberté dexpression dans les limites de la réception de son message par ses contemporains. Le publicitaire et son donneur dordre procèdent tout autrement. Par limposition renouvelée et polymorphe de leur message. Jésus lave plus blanc devient un élément obligé de la culture commune, un élément du formatage courant, qui na dautre légitimité que les millions quy consacrent les donneurs dordres. Là est une différence essentielle, qui fait de la publicité non un acte dexpression, mais tout au contraire une structure dimposition, dont le vrai nom est propagande, une forme de loppression. Les publicitaires-propagandistes et leurs donneurs dordre nont aucun droit à se réclamer de la liberté dexpression, qui nest aucunement la propriété dune profession ou dun secteur dactivité, mais lessence indivise de la communauté des humains.
Ainsi, nous observons que les firmes procèdent habilement en faisant passer leur imposition idéologique relativiste, qui est bien plus que la simple promotion des produits commercialisés, pour lessence même de la liberté dexpression. Par suite et fort logiquement, ces firmes nous font savoir par la voix de leurs hérauts auto-célébrés que lacte de consommer est bien la forme ultime de la démocratie. Au risque de passer pour des pisse-froid, les vrais défenseurs de la liberté dexpression devraient distinguer formellement le droit dexpression des citoyens, individuellement ou collectivement, et le droit dexpression étendu aux firmes. Seul le premier nous semble devoir être défendu. Le droit dexpression des firmes ou des monopoles publics na aucune légitimité démocratique, au contraire, il témoigne du retour progressif et douloureux aux régimes censitaires. La publicité est aujourdhui une des formes rieuses de la nouvelle société censitaire, qui donne aux riches lexercice effectif des droits des citoyens, en une concession sympathique et perpétuelle. La publicité politique fantastiquement développée aux Etats-Unis nest pas le sous-ensemble litigieux, cest tout lédifice publicitaire qui procède de la même dénégation démocratique. Largent de la publicité et de la communication dont nous reparlons plus loin fait aujourdhui la culture, il aimerait bien se faire la pensée. Ainsi, la critique intégriste doit être entendue, quand elle lutte contre une imposition, un irrespect, un mépris véhiculé sans échappatoire par le média publicitaire. Au contraire de la chasse aux artistes, aux enseignants, aux chercheurs, aux uvres de lesprit, parfois tristement dédoublée en une ignoble chasse à la femme qui doit avorter ou à létranger non-européen, de ces mortelles obsessions qui doivent être combattues sans retard. Il serait bien curieux, en vérité, dabandonner la lutte contre limposition publicitaire aux mains des seuls intégristes. Ajoutons à lattention des croyants de toutes obédiences, que le mouvement ouvrier et le mouvement social sont quotidiennement insultés et traînés dans la boue par les publicitaires qui en ont pillé et détourné le patrimoine et les valeurs afin de les neutraliser par le ridicule. Jaurès lave plus blanc, Gandhi lave plus blanc et bientôt Bourdieu lave plus blanc sont aussi insultants que Jésus lave plus blanc. Les croyants nont pas le monopole du martyr publicitaire.
Nous proposons, cohérents en cela avec quelques apostats de la religion publicitaire2, de considérer et de défendre la seule véritable liberté dexpression, celle des citoyens, individus ou groupes, et de résister au déploiement infini du méta-système publicitaire, censitaire et anti-démocratique, qui cible aujourdhui de manière privilégiée nos enfants et adolescents. Ces propos sur la publicité comme propagande sont ceux dun géographe, Cela na rien danodin. La référence à Augustin Berque, géographe de la médiance ou à Abraham Moles, psycho-géographe pourra apparaître exotique. Il nen est rien. La publicité génère aujourdhui sa propre géographie du monde, car les trajets dordre phénoménal et ceux dordre physique ne peuvent se dissocier absolument. Le sensible et le factuel sy composent en proportions variables. Chevauchant ainsi la distinction théorique du subjectif et de lobjectif, disons quils sont trajectifs ; quà la fois matériel et idéal, le processus en question est une trajection3. La publicité, méta-paysage, est empreinte et matrice de la société mondiale des inégalités. Elle tend à devenir le mode de relation principal et malheureusement censitaire entre les sociétés et leur environnement, entre les sociétés, entre les humains, entre les hommes et les femmes. En forçant le texte de Berque, jécris que la publicité est aujourdhui une forme censitaire, habile et vorace de la trajection et quil nous faut intégrer rapidement cette donnée dans notre action politique. Jajouterai pour clore, très provisoirement4, cette contribution au débat que la publicité comme système relativiste absolu tend à créer elle-même les conditions de son apparente disparition. En assurant les conditions de son invisibilité sociale par une nouvelle stratégie, les élites transforment partiellement la publicité en ce quil faut nommer (misérablement, car il y a tromperie sur lappellation) communication et qui nest rien dautre que la publicité intégrée. Jaccole ainsi trois termes, fortement semblables dans leur objet social principal, limposition dun ordre anti-démocratique, mais différents dans leur apparence, leur visibilité et donc leur repérage possible, du plus trivial au plus intégré, propagande, publicité et communication. Tous trois opèrent dans limposition, nous lavons dit, mais pour le dernier dentre eux, le plus discret, leffacé, la production des innombrables services de communication, par un puissant effet de diversion et dintrusion, envahit et occupe lespace du discours sérieux. La communication, où se dissout également le journalisme, crée ainsi les conditions pour que les acteurs développent, en contrepoint des faits et de la réalité5, un discours de remplacement, un discours factice, notamment dans lentreprise et la vie politique. Là encore, nous aurions tort de concéder notre droit dexpression, sous prétexte de division du travail, aux propagandistes diplômés du système capitaliste ou étatique, particulièrement lorsque ceux-ci se parent des habits de la compétence et de la science pour nous en imposer. Puisque propagande, publicité et communication forment aujourdhui les discours obligés de la nouvelle société censitaire, la politique (et la fiction !) comme lieu de la vie démocratique se doit absolument et sans retard dassurer sa propre reproduction, en bornant par le geste, la parole et par la loi les effets pernicieux et anti-démocratiques de cette affligeante trinité (propagande, publicité et communication).
* Géographe.
(1) « Sexe, comment la pub fait sauter les tabous », culturepub décembre 2000, (magazine dont le positionnement dhonnête interstice décodeur paraît bien difficile à tenir).
(2) Casseurs de pub, roborative revue lyonnaise ou www.antipub.net.
(3) Augustin Berque, Médiance, de milieux en paysages, 1990.
(4) La première version de ce texte a été publiée sur la liste EC-ECJS créée par Vincent Mespoulet.
(5) Christophe Dejours Souffrance en France, la banalisation de linjustice sociale.
(1) « Sexe, comment la pub fait sauter les tabous », culturepub décembre 2000, (magazine dont le positionnement dhonnête interstice décodeur paraît bien difficile à tenir).
(2) Casseurs de pub, roborative revue lyonnaise ou www.antipub.net.
(3) Augustin Berque, Médiance, de milieux en paysages, 1990.
(4) La première version de ce texte a été publiée sur la liste EC-ECJS créée par Vincent Mespoulet.
(5) Christophe Dejours Souffrance en France, la banalisation de linjustice sociale.