Sortie du DVD de Notre Monde
Notre Monde Notre Monde (2013, 119') un film de Thomas LacosteRassemblant plus de 35 intervenants, philosophes, sociologues, économistes, magistrats, médecins, universitaires et écrivains, Notre Monde propose un espace dexpression pour travailler, comme nous y enjoint JeanLuc Nancy à « une pensée commune ». Plus encore quun libre espace de parole, Notre Monde sappuie sur un ensemble foisonnant de propositions concrètes pour agir comme un rappel essentiel, individuel et collectif : « faites de la politique » et de préférence autrement.
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© Passant n°36 [septembre 2001 - octobre 2001]
© Passant n°36 [septembre 2001 - octobre 2001]
par Xavier Daverat
Imprimer l'articleEncierro en Bilbao
Bilbao. Jeudi 26 juillet. Las ocho de la tarde. Début de soirée dans le casco viejo.
Sur la toute petite place qui jouxte la cathédrale, un groupe de soixante à soixante-dix personnes autour dun jeune orateur. Je me mêle à la foule. Propos en basque. Je ne 0 que des bribes, mais le sens est évident : hommage à la militante morte en manipulant les explosifs Le drapeau dEuskadi sort dune veste. Deux ou trois slogans.
On repart vers la place centrale. Soudain, des sirènes de police, une brusque cavalcade. Quatre fourgons de la police basque. Des hommes casqués, masqués, armés de fusils dassaut qui descendent. Balles en caoutchouc, certes. Mais tirs à dix mètres à peine vers les jeunes en fuite (je suis formel : pas en lair ; à dix mètres, droit sur les gars). Panique dans les rues. Confusion.
Je napprouve certes pas les attentats aveugles. Je suis bien perplexe devant la stratégie actuelle de lETA. Je ne suis pas certain de comprendre les raisons de la lutte armée qui la guident aujourdhui.
Mais je témoigne dune intervention policière en forme de guet-apens. De la violence gratuite de lintervention sur un groupe ni agressif, ni belliqueux. Celui qui parlait à la foule avait le calme de quelquun qui explique et affiche des convictions, sans haranguer ou chauffer lassistance, et ne se dégageait de cette sorte de cérémonie quune émotion non feinte. Ceux qui lécoutaient nétaient pas des terroristes. Pas même des complices. Ou alors une descente de police simpose chez chaque commerçant qui a accueilli un fuyard avant de tirer son rideau, dans tous les troquets à lheure des tapas et du vino tinto devenus spontanément lieux daccueil.
Sans doute le rassemblement était-il interdit. Ce que jai pu saisir des propos tenus nétait pas innocent. Rien, pour autant, ne justifie la disproportion choquante entre cette violence délibérée et la réalité dune soixantaine de jeunes réunis.
A voir létat des deux gamines apeurées qui ont couru vers nous en ultime espoir de refuge, ou à deviner leur âge (seize ans ?), je nai pas de peine à imaginer quelles vivaient leur baptême du feu. Si, dans quelques années, lune dentre elles pose une bombe ou meurt comme Olaia victime de ses explosifs, celui qui, juste devant moi, a mis en joue les jeunes qui sétaient réunis (avec celui dont il tient ses ordres) y aura une part de responsabilité que je noublierai pas.
Hier soir, cétait bien un encierro : les bêtes courraient derrière.
Sur la toute petite place qui jouxte la cathédrale, un groupe de soixante à soixante-dix personnes autour dun jeune orateur. Je me mêle à la foule. Propos en basque. Je ne 0 que des bribes, mais le sens est évident : hommage à la militante morte en manipulant les explosifs Le drapeau dEuskadi sort dune veste. Deux ou trois slogans.
On repart vers la place centrale. Soudain, des sirènes de police, une brusque cavalcade. Quatre fourgons de la police basque. Des hommes casqués, masqués, armés de fusils dassaut qui descendent. Balles en caoutchouc, certes. Mais tirs à dix mètres à peine vers les jeunes en fuite (je suis formel : pas en lair ; à dix mètres, droit sur les gars). Panique dans les rues. Confusion.
Je napprouve certes pas les attentats aveugles. Je suis bien perplexe devant la stratégie actuelle de lETA. Je ne suis pas certain de comprendre les raisons de la lutte armée qui la guident aujourdhui.
Mais je témoigne dune intervention policière en forme de guet-apens. De la violence gratuite de lintervention sur un groupe ni agressif, ni belliqueux. Celui qui parlait à la foule avait le calme de quelquun qui explique et affiche des convictions, sans haranguer ou chauffer lassistance, et ne se dégageait de cette sorte de cérémonie quune émotion non feinte. Ceux qui lécoutaient nétaient pas des terroristes. Pas même des complices. Ou alors une descente de police simpose chez chaque commerçant qui a accueilli un fuyard avant de tirer son rideau, dans tous les troquets à lheure des tapas et du vino tinto devenus spontanément lieux daccueil.
Sans doute le rassemblement était-il interdit. Ce que jai pu saisir des propos tenus nétait pas innocent. Rien, pour autant, ne justifie la disproportion choquante entre cette violence délibérée et la réalité dune soixantaine de jeunes réunis.
A voir létat des deux gamines apeurées qui ont couru vers nous en ultime espoir de refuge, ou à deviner leur âge (seize ans ?), je nai pas de peine à imaginer quelles vivaient leur baptême du feu. Si, dans quelques années, lune dentre elles pose une bombe ou meurt comme Olaia victime de ses explosifs, celui qui, juste devant moi, a mis en joue les jeunes qui sétaient réunis (avec celui dont il tient ses ordres) y aura une part de responsabilité que je noublierai pas.
Hier soir, cétait bien un encierro : les bêtes courraient derrière.