Sortie du DVD de Notre Monde
Notre Monde Notre Monde (2013, 119') un film de Thomas LacosteRassemblant plus de 35 intervenants, philosophes, sociologues, économistes, magistrats, médecins, universitaires et écrivains, Notre Monde propose un espace dexpression pour travailler, comme nous y enjoint JeanLuc Nancy à « une pensée commune ». Plus encore quun libre espace de parole, Notre Monde sappuie sur un ensemble foisonnant de propositions concrètes pour agir comme un rappel essentiel, individuel et collectif : « faites de la politique » et de préférence autrement.
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© Passant n°35 [juin 2001 - août 2001]
© Passant n°35 [juin 2001 - août 2001]
par Jambonneau
Imprimer l'articleMoi, le petit Yankee
Le Sud, cap au Sud, Sud emblématique, Sud mythique. Mythologique.Moi, je ne suis rien quun petit Yankee pur Pictave né quelque part sur une carte IGN épuisée, un esquimau de la plaine, comme disent les Sudistes. Chez moi, le buf est à viande et la vache est à lait, la corne basse, le chant accompagne les bêtes rentrant à létable, quelques pas de bourrée en avant deux, zim-boum les marches militaires, ladipeux en bandoulière pas de cojones en avant, la reine du baluche cest la Raymonde à varices, kros tièdes et baston garantie, ballon qui tourne rond sans rebond incertain. Même pas de palombe, tout juste le miroir aux alouettes.
Alors pensez donc, le Sud, terra incognita, terre de toutes les Géographies, de toutes les Histoires, de tous les espoirs, de tous les plaisirs, de toutes les beautés, de tous les fantasmes. Je suis donc descendu au Sud comme on monte à Paris, complexé malgré tout de pas être du Sud, de pas porter beau la chemise, de pas pousser fort de la voix, de pas tchatcher bien pendue, de pas tomber en embrassades, de pas manier la bechigue, de pas toréer de salon, de pas canter rondo. Même pas le mal bleu. Pauvre yankee de la Oil compagnie, provincial indécrottable du Sud.
Prudemment, je me suis posé à Bordeaux, aux portes du Sud, le Sud esquissé mais mon Sud. Un sas pour éviter le choc psychologique, physique, thermique, culturel, social, tellurique. Jai ponctué mon accent pointu dun enculé asthmatique, plaqué un courant dair, ressorti tout meurtri, pleuré lors de la mise à mort, balbutié un air béarnais en croyant quil est basque, bu plus que de raison et vomi dans lAdour, intégré tous les codes mais raté le permis.
Que defforts, et puis patatras : japprends que Bordeaux nest pas une ville du Sud. Trop froide la belle endormie peine à jouir, trop hautaine la vieille bourge décatie. Déboussolé, perdu le Nord aux portes du Sud. Et puis miracle des miracles, un cierge à Saint-Jacques, un autre à Fatima : lhebdomadaire Marianne après le thuriféraire Serge July se met à faire léloge de Bordeaux et de son maire. Titre : « Comment Bordeaux a sauvé Juppé Pourquoi Juppé a sauvé Bordeaux ».
Florilège : « elle était grise et un peu triste. Elle est devenue dynamique et festive » ; « au bord du fleuve souffle un vent de renouveau qui décoiffe les mises en plis violines » ; « les jeunes se mettent à lheure espagnole » ; « elle est en train de devenir sudiste » ; « Bordeaux et Juppé sont devenus plus chaleureux ; « Bordeaux se latinise et son maire shumanise ». Même Gilles Savary, lirréductible looser de Juppé y va de son compliment : « vous avez changé létat desprit de cette ville. » (Un maire sudiste serait donc un maire de droite loué par la gauche. Une ville latine serait donc une ville de droite qui shumanise sans la gauche. A y perdre son lapin mon latin.)
Ce serait donc bien ça le Sud ? Lhumanisme, la chaleur humaine, la gaieté, la fête, le bonheur de vivre, le soleil, les couleurs Un état desprit quoi ! Comme dirait Gillou. Merveilleux. Jhabite donc une ville latine où souffle cet état desprit festif qui irradie, de la place de la Victoire aux Chartrons, des Quais de Paludate à la place Gambetta, cette belle jeunesse de la nuit, entre bar à tapas et Calle Ocho. Mojito et Partagas. Rugby, Corrida, Flamenco. Vuelta, vuelta, vuelta ! Merveilleux. Je baigne dans le bonheur, plus besoin de manger, de travailler, juste vivre heureux sous le soleil.
Et puis je me suis dit : tes bien un âne de Yankee, un ramolli de lhémisphère nord, la réponse, tu lavais sous les yeux. Bordeaux est une ville sudiste, et comment ! Bordeaux au passé négrier longtemps tu : omerta. Bordeaux et son village andalou construit sur une décharge où les gosses chopent le saturnisme : favela. Bordeaux où la CUB reste à droite alors que la gauche est majoritaire : magouilla. Putain oui, jhabite bien une ville du Sud. Je suis au Sud. Je suis du Sud. Du Sud !