Sortie du DVD de Notre Monde
Notre Monde Notre Monde (2013, 119') un film de Thomas LacosteRassemblant plus de 35 intervenants, philosophes, sociologues, économistes, magistrats, médecins, universitaires et écrivains, Notre Monde propose un espace dexpression pour travailler, comme nous y enjoint JeanLuc Nancy à « une pensée commune ». Plus encore quun libre espace de parole, Notre Monde sappuie sur un ensemble foisonnant de propositions concrètes pour agir comme un rappel essentiel, individuel et collectif : « faites de la politique » et de préférence autrement.
Retour
© Passant n°34 [avril 2001 - mai 2001]
© Passant n°34 [avril 2001 - mai 2001]
entretien de Margot Lacoste-Gire par Thomas Lacoste
Imprimer l'articlePour une nouvelle école
Où le destin ne serait pas forcément une fatalité
Margot Lacoste-Gire est enseignante spécialisée chargée du soutien pédagogique auprès de jeunes enfants en milieu semi-rural. Aujourdhui, après trente-deux ans à lEducation nationale, elle nous fait part de ses réflexions sur les manques que connaît cette institution de la « République ». Elle témoigne de son expérience et souligne limpérieuse nécessité de permettre à nos enfants daccéder à la parole et à la langue écrite et daller à la rencontre du monde et du récit, seuls garants dhumanité.
Le Passant Ordinaire : Vous êtes enseignante spécialisée à lEducation Nationale. En commençant notre entretien, est-ce que vous pourriez nous préciser en quoi consiste votre travail et à quel niveau se situe votre intervention auprès des enfants ?
Margot Lacoste-Gire : Mon travail est daider les enfants à « sadapter » à lécole maternelle et primaire et aux nombreuses exigences de cette institution. Jinterviens auprès denfants âgés de cinq à neuf ans pour les aider à entrer dans le monde des apprentissages, et, en particulier, dans ce quil y a de plus humain en nous, le monde de la langue écrite.
Vous exercez ce travail en milieu semi-rural. Constatez-vous, au moment où lexclusion sociale semballe, un nombre plus grand denfants en difficulté et/ou lapparition de nouvelles souffrances au sein cette population ?
On peut constater larrivée de populations très défavorisées qui émigrent des banlieues des grandes villes vers les campagnes. Il y a dans cette populations environ 15% de parents Rmistes et dautre part des familles monoparentales, souvent avec la mère, et parfois des enfants de pères différents mais ne vivant pas au foyer. Et, effectivement, nous assistons à de nouvelles souffrances aussi bien chez les familles, que chez les enfants. Elles peuvent se traduire parfois par des agressions formulées à lencontre de linstitution de la part des familles1.
On voit donc arriver à lécole des enfants qui ont des histoires très atypiques. Et cest là, que, de ma place institutionnelle, je peux prendre en compte la particularité de chacun.
Quels moyens ou outils sont à votre disposition pour répondre à ces difficultés ou à ces histoires singulières ?
Jinterviens avec des groupes de deux ou trois enfants, trois quarts dheure par jour. Mon travail consiste à faire émerger chez eux un niveau de langue orale suffisant et, ensuite, à les familiariser avec les richesses de la bibliothèque de jeunesse qui est, actuellement, un trésor inépuisable. A chaque séance, je cherche à les familiariser avec tout ce qui a été écrit pour les enfants. Comme lécrit Kundera dans Lart du roman, le roman est un véritable « explorateur dexistence ». Il y a ainsi toutes sortes dhistoires qui correspondent à chaque enfant. Cest très important quils sachent que dans un livre que ladulte va leur lire, ils trouveront quelque chose qui résonne en eux. Moi je ne sais pas ce qui résonne pour eux dans tel ou tel album mais, de facto, cela se fait et cest fondamental. Ils savent quil y a une langue humaine écrite pour eux et qui va parler de quelque chose sur lequel ils nont pas encore mis de mots parce quils nont pas encore doutil langagier pour ça. Cest très différent à chaque fois et pour chaque enfant. Enfin, bien sûr, il y a lapprentissage de la lecture/écriture à proprement parler, très technique, qui est lapprentissage du code écrit. Il leur permettra plus tard, quand ils auront sept ou huit ans, de se rendre maîtres de cet outil.
Psychologiquement, les enfants sont en mesure de « se raconter leur propre roman », comme on dit, vers neuf ou dix ans. Mais, avant cela, on peut les aider à commencer à raconter de petites histoires, en quelques phrases, introduisant des héros, des obstacles, une fin etc. Ceci est aussi très original et très individuel. A chacun la sienne. Et ils en sont toujours très fiers.
Vu de lextérieur, on a limpression que cette institution dispose doutils et de moyens qui ne sont que peu ou pas repris sur le terrain. Et parallèlement, ne trouvez-vous pas quil est dommageable quil ny ait pas plus de personnes spécialisées dans le secteur psycho-pédagogique, quand lenjeu central est lépanouissement de lenfant et, en définitive, son avenir ?
Jattendrai dêtre à la retraite pour faire une critique de la hiérarchie de lEducation nationale. Mais, pour lheure, il est clair quil y a des hiatus très importants, au point que, sur le mal-être de cette société, la violence dans les collèges, limpossibilité de prendre la parole correctement, voire de maîtriser la langue écrite, etc. que nous voyons, nous, enseignants spécialisés, monter depuis une quinzaine dannées, sur toutes ces questions, il se trouve que cette hiérarchie ne donne jamais la parole aux enseignants spécialisés, à la base. Et dans le même temps, cette hiérarchie parle une langue qui ne correspond guère à la réalité de notre travail sur le terrain Les médecins scolaires, lorsque lon sen ouvre à eux et ils sont tout aussi alertés de létat de la population enfantine peuvent plus facilement témoigner auprès de leur hiérarchie que nous.
Du point de vue de lorganisation matérielle, il faudrait que le nombre denfants en classe, depuis lentrée en maternelle et jusquau CE1, soit vraiment inférieur. Cest vingt enfants et non pas trente cinq quil serait souhaitable daccueillir par classe à lécole maternelle pour que chacun arrive à un niveau de parole satisfaisant. Comment voulez-vous quun enseignant puisse amener à lexpression orale un groupe de trente enfants de trois ans sans outil langagier et dorigines culturelles multiples ?
Une assistante sociale à lhôpital psychiatrique me disait que lhôpital accueillait de plus en plus dadolescents analphabètes, « incapables de lire un panneau », dit-elle. Comment expliquez-vous quun enfant qui passe par votre classe acquière le goût pour la lecture et lécriture et que de lautre, en grossissant le trait, lécole crée de lexclusion en échouant dans sa fonction première ?
Je crois que cela dépend de lorganisation du travail du Réseau dAide Spécialisé aux Elèves en Difficulté, dont je suis membre. Pour ma part, je me suis inspirée, en particulier, des travaux de René Diatkine qui sadressait aussi à des enfants allant en hôpital de jour, donc pathologiques et plus généralement de ses écrits sur les conditions favorisant lapprentissage de la langue écrite pour les enfants des milieux défavorisés, sur la capacité de se raconter des histoires dans sa tête pour pouvoir, ensuite, faire des hypothèses sur les compréhensions du récit, etc.
Mais je ne peux pas vraiment expliquer pourquoi ailleurs cela fonctionne moins bien. Je vérifie toujours mes résultats avec les Evaluations Nationales données par le Ministère à lentrée du CE2 et tous mes élèves se trouvent dans la moyenne. Cest donc un processus daide efficace. Il faudrait peut être aller voir aussi du côté de la formation des personnels spécialisés dans les IUFM. Je ne pense pas du tout que cela soit infaisable. Mais il y a aussi, bien plus rarement, des enfants qui refusent la trace écrite parce quils ont des pathologies. Ceux-là ont besoin de soins plus spécifiques.
Au vu de votre expérience et au regard de notre société, que veut dire pour vous lexpression donner à un enfant le goût dapprendre ?
Donner le goût dapprendre à un enfant, cest dabord lui faire savoir quil fait partie de lhumanité, que le propre de lhumanité, cest davoir un langage et un langage écrit, et que lui aussi y a sa place, à son rythme et à sa façon. Donner le goût dapprendre, cest éveiller lenfant à la curiosité pour le monde extérieur, son fonctionnement, la façon dont il va pouvoir y être peu à peu actif.
Dans lhistoire de lhumanité, chaque être humain a assimilé des situations de douleur, de souffrance, de violence. Et les petits enfants que je vois sont capables de ce ressort-là, de la même façon que les enfants handicapés assimilent des situations de souffrance physique extrême, dangoisse de mort et que la plupart dentre eux sont dynamiques par rapport à ça.
Dans ce que vous dites, lenfant a un potentiel important. Il a le potentiel de grandir et de sadapter, mais on a limpression que cest ladulte qui nest pas à la hauteur de ces enfants, ne leur donnant pas les moyens de sépanouir de façon harmonieuse
Cest vrai que souvent, les questions que je pose ou les observations que je fais permettent à des enseignants, qui voient leur « vingt-cinq Cours Préparatoire » comme une entité, daffiner, petit à petit, leur vision de chacun. Sachant quune classe, bien sûr, ne se résume pas à tous les enfants pris individuellement.
Jinsiste beaucoup sur la question de la formation des maîtres et sur les nécessaires meilleures conditions de travail, tout particulièrement la question des effectifs.
Il y a aussi des parents qui ont un mauvais vécu scolaire et qui ont peur de lécole. Et ceux, nombreux, qui confondent apprentissage et rentabilité, ce qui est vraiment navrant. Les élèves dociles et scolaires ne feront sans doute pas des adultes créatifs.
On a limpression que lécole sadapte à ce désir de rentabilité et laisse tomber le développement de la créativité de lenfant.
Je ne pense pas quon soit sorti du système où, dès lécole maternelle, le maître parle et les élèves écoutent. Et le maître peut parler six heures par jour ! A quoi pensent les enfants pendant ce temps-là ? Où sévadent-ils ? On peut dire parfois que lécole primaire distille lennui ! Chaque enseignant est « enfermé » avec vingt-cinq enfants dont certains sont, parfois, très difficiles. Et ils perdent peu à peu le contact avec le monde extérieur. Quand on apprend aux enfants à sortir de lécole et à questionner le monde des activités humaines, on découvre que tous les enfants sont capables dobserver, tous mais à leur façon !
Cherchez-vous à nous dire que toutes ces grilles dévaluation, ces programmes nous éloignent du projet de lécole de la République, cest-à-dire daccompagner des enfants à devenir des adultes assez autonomes pour à leur tour devenir des citoyens capables denrichir notre société ?
Je pense en effet que cette habitude scolaire des fameux exercices dapplication qui sont le sel des cours élémentaires et moyens sont discriminatoires pour ceux qui ne sont pas les héritiers de la culture. Alors que sortir de lécole et observer, sur le terrain, le monde qui les entoure est une démarche active, éminemment enrichissante et égalitaire pour tous les enfants. Socialisante pour le groupe, lui permettant avec laide de lenseignant denrichir son vocabulaire, ses méthodologies dobservations et son/ses niveaux conceptuels et ainsi de suite.
Margot Lacoste-Gire est enseignante spécialisée chargée du soutien pédagogique auprès de jeunes enfants en milieu semi-rural. Aujourdhui, après trente-deux ans à lEducation nationale, elle nous fait part de ses réflexions sur les manques que connaît cette institution de la « République ». Elle témoigne de son expérience et souligne limpérieuse nécessité de permettre à nos enfants daccéder à la parole et à la langue écrite et daller à la rencontre du monde et du récit, seuls garants dhumanité.
Le Passant Ordinaire : Vous êtes enseignante spécialisée à lEducation Nationale. En commençant notre entretien, est-ce que vous pourriez nous préciser en quoi consiste votre travail et à quel niveau se situe votre intervention auprès des enfants ?
Margot Lacoste-Gire : Mon travail est daider les enfants à « sadapter » à lécole maternelle et primaire et aux nombreuses exigences de cette institution. Jinterviens auprès denfants âgés de cinq à neuf ans pour les aider à entrer dans le monde des apprentissages, et, en particulier, dans ce quil y a de plus humain en nous, le monde de la langue écrite.
Vous exercez ce travail en milieu semi-rural. Constatez-vous, au moment où lexclusion sociale semballe, un nombre plus grand denfants en difficulté et/ou lapparition de nouvelles souffrances au sein cette population ?
On peut constater larrivée de populations très défavorisées qui émigrent des banlieues des grandes villes vers les campagnes. Il y a dans cette populations environ 15% de parents Rmistes et dautre part des familles monoparentales, souvent avec la mère, et parfois des enfants de pères différents mais ne vivant pas au foyer. Et, effectivement, nous assistons à de nouvelles souffrances aussi bien chez les familles, que chez les enfants. Elles peuvent se traduire parfois par des agressions formulées à lencontre de linstitution de la part des familles1.
On voit donc arriver à lécole des enfants qui ont des histoires très atypiques. Et cest là, que, de ma place institutionnelle, je peux prendre en compte la particularité de chacun.
Quels moyens ou outils sont à votre disposition pour répondre à ces difficultés ou à ces histoires singulières ?
Jinterviens avec des groupes de deux ou trois enfants, trois quarts dheure par jour. Mon travail consiste à faire émerger chez eux un niveau de langue orale suffisant et, ensuite, à les familiariser avec les richesses de la bibliothèque de jeunesse qui est, actuellement, un trésor inépuisable. A chaque séance, je cherche à les familiariser avec tout ce qui a été écrit pour les enfants. Comme lécrit Kundera dans Lart du roman, le roman est un véritable « explorateur dexistence ». Il y a ainsi toutes sortes dhistoires qui correspondent à chaque enfant. Cest très important quils sachent que dans un livre que ladulte va leur lire, ils trouveront quelque chose qui résonne en eux. Moi je ne sais pas ce qui résonne pour eux dans tel ou tel album mais, de facto, cela se fait et cest fondamental. Ils savent quil y a une langue humaine écrite pour eux et qui va parler de quelque chose sur lequel ils nont pas encore mis de mots parce quils nont pas encore doutil langagier pour ça. Cest très différent à chaque fois et pour chaque enfant. Enfin, bien sûr, il y a lapprentissage de la lecture/écriture à proprement parler, très technique, qui est lapprentissage du code écrit. Il leur permettra plus tard, quand ils auront sept ou huit ans, de se rendre maîtres de cet outil.
Psychologiquement, les enfants sont en mesure de « se raconter leur propre roman », comme on dit, vers neuf ou dix ans. Mais, avant cela, on peut les aider à commencer à raconter de petites histoires, en quelques phrases, introduisant des héros, des obstacles, une fin etc. Ceci est aussi très original et très individuel. A chacun la sienne. Et ils en sont toujours très fiers.
Vu de lextérieur, on a limpression que cette institution dispose doutils et de moyens qui ne sont que peu ou pas repris sur le terrain. Et parallèlement, ne trouvez-vous pas quil est dommageable quil ny ait pas plus de personnes spécialisées dans le secteur psycho-pédagogique, quand lenjeu central est lépanouissement de lenfant et, en définitive, son avenir ?
Jattendrai dêtre à la retraite pour faire une critique de la hiérarchie de lEducation nationale. Mais, pour lheure, il est clair quil y a des hiatus très importants, au point que, sur le mal-être de cette société, la violence dans les collèges, limpossibilité de prendre la parole correctement, voire de maîtriser la langue écrite, etc. que nous voyons, nous, enseignants spécialisés, monter depuis une quinzaine dannées, sur toutes ces questions, il se trouve que cette hiérarchie ne donne jamais la parole aux enseignants spécialisés, à la base. Et dans le même temps, cette hiérarchie parle une langue qui ne correspond guère à la réalité de notre travail sur le terrain Les médecins scolaires, lorsque lon sen ouvre à eux et ils sont tout aussi alertés de létat de la population enfantine peuvent plus facilement témoigner auprès de leur hiérarchie que nous.
Du point de vue de lorganisation matérielle, il faudrait que le nombre denfants en classe, depuis lentrée en maternelle et jusquau CE1, soit vraiment inférieur. Cest vingt enfants et non pas trente cinq quil serait souhaitable daccueillir par classe à lécole maternelle pour que chacun arrive à un niveau de parole satisfaisant. Comment voulez-vous quun enseignant puisse amener à lexpression orale un groupe de trente enfants de trois ans sans outil langagier et dorigines culturelles multiples ?
Une assistante sociale à lhôpital psychiatrique me disait que lhôpital accueillait de plus en plus dadolescents analphabètes, « incapables de lire un panneau », dit-elle. Comment expliquez-vous quun enfant qui passe par votre classe acquière le goût pour la lecture et lécriture et que de lautre, en grossissant le trait, lécole crée de lexclusion en échouant dans sa fonction première ?
Je crois que cela dépend de lorganisation du travail du Réseau dAide Spécialisé aux Elèves en Difficulté, dont je suis membre. Pour ma part, je me suis inspirée, en particulier, des travaux de René Diatkine qui sadressait aussi à des enfants allant en hôpital de jour, donc pathologiques et plus généralement de ses écrits sur les conditions favorisant lapprentissage de la langue écrite pour les enfants des milieux défavorisés, sur la capacité de se raconter des histoires dans sa tête pour pouvoir, ensuite, faire des hypothèses sur les compréhensions du récit, etc.
Mais je ne peux pas vraiment expliquer pourquoi ailleurs cela fonctionne moins bien. Je vérifie toujours mes résultats avec les Evaluations Nationales données par le Ministère à lentrée du CE2 et tous mes élèves se trouvent dans la moyenne. Cest donc un processus daide efficace. Il faudrait peut être aller voir aussi du côté de la formation des personnels spécialisés dans les IUFM. Je ne pense pas du tout que cela soit infaisable. Mais il y a aussi, bien plus rarement, des enfants qui refusent la trace écrite parce quils ont des pathologies. Ceux-là ont besoin de soins plus spécifiques.
Au vu de votre expérience et au regard de notre société, que veut dire pour vous lexpression donner à un enfant le goût dapprendre ?
Donner le goût dapprendre à un enfant, cest dabord lui faire savoir quil fait partie de lhumanité, que le propre de lhumanité, cest davoir un langage et un langage écrit, et que lui aussi y a sa place, à son rythme et à sa façon. Donner le goût dapprendre, cest éveiller lenfant à la curiosité pour le monde extérieur, son fonctionnement, la façon dont il va pouvoir y être peu à peu actif.
Dans lhistoire de lhumanité, chaque être humain a assimilé des situations de douleur, de souffrance, de violence. Et les petits enfants que je vois sont capables de ce ressort-là, de la même façon que les enfants handicapés assimilent des situations de souffrance physique extrême, dangoisse de mort et que la plupart dentre eux sont dynamiques par rapport à ça.
Dans ce que vous dites, lenfant a un potentiel important. Il a le potentiel de grandir et de sadapter, mais on a limpression que cest ladulte qui nest pas à la hauteur de ces enfants, ne leur donnant pas les moyens de sépanouir de façon harmonieuse
Cest vrai que souvent, les questions que je pose ou les observations que je fais permettent à des enseignants, qui voient leur « vingt-cinq Cours Préparatoire » comme une entité, daffiner, petit à petit, leur vision de chacun. Sachant quune classe, bien sûr, ne se résume pas à tous les enfants pris individuellement.
Jinsiste beaucoup sur la question de la formation des maîtres et sur les nécessaires meilleures conditions de travail, tout particulièrement la question des effectifs.
Il y a aussi des parents qui ont un mauvais vécu scolaire et qui ont peur de lécole. Et ceux, nombreux, qui confondent apprentissage et rentabilité, ce qui est vraiment navrant. Les élèves dociles et scolaires ne feront sans doute pas des adultes créatifs.
On a limpression que lécole sadapte à ce désir de rentabilité et laisse tomber le développement de la créativité de lenfant.
Je ne pense pas quon soit sorti du système où, dès lécole maternelle, le maître parle et les élèves écoutent. Et le maître peut parler six heures par jour ! A quoi pensent les enfants pendant ce temps-là ? Où sévadent-ils ? On peut dire parfois que lécole primaire distille lennui ! Chaque enseignant est « enfermé » avec vingt-cinq enfants dont certains sont, parfois, très difficiles. Et ils perdent peu à peu le contact avec le monde extérieur. Quand on apprend aux enfants à sortir de lécole et à questionner le monde des activités humaines, on découvre que tous les enfants sont capables dobserver, tous mais à leur façon !
Cherchez-vous à nous dire que toutes ces grilles dévaluation, ces programmes nous éloignent du projet de lécole de la République, cest-à-dire daccompagner des enfants à devenir des adultes assez autonomes pour à leur tour devenir des citoyens capables denrichir notre société ?
Je pense en effet que cette habitude scolaire des fameux exercices dapplication qui sont le sel des cours élémentaires et moyens sont discriminatoires pour ceux qui ne sont pas les héritiers de la culture. Alors que sortir de lécole et observer, sur le terrain, le monde qui les entoure est une démarche active, éminemment enrichissante et égalitaire pour tous les enfants. Socialisante pour le groupe, lui permettant avec laide de lenseignant denrichir son vocabulaire, ses méthodologies dobservations et son/ses niveaux conceptuels et ainsi de suite.
* Enseignante spécialisée.
(1) Exemple, cette lettre reçue, il y a quelques jours, dans lune des écoles où jinterviens : « Madame, je vous fait se mots pour vous dire que Karine et Kentin ne sont pas venue a lecole car sa me regarde ses mon probleme et si les petit me dise a midi que vous les savez engeuler je ne les mes a lecole demain. Merci davance. La semaine prochene il ne vons plus aller a lecole car je ne vais plus a voire de lumiere. »
(1) Exemple, cette lettre reçue, il y a quelques jours, dans lune des écoles où jinterviens : « Madame, je vous fait se mots pour vous dire que Karine et Kentin ne sont pas venue a lecole car sa me regarde ses mon probleme et si les petit me dise a midi que vous les savez engeuler je ne les mes a lecole demain. Merci davance. La semaine prochene il ne vons plus aller a lecole car je ne vais plus a voire de lumiere. »
Thomas Lacoste