Sortie du DVD de Notre Monde
Notre Monde Notre Monde (2013, 119') un film de Thomas LacosteRassemblant plus de 35 intervenants, philosophes, sociologues, économistes, magistrats, médecins, universitaires et écrivains, Notre Monde propose un espace dexpression pour travailler, comme nous y enjoint JeanLuc Nancy à « une pensée commune ». Plus encore quun libre espace de parole, Notre Monde sappuie sur un ensemble foisonnant de propositions concrètes pour agir comme un rappel essentiel, individuel et collectif : « faites de la politique » et de préférence autrement.
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© Passant n°33 [février 2001 - mars 2001]
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La guerre du climat aura lieu
Les Etats-Unis ont déclaré la guerre au monde. Le Canada, le Japon et lAustralie ont passé alliance avec eux pour la faire. LEurope a crié quelle voulait la paix, mais simplement parce que dautres avaient déclaré la guerre pour elle. Comme elle avait laissé sinstaller les conditions de la guerre, elle na rien pu faire pour
lempêcher et elle sest contentée de
sacheter une bonne conscience à peu de frais. La déclaration de guerre eut lieu à La Haye du 13 au 25 novembre 2000. Ce fut le Munich de la fin du siècle.
La Haye 2000, cest Munich 1936
Les activités humaines, et principalement lutilisation des combustibles fossiles tels que le pétrole, le gaz et le charbon, provoquent des émissions de gaz à effet de serre qui sont en train de réchauffer la terre à une vitesse que la planète navait pas connue depuis des millions dannées. Les scientifiques du Groupe international pour létude du climat estiment quà la fin du XXIe siècle la température se sera élevée de 1,5° à 6°, provoquant un recul des zones tempérées, une élévation du niveau des océans dau moins 50 centimètres au cours de ce siècle et dun mètre au suivant.
Devant ce danger, lONU a ouvert en 1992 à Rio de Janeiro une négociation internationale pour que les pays membres adoptent des résolutions et mettent en uvre des mesures pour lutter con-tre la pollution et le renforcement de leffet de serre. Lors de la Con-férence de Kyoto en 1997, 38 pays industrialisés sétaient engagés à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre en moyenne de 5,2 % en 2012 par rapport à la situation de 1990. Parmi eux, lUnion européenne devait les réduire de 8 %, les Etats-Unis de 7 %, le Canada et le Japon de 6 %. Or, ces objectifs sont déjà compromis puisque les Etats-Unis avaient dépassé en 1998 de 11% leur niveau de 1990, le Japon de 7 %, tandis que lEurope parvenait tout juste à le stabiliser ; quant à la France dont on nous avait dit quelle avait un comportement modèle grâce à son parc de centrales nucléaires, elle a accru ses émissions de 4 à 8,4 % selon les modes de calcul.
La situation se dégrade et pourtant la Conférence de La Haye a lamentablement échoué à enfanter dun accord. Parce que les Etats-Unis avaient décidé explicitement quelle échouerait et que lEurope avait décidé implicitement quelle ne réussirait pas.
Bush, le fusil à deux coups
A Rio, en 1992, le Président des Etats-Unis, George Bush, le père de son clone de fils, avait déclaré : « Notre niveau de vie nest pas négociable ». Parole tenue. Un Américain moyen envoie dans latmosphère 20 tonnes de CO2 par an, un Australien 17, un Canadien 16, un Japonais 9, un Français 6 et un Indien 0,9. Rien ne doit changer : George Bush, le fils cloné de son père, est opposé à lapplication de laccord de Kyoto. Plutôt le dérèglement climatique planétaire quune révision, même minime, du mode de vie gaspilleur et dévastateur.
Pour échapper aux contraintes qui naîtraient dun accord international, les Etats-Unis ont tenté dimposer la prise en compte des forêts dans le calcul du bilan des émissions et des absorptions de CO2 alors que les scientifiques ne savent pas évaluer si les forêts absorbent davantage de CO2 quelles nen rejettent. A linconscience sajoute larrogance de la première puissance impérialiste qui rejette la responsabilité de la pollution dans le monde sur le méthane émis par les rizières des pays pauvres.
LEurope a été incapable de faire progresser la discussion internationale parce quelle sétait elle-même ligoté les mains auparavant. Depuis déjà plusieurs mois, elle avait accepté, la France comprise, lidée que lon pouvait confier au marché le soin de réguler écologiquement la planète en créant une bourse de droits de polluer. Ainsi, les entreprises et les pays riches et gros pollueurs pourraient racheter aux entreprises et pays moins pollueurs ou moins riches ces permis. Voilà une source dinjustice supplémentaire dans le monde, dautant plus si lattribution initiale des permis se faisait sur la base des émissions actuelles, comme lexigent les Etats-Unis, plutôt que sur celle de la population, comme le demandent les pays pauvres. (Voir la critique du marché des droits de polluer dans la chronique La bourse ou la vie du Passant n° 28). En outre, ce système ne pourrait fonctionner sans que des normes internationales définissent le seuil de pollution acceptable et par conséquent le quota démissions autorisées, et sans que des contrôles soient effectués et des sanctions prononcées, dont les Etats-Unis ne veulent pas.
En revanche ils réclament le droit pour les pays riches de sabstenir de prendre des mesures de prévention de la pollution chez eux à condition daider les pays pauvres à financer des projets de développement propre. Payer (un peu) chez les autres au lieu de changer radicalement les modes de transport chez eux. Faire laumône aux pauvres de quelques miettes au lieu dannuler leur dette énorme accumulée à cause des plans daustérité et des taux dintérêt usuriers qui leur furent imposés au cours des deux dernières décennies.
Profession : pollueur, dépollueur, spéculateur sur la (dé)pollution
Une fois accepté le menu principal de La Haye, de quelle marge de manu-vre disposait lEurope lorsque les Etats-Unis proposaient de discuter de la couleur du plat ? Daucune. La Conférence de La Haye a donné loccasion aux capitalistes planétaires, par la voix de leurs fondés de pouvoir, de poser un jalon de plus dans la construction dun monde réduit à létat de marchandise. Bilan de ce sommet dhypocrisie : ou bien aucun accord international nest trouvé et tous les pollueurs qui senrichissent en polluant continuent de plus belle ; ou bien un accord est trouvé qui permet aux capitalistes de se transformer en capitalistes pollueurs la nuit et capitalistes dépollueurs le jour et, au crépuscule, dans la pénombre, en capitalistes spéculateurs sur les droits de polluer.
La guerre du climat qui vient dêtre déclarée sera sans merci : à la vie, à la mort, cest-à-dire, comme toujours, pour la vie ou pour la bourse. Et, cette fois, ça va chauffer
A suivre
lempêcher et elle sest contentée de
sacheter une bonne conscience à peu de frais. La déclaration de guerre eut lieu à La Haye du 13 au 25 novembre 2000. Ce fut le Munich de la fin du siècle.
La Haye 2000, cest Munich 1936
Les activités humaines, et principalement lutilisation des combustibles fossiles tels que le pétrole, le gaz et le charbon, provoquent des émissions de gaz à effet de serre qui sont en train de réchauffer la terre à une vitesse que la planète navait pas connue depuis des millions dannées. Les scientifiques du Groupe international pour létude du climat estiment quà la fin du XXIe siècle la température se sera élevée de 1,5° à 6°, provoquant un recul des zones tempérées, une élévation du niveau des océans dau moins 50 centimètres au cours de ce siècle et dun mètre au suivant.
Devant ce danger, lONU a ouvert en 1992 à Rio de Janeiro une négociation internationale pour que les pays membres adoptent des résolutions et mettent en uvre des mesures pour lutter con-tre la pollution et le renforcement de leffet de serre. Lors de la Con-férence de Kyoto en 1997, 38 pays industrialisés sétaient engagés à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre en moyenne de 5,2 % en 2012 par rapport à la situation de 1990. Parmi eux, lUnion européenne devait les réduire de 8 %, les Etats-Unis de 7 %, le Canada et le Japon de 6 %. Or, ces objectifs sont déjà compromis puisque les Etats-Unis avaient dépassé en 1998 de 11% leur niveau de 1990, le Japon de 7 %, tandis que lEurope parvenait tout juste à le stabiliser ; quant à la France dont on nous avait dit quelle avait un comportement modèle grâce à son parc de centrales nucléaires, elle a accru ses émissions de 4 à 8,4 % selon les modes de calcul.
La situation se dégrade et pourtant la Conférence de La Haye a lamentablement échoué à enfanter dun accord. Parce que les Etats-Unis avaient décidé explicitement quelle échouerait et que lEurope avait décidé implicitement quelle ne réussirait pas.
Bush, le fusil à deux coups
A Rio, en 1992, le Président des Etats-Unis, George Bush, le père de son clone de fils, avait déclaré : « Notre niveau de vie nest pas négociable ». Parole tenue. Un Américain moyen envoie dans latmosphère 20 tonnes de CO2 par an, un Australien 17, un Canadien 16, un Japonais 9, un Français 6 et un Indien 0,9. Rien ne doit changer : George Bush, le fils cloné de son père, est opposé à lapplication de laccord de Kyoto. Plutôt le dérèglement climatique planétaire quune révision, même minime, du mode de vie gaspilleur et dévastateur.
Pour échapper aux contraintes qui naîtraient dun accord international, les Etats-Unis ont tenté dimposer la prise en compte des forêts dans le calcul du bilan des émissions et des absorptions de CO2 alors que les scientifiques ne savent pas évaluer si les forêts absorbent davantage de CO2 quelles nen rejettent. A linconscience sajoute larrogance de la première puissance impérialiste qui rejette la responsabilité de la pollution dans le monde sur le méthane émis par les rizières des pays pauvres.
LEurope a été incapable de faire progresser la discussion internationale parce quelle sétait elle-même ligoté les mains auparavant. Depuis déjà plusieurs mois, elle avait accepté, la France comprise, lidée que lon pouvait confier au marché le soin de réguler écologiquement la planète en créant une bourse de droits de polluer. Ainsi, les entreprises et les pays riches et gros pollueurs pourraient racheter aux entreprises et pays moins pollueurs ou moins riches ces permis. Voilà une source dinjustice supplémentaire dans le monde, dautant plus si lattribution initiale des permis se faisait sur la base des émissions actuelles, comme lexigent les Etats-Unis, plutôt que sur celle de la population, comme le demandent les pays pauvres. (Voir la critique du marché des droits de polluer dans la chronique La bourse ou la vie du Passant n° 28). En outre, ce système ne pourrait fonctionner sans que des normes internationales définissent le seuil de pollution acceptable et par conséquent le quota démissions autorisées, et sans que des contrôles soient effectués et des sanctions prononcées, dont les Etats-Unis ne veulent pas.
En revanche ils réclament le droit pour les pays riches de sabstenir de prendre des mesures de prévention de la pollution chez eux à condition daider les pays pauvres à financer des projets de développement propre. Payer (un peu) chez les autres au lieu de changer radicalement les modes de transport chez eux. Faire laumône aux pauvres de quelques miettes au lieu dannuler leur dette énorme accumulée à cause des plans daustérité et des taux dintérêt usuriers qui leur furent imposés au cours des deux dernières décennies.
Profession : pollueur, dépollueur, spéculateur sur la (dé)pollution
Une fois accepté le menu principal de La Haye, de quelle marge de manu-vre disposait lEurope lorsque les Etats-Unis proposaient de discuter de la couleur du plat ? Daucune. La Conférence de La Haye a donné loccasion aux capitalistes planétaires, par la voix de leurs fondés de pouvoir, de poser un jalon de plus dans la construction dun monde réduit à létat de marchandise. Bilan de ce sommet dhypocrisie : ou bien aucun accord international nest trouvé et tous les pollueurs qui senrichissent en polluant continuent de plus belle ; ou bien un accord est trouvé qui permet aux capitalistes de se transformer en capitalistes pollueurs la nuit et capitalistes dépollueurs le jour et, au crépuscule, dans la pénombre, en capitalistes spéculateurs sur les droits de polluer.
La guerre du climat qui vient dêtre déclarée sera sans merci : à la vie, à la mort, cest-à-dire, comme toujours, pour la vie ou pour la bourse. Et, cette fois, ça va chauffer
A suivre