Sortie du DVD de Notre Monde
Notre Monde Notre Monde (2013, 119') un film de Thomas LacosteRassemblant plus de 35 intervenants, philosophes, sociologues, économistes, magistrats, médecins, universitaires et écrivains, Notre Monde propose un espace dexpression pour travailler, comme nous y enjoint JeanLuc Nancy à « une pensée commune ». Plus encore quun libre espace de parole, Notre Monde sappuie sur un ensemble foisonnant de propositions concrètes pour agir comme un rappel essentiel, individuel et collectif : « faites de la politique » et de préférence autrement.
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© Passant n°32 [décembre 2000 - janvier 2001]
© Passant n°32 [décembre 2000 - janvier 2001]
par Emmanuel Renault
Imprimer l'articleLhiver à contre-jour
Va bien falloir que lhiver fasse sa rentrée, quil smette à souffler un regain dfroid dans les côtes de la misère, quà nouveau les trottoirs se mettent à hurler des poésies noires. Lannée dernière, alors que jrêvassais dans les rues en hiver, jai heurté quelque chose qui tout droit conduisait à une bouche dhomme. Doù sortit la plainte, de ces souhaits à lenvers, de ces sanglots-mots : « Voici, jai arraché le manteau de chair saignante / et de colère je marche nu / - non, pas encore ! mais je me vois lointain / et jai pour me guider et remplacer mon cur, / très loin, ces mains, ces mains daveugle, / laveugle morte plus voyante que vos yeux de bêtes, / vous opaques vivants lourds, très loin laveugle »1. Lannée dernière aussi, jai vu tout ce peuple invisible se débattre dans le néant et arracher des masques, tenter de se faire une place, un repas, un toit, et venir dire pour Noël : « Il meurt, mon peuple, il se retourne dans sa peau, / il souffle vers le ciel ses bronches, / et ses orteils lancrent au sol. / Ses pieds sont les racines et ses bronches les branches / dune forêt de famine, des midi. »2. Oh, les beaux discours quils ont eus en récompense ! Droit de propriété patati, grands équilibres patata, générosité publique lalalère. Pour Noël, jvous parie une chopine quune méchante misère fera son apparition annuelle, histoire de gâcher notre bonheur. Comme disait Vermersch, lun des poètes du Père Duchêne sous la commune, faut des mesures radicales pour digérer tranquille : « Pour être heureux, purgeons la terre / De ces coquins, de ces brigands ! / Vit-on jamais peuple semblable ? / ça pleure, hurle et fait le diable, / Parce quil crève un peu de faim ? »3. Et des guirlandes, et des guirlandes, et des guirlandes
Canailles, coquins, brigands, crevez leur lapparence ! Déchirez leur lécran ! Bouchez leur donc le flon-flon !
Canailles, coquins, brigands, crevez leur lapparence ! Déchirez leur lécran ! Bouchez leur donc le flon-flon !
Du même auteur à paraître aux éditions du Passant Mépris social, éthique et politique de la reconnaissance.
(1) R. Daumal, « Le grand jour des morts », in Le contre-ciel, Poésies / Gallimard, 1970, p. 60.
(2) « Le serment de fidélité », ibid., p. 76.
(3) E. Vermersch, « Les incendiaires », in M. Choury, Poètes de la commune, Seghers, 1970, p. 264.
(1) R. Daumal, « Le grand jour des morts », in Le contre-ciel, Poésies / Gallimard, 1970, p. 60.
(2) « Le serment de fidélité », ibid., p. 76.
(3) E. Vermersch, « Les incendiaires », in M. Choury, Poètes de la commune, Seghers, 1970, p. 264.