Sortie du DVD de Notre Monde
Notre Monde Notre Monde (2013, 119') un film de Thomas LacosteRassemblant plus de 35 intervenants, philosophes, sociologues, économistes, magistrats, médecins, universitaires et écrivains, Notre Monde propose un espace dexpression pour travailler, comme nous y enjoint JeanLuc Nancy à « une pensée commune ». Plus encore quun libre espace de parole, Notre Monde sappuie sur un ensemble foisonnant de propositions concrètes pour agir comme un rappel essentiel, individuel et collectif : « faites de la politique » et de préférence autrement.
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© Passant n°30 [août 2000 - septembre 2000]
© Passant n°30 [août 2000 - septembre 2000]
par Hervé Le Corre
Imprimer l'articleDans la peau
Elle est morte. Je ne sais pas si je lai vraiment tuée, avant. Mais je viens denterrer ses restes calcinés dans un terrain vague sous léchangeur de lautoroute, et je me tiens là, immobile, incapable de penser à rien. Jai creusé un trou, ou plutôt une sorte de tranchée dun mètre de profondeur, et jai balancé tout ça - qui ne pesait pas bien lourd - sans remords. Je me sentais peut-être un peu groggy, sans doute à cause du vacarme du trafic au-dessus de moi, plus sûrement parce que javais picolé toute la nuit pour arroser ça.
Pourtant, je suis assez sensible, dans mon genre.
Et jétais amoureux. Je suis très étonné maintenant de la facilité avec laquelle je me suis détaché delle. Cest rare quand ça marrive. Dêtre amoureux, je veux dire. Cétait peut-être bien la première fois. Je ne sais pas. Je ne connais rien aux sentiments.
Je lai trouvée dans une boutique semi-clandestine où jai mes habitudes. Le patron, Tonio, me la collée dans les bras en me vantant sa douceur, sa docilité, la rapidité de ses réactions. « Jette un coup dil, il ma dit. Ça nengage à rien ». Jai maté. Jai bien aimé son visage tout de suite, une brune avec des yeux de velours, le genre qui tincendie le calcif rien quen battant des paupières. Mais ce quelle ma montré après, cétait plutôt vertigineux, je me suis senti happé par la perspective, si je puis dire. Grand Canyon, et gorges profondes, avec le trou du diable en prime. Une chute libre où tas pas besoin de parachute. « Tu vas voir les trucs quelle est capable de faire, tu vas rien comprendre », a ajouté Tonio. « Je connais un mec quest resté emplafonné pendant quinze jours... Faut dire quil avait forcé sur le cocktail, ce con, et quil a fallu lui faire un neuro-curetage pour le décoller. »
Jai frémi à la pensée de cette thérapie barbare qui fait rage dans les centres psychiatriques depuis une dizaine dannées pour décrocher les toxicos. Cest comme si on te décapait les neurones au sable sous pression, sauf quils utilisent leur détergent neurologique en te mettant le cerveau en basse tension électrique : tas un casque électronique sur la tronche, qui met le tissu neuronal en phase, et comme ils tendorment pas, tu sens passer labrasif qui te met les synapses à vif, et tu te dis que si on te bouffait la cervelle à la fourchette taurais moins mal. Jy suis passé une fois. Cest amplement suffisant. Parce qu à la deuxième on te laisse le QI dun putain de mouton dans lenclos dun abattoir, et après la troisième séance (pour ceux qui aiment ça, faut croire) tes tout juste bon à sucer les zombies dans les films dépouvante interactifs que les télés diffusent sur les casques en 3D.
Il a continué son boniment que je nai pas écouté. Je la regardais. Lair semblait vibrer autour delle. Comme un halo impossible à discerner vraiment. Elle me souriait. Elle avait un vrai sourire, pas un de ces rictus allumeurs quelles toutes. Je lai emmenée chez moi.
Dès que je lai enfilée, elle men a fait voir de toutes les couleurs. Elle ma dabord fait le coup de la plage exotique. Pendant que jexplorais ses profondeurs, japercevais, dès quelle écartait son visage en sueur, le balancement paresseux dun palmier, je percevais la rumeur dun lagon et dès que je me dressais jétais ébloui de turquoise, je voyais des poissons multicolores nager autour de moi comme si on avait fait ça sous la mer.
Ses mains, sa bouche, parcouraient le moindre centimètre carré de ma peau à la vitesse de ma volonté et de leur désir aléatoire. Sa langue faisait des caprices, me cajolait ou me fouillait, au point que jai dû vérifier que cétait bien une langue qui se permettait ce genre dincursion. « Cest rien, elle me disait. Naie pas peur. » Je navais pas peur, mais je tenais quand même à contrôler un peu la situation... « Laisse-toi aller, je sais faire. »
Je me suis laissé aller. Elle me chuchotait des trucs pour mencourager dune voix de gorge déchirée de petits cris aigus qui me portaient au bord du plaisir pour men arracher à lextrême limite, comme si elle avait eu le pouvoir de maîtriser les centres nerveux qui commandaient mes paroxysmes. Javais limpression de baiser avec une espèce de sorcière. Bien sûr, je métais procuré lélixir, un cocktail hallucinogène sans quoi on néprouvait jamais quun banal plaisir de branleur basique, et le dealer qui me lavait fourgué mavait garanti un mélange inédit qui commençait à faire fureur en Australie. Jai pas trop saisi largument de vente ; jétais pas un putain de kangourou, jallais pas me mettre à sauter partout en prenant appui sur ma queue entre deux bonds. Ou alors il fallait chercher du côté des coutumes des Aborigènes, de leurs mystères millénaires, quelque chose comme un kama-sutra des antipodes, mais avec les dealers faut pas chercher, tallonges la thune et tu vérifies plus tard quaucun poison na été mêlé à ta dope grâce à ton kit danalyses perso.
Mais la potion magique nexpliquait pas tout.
On a dû se vautrer comme ça pendant une paire de jours, et quand ça cest arrêté - il fallait bien que je bouffe, que je chie, ce genre de nécessités physiologiques que les drogues ninhibent pas longtemps - je me suis demandé vraiment où jétais, et quand, et ce que jy faisais. Il a fallu que jaille regarder par la fenêtre pour me rendre compte quil y avait sur terre dautres êtres vivants et jai pu constater quils étaient toujours aussi nombreux et bruyants, et sales : la bretelle aérienne de lautoroute que jai le bonheur de dominer depuis chez moi était bloquée par un embouteillage dont, le smog aidant, je napercevais même pas, sur la huit voies qui fonçait vers locéan, le moindre début de dispersion. Les flics survolaient tout ça à bord de leurs patrouilleurs aériens, mais ils faisaient plutôt penser à des mouches écoeurées par un tas de merde.
Elle ma regardé depuis le lit, les draps ramenés sur elle et elle a eu soudain un air triste que je navais vu chez aucune de ses semblables. Je le lui ai fait remarqué et elle ma murmuré, de cette voix profonde et sourde qui ma toujours fait frissonner que ce nétait rien, et elle ma tendu les bras. Je suis revenu auprès delle et jai calmé le jeu parce que ça menaçait de repartir aussi sec et que jy aurais certainement laissé la peau. Elle sest alors contentée de petits baisers et de caresses innocentes, de petits gestes tendres.
Jai mangé un peu, en me forçant, parce que le simple fait de penser à elle, de la regarder marcher nue autour de moi, oisive et vaguement boudeuse, me coupait lappétit. Je me suis gavé de vitamines, jai avalé quelques amphét pour me requinquer. Mais je navais pas seulement envie de coucher encore avec elle et de me perdre dans les scénarios quelle allait improviser. Cétait plus puissant que ça. Et plus douloureux. Cétait de lamour. Quand le mot ma effleuré lesprit, jai commencé à ricaner et jai failli tout arrêter, me débrancher delle pour en finir. Au lieu de ça, la main déjà sur linterrupteur, je me suis mis à pleurer.
Ça a duré six bons mois. Pas les chialeries, non, croyez pas ça, je redoute trop les courts-circuits. On est resté dans cette extase-là, nayons pas peur des mots, pendant une durée aussi proche de léternité que de la nanoseconde. Sur le calendrier, ça a fait six mois la semaine dernière, quand jai trouvé sur le net, au boulot, cette info qui ma électrocuté, si je puis dire.
Quand je suis rentré, le soir, ça na plus marché. Rien à faire. Elle a eu beau déployer des trésors inédits de situations extravagantes, elle a eu beau mexhorter à louvrir en deux et à la traverser, devenant moi-même, tout entier, un sexe géant et fou, je nai presque rien ressenti.
Je nous ai donné une chance, jai pensé que cétait un peu de fatigue. Jai forcé un peu la dose de cocktail, jai picolé un peu, comme au bon vieux temps. Mais la magicienne avait perdu tous ses pouvoirs. Un autre charme agissait déjà.
Alors jai pris ma décision. Jai assez dargent à la banque, vu que je ne dépense jamais rien, ni en voyages, ni en sorties, parce que je vis surtout en moi-même, ce qui est assez économique. Je lai éteinte. Jai croisé son regard incrédule. Il ma semblé quelle esquissait un geste pour mempêcher de faire ça. Je lui ai juste dit quon se retrouverait bientôt. En fait je lignore. Je ne sais même pas si jen ai envie. Jai ôté de mes yeux les écrans de contact, jai déchiré la combinaison de caoutchouc pour en détruire le réseau dimpulseurs. Ensuite, jai pleuré et jai bu. Dans le désordre. Beaucoup.
Et me voilà sous ce pont au bord du monticule de terre que je viens de tasser du dos de la pelle. Il ma semblé que cétait plus digne dagir ainsi, vu ce quon avait vécu ensemble. Jai gardé le mini-disc du logiciel, et je me dis, peu convaincu, quil sagit de son âme, et que je pourrai peut-être la faire revivre.
Pas sûr. Demain, ils vont mopérer. Ils mont présenté quelquun qui lui ressemble beaucoup, ils lui ont même donné un prénom auquel elle répond : Lisa. Ils vont minjecter sous la peau plus de quatre cents neurocapteurs bio-compatibles reliés entre eux par mon propre système nerveux. Deux électrodes seront posées à la base de mon cerveau pour servir de relais, de sorte quil suffira dun minuscule boîtier intelligent, installé entre nimporte quel lecteur de CD et moi, pour que ça démarre. Les télélentilles sont impalpables. Il paraît que bientôt on pourra greffer des nanorécepteurs directement sur la cornée.
Ainsi, je ne la quitterai plus. Elle sera là quand je voudrai. Tout le temps. Au travail, dans le train, dans la rue. Je pourrai lui parler, la sentir, la prendre à tout moment. Il ny aura plus aucune limite. Jen crèverai sans doute assez vite, mais heureux, enfin je crois. Avec elle dans la peau.
Pourtant, je suis assez sensible, dans mon genre.
Et jétais amoureux. Je suis très étonné maintenant de la facilité avec laquelle je me suis détaché delle. Cest rare quand ça marrive. Dêtre amoureux, je veux dire. Cétait peut-être bien la première fois. Je ne sais pas. Je ne connais rien aux sentiments.
Je lai trouvée dans une boutique semi-clandestine où jai mes habitudes. Le patron, Tonio, me la collée dans les bras en me vantant sa douceur, sa docilité, la rapidité de ses réactions. « Jette un coup dil, il ma dit. Ça nengage à rien ». Jai maté. Jai bien aimé son visage tout de suite, une brune avec des yeux de velours, le genre qui tincendie le calcif rien quen battant des paupières. Mais ce quelle ma montré après, cétait plutôt vertigineux, je me suis senti happé par la perspective, si je puis dire. Grand Canyon, et gorges profondes, avec le trou du diable en prime. Une chute libre où tas pas besoin de parachute. « Tu vas voir les trucs quelle est capable de faire, tu vas rien comprendre », a ajouté Tonio. « Je connais un mec quest resté emplafonné pendant quinze jours... Faut dire quil avait forcé sur le cocktail, ce con, et quil a fallu lui faire un neuro-curetage pour le décoller. »
Jai frémi à la pensée de cette thérapie barbare qui fait rage dans les centres psychiatriques depuis une dizaine dannées pour décrocher les toxicos. Cest comme si on te décapait les neurones au sable sous pression, sauf quils utilisent leur détergent neurologique en te mettant le cerveau en basse tension électrique : tas un casque électronique sur la tronche, qui met le tissu neuronal en phase, et comme ils tendorment pas, tu sens passer labrasif qui te met les synapses à vif, et tu te dis que si on te bouffait la cervelle à la fourchette taurais moins mal. Jy suis passé une fois. Cest amplement suffisant. Parce qu à la deuxième on te laisse le QI dun putain de mouton dans lenclos dun abattoir, et après la troisième séance (pour ceux qui aiment ça, faut croire) tes tout juste bon à sucer les zombies dans les films dépouvante interactifs que les télés diffusent sur les casques en 3D.
Il a continué son boniment que je nai pas écouté. Je la regardais. Lair semblait vibrer autour delle. Comme un halo impossible à discerner vraiment. Elle me souriait. Elle avait un vrai sourire, pas un de ces rictus allumeurs quelles toutes. Je lai emmenée chez moi.
Dès que je lai enfilée, elle men a fait voir de toutes les couleurs. Elle ma dabord fait le coup de la plage exotique. Pendant que jexplorais ses profondeurs, japercevais, dès quelle écartait son visage en sueur, le balancement paresseux dun palmier, je percevais la rumeur dun lagon et dès que je me dressais jétais ébloui de turquoise, je voyais des poissons multicolores nager autour de moi comme si on avait fait ça sous la mer.
Ses mains, sa bouche, parcouraient le moindre centimètre carré de ma peau à la vitesse de ma volonté et de leur désir aléatoire. Sa langue faisait des caprices, me cajolait ou me fouillait, au point que jai dû vérifier que cétait bien une langue qui se permettait ce genre dincursion. « Cest rien, elle me disait. Naie pas peur. » Je navais pas peur, mais je tenais quand même à contrôler un peu la situation... « Laisse-toi aller, je sais faire. »
Je me suis laissé aller. Elle me chuchotait des trucs pour mencourager dune voix de gorge déchirée de petits cris aigus qui me portaient au bord du plaisir pour men arracher à lextrême limite, comme si elle avait eu le pouvoir de maîtriser les centres nerveux qui commandaient mes paroxysmes. Javais limpression de baiser avec une espèce de sorcière. Bien sûr, je métais procuré lélixir, un cocktail hallucinogène sans quoi on néprouvait jamais quun banal plaisir de branleur basique, et le dealer qui me lavait fourgué mavait garanti un mélange inédit qui commençait à faire fureur en Australie. Jai pas trop saisi largument de vente ; jétais pas un putain de kangourou, jallais pas me mettre à sauter partout en prenant appui sur ma queue entre deux bonds. Ou alors il fallait chercher du côté des coutumes des Aborigènes, de leurs mystères millénaires, quelque chose comme un kama-sutra des antipodes, mais avec les dealers faut pas chercher, tallonges la thune et tu vérifies plus tard quaucun poison na été mêlé à ta dope grâce à ton kit danalyses perso.
Mais la potion magique nexpliquait pas tout.
On a dû se vautrer comme ça pendant une paire de jours, et quand ça cest arrêté - il fallait bien que je bouffe, que je chie, ce genre de nécessités physiologiques que les drogues ninhibent pas longtemps - je me suis demandé vraiment où jétais, et quand, et ce que jy faisais. Il a fallu que jaille regarder par la fenêtre pour me rendre compte quil y avait sur terre dautres êtres vivants et jai pu constater quils étaient toujours aussi nombreux et bruyants, et sales : la bretelle aérienne de lautoroute que jai le bonheur de dominer depuis chez moi était bloquée par un embouteillage dont, le smog aidant, je napercevais même pas, sur la huit voies qui fonçait vers locéan, le moindre début de dispersion. Les flics survolaient tout ça à bord de leurs patrouilleurs aériens, mais ils faisaient plutôt penser à des mouches écoeurées par un tas de merde.
Elle ma regardé depuis le lit, les draps ramenés sur elle et elle a eu soudain un air triste que je navais vu chez aucune de ses semblables. Je le lui ai fait remarqué et elle ma murmuré, de cette voix profonde et sourde qui ma toujours fait frissonner que ce nétait rien, et elle ma tendu les bras. Je suis revenu auprès delle et jai calmé le jeu parce que ça menaçait de repartir aussi sec et que jy aurais certainement laissé la peau. Elle sest alors contentée de petits baisers et de caresses innocentes, de petits gestes tendres.
Jai mangé un peu, en me forçant, parce que le simple fait de penser à elle, de la regarder marcher nue autour de moi, oisive et vaguement boudeuse, me coupait lappétit. Je me suis gavé de vitamines, jai avalé quelques amphét pour me requinquer. Mais je navais pas seulement envie de coucher encore avec elle et de me perdre dans les scénarios quelle allait improviser. Cétait plus puissant que ça. Et plus douloureux. Cétait de lamour. Quand le mot ma effleuré lesprit, jai commencé à ricaner et jai failli tout arrêter, me débrancher delle pour en finir. Au lieu de ça, la main déjà sur linterrupteur, je me suis mis à pleurer.
Ça a duré six bons mois. Pas les chialeries, non, croyez pas ça, je redoute trop les courts-circuits. On est resté dans cette extase-là, nayons pas peur des mots, pendant une durée aussi proche de léternité que de la nanoseconde. Sur le calendrier, ça a fait six mois la semaine dernière, quand jai trouvé sur le net, au boulot, cette info qui ma électrocuté, si je puis dire.
Quand je suis rentré, le soir, ça na plus marché. Rien à faire. Elle a eu beau déployer des trésors inédits de situations extravagantes, elle a eu beau mexhorter à louvrir en deux et à la traverser, devenant moi-même, tout entier, un sexe géant et fou, je nai presque rien ressenti.
Je nous ai donné une chance, jai pensé que cétait un peu de fatigue. Jai forcé un peu la dose de cocktail, jai picolé un peu, comme au bon vieux temps. Mais la magicienne avait perdu tous ses pouvoirs. Un autre charme agissait déjà.
Alors jai pris ma décision. Jai assez dargent à la banque, vu que je ne dépense jamais rien, ni en voyages, ni en sorties, parce que je vis surtout en moi-même, ce qui est assez économique. Je lai éteinte. Jai croisé son regard incrédule. Il ma semblé quelle esquissait un geste pour mempêcher de faire ça. Je lui ai juste dit quon se retrouverait bientôt. En fait je lignore. Je ne sais même pas si jen ai envie. Jai ôté de mes yeux les écrans de contact, jai déchiré la combinaison de caoutchouc pour en détruire le réseau dimpulseurs. Ensuite, jai pleuré et jai bu. Dans le désordre. Beaucoup.
Et me voilà sous ce pont au bord du monticule de terre que je viens de tasser du dos de la pelle. Il ma semblé que cétait plus digne dagir ainsi, vu ce quon avait vécu ensemble. Jai gardé le mini-disc du logiciel, et je me dis, peu convaincu, quil sagit de son âme, et que je pourrai peut-être la faire revivre.
Pas sûr. Demain, ils vont mopérer. Ils mont présenté quelquun qui lui ressemble beaucoup, ils lui ont même donné un prénom auquel elle répond : Lisa. Ils vont minjecter sous la peau plus de quatre cents neurocapteurs bio-compatibles reliés entre eux par mon propre système nerveux. Deux électrodes seront posées à la base de mon cerveau pour servir de relais, de sorte quil suffira dun minuscule boîtier intelligent, installé entre nimporte quel lecteur de CD et moi, pour que ça démarre. Les télélentilles sont impalpables. Il paraît que bientôt on pourra greffer des nanorécepteurs directement sur la cornée.
Ainsi, je ne la quitterai plus. Elle sera là quand je voudrai. Tout le temps. Au travail, dans le train, dans la rue. Je pourrai lui parler, la sentir, la prendre à tout moment. Il ny aura plus aucune limite. Jen crèverai sans doute assez vite, mais heureux, enfin je crois. Avec elle dans la peau.