Sortie du DVD de Notre Monde
Notre Monde Notre Monde (2013, 119') un film de Thomas LacosteRassemblant plus de 35 intervenants, philosophes, sociologues, économistes, magistrats, médecins, universitaires et écrivains, Notre Monde propose un espace dexpression pour travailler, comme nous y enjoint JeanLuc Nancy à « une pensée commune ». Plus encore quun libre espace de parole, Notre Monde sappuie sur un ensemble foisonnant de propositions concrètes pour agir comme un rappel essentiel, individuel et collectif : « faites de la politique » et de préférence autrement.
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© Passant n°30 [août 2000 - septembre 2000]
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Mexico, Mexico
Qui es-tu ?
Tu es bien joli.
Je suis un renard, dit le renard.
Viens jouer avec moi, je suis tellement triste
I am a fox, the fox said.
Come and play with me, I am so unhappy.
Vicente Fox a été élu président du Mexique le 2 juillet 2000. Il a fait ses classes à la Coca-Cola Company, une société fondée le 28 janvier 1892 par Asa G. Candler, citoyen dAtlanta en Géorgie.
Au moment de son élection, Vicente Fox portait un chapeau de cow-boy à la façon texane et une ceinture à grosse boucle sur laquelle brillaient les trois lettres FOX qui signifient renard en américain. Lécrivain Jorge G. Castañeda, un ancien du Parti communiste, ne cessait de sémerveiller de la victoire de son candidat, car cétait son candidat. « Ce nest pas un homme de gauche, mais il a un programme de centre gauche », proclamait lécrivain. Certains intellectuels trouvent que les vessies font des lanternes acceptables lorsque leur route cesse dêtre éclairée.
Pourtant, les hommes de la Coca-Cola Company nont pas toujours eu bonne presse au Mexique. Cela tient à lHistoire. En 1916, lannée de lapparition de la petite bouteille aux formes féminines, marque déposée, le général Pershing poursuivait, en vain, le révolutionnaire Pancho Villa dans les immensités désertiques. Les Etats-Unis naimaient guère ce qui se passait au sud du Río Grande et voyaient dans laffrontement des armées de gueux mexicains, une manifestation du bolchévisme. La situation était tendue. En 1927, lannée de la publicité Thirst knows no season, « la soif ne connaît pas la raison », le secrétaire dEtat Kellogg remit au Sénat un rapport résumant sa pensée : « Les dirigeants du bolchévisme ont des idées bien définies sur le rôle que le Mexique et lAmérique centrale doivent tenir dans leur programme général de révolution dans le monde entier ». Les Etats-Unis craignaient, avec raison, pour le pétrole et les intérêts de la Standard Oil. En 1938, le pétrole fut nationalisé au Mexique par le président Cárdenas. Mais pas le Coca-Cola. Certains ont comparé la présidence de Lázaro Cárdenas à une sorte de Front populaire. Ce fut lui, en tout cas, qui accueillit Léon Trotsky et les réfugiés de la République espagnole.
Vicente Fox vient dêtre élu sous les couleurs du PAN, le Parti dAction Nationale fondé en 1939 par la droite catholique. Les actions mexicaines montent à la bourse de New-York. Le nouveau président aime, paraît-il, se comparer à Lesh Walesa et Nelson Mandela, avec un zeste de Bill Clinton, tout en se définissant comme « conservateur sur les questions de société ». Cette intéressante mixture a su séduire des intellectuels de renom. Jorge Castañeda est lauteur de lUtopie désarmée et, accessoirement, dune biographie de Che Guevara publiée en français sous le titre Compañero, et en espagnol La vida en rojo, la vie en rouge. « Son destin, disait-il de Che Guevara, lui réservait seulement ce qui est refusé à tant dautres : vivre comme il lavait rêvé, et mourir comme il lavait choisi ». Cest, en effet, un destin rare que bien peu dintellectuels en notre siècle peuvent espérer atteindre. Ils vivent en général sur leurs restes et se contentent de ce peu.
Qui sait si le renard de Coca-Cola va se laisser apprivoiser par lécrivain ? Vicente Fox a battu le candidat du Parti Révolutionnaire Institutionnel que lon dit au pouvoir depuis 71 ans bien trop rapidement, car il y a assez peu de points communs entre le Mexique de Lázaro Cárdenas (1934-1940) et les massacreurs des étudiants de 1968 ou les promoteurs de lAccord de Libre-Echange Nord-Américain, ennemis des zapatistes du Chiapas. Jorge Castañeda affiche fièrement sa qualité de conseiller du nouveau président. Les anciens staliniens font dexcellents conservateurs. Maria Vargas Llosa ou Jorge Amado ont donné lexemple. Mais ils voudraient en sus, tous autant quils sont, être considérés, surtout dans la vieille Europe, comme des hommes intègres, de gauche, et non comme de tristes sires.
A linstar de beaucoup dautres, les intellectuels latino-américains veulent pouvoir trahir avec noblesse, sous les applaudissements. Mais cest trop demander.
Je suis un renard, dit le renard.
Viens jouer avec moi, je suis tellement triste
I am a fox, the fox said.
Come and play with me, I am so unhappy.
Vicente Fox a été élu président du Mexique le 2 juillet 2000. Il a fait ses classes à la Coca-Cola Company, une société fondée le 28 janvier 1892 par Asa G. Candler, citoyen dAtlanta en Géorgie.
Au moment de son élection, Vicente Fox portait un chapeau de cow-boy à la façon texane et une ceinture à grosse boucle sur laquelle brillaient les trois lettres FOX qui signifient renard en américain. Lécrivain Jorge G. Castañeda, un ancien du Parti communiste, ne cessait de sémerveiller de la victoire de son candidat, car cétait son candidat. « Ce nest pas un homme de gauche, mais il a un programme de centre gauche », proclamait lécrivain. Certains intellectuels trouvent que les vessies font des lanternes acceptables lorsque leur route cesse dêtre éclairée.
Pourtant, les hommes de la Coca-Cola Company nont pas toujours eu bonne presse au Mexique. Cela tient à lHistoire. En 1916, lannée de lapparition de la petite bouteille aux formes féminines, marque déposée, le général Pershing poursuivait, en vain, le révolutionnaire Pancho Villa dans les immensités désertiques. Les Etats-Unis naimaient guère ce qui se passait au sud du Río Grande et voyaient dans laffrontement des armées de gueux mexicains, une manifestation du bolchévisme. La situation était tendue. En 1927, lannée de la publicité Thirst knows no season, « la soif ne connaît pas la raison », le secrétaire dEtat Kellogg remit au Sénat un rapport résumant sa pensée : « Les dirigeants du bolchévisme ont des idées bien définies sur le rôle que le Mexique et lAmérique centrale doivent tenir dans leur programme général de révolution dans le monde entier ». Les Etats-Unis craignaient, avec raison, pour le pétrole et les intérêts de la Standard Oil. En 1938, le pétrole fut nationalisé au Mexique par le président Cárdenas. Mais pas le Coca-Cola. Certains ont comparé la présidence de Lázaro Cárdenas à une sorte de Front populaire. Ce fut lui, en tout cas, qui accueillit Léon Trotsky et les réfugiés de la République espagnole.
Vicente Fox vient dêtre élu sous les couleurs du PAN, le Parti dAction Nationale fondé en 1939 par la droite catholique. Les actions mexicaines montent à la bourse de New-York. Le nouveau président aime, paraît-il, se comparer à Lesh Walesa et Nelson Mandela, avec un zeste de Bill Clinton, tout en se définissant comme « conservateur sur les questions de société ». Cette intéressante mixture a su séduire des intellectuels de renom. Jorge Castañeda est lauteur de lUtopie désarmée et, accessoirement, dune biographie de Che Guevara publiée en français sous le titre Compañero, et en espagnol La vida en rojo, la vie en rouge. « Son destin, disait-il de Che Guevara, lui réservait seulement ce qui est refusé à tant dautres : vivre comme il lavait rêvé, et mourir comme il lavait choisi ». Cest, en effet, un destin rare que bien peu dintellectuels en notre siècle peuvent espérer atteindre. Ils vivent en général sur leurs restes et se contentent de ce peu.
Qui sait si le renard de Coca-Cola va se laisser apprivoiser par lécrivain ? Vicente Fox a battu le candidat du Parti Révolutionnaire Institutionnel que lon dit au pouvoir depuis 71 ans bien trop rapidement, car il y a assez peu de points communs entre le Mexique de Lázaro Cárdenas (1934-1940) et les massacreurs des étudiants de 1968 ou les promoteurs de lAccord de Libre-Echange Nord-Américain, ennemis des zapatistes du Chiapas. Jorge Castañeda affiche fièrement sa qualité de conseiller du nouveau président. Les anciens staliniens font dexcellents conservateurs. Maria Vargas Llosa ou Jorge Amado ont donné lexemple. Mais ils voudraient en sus, tous autant quils sont, être considérés, surtout dans la vieille Europe, comme des hommes intègres, de gauche, et non comme de tristes sires.
A linstar de beaucoup dautres, les intellectuels latino-américains veulent pouvoir trahir avec noblesse, sous les applaudissements. Mais cest trop demander.