Sortie du DVD de Notre Monde
Notre Monde Notre Monde (2013, 119') un film de Thomas LacosteRassemblant plus de 35 intervenants, philosophes, sociologues, économistes, magistrats, médecins, universitaires et écrivains, Notre Monde propose un espace dexpression pour travailler, comme nous y enjoint JeanLuc Nancy à « une pensée commune ». Plus encore quun libre espace de parole, Notre Monde sappuie sur un ensemble foisonnant de propositions concrètes pour agir comme un rappel essentiel, individuel et collectif : « faites de la politique » et de préférence autrement.
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© Passant n°30 [août 2000 - septembre 2000]
© Passant n°30 [août 2000 - septembre 2000]
par Emmanuel Renault
Imprimer l'articleMillau vu den bas
Un truc comme Millau, un truc comme ça, on lattendait, ça faisait déjà longtemps quon lattendait. Et ceux qui sont allés là-bas, ils ont pas été déçu du voyage, parce que comme on disait dans un débat, là-bas, un truc comme Millau, cest bon pour la santé. En plus, ty apprend des tas de truc qui valent le détour, et tu vois, tentends des trucs vachement surprenants. Ça fait déjà des lustres, qula droite elle dit qules luttes syndicales, elles sont corporatrices, mais là-bas, ya un petit syndicat qui tparle duniversel et qui texplique qule corporatisme, cest des syndicats comme la FNSEA, des syndicats ddroite quoi. Ça fait bien des lustres, qula droite elle dit que le grand marché planétaire, cest tout bon, et qula gauche, elle répond : y faut dé-fendre les acquis so-ciaux, mais là-bas, ya un petit syndicat qui te dit que faut aussi qutu luttes pour lpaysan indien et les sans-terres dAmérique du sud, pour tous les SANS quoi, et même sils sont américains. Là-bas ta presque lvertige, parce que la politique elle smet à tparler de ce quy a plus de plus individualiste dans lhom-me quoi, jveux dire un truc comme la bouffe tu vois, et puis, elle smet à tparler en même temps de trucs hyper-lointains, comme tous les sans-droits dla terre, et puis elle te dit que tout ça cest la même chose. Là-bas, tu vois, la façon dont ça baragouine politique, cest sacrément bizarre, et en même temps vachement intéressant, et tapprends presque à parler internationalisme, un truc que taurais jamais cru quça sreparlerait un jour ! pas vrai ?
Tout ça, on a été un paquet quça a mis en joie, une grande joie même, et lmidi dsamedi, à la sortie du procès, devant lpodium dla place du Mandarous, on a été un paquet à renifler, à planquer les larmes sous les lunettes, quand lavocat mauritanien, il nous a dit sa plaidoirie, en nous parlant dson pays. Ça nous a rudement surpris, dchialer politique de joie, mais ça a pas empêché ensuite daller prendre une chopine, et sétait pas si facile figure-toi, parce quà vouloir fêter la politique à la chopine, y avait tellement monde, qula bière prévue pour deux jours, elle était éclusée à 11 heures, toute la bière, dès lvendredi soir. Cvendredi soir, cétait les concerts, avec entre les groupes, des discours politiques, qui venaient des quatre coins du monde, et puis aussi, avec des chansons politiques, chantées en cur par les groupes et la masse, et tout ça jusquà 4 heures du mat ! Quand cétait minuit, yavait encore à venir Noir Désir et Zebda, avec entre les deux, un grand discours de José. Crois-moi, cgaillard, y sait parler à la foule, et pas seulement à une foutue télé, y sait tenir un discours, et même quand on est plus de 100 000 devant ! Encore une putain dsurprise ! Une espèce que jcroyais quon faisait plus, avec un sacré coffre, et en plus, cest quil a des choses à dire !
Vu den bas, cest à ça quça ressemblait, Milau. Et quand on a compris à quoi ça ressemblait, vu dlà haut, des quotidiens dParis, Bordeaux, Lyon et Toulouse, des télés et des radios, bordel, ça nous a foutu une sacrée rogne. Ceux quont pas pu y aller, quauraient voulu, mais quont tout vu dlà haut, forcément, ils ont été méchamment déçus, mais sûrement, ils ont aussi tiqué, et ça les a sûrement démangés, et pas quun peu. Parce que sur ccoup-là, nom dun chien, cest vaiment fou ce quon aura entendu : Bové petit vandale à rmettre dans ldroit chemin illico, Millau réunion nationaliste anti-américaine primaire, Millau meeting nostalgique du pachouli et des patogazes organisé par les anciens du Larzac, Millau festival folkorique tendance roquefort-franchouillard, Millau on y va parce que ya des concerts mais lreste on sen fout, Millau où yaurait que 47 000 personnes parce que tout dun coup on smet à croire les chiffres des RG, comme si sur ccoup-là, ils avaient subitement intérêt à compter juste !
On aurait dit qules journalistes, merdier dmerdier, ils avaient une idée fixe : faire que Millau soit lcontraire de Millau. A TF1, ils ont même dit qula ville elle avait été transformée en décharge par des soi-disant écolos, alors qule matin, malgré la nuit quavait été vraiment courte, pour tout nettoyer, y avait jdirais 500 volontaires en plus des gars du syndicat ! Bordel de merde, ya vraiment dquoi piquer une grosse colère ! Faut dire quavant Millau, cétait déjà en vrac quon les avaient déblatérées, les âneries, et dans lgenre, cest la gauche branchée, une fois dplus, quavait remporté lpopon ; écoutes-moi cette mauvaise foi quest fière de regarder dloin : « Quel idiot ce José Bové, ou, pour mettre les choses au mieux, quel démagogue. On trouvait un peu suspecte sa déconstruction dun McDo, réussie dun point de vue médiatique mais complètement pathétique dans son américanisme primaire [ ]. Son discours sur la mal bouffe est une vaine tentative de toucher tout le monde en défendant détroites revendications catégorielles [ ]. Après avoir dénaturé le goût de tout et en avoir profité, les paysans sinquiètent généreusement de ce que mangent les ouvriers et les cadres. Un peu tard, hélas, pour quon les trouve parfaitement sincères ». (Arnaud Viviant, Les Inrockuptibles, n° 215, 6/10/1999)*. Citoyens journalistes, est-ce que vous vous foutez du peuple ?
Une fois qula colère passe, on sdit que cest pas si étonnant, dlire et dentendre autant dâneries, parce que quand y sdit vraiment du neuf, cest un peu normal si y en a quont du mal à entendre, et si y veulent tout réduire à leur sale petit langage racorni. Cest pourquoi pendant la Commune par exemple, yavait besoin de plein djournaux nouveaux: Le Cri du Peuple, Le Réveil du Peuple, Le Père Duchêne (il piqua quatorze grandes colères et eut sept grandes joies), Le Vengeur, etc. Cest pourquoi quaujourdhui, il en faudrait encore plein, des comme La Vache Folle, Le Passant Ordinaire, Lil électrique, Pour Lire Pas Lu, etc., et y faudrait les plaquer sur les murs, et y faudrait en faire des lectures publiques, dans les cafés, dans les stades, dans les bus, dans lmétro, et pourquoi pas dans les réunions drédaction, on sait jamais, y réapprendraient peut-être, les citoyens journalistes, à revoir les choses den bas
Tout ça, on a été un paquet quça a mis en joie, une grande joie même, et lmidi dsamedi, à la sortie du procès, devant lpodium dla place du Mandarous, on a été un paquet à renifler, à planquer les larmes sous les lunettes, quand lavocat mauritanien, il nous a dit sa plaidoirie, en nous parlant dson pays. Ça nous a rudement surpris, dchialer politique de joie, mais ça a pas empêché ensuite daller prendre une chopine, et sétait pas si facile figure-toi, parce quà vouloir fêter la politique à la chopine, y avait tellement monde, qula bière prévue pour deux jours, elle était éclusée à 11 heures, toute la bière, dès lvendredi soir. Cvendredi soir, cétait les concerts, avec entre les groupes, des discours politiques, qui venaient des quatre coins du monde, et puis aussi, avec des chansons politiques, chantées en cur par les groupes et la masse, et tout ça jusquà 4 heures du mat ! Quand cétait minuit, yavait encore à venir Noir Désir et Zebda, avec entre les deux, un grand discours de José. Crois-moi, cgaillard, y sait parler à la foule, et pas seulement à une foutue télé, y sait tenir un discours, et même quand on est plus de 100 000 devant ! Encore une putain dsurprise ! Une espèce que jcroyais quon faisait plus, avec un sacré coffre, et en plus, cest quil a des choses à dire !
Vu den bas, cest à ça quça ressemblait, Milau. Et quand on a compris à quoi ça ressemblait, vu dlà haut, des quotidiens dParis, Bordeaux, Lyon et Toulouse, des télés et des radios, bordel, ça nous a foutu une sacrée rogne. Ceux quont pas pu y aller, quauraient voulu, mais quont tout vu dlà haut, forcément, ils ont été méchamment déçus, mais sûrement, ils ont aussi tiqué, et ça les a sûrement démangés, et pas quun peu. Parce que sur ccoup-là, nom dun chien, cest vaiment fou ce quon aura entendu : Bové petit vandale à rmettre dans ldroit chemin illico, Millau réunion nationaliste anti-américaine primaire, Millau meeting nostalgique du pachouli et des patogazes organisé par les anciens du Larzac, Millau festival folkorique tendance roquefort-franchouillard, Millau on y va parce que ya des concerts mais lreste on sen fout, Millau où yaurait que 47 000 personnes parce que tout dun coup on smet à croire les chiffres des RG, comme si sur ccoup-là, ils avaient subitement intérêt à compter juste !
On aurait dit qules journalistes, merdier dmerdier, ils avaient une idée fixe : faire que Millau soit lcontraire de Millau. A TF1, ils ont même dit qula ville elle avait été transformée en décharge par des soi-disant écolos, alors qule matin, malgré la nuit quavait été vraiment courte, pour tout nettoyer, y avait jdirais 500 volontaires en plus des gars du syndicat ! Bordel de merde, ya vraiment dquoi piquer une grosse colère ! Faut dire quavant Millau, cétait déjà en vrac quon les avaient déblatérées, les âneries, et dans lgenre, cest la gauche branchée, une fois dplus, quavait remporté lpopon ; écoutes-moi cette mauvaise foi quest fière de regarder dloin : « Quel idiot ce José Bové, ou, pour mettre les choses au mieux, quel démagogue. On trouvait un peu suspecte sa déconstruction dun McDo, réussie dun point de vue médiatique mais complètement pathétique dans son américanisme primaire [ ]. Son discours sur la mal bouffe est une vaine tentative de toucher tout le monde en défendant détroites revendications catégorielles [ ]. Après avoir dénaturé le goût de tout et en avoir profité, les paysans sinquiètent généreusement de ce que mangent les ouvriers et les cadres. Un peu tard, hélas, pour quon les trouve parfaitement sincères ». (Arnaud Viviant, Les Inrockuptibles, n° 215, 6/10/1999)*. Citoyens journalistes, est-ce que vous vous foutez du peuple ?
Une fois qula colère passe, on sdit que cest pas si étonnant, dlire et dentendre autant dâneries, parce que quand y sdit vraiment du neuf, cest un peu normal si y en a quont du mal à entendre, et si y veulent tout réduire à leur sale petit langage racorni. Cest pourquoi pendant la Commune par exemple, yavait besoin de plein djournaux nouveaux: Le Cri du Peuple, Le Réveil du Peuple, Le Père Duchêne (il piqua quatorze grandes colères et eut sept grandes joies), Le Vengeur, etc. Cest pourquoi quaujourdhui, il en faudrait encore plein, des comme La Vache Folle, Le Passant Ordinaire, Lil électrique, Pour Lire Pas Lu, etc., et y faudrait les plaquer sur les murs, et y faudrait en faire des lectures publiques, dans les cafés, dans les stades, dans les bus, dans lmétro, et pourquoi pas dans les réunions drédaction, on sait jamais, y réapprendraient peut-être, les citoyens journalistes, à revoir les choses den bas
* Cité par PLPL. Pour lire pas lu, Juin 2000, n°0, p.1.