Sortie du DVD de Notre Monde
Notre Monde Notre Monde (2013, 119') un film de Thomas LacosteRassemblant plus de 35 intervenants, philosophes, sociologues, économistes, magistrats, médecins, universitaires et écrivains, Notre Monde propose un espace dexpression pour travailler, comme nous y enjoint JeanLuc Nancy à « une pensée commune ». Plus encore quun libre espace de parole, Notre Monde sappuie sur un ensemble foisonnant de propositions concrètes pour agir comme un rappel essentiel, individuel et collectif : « faites de la politique » et de préférence autrement.
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© Passant n°29 [juin 2000 - juillet 2000]
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Nous tous !
Dans son livre1, Jean-Michel Carré rapporte les interviews quil a réalisées avec les travailleurs de Tower, hommes et femmes, mineurs, cadres, dirigeants qui évoquent avec passion et lucidité cette aventure magnifique née de la « vision » de Tyrone 0Sullivan, électricien spécialisé aujourdhui président de Tower.
Leighton Thomas, travaille à la lampisterie, 43 ans.
« Pour le rachat cest ma femme qui ma convaincu. Moi, jhésitais, je ne savais pas trop quoi décider. Oui, jhésitais beaucoup. Elle, elle avait toujours eu une énorme confiance. Elle était sûre quils réussiraient tout ce quils entreprendraient. Alors, jai marché Cest vraiment la meilleure chose que jai faite dans ma vie. Cétait un gros risque à lépoque, mais ça a vraiment valu le coup. Tout ce quon a donné, on nous la très largement rendu ! »
Glyn Roberts, mineur de fond, président du syndicat NUM de Tower, 50 ans.
« Moi, jétais un homme simple, un mineur de front de taille. Pendant tous ces jours où on bâtissait notre projet, jai sûrement travaillé dix fois plus que les autres. Parce que javais tellement moins de connaissances, alors pour rester au niveau, pour pas perdre pied, jétais bien obligé de travailler plus. Et quand on a fini par racheter la mine, il a fallu que japprenne à être comptable, avocat. Jaime bien dailleurs, et ce que jaimais bien aussi, cétait pendant les réunions ramener tous les vrais avocats et tous les vrais comptables à notre niveau. Eux, ils commençaient toujours à sortir leurs grands mots. Moi je leur disais : « montrez-moi votre dictionnaire et dites-moi ce que ça veut dire ! »
Graham Taylor, mineur de fond, 53 ans
« Moi, je me vois comme le mineur type. Je suis socialiste, jaime mon travail. Jaime me retrouver avec les copains du fond. Cest difficile de dire exactement ce quest un mineur. Mais je crois que le mineur a plus de conscience politique, plus de combativité que dautres ouvriers à cause de ce quil fait, à cause de lendroit où il travaille. On sentraide, on se soutient, parce quon est toujours ensemble. Même à la douche, on se lave le dos ! Si quelquun a besoin dune main pour laider, il na quà demander aux gars avec qui il travaille. Cest sûr que les copains se débrouilleront pour laider. Et cette camaraderie qui vient de notre travail pénètre la ville où on habite. Elle sort droit de la mine. Du coup, cest ancré dans notre communauté, dans notre mentalité. On sentraide. »
Tyrone 0Sullivan, électricien spécialisé. Président de Tower. 53 ans.
« Quest-ce que cest, pour nous tous, le socialisme. Ce nest sûrement pas la croyance dans limagerie de Lénine ! Le socialisme consiste à utiliser les profits que lon retire dune entreprise, quelle quelle soit, pour aider les plus pauvres, améliorer le niveau de tous. Que chacun vive dans des conditions de santé satisfaisantes, que chacun puisse être soigné si nécessaire, que chacun puisse voyager, partager. Que chacun ait largent et le temps pour le faire. Quon soccupe des personnes âgées, de ceux qui en ont besoin, des chômeurs. Le socialisme, ce nest pas spectaculaire, mais pour moi, cest seulement une façon de vivre, juste et respectable Contre notre entreprise, les critiques les plus virulentes sont venues de la gauche : il est impossible pour un ouvrier de devenir patron à lintérieur du système capitaliste ! Cest contraire aux principes du socialisme ! Combien de fois avons-nous entendu ce genre de remarques. »
Dai Davies « Dosco », mineur de surface 53 ans.
« Moi, jattends de tous les responsables, cadres ou directeurs, quils soient évidemment compétents dans leur spécialité, mais surtout quils respectent les idées et la volonté des travailleurs Quils agissent comme ce quils sont : des directeurs élus par des travailleurs. Ils sont des travailleurs-directeurs Cest vrai que la plupart du temps, les responsables sont à lécoute. Mais quand ça arrive quils nécoutent plus, alors là, ça déclenche des discussions sérieuses. Cest très bien comme ça. Et si les directeurs savisaient de ne plus nous écouter, ils risqueraient de perdre leur siège aussi vite quils lont eu ! »
Phil White, directeur en charge du personnel et du marketing, 53 ans.
« Nous notre rôle en tant que directeurs, cest de mener notre société dans la direction qui a été choisie au cours de nos quatre assemblées générales avec lensemble des actionnaires. Mais il faut bien comprendre quon ne peut pas sans cesse consulter lensemble des actionnaires. Ils nous ont justement élus pour que nous prenions des décisions. Bien sûr, ce qui est indispensable, en revanche, cest quil y ait une très forte confiance entre les actionnaires et ceux quils ont choisis pour les représenter Il nous revient de bien les informer. »
Tony Shott, expert géomètre, directeur, 55 ans.
« Bien que Tower soit une coopérative où toute la force de travail doit être considérée sur un plan dégalité, nous avons compris dès le premier jour que lon ne pouvait pas payer tout le monde selon exactement le même salaire. Donc, nous avons établi une échelle qui tienne compte de lexpérience et des responsabilités. Au temps des Houillères, il y avait sept taux de salaires. Nous avons réduit cet éventail à quatre. »
Phil White, directeur en charge du personnel et du marketing, 53 ans.
« Nous avons réalisé notre grand objectif qui était dabaisser les salaires les plus hauts et daugmenter les plus bas. Dans la grande tradition socialiste, on raconte que tout le monde doit gagner la même chose, et ce jusquà la fin de ses jours. Dans la réalité, cest quelque chose de tout à fait impossible. Ici, les gens sont réalistes, ils comprennent bien quils ne peuvent pas demander au directeur financier ou au président de la société de gagner exactement la même chose que, par exemple, le travailleur de surface. Mais ici chacun sait précisément qui gagne quoi ! »2
Tyrone OSullivan, président de Tower.
« Nous voulions que les hommes travaillent bien. Comment leur rendre la vie plus simple, plus aisée ? Il leur fallait davantage de jours de repos et des vacances. Egalement réfléchir tout de suite à la question des congés-maladies. On a décidé que tout mineur obligé de rester à la maison pour cause de maladie ne perdrait rien de son salaire. Quand nous avons introduit ce système, on nous a dit que nous allions favoriser labsentéisme. Au bout dun an, labsentéisme était descendu à moins de 0,03 %. Le taux le moins élevé de tout le pays. Ce qui prouve bien quen traitant les travailleurs correctement, ils nen deviennent pas pour autant paresseux. »
Glyn Roberts, président du syndicat NUM
« La question des actions, maintenant, cest un problème. Nous y réfléchissons tous. On se retrouve pris entre des contradictions, un peu comme sur une balançoire. Peut-être quon sest trompés Moi et tous les autres, au moment du rachat, pour les 80 000 francs que jai mis, javais 8000 actions. Mais celui qui entre à présent, avec ses 80 000 francs, il na que 2000 actions. Et avec les dividendes, je touche beaucoup plus que lui. Cest faussé à la base. Il va falloir ré-équilibrer, rétablir peut-être un système de primes, de primes au travail. »
Tyrone OSullivan, président de Tower
« Personne ne peut tout changer durant le cours de sa vie. La révolution, ce sera pour plus tard Il faut dabord des réformes. Beaucoup déducation. Ensuite, viendra peut-être la révolution. Mais peut-être alors que la révolution ne sera pas nécessaire, si les réformes sont allées assez loin ! »
(1) Charbons ardents, Construction dune utopie, Le Serpent à Plumes, Arte éditions, 1999. 99 francs.
(2) Les salaires les plus faibles sont ceux des femmes qui travaillent à la cantine, soit environ 10 000 francs par mois. Le niveau au-dessus concernant les travailleurs de surface est fixé à 12 800 francs par mois alors que les mineurs du front de taille gagnent à peu près 18 000 francs par mois. Chez les cadres, les salaires oscillent entre 16 000 et 28 000 francs. Le chef-de siège émarge pour sa part à 30 000 francs.
Leighton Thomas, travaille à la lampisterie, 43 ans.
« Pour le rachat cest ma femme qui ma convaincu. Moi, jhésitais, je ne savais pas trop quoi décider. Oui, jhésitais beaucoup. Elle, elle avait toujours eu une énorme confiance. Elle était sûre quils réussiraient tout ce quils entreprendraient. Alors, jai marché Cest vraiment la meilleure chose que jai faite dans ma vie. Cétait un gros risque à lépoque, mais ça a vraiment valu le coup. Tout ce quon a donné, on nous la très largement rendu ! »
Glyn Roberts, mineur de fond, président du syndicat NUM de Tower, 50 ans.
« Moi, jétais un homme simple, un mineur de front de taille. Pendant tous ces jours où on bâtissait notre projet, jai sûrement travaillé dix fois plus que les autres. Parce que javais tellement moins de connaissances, alors pour rester au niveau, pour pas perdre pied, jétais bien obligé de travailler plus. Et quand on a fini par racheter la mine, il a fallu que japprenne à être comptable, avocat. Jaime bien dailleurs, et ce que jaimais bien aussi, cétait pendant les réunions ramener tous les vrais avocats et tous les vrais comptables à notre niveau. Eux, ils commençaient toujours à sortir leurs grands mots. Moi je leur disais : « montrez-moi votre dictionnaire et dites-moi ce que ça veut dire ! »
Graham Taylor, mineur de fond, 53 ans
« Moi, je me vois comme le mineur type. Je suis socialiste, jaime mon travail. Jaime me retrouver avec les copains du fond. Cest difficile de dire exactement ce quest un mineur. Mais je crois que le mineur a plus de conscience politique, plus de combativité que dautres ouvriers à cause de ce quil fait, à cause de lendroit où il travaille. On sentraide, on se soutient, parce quon est toujours ensemble. Même à la douche, on se lave le dos ! Si quelquun a besoin dune main pour laider, il na quà demander aux gars avec qui il travaille. Cest sûr que les copains se débrouilleront pour laider. Et cette camaraderie qui vient de notre travail pénètre la ville où on habite. Elle sort droit de la mine. Du coup, cest ancré dans notre communauté, dans notre mentalité. On sentraide. »
Tyrone 0Sullivan, électricien spécialisé. Président de Tower. 53 ans.
« Quest-ce que cest, pour nous tous, le socialisme. Ce nest sûrement pas la croyance dans limagerie de Lénine ! Le socialisme consiste à utiliser les profits que lon retire dune entreprise, quelle quelle soit, pour aider les plus pauvres, améliorer le niveau de tous. Que chacun vive dans des conditions de santé satisfaisantes, que chacun puisse être soigné si nécessaire, que chacun puisse voyager, partager. Que chacun ait largent et le temps pour le faire. Quon soccupe des personnes âgées, de ceux qui en ont besoin, des chômeurs. Le socialisme, ce nest pas spectaculaire, mais pour moi, cest seulement une façon de vivre, juste et respectable Contre notre entreprise, les critiques les plus virulentes sont venues de la gauche : il est impossible pour un ouvrier de devenir patron à lintérieur du système capitaliste ! Cest contraire aux principes du socialisme ! Combien de fois avons-nous entendu ce genre de remarques. »
Dai Davies « Dosco », mineur de surface 53 ans.
« Moi, jattends de tous les responsables, cadres ou directeurs, quils soient évidemment compétents dans leur spécialité, mais surtout quils respectent les idées et la volonté des travailleurs Quils agissent comme ce quils sont : des directeurs élus par des travailleurs. Ils sont des travailleurs-directeurs Cest vrai que la plupart du temps, les responsables sont à lécoute. Mais quand ça arrive quils nécoutent plus, alors là, ça déclenche des discussions sérieuses. Cest très bien comme ça. Et si les directeurs savisaient de ne plus nous écouter, ils risqueraient de perdre leur siège aussi vite quils lont eu ! »
Phil White, directeur en charge du personnel et du marketing, 53 ans.
« Nous notre rôle en tant que directeurs, cest de mener notre société dans la direction qui a été choisie au cours de nos quatre assemblées générales avec lensemble des actionnaires. Mais il faut bien comprendre quon ne peut pas sans cesse consulter lensemble des actionnaires. Ils nous ont justement élus pour que nous prenions des décisions. Bien sûr, ce qui est indispensable, en revanche, cest quil y ait une très forte confiance entre les actionnaires et ceux quils ont choisis pour les représenter Il nous revient de bien les informer. »
Tony Shott, expert géomètre, directeur, 55 ans.
« Bien que Tower soit une coopérative où toute la force de travail doit être considérée sur un plan dégalité, nous avons compris dès le premier jour que lon ne pouvait pas payer tout le monde selon exactement le même salaire. Donc, nous avons établi une échelle qui tienne compte de lexpérience et des responsabilités. Au temps des Houillères, il y avait sept taux de salaires. Nous avons réduit cet éventail à quatre. »
Phil White, directeur en charge du personnel et du marketing, 53 ans.
« Nous avons réalisé notre grand objectif qui était dabaisser les salaires les plus hauts et daugmenter les plus bas. Dans la grande tradition socialiste, on raconte que tout le monde doit gagner la même chose, et ce jusquà la fin de ses jours. Dans la réalité, cest quelque chose de tout à fait impossible. Ici, les gens sont réalistes, ils comprennent bien quils ne peuvent pas demander au directeur financier ou au président de la société de gagner exactement la même chose que, par exemple, le travailleur de surface. Mais ici chacun sait précisément qui gagne quoi ! »2
Tyrone OSullivan, président de Tower.
« Nous voulions que les hommes travaillent bien. Comment leur rendre la vie plus simple, plus aisée ? Il leur fallait davantage de jours de repos et des vacances. Egalement réfléchir tout de suite à la question des congés-maladies. On a décidé que tout mineur obligé de rester à la maison pour cause de maladie ne perdrait rien de son salaire. Quand nous avons introduit ce système, on nous a dit que nous allions favoriser labsentéisme. Au bout dun an, labsentéisme était descendu à moins de 0,03 %. Le taux le moins élevé de tout le pays. Ce qui prouve bien quen traitant les travailleurs correctement, ils nen deviennent pas pour autant paresseux. »
Glyn Roberts, président du syndicat NUM
« La question des actions, maintenant, cest un problème. Nous y réfléchissons tous. On se retrouve pris entre des contradictions, un peu comme sur une balançoire. Peut-être quon sest trompés Moi et tous les autres, au moment du rachat, pour les 80 000 francs que jai mis, javais 8000 actions. Mais celui qui entre à présent, avec ses 80 000 francs, il na que 2000 actions. Et avec les dividendes, je touche beaucoup plus que lui. Cest faussé à la base. Il va falloir ré-équilibrer, rétablir peut-être un système de primes, de primes au travail. »
Tyrone OSullivan, président de Tower
« Personne ne peut tout changer durant le cours de sa vie. La révolution, ce sera pour plus tard Il faut dabord des réformes. Beaucoup déducation. Ensuite, viendra peut-être la révolution. Mais peut-être alors que la révolution ne sera pas nécessaire, si les réformes sont allées assez loin ! »
(1) Charbons ardents, Construction dune utopie, Le Serpent à Plumes, Arte éditions, 1999. 99 francs.
(2) Les salaires les plus faibles sont ceux des femmes qui travaillent à la cantine, soit environ 10 000 francs par mois. Le niveau au-dessus concernant les travailleurs de surface est fixé à 12 800 francs par mois alors que les mineurs du front de taille gagnent à peu près 18 000 francs par mois. Chez les cadres, les salaires oscillent entre 16 000 et 28 000 francs. Le chef-de siège émarge pour sa part à 30 000 francs.