Sortie du DVD de Notre Monde
Notre Monde Notre Monde (2013, 119') un film de Thomas LacosteRassemblant plus de 35 intervenants, philosophes, sociologues, économistes, magistrats, médecins, universitaires et écrivains, Notre Monde propose un espace dexpression pour travailler, comme nous y enjoint JeanLuc Nancy à « une pensée commune ». Plus encore quun libre espace de parole, Notre Monde sappuie sur un ensemble foisonnant de propositions concrètes pour agir comme un rappel essentiel, individuel et collectif : « faites de la politique » et de préférence autrement.
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© Passant n°28 [mars 2000 - avril 2000]
© Passant n°28 [mars 2000 - avril 2000]
par Gilles Mangard
Imprimer l'articleChasseur dAutruche
A Flann OBrien
- Je suis chasseur dautruche.
- Endschuldigung ?
- Vous me demandez ce que je fais dans la vue. Je vous réponds. Je suis chasseur dautruche. Pitain, elle est bonne la bière dans votre bourg. Prosut !
- Fous affez un trôl daccent.
- Je suis né dans le cid...
- Ach ! Et pourquoi lautruche ?
- Jai la gorge sèche. On peut sen reprendre une autre ?
- Ingrid, noch einmal bitte !
- Danke. Lautruche est un animal étrange. Cest comme un énorme oiseau. Mais ses ailes trop petutes lempêchent de voler. Et quand elle se sent agressée, elle se contente de cacher sa tête dans le sol. Elle se croit invilnérable. Faut être con.
- Ya. Faut être con... Mais tites-moi, que faites-vous dans notre pays ?
- Un peu compliqué. Cest à cause dune lettre.
- Tune lettre ? Fous connaissez quelquun ici ?
- Pas tout à fait. Je vous expluquerai plus tard, si jen ai en vue. Vous posez beaucoup de questions.
- Bar ici, nous sommes dun naturel circonspect. Cest notre nature.
- Bien sire. Je découvre, vous comprenez. Cest la première fois. Cest calme chez vous.
- Nous faisons tout pour que cela le reste. Nous aimons lordre et la tranquillité.
- Cest propre, pas de problème. Et puis, vous avez de grosses buttes.
- Chez nous, on appelle ça des montagnes.
- ça bouche un peu lhorizon.
- ça évite de voir les autres. Cest plutôt rassurant. On se sent vraiment entre nous.
- Mais qui est cet homme en portrait, près des chuottes ?
- Ach ! Lui cest un homme. Fous ne connaissez pas ? Cest frai que vous chassez les autruches, loin tici. Lui, cest Jörg. Il est natif de ce fillage. Il nous brotèche. Il a gompris le sens du pays. Il nous saufera de lafenir.
- Ah bon, et que fait-il ?
- Il assainit.
- Je croyais votre pays propre.
- Oui, oui. Mais fous safez, quelquefois on a du mal à gomprendre sa nation. Les vrontières sont partout. Malgré les montagnes. Lui nous a fait gomprendre ce que cest quune nation. Il nous a rendu notre fierté. On sennuyait tellement avant.
- Peut-être que vous êtes trop ruches.
- Endschuldigung ?
- Nein, vergussen.
- Cest votre accent.
- Je sais, on me la déjà du.
- Je ne me rappelle pas votre nom.
- Je ne vous lai pas donné.
- Moi, cest Fritz.
- Et moi, Jules.
- Chille ?
- Non, Jules.
- Divicile à dire.
- Je sais, cest à cause de la lettre. Comme dans livre, liberté, ivresse, imagination, histoire, idéal, idéologie, hystérie, ignominie, Hitler, Auschwitz. Mais, excusez-moi, jen viens sibutement à perdre mon accent.
- Je ne comprends pas très pien, Chille.
- Non, Jules.Mais ça na pas dimportance. Qui est cet homme qui sapproche de notre table ?
- Ach, cest Johann, notre écrifain. Il feut sans toute fous tire ponjour.
- Sympa.
- Il nest pas comme tout le monde. Il aime les étranchers. Cest parce quil est écrifain. Mais il defrait se méfier. Ses histoires ne plaisent pas à Jörg.
- Mais vous acceptez de boire ensemble.
- Nous sommes du même fillage...
- Bonjour, Johann.
- Bonjour, Jules, on ma parlé de vous. Rare de rencontrer un chasseur dautruche par ici.
- Quavez-vous fait de votre accent ?
- Je voyage beaucoup. Il sest perdi, pardon perdu, (jai un problème de lettre moi-aussi) quelque part. Je ne sais plus où. ça na pas vraiment dimportance.
- Johann, fais attention. Che tai préfenu. Si tu ne mets pas un bémol, tu auras tu mal à afoir de noufeaux visas.
- Et je reprendrai laccent du coin.
- Quel plagueur tu fais, Johann.
- Oui, jaime bien me marrer, Fritz, mais je vous laisse, un article à finir. ça parle dhorizons perdus. A un de ces jours.
- Au revoir, Johann. Une autre bière, Frütz?
- Ja, vous êtes un gentleman.
- Non, mais jai besoin dêtre lit-sud.
- Et vous restez longtemps ?
- Je ne pense pas.
- Tant mieux.
- Pardon ?
- Je veux tire, il vaut que les bassants bassent, nest-ce bas ?
- Sans aucun doute. Mais il est tard. Où puis-je dors-mur ce soir ?
- Ach. Pas ici. Fous gomprenez , il faut une garte de réssident. Cest la loi de Jörg. Essayez plutôt dans le prochain Land.
- Vous navez pas dhôtel ?
- Pour les réssidents seulement. Comme ça, nous sommes tranquilles. Tout reste dans lordre.
- Je vais appeler un taxu.
- Pas de taxi non plus.
- Un auto-bis ?
- Zu spät.
- Alors quoi ?
- Ach, il y a bien une zolussion. Mais ce sera un peu à la rude.
- Il me faut un endroit pour dehors-mûr.
- Ein moment, bitte... Ingrid, komm hier !
- Ya, Herr Fritz.
- Mon ami, de létrancher veut tormir ici ze soir. Reste-t-il une place dans le camp ?
- Che fais déléfoner au burgmestre. Ein moment.
- Foilà, che grois que nous allons poufoir arranger cela. Ici, tous sarranche touchours.
- Vous êtes jen-tue mais je vais men aller à pied. Je préfère marcher.
- Fous ne bouvez pas.
- Su, je peux. Je dois reprendre la chasse à l autruche. Et, pour trouver une fin à ce cauchemar, il me faudra un peu de chute.