Sortie du DVD de Notre Monde
Notre Monde Notre Monde (2013, 119') un film de Thomas LacosteRassemblant plus de 35 intervenants, philosophes, sociologues, économistes, magistrats, médecins, universitaires et écrivains, Notre Monde propose un espace dexpression pour travailler, comme nous y enjoint JeanLuc Nancy à « une pensée commune ». Plus encore quun libre espace de parole, Notre Monde sappuie sur un ensemble foisonnant de propositions concrètes pour agir comme un rappel essentiel, individuel et collectif : « faites de la politique » et de préférence autrement.
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© Passant n°28 [mars 2000 - avril 2000]
© Passant n°28 [mars 2000 - avril 2000]
par Patrick Rödel
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Drôle de chose, la peur - quelle se décline en crainte devant la menace dun danger réel, en appréhension devant celle d'un danger possible, en inquiétude quand on nest pas certain quil y a bien un danger, en alarme quand l'inquiétude est très grande - la peur est une émotion qui se rapporte à un danger, imaginaire la plupart du temps ; elle varie de la phobie, qui est maladive, au trac et à la frousse en passant par la trouille, la pétoche, la chiasse qui ont, elles aussi, des conséquences dérangeantes.
L'histoire est pleine de peurs collectives (la peur de l'An mil, la Grande Peur à la veille de la Révolution, etc.),de paniques qui s'emparent d'un peuple ou d'un groupe comme d'un troupeau affolé par le dieu Pan et les mènent droit au précipice où ils s'abîment pêle-mêle.
Mais, l'on pourrait croire que la peur est réservée à l'enfance de l'humanité comme elle l'est à l'enfant de l'homme, seul dans le noir qu'il peuple de fantômes. Les progrès des Lumières auraient dû la faire reculer comme ils ont fait reculer la superstition.
Il n'en est rien, pourtant, et même si les peurs de la fin du millénaire ont fait long feu, daucuns voient dans les tempêtes qui ont ravagé une partie de la France la preuve que Paco Nostradamus avait raison. A quoi s'ajoutent des peurs parfaitement motivées : voir le volcan Pichincha déverser ses laves et ses cendres sur les populations de Quito qui vivent sur ses pentes, perdre son emploi surtout s'il faut faire plaisir aux fonds de pension américains.
La peur, que son objet soit imaginaire ou réel, est un des moyens essentiels que les pouvoirs (politiques, religieux, idéologiques, médiatiques) utilisent pour se maintenir au pouvoir. Rien de plus facile à manipuler que l'imaginaire des hommes, ignorants de surcroît (cf. Spinoza).
Mais, à force de vouloir faire peur aux autres, voilà que le système finit par se faire peur à lui-même. Entre les pollutions, le réchauffement de la planète, les marées noires, lépidémie de listériose, le Danube cyanuré et jen passe, ses avocats ne savent plus où donner de la tête. Il faut rassurer, mais pas à nimporte quel prix ; il faut continuer à faire des profits mais sans tuer la poule aux ufs dor (ou le poulet à la dioxine) ; et si la bulle spéculative venait à se trouer comme une vulgaire couche dozone ? Ils en ont froid dans le dos. Bien fait pour eux, mais innombrables sont ceux qui depuis déjà longtemps se pèlent le cul.
On vous l'avait bien dit que le capitalisme est « couvert de sang des pieds à la tête, suant le sang et la saleté par tous les pores » (Marx). Il sue aussi la connerie.
Mathilde Losserand
L'histoire est pleine de peurs collectives (la peur de l'An mil, la Grande Peur à la veille de la Révolution, etc.),de paniques qui s'emparent d'un peuple ou d'un groupe comme d'un troupeau affolé par le dieu Pan et les mènent droit au précipice où ils s'abîment pêle-mêle.
Mais, l'on pourrait croire que la peur est réservée à l'enfance de l'humanité comme elle l'est à l'enfant de l'homme, seul dans le noir qu'il peuple de fantômes. Les progrès des Lumières auraient dû la faire reculer comme ils ont fait reculer la superstition.
Il n'en est rien, pourtant, et même si les peurs de la fin du millénaire ont fait long feu, daucuns voient dans les tempêtes qui ont ravagé une partie de la France la preuve que Paco Nostradamus avait raison. A quoi s'ajoutent des peurs parfaitement motivées : voir le volcan Pichincha déverser ses laves et ses cendres sur les populations de Quito qui vivent sur ses pentes, perdre son emploi surtout s'il faut faire plaisir aux fonds de pension américains.
La peur, que son objet soit imaginaire ou réel, est un des moyens essentiels que les pouvoirs (politiques, religieux, idéologiques, médiatiques) utilisent pour se maintenir au pouvoir. Rien de plus facile à manipuler que l'imaginaire des hommes, ignorants de surcroît (cf. Spinoza).
Mais, à force de vouloir faire peur aux autres, voilà que le système finit par se faire peur à lui-même. Entre les pollutions, le réchauffement de la planète, les marées noires, lépidémie de listériose, le Danube cyanuré et jen passe, ses avocats ne savent plus où donner de la tête. Il faut rassurer, mais pas à nimporte quel prix ; il faut continuer à faire des profits mais sans tuer la poule aux ufs dor (ou le poulet à la dioxine) ; et si la bulle spéculative venait à se trouer comme une vulgaire couche dozone ? Ils en ont froid dans le dos. Bien fait pour eux, mais innombrables sont ceux qui depuis déjà longtemps se pèlent le cul.
On vous l'avait bien dit que le capitalisme est « couvert de sang des pieds à la tête, suant le sang et la saleté par tous les pores » (Marx). Il sue aussi la connerie.
Mathilde Losserand