Sortie du DVD de Notre Monde
Notre Monde Notre Monde (2013, 119') un film de Thomas LacosteRassemblant plus de 35 intervenants, philosophes, sociologues, économistes, magistrats, médecins, universitaires et écrivains, Notre Monde propose un espace dexpression pour travailler, comme nous y enjoint JeanLuc Nancy à « une pensée commune ». Plus encore quun libre espace de parole, Notre Monde sappuie sur un ensemble foisonnant de propositions concrètes pour agir comme un rappel essentiel, individuel et collectif : « faites de la politique » et de préférence autrement.
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© Passant n°22 [octobre 1998 - novembre 1998]
© Passant n°22 [octobre 1998 - novembre 1998]
par Jambonneau
Imprimer l'articleL'inquisiteur Rats
«... C'est les jours de grands supplices, les jours de nombreuses exécutions que, souriant comme un damné, le sordide inquisiteur se jetait sur les seins de sa femme, avide comme un glouton qui se jette sur une timbale de langouste composée de filets et des morceaux les plus fins, et servie dans sa carapace...». Autant l'inquisiteur Rrats détestait les autres brûlots lubriques de Ramon Gomez de la Serna*, écrivain qu'il aurait volontiers écartelé avec une indicible jouissance, autant il se repaissait de l'un de ces petits textes, «les seins de la femme de l'inquisiteur», dont il aimait à se gargariser de quelques passages dans l'intimité de sa solitude, effets de manche grandiloquents et ton de stentor : «Je condamne tous ceux qui vont trop loin dans leur soif de plaisir ou leurs désirs de caresser les seins doux et parfaits de la liberté, mais c'est pour mieux savourer dans l'intimité la douceur de palper les seins de ma femme ». Ce soir là, l'inquisiteur Rrats était d'une humeur excellente, arborant un sourire radieux qui libéra quelques instants ses maxillaires du poids d'une journée de haine ordinaire. Quatre émasculations, trois infanticides, un beau tableau de chasse pour une fin de semaine. A peine attristé par deux autres belles affaires d'adultères qu'il n'avait sues prouver. Mais il les aurait. Le temps jouait pour lui. Le temps n'avait d'ailleurs pas de prise sur lui. Les rides glissait sur son visage d'albâtre. Ses cheveux restaient noirs comme les prunelles de ses yeux. Plus ses mains étaient souillées de sang, plus elles devenaient lisses et fines. Il ne s'en étonnait pas. Il était l'élu de Dieu.
Il planta son regard dans le halo du lampadaire. Sa femme ne l'attendait pas sur le perron. Il était largement en avance soit, mais ce ne pouvait être une raison suffisante. Il aimait trop apercevoir cette silhouette frêle, figée dans l'attente, apeurée. Lui imposer cette attente nocturne dans le froid et la peur n'en était que meilleur car il savait qu'elle ne líen haïssait que davantage. Puis quelle douceur de sentir ce petit corps se raidir dès qu'il s'approchait, les muscles tétanisés , le cur battant à tout rompre, le regard implorant, tout le désir refoulé dans la haine qu'il lui inspirait. Lui arracher un baiser. La mordre sèchement à l'oreille. L'entendre crier, et l'a laissée partir en cuisine, elle vaincue, lui troublé. Lui caresser les seins, plus tard, n'en serait que meilleur.
Il rentra doucement, aux aguets. Sa femme níétait pas non plus dans le salon. Il monta à l'étage. Toutes les portes étaient fermées mais un rai de lumière trahissait sa présence. Il entendit deux gémissements mêlés, souffles courts. Il entrouvrit la porte. Ce grand benêt de Bill, le jardinier, chevauchait sa femme, gaillardement, sans retenue. Il referma la porte sans mot dire, redescendit au salon, se lova dans la fauteuil et savoura sa joie. Il les attendrait. Il les tenait. Les punaises allaient payer. Au nom de Dieu.
Il planta son regard dans le halo du lampadaire. Sa femme ne l'attendait pas sur le perron. Il était largement en avance soit, mais ce ne pouvait être une raison suffisante. Il aimait trop apercevoir cette silhouette frêle, figée dans l'attente, apeurée. Lui imposer cette attente nocturne dans le froid et la peur n'en était que meilleur car il savait qu'elle ne líen haïssait que davantage. Puis quelle douceur de sentir ce petit corps se raidir dès qu'il s'approchait, les muscles tétanisés , le cur battant à tout rompre, le regard implorant, tout le désir refoulé dans la haine qu'il lui inspirait. Lui arracher un baiser. La mordre sèchement à l'oreille. L'entendre crier, et l'a laissée partir en cuisine, elle vaincue, lui troublé. Lui caresser les seins, plus tard, n'en serait que meilleur.
Il rentra doucement, aux aguets. Sa femme níétait pas non plus dans le salon. Il monta à l'étage. Toutes les portes étaient fermées mais un rai de lumière trahissait sa présence. Il entendit deux gémissements mêlés, souffles courts. Il entrouvrit la porte. Ce grand benêt de Bill, le jardinier, chevauchait sa femme, gaillardement, sans retenue. Il referma la porte sans mot dire, redescendit au salon, se lova dans la fauteuil et savoura sa joie. Il les attendrait. Il les tenait. Les punaises allaient payer. Au nom de Dieu.
*Extrait de « Seins » de Ramon Gomez de la Serna, éditions Babel.