Sortie du DVD de Notre Monde
Notre Monde Notre Monde (2013, 119') un film de Thomas LacosteRassemblant plus de 35 intervenants, philosophes, sociologues, économistes, magistrats, médecins, universitaires et écrivains, Notre Monde propose un espace dexpression pour travailler, comme nous y enjoint JeanLuc Nancy à « une pensée commune ». Plus encore quun libre espace de parole, Notre Monde sappuie sur un ensemble foisonnant de propositions concrètes pour agir comme un rappel essentiel, individuel et collectif : « faites de la politique » et de préférence autrement.
Pier Paolo Pasolini
Par la Compagnie Tiberghien au TNT du 6 au 24 mai 2003 / Théâtre, Editions Acte Sud,1995.
Avec Orgie, Gilbert Tiberghien signe un spectacle magnifique et dérangeant. Lumière cathodique sur un visage baconien, boursouflé, déchiré, à peine reconnaissable, projeté sur une toile qui coulissera, à lissue du prologue, pour dévoiler une cage circulaire au milieu de laquelle un couple de petits bourgeois se dit et saffronte dans la jouissance cruelle du jeu sado-masochiste de lamour et des rapports sociaux. Car la force de cette revisitation sadienne du dispositif vaudevillesque (un homme, sa femme, sa maîtresse) est doffrir une lecture politique de lamour, où les individus ne font que rejouer dans la sphère privée les rôles du dominant et du dominé de la société dont ils se sont illusoirement abstraits. Inversement, on peut lire et voir Orgie comme une sotie dévastatrice de la société italienne de lépoque, partagée entre nostalgie agraire et capitalisme étouffant, entre communautarisme fascisant et individualisme nihiliste. Le texte programmatique du prologue invite dailleurs le spectateur à cette double lecture : le pendu qui disserte par soubresauts du haut de sa corde nous offre à lire son existence comme le spectacle dun « bourgeois moyen », dun homme normal qui a embrassé le « parti du pouvoir » en toute « liberté », mais qui au moment de se suicider se rend compte quil « a été dans sa vie un homme Différent ». Faute davoir su rendre cette différence « différente delle-même », autre que le « terme même de la négation de la norme/Et donc une partie de la norme elle-même », cet homme-là sest perdu. Entre la transgression (sexuelle, morale, sociale) dont lissue est le basculement dans la folie autant que le renforcement des lois de la norme, et lacceptation de la Différence comme il la trouvée, cest-à-dire dans la mort, « que doit faire celui qui est Différent ?/ Nègre, Juif, monstre, ques-tu donc tenu de faire ?/ Reconstruire la réalité en toi, la rendre à nouveau réelle ?.. Ou contraire » ? Il faut citer la scénographie de B. Lahontâa, inventive et respectueuse des obscurités et des éclaircies de la pièce de Pasolini, le jeu dédoublé, halluciné de lacteur R. Conge et souhaiter que la traduction remarquable dEugène Durif dont sest servi G. Tiberghien soit enfin publiée, car elle rend justice, mieux que ne le fait celle publiée par Actes Sud, à la beauté du texte pasolinien.