Sortie du DVD de Notre Monde
Notre Monde Notre Monde (2013, 119') un film de Thomas LacosteRassemblant plus de 35 intervenants, philosophes, sociologues, économistes, magistrats, médecins, universitaires et écrivains, Notre Monde propose un espace dexpression pour travailler, comme nous y enjoint JeanLuc Nancy à « une pensée commune ». Plus encore quun libre espace de parole, Notre Monde sappuie sur un ensemble foisonnant de propositions concrètes pour agir comme un rappel essentiel, individuel et collectif : « faites de la politique » et de préférence autrement.
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© Passant n°50 [octobre 2004 - décembre 2004]
© Passant n°50 [octobre 2004 - décembre 2004]
par Hélène Mohone
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Elle a raconté souvent, frénésie des mots les uns collés aux autres, dans lépuisement des jambes, à peine à la tenir, comment ça a fini. Comment un coup si violent. Comment il a tenté de tuer en elle jusquau souvenir des baisers.
Fragile. Cest ainsi quil a été dit plus tard. Fragile. À côté de lui, a-t-on dit ensuite.
Elle racontait jusquau spasme lhorreur de légorgement amoureux, le gargouillis effroyable du désespoir revenant de la petite enfance.
Elle racontait comment ça avait pu se faire, et sans quelle lait vu.
Fragile, a-t-on dit de lui. Aveugle, pense-t-elle delle.
Pas au nombre des années que ça se comptabilise. Tout balayé dun coup. Pas assez de ses dix doigts pour les compter. « Accroché à un fantôme », lui a-t-il écrit. « Cest fini », a-t-elle dit au téléphone. « Quest-ce que ça veut dire, fini ? » Elle a raccroché.
Silence. Quatre années à se taire. « Cest fini », a-t-elle dit.
Dans les cristaux de gel de lhiver, le corps évanoui, brisé, sur le sol de la ville.
Autrefois robe blanche et redingote au-dessus de la ville, lun à lautre noués par écheveaux de nerfs et de peau, par voiles et tubulures, clic-clic, sons cristallins et graciles, au-dessus de la ville, une croyance ancienne, un sentiment. Même à quatre pattes, à passer la serpillière, ça ne meurt pas le vol jadis des amants au-dessus des cathédrales, lâne et le buf, les arbres aussi en sarabande dans le vent des alouettes, bruissement des vertigineuses hauteurs à gypaètes déjà et pourtant, pas deffroi vers le ciel, pas le souci décrasement, le poids indifférent mû par vapeurs et poupe, tchoutchou ! La bête humaine, les gros baisers au cul rond.
Vieil âge des marches le long des murs, des barricades. Le long des souvenirs. Une autre ville, en plein été, le fredon des oiseaux au ruissellement du soleil.
Robe à fleurs jaunes dune jeunesse éclose. Pas papier mâché.
Autant dheures, jours et nuits partagés, très proches, très intimes les gestes et les sons (rires et pleurs). Très fraternels au combat quotidien, très lascifs au partage des corps.
Fusion humaine à lévidence du meurtre accompli plus tard.
À louer : des appartements gommés, pièce à pièce, tout lamour pressé, mouliné, rendant le jus jaune dune salive froide.
Tard, voilà que ça remonte. Quand elle est seule. Une nuit, il la frappée.
Ce nest pas le choc de sa main la faisant tomber contre ce vieil arbre torturé par le froid de lhiver (elle sest cassée la jambe), non, ce nest pas la blessure de la jambe droite fracassée, mal tombée sur les vieilles racines surgies du sol par étouffement de sève, non, ce nest pas la jambe violette sous le coup et bizarrement tordue qui la faite pleurer.
Cest à lintérieur, très profondément, laimer au forceps, au boitement, à lagonie. Cest à lintérieur que la veine explose et quelle perd de vue comment survivre.
Il criait : « Cest de ta faute. Cest parce que tu es comme ça ! »
Mal partout comme à la foire dans le tourbillon des machines. Pas comme ça. Pas là. Ni plus bas.
Cest loin. Ici, très proche. Lhiver est toujours rude.
« Cest de ta faute si je ne taime plus » a-t-il crié.
Cest comme un long sommeil ou un semblant de rêve, une image de cauchemar qui remonte le long des berges boueuses.
Morte.
Elle est restée par terre, du haut de la chute, du plus haut, faussement de lamour, de tout autre chose, illusoire : poudre aux yeux, trois petits tours et puis sen vont !
Et la médiocrité de ce qui reste
Vieille histoire accrochée à ses rides, vieille guenon accrochée à son bonnet rouge et son limonaire, ronflement des bronches ivres.
« Je taime, tu maimes, je taime, tu maimes. Je te hais maintenant. Je te hais précisément là où tu parais le plus aimable. »
Elle a peur des cauchemars anciens, « Seigneur, protège-moi bien fort contre ces fantômes. »
Reste le corps plâtré des années, le sien et lautre, vieilles chevilles arrachées du bois, serres direct au foie et tout du ventre qui vient à la séparation. Sans retenir toute la vie, croit-on, qui sécoule de la plaie faite, de la déchirure.
Cest avec un mouchoir rouge quon fait ses adieux, face au vide.
Fragile. Cest ainsi quil a été dit plus tard. Fragile. À côté de lui, a-t-on dit ensuite.
Elle racontait jusquau spasme lhorreur de légorgement amoureux, le gargouillis effroyable du désespoir revenant de la petite enfance.
Elle racontait comment ça avait pu se faire, et sans quelle lait vu.
Fragile, a-t-on dit de lui. Aveugle, pense-t-elle delle.
Pas au nombre des années que ça se comptabilise. Tout balayé dun coup. Pas assez de ses dix doigts pour les compter. « Accroché à un fantôme », lui a-t-il écrit. « Cest fini », a-t-elle dit au téléphone. « Quest-ce que ça veut dire, fini ? » Elle a raccroché.
Silence. Quatre années à se taire. « Cest fini », a-t-elle dit.
Dans les cristaux de gel de lhiver, le corps évanoui, brisé, sur le sol de la ville.
Autrefois robe blanche et redingote au-dessus de la ville, lun à lautre noués par écheveaux de nerfs et de peau, par voiles et tubulures, clic-clic, sons cristallins et graciles, au-dessus de la ville, une croyance ancienne, un sentiment. Même à quatre pattes, à passer la serpillière, ça ne meurt pas le vol jadis des amants au-dessus des cathédrales, lâne et le buf, les arbres aussi en sarabande dans le vent des alouettes, bruissement des vertigineuses hauteurs à gypaètes déjà et pourtant, pas deffroi vers le ciel, pas le souci décrasement, le poids indifférent mû par vapeurs et poupe, tchoutchou ! La bête humaine, les gros baisers au cul rond.
Vieil âge des marches le long des murs, des barricades. Le long des souvenirs. Une autre ville, en plein été, le fredon des oiseaux au ruissellement du soleil.
Robe à fleurs jaunes dune jeunesse éclose. Pas papier mâché.
Autant dheures, jours et nuits partagés, très proches, très intimes les gestes et les sons (rires et pleurs). Très fraternels au combat quotidien, très lascifs au partage des corps.
Fusion humaine à lévidence du meurtre accompli plus tard.
À louer : des appartements gommés, pièce à pièce, tout lamour pressé, mouliné, rendant le jus jaune dune salive froide.
Tard, voilà que ça remonte. Quand elle est seule. Une nuit, il la frappée.
Ce nest pas le choc de sa main la faisant tomber contre ce vieil arbre torturé par le froid de lhiver (elle sest cassée la jambe), non, ce nest pas la blessure de la jambe droite fracassée, mal tombée sur les vieilles racines surgies du sol par étouffement de sève, non, ce nest pas la jambe violette sous le coup et bizarrement tordue qui la faite pleurer.
Cest à lintérieur, très profondément, laimer au forceps, au boitement, à lagonie. Cest à lintérieur que la veine explose et quelle perd de vue comment survivre.
Il criait : « Cest de ta faute. Cest parce que tu es comme ça ! »
Mal partout comme à la foire dans le tourbillon des machines. Pas comme ça. Pas là. Ni plus bas.
Cest loin. Ici, très proche. Lhiver est toujours rude.
« Cest de ta faute si je ne taime plus » a-t-il crié.
Cest comme un long sommeil ou un semblant de rêve, une image de cauchemar qui remonte le long des berges boueuses.
Morte.
Elle est restée par terre, du haut de la chute, du plus haut, faussement de lamour, de tout autre chose, illusoire : poudre aux yeux, trois petits tours et puis sen vont !
Et la médiocrité de ce qui reste
Vieille histoire accrochée à ses rides, vieille guenon accrochée à son bonnet rouge et son limonaire, ronflement des bronches ivres.
« Je taime, tu maimes, je taime, tu maimes. Je te hais maintenant. Je te hais précisément là où tu parais le plus aimable. »
Elle a peur des cauchemars anciens, « Seigneur, protège-moi bien fort contre ces fantômes. »
Reste le corps plâtré des années, le sien et lautre, vieilles chevilles arrachées du bois, serres direct au foie et tout du ventre qui vient à la séparation. Sans retenir toute la vie, croit-on, qui sécoule de la plaie faite, de la déchirure.
Cest avec un mouchoir rouge quon fait ses adieux, face au vide.