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Sortie du DVD de Notre Monde

Notre Monde Notre Monde (2013, 119') un film de Thomas Lacoste
Rassemblant plus de 35 intervenants, philosophes, sociologues, économistes, magistrats, médecins, universitaires et écrivains, Notre Monde propose un espace d’expression pour travailler, comme nous y enjoint Jean–Luc Nancy à « une pensée commune ». Plus encore qu’un libre espace de parole, Notre Monde s’appuie sur un ensemble foisonnant de propositions concrètes pour agir comme un rappel essentiel, individuel et collectif : « faites de la politique » et de préférence autrement.
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© Passant n°45-46 [juin 2003 - septembre 2003]
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Le passant a aimé


Etienne Balibar

L’Europe, l’Amérique, la guerre.

Réflexions sur la médiation européenne




La Découverte, 2003, 192 p.

Etienne Balibar est convaincu que dans la conjoncture actuelle, l’Europe peut contribuer à construire une alternative. Alors que cette conviction conduit trop souvent à espérer une véritable Europe de la défense, il souligne que l’Europe devrait bien plutôt militer pour un désarmement général et contrôlé. Alors que cette conviction conduit trop souvent à l’image d’une Europe forteresse défendant son modèle social et politique, il affirme que l’Europe ne jouera un rôle valable qu’à la condition d’abandonner les images de son « identité’ », enserrées par des frontières imaginaires, et de pénétrer de plus en plus profondément dans la logique des conflits qui déchirent le monde « commun » d’aujourd’hui ». Cette Europe est nécessaire, elle est également possible. Parce qu’elle est essentiellement une région de frontières (géographiques et langagières, mais aussi religieuses et culturelles), et qu’ainsi elle est susceptible de transformer la logique bien réelle des conflits de civilisation ; parce que la Méditerranée est le lieu d’un échange Nord-Sud et que l’Euro-Méditerranée pourrait constituer le laboratoire d’un autre développement ; parce que l’Euro-Méditerranée est l’un des principaux foyers de la violence mondiale aujourd’hui et que les solutions ne pourront être prescrites d’en haut (que ce soit par un gendarme du monde ou par le droit international) mais seulement venir d’une démocratisation par le bas, à laquelle pourront contribuer des entités régionales comme l’Europe – une telle démocratisation suppose que les conflits ne trouvent plus seulement des expressions violentes mais aussi une expression politique, par une institutionnalisation des conflits, ainsi qu’en Europe la démocratie sociale a institutionnalisé la lutte des classes. Un livre passionnant où l’on retrouvera le dialogue entre Etienne Balibar et Bertrand Ogilvie publié dans le n°43, Eurpoa ! du Passant.

E.R.



Joseph Dato et Bleuenn Isambard, Tchétchénie, dix clefs pour comprendre,



La Découverte, 2003, 123 p.

« La Tchétchénie, c’est le pire du pire », un pire qui se déroule à huis clos, surtout depuis le 9/11 et encore plus depuis que Poutine s’est inscrit dans le camp de la paix en Irak. En 10 questions et autant de chapitres, les 12 auteurs de cet ouvrage collectif, universitaires, membres d’ONG, cinéaste, tous impliqués dans le comité Tchétchénie dressent un tableau effrayant et sans complaisance pour les victimes, de la situation de cette république du Nord-Caucase. Un désastre humain où ceux qui ont survécu aux deux guerres subissent un régime de terreur policière et militaire, sous la menace permanente, pour les hommes et les jeunes gens, d’un enlèvement. Monnaie d’échange d’un trafic organisée par l’armée russe, mort ou vif, le tchétchène vaut quelques milliers de dollars, ce que les auteurs nomment « le marché des morts et des vivants ». Dans une totale impunité, et dans une grande indifférence de l’opinion publique russe et internationale, l’armée de Poutine procède à ce que les humanitaires se refusent par pudeur à nommer un génocide même si la réalité est bien celle ci. En Tchétchénie, silence, on tue !

J.-F.M.



Patrick Espagnet

XV histoires de rugby




Culture Suds, 2003, 125 p.

Après les bistrots, « la Gueuze » et la corrida, « Les Noirs/Los Negros », des poèmes à la gloire du toro brave, avec une traduction en espagnol, Patrick Espagnet, qui fut talonneur à Grignols, Gironde, avant de couvrir le rugby pour le quotidien Sud Ouest nous embarque dans une mêlée en Ovalie d’où l’on ressort avec quelques contusions mais surtout avec la confirmation que le rugby, c’est bien une affaire d’homme, avec certes du muscle mais surtout un cœur gros comme ça. Chaque histoire porte en titre un nom, un surnom, autant de portraits sensibles d’hommes qui tutoient l’histoire, la petite à Grignols, Captieux ou Mauléon et la grande à Bègles, Twickenham, Pretoria d’après l’apartheid : Camilot, le vieux supporter des minots de Grignols, Andy Dalton, number two chez les All Black, Raymond le gueulard de Musard. Histoire de femmes aussi : Isabelle, la pute de luxe, qui ne ratait pas un matche au parc ni les afters, Minie, la petite serveuse black d’af-sud. Pour Patrick Espagnet, chacune de ses histoires de rugby est l’occasion de parler une nouvelle fois de la seule chose qui, je crois, l’intéresse : les gens ordinaires avec leur gros sac de chagrin et de joie.

J.-F.M.



Cie Jolis Mômes

Nous serons des millions




Le théâtre militant de la Cie Jolis Mômes… Nous serons des millions une mise en scène efficace, sans aucune des ostentations habituelles. L’humour est là, mais le sourire reste doux… Rien à voir avec quelque mièvrerie, cependant. Semble jouer des coudes entre Gatti et Savary… Mais : un art du maquillage exceptionnel, une présence étonnante sous leur chapiteau ; une musique, elle aussi, prenante, sans être pour autant écrasante. Le texte est politique, et, plus rare, véritablement populaire : Spartacus ! - J’espère bien que l’on sera des milliers ! M’ont tiré la larme, ces cons, surtout Chiquita…

P.C.



Pier Paolo Pasolini

Orgie




Par la Compagnie Tiberghien au TNT du 6 au 24 mai 2003 / Théâtre, Editions Acte Sud,1995.

Avec Orgie, Gilbert Tiberghien signe un spectacle magnifique et dérangeant. Lumière cathodique sur un visage baconien, boursouflé, déchiré, à peine reconnaissable, projeté sur une toile qui coulissera, à l’issue du prologue, pour dévoiler une cage circulaire au milieu de laquelle un couple de petits bourgeois se dit et s’affronte dans la jouissance cruelle du jeu sado-masochiste de l’amour et des rapports sociaux. Car la force de cette revisitation sadienne du dispositif vaudevillesque (un homme, sa femme, sa maîtresse) est d’offrir une lecture politique de l’amour, où les individus ne font que rejouer dans la sphère privée les rôles du dominant et du dominé de la société dont ils se sont illusoirement abstraits. Inversement, on peut lire et voir Orgie comme une sotie dévastatrice de la société italienne de l’époque, partagée entre nostalgie agraire et capitalisme étouffant, entre communautarisme fascisant et individualisme nihiliste. Le texte programmatique du prologue invite d’ailleurs le spectateur à cette double lecture : le pendu qui disserte par soubresauts du haut de sa corde nous offre à lire son existence comme le spectacle d’un « bourgeois moyen », d’un homme normal qui a embrassé le « parti du pouvoir » en toute « liberté », mais qui au moment de se suicider se rend compte qu’il « a été dans sa vie un homme Différent ». Faute d’avoir su rendre cette différence « différente d’elle-même », autre que le « terme même de la négation de la norme/Et donc une partie de la norme elle-même », cet homme-là s’est perdu. Entre la transgression (sexuelle, morale, sociale) dont l’issue est le basculement dans la folie autant que le renforcement des lois de la norme, et l’acceptation de la Différence comme il l’a trouvée, c’est-à-dire dans la mort, « que doit faire celui qui est Différent ?/ Nègre, Juif, monstre, qu’es-tu donc tenu de faire ?/ Reconstruire la réalité en toi, la rendre à nouveau réelle ?.. Ou contraire… » ? Il faut citer la scénographie de B. Lahontâa, inventive et respectueuse des obscurités et des éclaircies de la pièce de Pasolini, le jeu dédoublé, halluciné de l’acteur R. Conge et souhaiter que la traduction remarquable d’Eugène Durif dont s’est servi G. Tiberghien soit enfin publiée, car elle rend justice, mieux que ne le fait celle publiée par Actes Sud, à la beauté du texte pasolinien.

Stéphanie Ravez



Emmanuel Renault et Yves Sintomer (dir.)

Où en est la théorie critique ?




La Découverte, 2003, 286 p.

Cet important recueil d’articles et de textes choisis et servis par une introduction claire et stimulante d’E. Renault et d’Y. Sintomer fait le point sur la théorie critique aujourd’hui. Quels liens les représentants actuels de l’Ecole de Francfort (Habermas, Honneth, pour ne citer que les plus connus) entretiennent-ils avec ses fondateurs (Horkheimer, Marcuse, Adorno et Benjamin) ? Quels sont les différents courants et objets d’étude qui l’animent en ce début de siècle ? Mais il ne s’agit pas seulement, ici, d’interroger une filiation ou d’établir un répertoire théorique dans une perspective purement historique. La force de cet ouvrage collectif réside avant tout dans la manière dont il souligne la pertinence de cette pensée transdisciplinaire (à la croisée de la philosophie politique, de la sociologie, de l’économie…) comme instrument pour lire le monde contemporain. Ainsi la théorie critique se présente comme un véritable laboratoire de recherches sur toute une série de questions qui traversent nos sociétés. Droit et justice sociale, mépris et reconnaissance des individus, société et environnement ou encore fonction critique de l’art sont autant de thèmes et de débats abordés dans ce volume. Enfin, l’apport de la réception française de cette pensée y tient une part non négligeable qui laisse entrevoir non seulement la fécondité de ces échanges franco-allemands mais atteste la vigueur d’une école fondée il y a près d’un siècle.

T.L.


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