Sortie du DVD de Notre Monde
Notre Monde Notre Monde (2013, 119') un film de Thomas LacosteRassemblant plus de 35 intervenants, philosophes, sociologues, économistes, magistrats, médecins, universitaires et écrivains, Notre Monde propose un espace dexpression pour travailler, comme nous y enjoint JeanLuc Nancy à « une pensée commune ». Plus encore quun libre espace de parole, Notre Monde sappuie sur un ensemble foisonnant de propositions concrètes pour agir comme un rappel essentiel, individuel et collectif : « faites de la politique » et de préférence autrement.
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© Passant n°43 [février 2003 - mars 2003]
© Passant n°43 [février 2003 - mars 2003]
par Frédéric Neyrat
Imprimer l'articleLEurope des Universités : un mauvais trip
LEurope des universités avance à grands pas : trois, cinq, huit, et la France, par une série de décrets récents, européanise ses niveaux de diplôme.
Trois, cinq, huit, comme le proposait Jacques Attali en 19981, dans un rapport qui souleva à lépoque nombre doppositions. Ou plutôt désormais, LMD, acronyme psychédélique inventé par des technocrates du ministère2, nostalgiques sans doute eux aussi des années 70, aujourdhui célébrées par toutes les institutions.
LEurope des universités avance à grands pas : trois, cinq, huit, et la France, par une série de décrets récents, européanise ses niveaux de diplôme.
Trois, cinq, huit, comme le proposait Jacques Attali en 19981, dans un rapport qui souleva à lépoque nombre doppositions. Ou plutôt désormais, LMD, acronyme psychédélique inventé par des technocrates du ministère2, nostalgiques sans doute eux aussi des années 70, aujourdhui célébrées par toutes les institutions.
Du 3/5/8 ou LMD ?
Version numérique ou version psychédélique ?
LMD qui désigne pourtant exactement les mêmes trois niveaux de sortie du système universitaire quAttali proposait soit licence, master3, doctorat.
LMD aux effets anesthésiants, comme dailleurs tous les toxiques : cest Allègre qui avait mandaté Attali et qui dut indiquer, devant le tollé, que ces propositions ne lengageaient pas ; cest Lang, ami des jeunes et grand pacificateur de léducation et de la culture, qui reprit le projet et « décréta », en début dannée 2002, après avoir pris avis du CNESER (instance consultative dans laquelle siègent représentants des étudiants, des ensei-gnants, des parents, des « forces vives », comprendre des syndicats patronaux et de leurs affidés, experts prétendus), sans soulever beaucoup de critiques4.
Psychédélique LMD décidément : les hallucinations sont immédiates. Tantôt cest lUniversité Médiévale qui apparaît. Cest sous ses auspices, et à loccasion du 800e anniversaire de la Sorbonne, que Allègre lança sa politique dharmonisation européenne. Le 3/5/8 allait permettre den revenir à cette mobilité généralisée au sein de lEurope caractéristique, nous disait-on, des Universités des premiers temps. Tantôt cest « Lauberge espagnole », cette repré-sentation angélique des échanges internationaux donnée par le film éponyme récent où les étudiants de tous les pays confraternisent, et même un peu plus, après avoir levé les derniers obstacles administratifs liés à leur départ (que lon se rappelle la scène initiale du héros français, étudiant Erasmus, parvenant à obtenir dans le dédale administratif de lUniversité de Nanterre toutes les apostilles nécessaires pour senvoler vers Barcelone). Le LMD, selon ses « producteurs », favoriserait la mobilité, les rencontres et les fusions (leffusion) en simplifiant les cursus, en leur donnant de la lisibilité, en permettant lindividualisation des parcours.
On laura compris, les effets euphorisants du LMD sont assez durables : la descente sera pour plus tard. Car cest une douce musique qui accompagne dabord ces visions enchanteresses dune histoire réunifiée (ne renoue-t-on pas avec le Moyen Age tout en se projetant dans la modernité ?), dans une Europe peuplée détudiants pérégrins.
Une construction européenne
enfin généreuse ? Hallucinant !
Tous les discours tenus depuis bientôt presque cinq ans autour de la construction de lespace européen de lenseignement supérieur, de déclarations solennelles (à commencer par celle prononcée, selon la formule, « en Sorbonne » par Allègre en 1998) en rencontres au sommet (Sala-manque, Lisbonne, Prague) revendiquent la même générosité. Générosité dune construction débordant lespace étroit du marché unique européen : au-delà des pays de lUnion européenne, ce sont quatorze autres pays (de lex-bloc socia-liste) qui se sont joints aux quatre initiateurs. Générosité dune construction dépassant enfin la seule logique mar-chande : lEurope des Universités serait un espace préservé, lexception éducative venant compléter la fameuse exception culturelle. Mieux encore, cette harmonisation à luvre corrigerait les excès ou carences du marché : lEurope des Uni-versités serait aussi une Europe sociale. Linjection de LMD pourrait déjà se justifier ; mais à la générosité, sajoute la nécessité. Lharmonisation européenne permettra ici de sanctuariser lEurope, déviter que lenseignement supérieur ne bascule définitivement, sous la pression notamment des Etats-Unis5, dans le règne de la marchandise. LEurope des Universités serait enfin une nécessité pour participer pleinement à ces économies et sociétés de la connaissance que promettent depuis toujours tous les futuribles.
Mais le discours européen sur lenseignement supérieur a une résonance particulière en France, en tout cas dans les propos des ministres français de lEdu-cation nationale. Lhonneur national nest-il en effet pas flatté par le constat que la France est à linitiative de ce processus et quelle met en place avec célérité ces nouvelles dispositions européennes (elle apparaît notamment en pointe en matière de validation dacquis) ?
Le L du LMD : L pour licence
ou L de libéralisme ?
On est encore au stade où le LMD produit des effets euphorisants. Mais à leur dissipation, la nouvelle architecture uni-versitaire apparaîtra pour ce quelle est : une construction libérale. Cest en effet une politique de libéralisation de lenseignement supérieur qui est mise en u-vre au travers des textes sur la construction de lespace européen de lenseignement supérieur. Un libéralisme qui se décline autour de plusieurs axes : dérégulation, rationalisation managériale, réduction de la dépense publique et ouverture au marché.
Dérégulation dabord. Bien public par excellence, léducation est originellement très réglementée. Le système des diplômes en est une claire illustration. Lharmoni-sation européenne sattaque à ces régulations. Et toute la force de cette politique est de se parer encore une fois de justifications humanistes et généreuses. Ici, cest le parti des « consommateurs décole » que prendraient les modernisateurs euro-péanistes : le destin de lindividu plutôt que la permanence des règles. Mais aussi le passage dun service public répondant globalement aux besoins des usagers à des entreprises éducatives cherchant à satisfaire individuellement leurs clients (ceux en tout cas quelles considèreront comme tels, forcément solvables6). Cest toute une série de frontières que les modernisateurs se proposent de mettre bas. Les frontières qui séparaient les espaces nationaux déducation certes, les étudiants pouvant désormais plus facilement que dans le passé7 faire reconnaître les acquis de leurs études à létranger (décret sur la validation détudes supérieures8). Les frontières entre disciplines, les étudiants pouvant composer leur menu psychédélique L, M ou D en choisissant eux-mêmes dans les cartes de formation proposées par les Universités. Les frontières entre formation initiale et formation continue : la distinction sautant dans le cadre de la nouvelle entité appelée à englober aussi lenseignement supérieur, « léducation tout au long de la vie » (lifelong learning, puisquil sagit en réalité dun produit dimportation, « registered » OCDE). Les frontières enfin, entre la vie académique (les enseignements) et la vraie vie (lentreprise, formatrice, les associations, voire la sphère « domestique ») : la validation des acquis de lexpérience9 permettant dobtenir la transformation des « acquis de lexpérience » en diplômes. Et les universités sont appelées à prendre en compte ces « parcours individualisés » en assouplissant les cadres nationaux, parfois contraignants mais globalement protecteurs. Car létudiant nouveau sera bien un consommateur, se déplaçant dun pays à lautre, en fonction des opportunités.
Il y a dès lors à ce stade une autre lecture du patronage de lUniversité mé-diévale sous lequel se sont placés les nouveaux « sorbonnards »10 ? Si dans lUni-versité médiévale, le commerce des esprits était sous tutelle ecclésiale, on peut craindre que dans lUniversité du Troisième Millénaire (lUTM chère à Allègre), lesprit le soit du marché. Mais lUniversité médiévale, était aussi une université foncièrement élitiste. De lélitisme des temps féodaux à lélitisme des temps libéraux, il ny a finalement que trois, cinq, huit pas tout au plus Car cest une vision extrêmement élitiste qui structure ces réformes européennes. Si les entraves administratives au déplacement des étudiants disparaissent, quid des moyens financiers nécessaires à ces déplacements ? Le thème nest jamais abordé, comme si la question ne se posait pas, comme si chacun pouvait autofinancer sa mobilité internationale. Mais au-delà de laspect pécuniaire, cest aussi la représentation dun consommateur décole rationnel qui est typiquement libérale. Alors que lon sait toutes les difficultés des étudiants à se repérer dans les structures existantes, où les parcours sont pourtant fléchés, on imagine aisément ce quil adviendra dans un système dérégulé. Il est bien des étudiants qui sauront composer leur menu de façon rationnelle, ceux disposant déjà de capital culturel et de capital social et qui se recrutent « naturellement » dans les milieux les plus favorisés. Dit autrement, les inégalités dans laccès à lenseignement supérieur en seront un peu plus renforcées.
Le retour du « sélectionnisme »
Cette dérégulation de lenseignement supérieur, indûment justifiée au nom de lamélioration du « service » offert aux usagers (pardon, aux clients), est aussi un processus de désengagement de lEtat de lenseignement supérieur et de réduction de la dépense publique déducation. Les mesures proposées relèvent des « morissoneries » (du nom de cet économiste qui produisit il y a quelque temps un rapport pour lOCDE proposant, entre autres, des moyens de réduire la demande déducation tout en limitant les risques dagitation sociale liés à ce rationnement11). Depuis la fin des années 60, le demande déducation et peut-être encore plus la demande denseignement supérieur croît de façon presque irrépressible. Dès les années 70, les gouvernements (de droite à lépoque) ont tenté de contenir cette progression, tout en se félicitant dans le même temps que la Nation se convertisse ainsi à limpératif éducatif (pour reprendre les accents gaulliens de ce type de déclarations). Clairement, les mesures envisagées visaient à instaurer des paliers de sélection, à lentrée, ou au niveau du deuxième cycle (exemple de la réforme de 197612). Il y avait alors une droite sélectionniste (largement sur critères sociaux dailleurs) et une gauche, pas encore au gouvernement, qui ne létait pas. Mais invariablement, ces mesures de sélection soulevaient lopposition et activaient les mobilisations étudiantes. Cest à partir de 1986 que la droite abandonne ce discours élitiste : lampleur des mobilisations étudiantes de décembre 1986, la responsabilité qui leur est prêtée dans la défaite de 1988 expliquent sans doute ce qui est apparemment une conversion à lanti-sélectionnisme ! Droite et gauche tiennent désormais à peu près le même propos sur lenseignement supérieur, déplorant la sélection insidieuse opérée par le système « académique ». Droite et gauche se rejoignent aussi (et cest ici la gauche qui a évolué) dans laffirmation de la nécessité de contenir la progression de la dépense publique, donc aussi la dépense déducation, et plus spécialement la dépense denseignement supérieur13. Mais la demande continuait jusquil y a peu à progresser : malgré toutes les litanies sur linadaptation de lenseignement au marché du travail, développées à dessein dinverser cette tendance par les syndicats patronaux comme par la droite et la gauche gouvernementales, les étudiants et leurs familles prolongent leurs études. Une conduite finalement ration-nelle tant les statistiques persistent à montrer que plus le diplôme est élevé, plus le risque du chômage diminue. Et le discours sélectionniste ne pouvant plus être légitimement tenu, dautres voies ont été explorées par les gouvernants. Cest ainsi que peut se comprendre lempressement de la France à harmoniser ses niveaux de diplôme. Sans le dire, il sagit dorienter plus rapidement les jeunes vers le marché du travail.
Une « université de plus en plus ouverte sur le marché du travail » : quand le LMD accélère les sorties
de lenseignement supérieur
Et faute de pouvoir, politiquement, réduire directement la demande, on ra-tionne loffre, aux mêmes fins. Du LMD, une majorité détudiants ne connaîtront que la première lettre, le L. Les Masters14, appelés initialement à « surligner » (Al-lègre dixit, 25 février 199915) les niveaux existants (DESS et DEA)16 vont à terme sy substituer : pour en rester au registre de notre ministre papetier, le « surligneur » devient « effaceur ». Et ce dautant que lon voit bien que le ministère na pas lintention de reconduire, même rebaptisées masters, les habilitations existantes, mais plutôt de concentrer la carte des formations. Les pôles dexcellence « attaliens » resurgissent, laissant dans leur périphérie un paysage de friches universitaires. Beaucoup dUniversités de petite taille ne se verront pas reconnaître cette « excellence » nécessaire à lobtention de mas-ters : elles perdront les DEA ou les DESS, quelles navaient pas toujours, dans toutes les matières, mais elles perdront aussi la quatrième année, la maîtrise étant appelée à brève échéance à tomber dans cette nouvelle architecture. Beaucoup dUni-versités de petite taille se transformeront progressivement en collèges universitaires, dispensant un enseignement à visée étroitement professionnelle, coupée de toute recherche, à part peut-être dans quelques disciplines, où elles se verront reconnaître le droit précaire à la préparation de masters. Le M du LMD est un puissant levier pour re-concentrer la carte universitaire : en limitant géographiquement loffre de formation, on réduit la demande, terme abstrait, ou, plus concrè-tement, le nombre détudiants. Mais ce sont aussi certaines disciplines qui sont dans la ligne de mire des technocrates du ministère, cibles permanentes depuis au moins trois décennies. Dans cette nouvelle carte des formations, les tendances cen-tripètes seront encore plus accentuées pour les lettres et les sciences humaines littérature comparée, sociologie, philosophie, etc. , jugées non professionnelles, non opérationnelles et pour lesquelles la distribution de masters sera parcimonieuse. On voit en tout cas léconomie représentée à terme par la mise en place du LMD. Mais, qui plus est, le L auquel devront se cantonner beaucoup détudiants, aura une âcre saveur : là encore, la dimension professionnelle sera renforcée, le temps des stages démultiplié17, la part des enseignements réduite, les ECTS les « crédits », cest-à-dire lunité de compte européen en matière denseignement supérieur limitant encore le coût budgétaire de cet enseignement18.
Deux espaces européens enchâssés : celui de lenseignement supérieur, celui de léducation tout au long
de la vie
La construction dun espace européen de lenseignement supérieur, par lintroduction notamment du nouveau toxique libéral nommé LMD, sinscrit plus largement dans un processus de libéralisation de lensemble des systèmes déducation et de formation, développé conjointement par lOCDE et la Commission européenne et désigné sous lappellation d« espace européen de léducation et la formation tout au long de la vie ». Là encore, la formule a les effets dun toxique, générant bien des illusions. Nest-elle pas reprise par des syndicalistes et des partis de gauche (Jospin en avait fait une de ses propositions de campagne principales) ? On est pourtant loin de léducation permanente et de lextension du droit à la formation comme le laissent accroire ceux qui portent ce discours. En posant la nécessité de lactualisation permanente des connaissances et surtout en affirmant léquivalence dans les voies daccès à ces connaissances, de léducation formelle (« dans les établissements denseignement et de for-mation19 »), de léducation non formelle (« sur le lieu de travail, dans le cadre des activités dorganisations ou de groupes de la société civile ») et de léducation infor-melle (« corollaire naturel de la vie quotidienne » « la forme la plus ancienne dapprentissage », illustrée dans le Mémo-randum par lentrée de lordinateur dans les foyers) les acquis de léducation non formelle et de léducation informelle étant ensuite validés par le système formel , on ouvre la voie au désengagement massif de lEtat du système éducatif. Car si les éducations formelle, informelle et non formelle sont équivalentes, pourquoi lEtat conti-nuerait-il à financer massivement léducation formelle, coûteuse pour les dépenses publiques ? On laura compris, ce sera aux individus dinvestir dans leur formation pour accroître leur capital humain ; et le marché leur proposera les prestations nécessaires à cet investissement. Lutopie éducative ultra-libérale de Rose et Milton Friedman est malheureusement en train de se réaliser20. Alors, pour rester dans les années 70 décidément rémanentes, on détournera le slogan des jeunes communistes de lépoque (à la fin de la décennie), inquiets de voir la jeunesse sadonner aux toxiques : la lutte, pas le LMD, camarades !
Trois, cinq, huit, comme le proposait Jacques Attali en 19981, dans un rapport qui souleva à lépoque nombre doppositions. Ou plutôt désormais, LMD, acronyme psychédélique inventé par des technocrates du ministère2, nostalgiques sans doute eux aussi des années 70, aujourdhui célébrées par toutes les institutions.
LEurope des universités avance à grands pas : trois, cinq, huit, et la France, par une série de décrets récents, européanise ses niveaux de diplôme.
Trois, cinq, huit, comme le proposait Jacques Attali en 19981, dans un rapport qui souleva à lépoque nombre doppositions. Ou plutôt désormais, LMD, acronyme psychédélique inventé par des technocrates du ministère2, nostalgiques sans doute eux aussi des années 70, aujourdhui célébrées par toutes les institutions.
Du 3/5/8 ou LMD ?
Version numérique ou version psychédélique ?
LMD qui désigne pourtant exactement les mêmes trois niveaux de sortie du système universitaire quAttali proposait soit licence, master3, doctorat.
LMD aux effets anesthésiants, comme dailleurs tous les toxiques : cest Allègre qui avait mandaté Attali et qui dut indiquer, devant le tollé, que ces propositions ne lengageaient pas ; cest Lang, ami des jeunes et grand pacificateur de léducation et de la culture, qui reprit le projet et « décréta », en début dannée 2002, après avoir pris avis du CNESER (instance consultative dans laquelle siègent représentants des étudiants, des ensei-gnants, des parents, des « forces vives », comprendre des syndicats patronaux et de leurs affidés, experts prétendus), sans soulever beaucoup de critiques4.
Psychédélique LMD décidément : les hallucinations sont immédiates. Tantôt cest lUniversité Médiévale qui apparaît. Cest sous ses auspices, et à loccasion du 800e anniversaire de la Sorbonne, que Allègre lança sa politique dharmonisation européenne. Le 3/5/8 allait permettre den revenir à cette mobilité généralisée au sein de lEurope caractéristique, nous disait-on, des Universités des premiers temps. Tantôt cest « Lauberge espagnole », cette repré-sentation angélique des échanges internationaux donnée par le film éponyme récent où les étudiants de tous les pays confraternisent, et même un peu plus, après avoir levé les derniers obstacles administratifs liés à leur départ (que lon se rappelle la scène initiale du héros français, étudiant Erasmus, parvenant à obtenir dans le dédale administratif de lUniversité de Nanterre toutes les apostilles nécessaires pour senvoler vers Barcelone). Le LMD, selon ses « producteurs », favoriserait la mobilité, les rencontres et les fusions (leffusion) en simplifiant les cursus, en leur donnant de la lisibilité, en permettant lindividualisation des parcours.
On laura compris, les effets euphorisants du LMD sont assez durables : la descente sera pour plus tard. Car cest une douce musique qui accompagne dabord ces visions enchanteresses dune histoire réunifiée (ne renoue-t-on pas avec le Moyen Age tout en se projetant dans la modernité ?), dans une Europe peuplée détudiants pérégrins.
Une construction européenne
enfin généreuse ? Hallucinant !
Tous les discours tenus depuis bientôt presque cinq ans autour de la construction de lespace européen de lenseignement supérieur, de déclarations solennelles (à commencer par celle prononcée, selon la formule, « en Sorbonne » par Allègre en 1998) en rencontres au sommet (Sala-manque, Lisbonne, Prague) revendiquent la même générosité. Générosité dune construction débordant lespace étroit du marché unique européen : au-delà des pays de lUnion européenne, ce sont quatorze autres pays (de lex-bloc socia-liste) qui se sont joints aux quatre initiateurs. Générosité dune construction dépassant enfin la seule logique mar-chande : lEurope des Universités serait un espace préservé, lexception éducative venant compléter la fameuse exception culturelle. Mieux encore, cette harmonisation à luvre corrigerait les excès ou carences du marché : lEurope des Uni-versités serait aussi une Europe sociale. Linjection de LMD pourrait déjà se justifier ; mais à la générosité, sajoute la nécessité. Lharmonisation européenne permettra ici de sanctuariser lEurope, déviter que lenseignement supérieur ne bascule définitivement, sous la pression notamment des Etats-Unis5, dans le règne de la marchandise. LEurope des Universités serait enfin une nécessité pour participer pleinement à ces économies et sociétés de la connaissance que promettent depuis toujours tous les futuribles.
Mais le discours européen sur lenseignement supérieur a une résonance particulière en France, en tout cas dans les propos des ministres français de lEdu-cation nationale. Lhonneur national nest-il en effet pas flatté par le constat que la France est à linitiative de ce processus et quelle met en place avec célérité ces nouvelles dispositions européennes (elle apparaît notamment en pointe en matière de validation dacquis) ?
Le L du LMD : L pour licence
ou L de libéralisme ?
On est encore au stade où le LMD produit des effets euphorisants. Mais à leur dissipation, la nouvelle architecture uni-versitaire apparaîtra pour ce quelle est : une construction libérale. Cest en effet une politique de libéralisation de lenseignement supérieur qui est mise en u-vre au travers des textes sur la construction de lespace européen de lenseignement supérieur. Un libéralisme qui se décline autour de plusieurs axes : dérégulation, rationalisation managériale, réduction de la dépense publique et ouverture au marché.
Dérégulation dabord. Bien public par excellence, léducation est originellement très réglementée. Le système des diplômes en est une claire illustration. Lharmoni-sation européenne sattaque à ces régulations. Et toute la force de cette politique est de se parer encore une fois de justifications humanistes et généreuses. Ici, cest le parti des « consommateurs décole » que prendraient les modernisateurs euro-péanistes : le destin de lindividu plutôt que la permanence des règles. Mais aussi le passage dun service public répondant globalement aux besoins des usagers à des entreprises éducatives cherchant à satisfaire individuellement leurs clients (ceux en tout cas quelles considèreront comme tels, forcément solvables6). Cest toute une série de frontières que les modernisateurs se proposent de mettre bas. Les frontières qui séparaient les espaces nationaux déducation certes, les étudiants pouvant désormais plus facilement que dans le passé7 faire reconnaître les acquis de leurs études à létranger (décret sur la validation détudes supérieures8). Les frontières entre disciplines, les étudiants pouvant composer leur menu psychédélique L, M ou D en choisissant eux-mêmes dans les cartes de formation proposées par les Universités. Les frontières entre formation initiale et formation continue : la distinction sautant dans le cadre de la nouvelle entité appelée à englober aussi lenseignement supérieur, « léducation tout au long de la vie » (lifelong learning, puisquil sagit en réalité dun produit dimportation, « registered » OCDE). Les frontières enfin, entre la vie académique (les enseignements) et la vraie vie (lentreprise, formatrice, les associations, voire la sphère « domestique ») : la validation des acquis de lexpérience9 permettant dobtenir la transformation des « acquis de lexpérience » en diplômes. Et les universités sont appelées à prendre en compte ces « parcours individualisés » en assouplissant les cadres nationaux, parfois contraignants mais globalement protecteurs. Car létudiant nouveau sera bien un consommateur, se déplaçant dun pays à lautre, en fonction des opportunités.
Il y a dès lors à ce stade une autre lecture du patronage de lUniversité mé-diévale sous lequel se sont placés les nouveaux « sorbonnards »10 ? Si dans lUni-versité médiévale, le commerce des esprits était sous tutelle ecclésiale, on peut craindre que dans lUniversité du Troisième Millénaire (lUTM chère à Allègre), lesprit le soit du marché. Mais lUniversité médiévale, était aussi une université foncièrement élitiste. De lélitisme des temps féodaux à lélitisme des temps libéraux, il ny a finalement que trois, cinq, huit pas tout au plus Car cest une vision extrêmement élitiste qui structure ces réformes européennes. Si les entraves administratives au déplacement des étudiants disparaissent, quid des moyens financiers nécessaires à ces déplacements ? Le thème nest jamais abordé, comme si la question ne se posait pas, comme si chacun pouvait autofinancer sa mobilité internationale. Mais au-delà de laspect pécuniaire, cest aussi la représentation dun consommateur décole rationnel qui est typiquement libérale. Alors que lon sait toutes les difficultés des étudiants à se repérer dans les structures existantes, où les parcours sont pourtant fléchés, on imagine aisément ce quil adviendra dans un système dérégulé. Il est bien des étudiants qui sauront composer leur menu de façon rationnelle, ceux disposant déjà de capital culturel et de capital social et qui se recrutent « naturellement » dans les milieux les plus favorisés. Dit autrement, les inégalités dans laccès à lenseignement supérieur en seront un peu plus renforcées.
Le retour du « sélectionnisme »
Cette dérégulation de lenseignement supérieur, indûment justifiée au nom de lamélioration du « service » offert aux usagers (pardon, aux clients), est aussi un processus de désengagement de lEtat de lenseignement supérieur et de réduction de la dépense publique déducation. Les mesures proposées relèvent des « morissoneries » (du nom de cet économiste qui produisit il y a quelque temps un rapport pour lOCDE proposant, entre autres, des moyens de réduire la demande déducation tout en limitant les risques dagitation sociale liés à ce rationnement11). Depuis la fin des années 60, le demande déducation et peut-être encore plus la demande denseignement supérieur croît de façon presque irrépressible. Dès les années 70, les gouvernements (de droite à lépoque) ont tenté de contenir cette progression, tout en se félicitant dans le même temps que la Nation se convertisse ainsi à limpératif éducatif (pour reprendre les accents gaulliens de ce type de déclarations). Clairement, les mesures envisagées visaient à instaurer des paliers de sélection, à lentrée, ou au niveau du deuxième cycle (exemple de la réforme de 197612). Il y avait alors une droite sélectionniste (largement sur critères sociaux dailleurs) et une gauche, pas encore au gouvernement, qui ne létait pas. Mais invariablement, ces mesures de sélection soulevaient lopposition et activaient les mobilisations étudiantes. Cest à partir de 1986 que la droite abandonne ce discours élitiste : lampleur des mobilisations étudiantes de décembre 1986, la responsabilité qui leur est prêtée dans la défaite de 1988 expliquent sans doute ce qui est apparemment une conversion à lanti-sélectionnisme ! Droite et gauche tiennent désormais à peu près le même propos sur lenseignement supérieur, déplorant la sélection insidieuse opérée par le système « académique ». Droite et gauche se rejoignent aussi (et cest ici la gauche qui a évolué) dans laffirmation de la nécessité de contenir la progression de la dépense publique, donc aussi la dépense déducation, et plus spécialement la dépense denseignement supérieur13. Mais la demande continuait jusquil y a peu à progresser : malgré toutes les litanies sur linadaptation de lenseignement au marché du travail, développées à dessein dinverser cette tendance par les syndicats patronaux comme par la droite et la gauche gouvernementales, les étudiants et leurs familles prolongent leurs études. Une conduite finalement ration-nelle tant les statistiques persistent à montrer que plus le diplôme est élevé, plus le risque du chômage diminue. Et le discours sélectionniste ne pouvant plus être légitimement tenu, dautres voies ont été explorées par les gouvernants. Cest ainsi que peut se comprendre lempressement de la France à harmoniser ses niveaux de diplôme. Sans le dire, il sagit dorienter plus rapidement les jeunes vers le marché du travail.
Une « université de plus en plus ouverte sur le marché du travail » : quand le LMD accélère les sorties
de lenseignement supérieur
Et faute de pouvoir, politiquement, réduire directement la demande, on ra-tionne loffre, aux mêmes fins. Du LMD, une majorité détudiants ne connaîtront que la première lettre, le L. Les Masters14, appelés initialement à « surligner » (Al-lègre dixit, 25 février 199915) les niveaux existants (DESS et DEA)16 vont à terme sy substituer : pour en rester au registre de notre ministre papetier, le « surligneur » devient « effaceur ». Et ce dautant que lon voit bien que le ministère na pas lintention de reconduire, même rebaptisées masters, les habilitations existantes, mais plutôt de concentrer la carte des formations. Les pôles dexcellence « attaliens » resurgissent, laissant dans leur périphérie un paysage de friches universitaires. Beaucoup dUniversités de petite taille ne se verront pas reconnaître cette « excellence » nécessaire à lobtention de mas-ters : elles perdront les DEA ou les DESS, quelles navaient pas toujours, dans toutes les matières, mais elles perdront aussi la quatrième année, la maîtrise étant appelée à brève échéance à tomber dans cette nouvelle architecture. Beaucoup dUni-versités de petite taille se transformeront progressivement en collèges universitaires, dispensant un enseignement à visée étroitement professionnelle, coupée de toute recherche, à part peut-être dans quelques disciplines, où elles se verront reconnaître le droit précaire à la préparation de masters. Le M du LMD est un puissant levier pour re-concentrer la carte universitaire : en limitant géographiquement loffre de formation, on réduit la demande, terme abstrait, ou, plus concrè-tement, le nombre détudiants. Mais ce sont aussi certaines disciplines qui sont dans la ligne de mire des technocrates du ministère, cibles permanentes depuis au moins trois décennies. Dans cette nouvelle carte des formations, les tendances cen-tripètes seront encore plus accentuées pour les lettres et les sciences humaines littérature comparée, sociologie, philosophie, etc. , jugées non professionnelles, non opérationnelles et pour lesquelles la distribution de masters sera parcimonieuse. On voit en tout cas léconomie représentée à terme par la mise en place du LMD. Mais, qui plus est, le L auquel devront se cantonner beaucoup détudiants, aura une âcre saveur : là encore, la dimension professionnelle sera renforcée, le temps des stages démultiplié17, la part des enseignements réduite, les ECTS les « crédits », cest-à-dire lunité de compte européen en matière denseignement supérieur limitant encore le coût budgétaire de cet enseignement18.
Deux espaces européens enchâssés : celui de lenseignement supérieur, celui de léducation tout au long
de la vie
La construction dun espace européen de lenseignement supérieur, par lintroduction notamment du nouveau toxique libéral nommé LMD, sinscrit plus largement dans un processus de libéralisation de lensemble des systèmes déducation et de formation, développé conjointement par lOCDE et la Commission européenne et désigné sous lappellation d« espace européen de léducation et la formation tout au long de la vie ». Là encore, la formule a les effets dun toxique, générant bien des illusions. Nest-elle pas reprise par des syndicalistes et des partis de gauche (Jospin en avait fait une de ses propositions de campagne principales) ? On est pourtant loin de léducation permanente et de lextension du droit à la formation comme le laissent accroire ceux qui portent ce discours. En posant la nécessité de lactualisation permanente des connaissances et surtout en affirmant léquivalence dans les voies daccès à ces connaissances, de léducation formelle (« dans les établissements denseignement et de for-mation19 »), de léducation non formelle (« sur le lieu de travail, dans le cadre des activités dorganisations ou de groupes de la société civile ») et de léducation infor-melle (« corollaire naturel de la vie quotidienne » « la forme la plus ancienne dapprentissage », illustrée dans le Mémo-randum par lentrée de lordinateur dans les foyers) les acquis de léducation non formelle et de léducation informelle étant ensuite validés par le système formel , on ouvre la voie au désengagement massif de lEtat du système éducatif. Car si les éducations formelle, informelle et non formelle sont équivalentes, pourquoi lEtat conti-nuerait-il à financer massivement léducation formelle, coûteuse pour les dépenses publiques ? On laura compris, ce sera aux individus dinvestir dans leur formation pour accroître leur capital humain ; et le marché leur proposera les prestations nécessaires à cet investissement. Lutopie éducative ultra-libérale de Rose et Milton Friedman est malheureusement en train de se réaliser20. Alors, pour rester dans les années 70 décidément rémanentes, on détournera le slogan des jeunes communistes de lépoque (à la fin de la décennie), inquiets de voir la jeunesse sadonner aux toxiques : la lutte, pas le LMD, camarades !
(1) Pour un modèle européen de lenseignement supérieur, rapport de la Commission Attali au ministre de lEdu-cation nationale.
(2) Cest un phénomène, semble-t-il, classique chez des technocrates obligés daffecter au quotidien cet air compassé qui atteste leur professionnalité : le cisèlement des acronymes est le moment de la décompensation. Voir aussi les acronymes inventés par les « technos » du ministère de lEconomie pour désigner « leurs » modèles économiques (cf. Bernard Maris, Des économistes au-dessus de tout soupçon, Albin Michel, 1990).
(3) Attali parlait à lépoque de « nouvelle maîtrise ».
(4) Une mobilisation semble samorcer depuis le début de lannée universitaire. Il est piquant de voir sy adjoindre le principal syndicat étudiant qui soutenait jusque-là les efforts du ministère (cf. interventions au CNESER du 23 avril 2002). Changement de gouvernement aidant ou suivant le mouvement de gauchisation accéléré entrepris par lex-ministre, il semble prendre soudainement conscience de la toxicité du LMD.
(5) Epouvantail désigné par Allègre pour justifier la nécessité du 3/5/8 (cf. son discours au Collège de France, 25 février 1999).
(6) On peut voir déjà lexpérimentation de cette politique dans laction de lagence Edufrance, opérant pour le compte du ministère de lEducation nationale à léchelle internationale. Alors que les étudiants étrangers « traditionnels » sont moins nombreux à pouvoir venir étudier en France (politique des visas et des bourses qui frappent notamment tous les étudiants africains), Edufrance sest fixée comme objectif de concurrencer les Etats-Unis dans la captation du marché des étudiants étrangers « argentés », en particulier ceux du Sud-Est asiatique.
(7) Et quil faudra un jour relativiser car un cadre propice aux échanges internationaux existait déjà depuis les années 50 (cf. la convention européenne du 11/12/1953).
(8) Décret du 16 avril 2002.
(9) Décret du 24 avril 2002 : la nouvelle procédure permet dobtenir jusquà lintégralité des diplômes, de tous niveaux et de toutes disciplines sur la base des « acquis » de lexpérience, professionnelle, associative, politique, domestique
(l0) Allègre et les trois autres ministres de lEducation (Royaume-Uni, Italie, Allemagne), initiateurs du processus.
(l1) Cf. Christian Morisson, La faisabilité politique de lajustement, OCDE, 1996, Cahiers de Politique Economique n°13.
(l2) Arrêté du 16 janvier 1976 qui prévoyait dinstaurer une sélection à lentrée en second cycle universitaire et faisait dépendre la reconduction des habilitations des débouchés professionnels (supposés, et on imagine comment ) des différentes filières.
(l3) Topique là encore typiquement libéral. Si les libéraux admettent une intervention publique dans lenseignement, cest pour le seul enseignement de base (cf. par exemple, J.B.Say).
(14) Nouveau grade créé en 1998 avec lorthographe « mastaire », réformée en 2002 à des fins de lisibilité, la graphie anglo-saxonne favorisant lharmonisation.
(l5) Discours au Collège de France.
(l6) Beaucoup denseignants nont pas encore vu ce danger, la masterisation leur apparaissant être aux études supérieures ce que la customisation est à lautomobile, lajout de fioritures (il nest pas sûr que les enseignants sadonnant à la customisation soient cependant nombreux ).
(l7) Lorsque les étudiants sont en stage, il ny a pas de cours, et cest autant déconomies de faites. Les petites écoles de commerce, modernes boîtes à bac, qui sétaient développées au milieu des années 80 lavaient bien compris : dans une logique de rentabilisation accélérée, elles multipliaient les stages « terrain » pour réduire la facture des enseignements.
(18) Dans le volume horaire attaché à un enseignement, via les ECTS, est comptabilisé le temps de travail personnel. La tentation est grande de réduire les enseignements « en présentiel », coûteux, tout en revendiquant de maintenir le même niveau dexigence, attesté par lhoraire attaché au cours et de plus en plus lié au travail personnel (déjà prépondérant dans lenseignement supérieur).
(l9) Cf. pour toutes ces « définitions », le Mémorandum sur léducation et la formation tout au long de la vie, présenté par la Commission européenne le 30 octobre 2000, auquel les Etats européens ont décidé de donner une traduction politique au cours du Conseil de Barcelone de mars 2002.
(20) Voir Milton et Rose Friedman, Capitalisme et liberté, Laffont, 1971 (1e édition, 1962).
(2) Cest un phénomène, semble-t-il, classique chez des technocrates obligés daffecter au quotidien cet air compassé qui atteste leur professionnalité : le cisèlement des acronymes est le moment de la décompensation. Voir aussi les acronymes inventés par les « technos » du ministère de lEconomie pour désigner « leurs » modèles économiques (cf. Bernard Maris, Des économistes au-dessus de tout soupçon, Albin Michel, 1990).
(3) Attali parlait à lépoque de « nouvelle maîtrise ».
(4) Une mobilisation semble samorcer depuis le début de lannée universitaire. Il est piquant de voir sy adjoindre le principal syndicat étudiant qui soutenait jusque-là les efforts du ministère (cf. interventions au CNESER du 23 avril 2002). Changement de gouvernement aidant ou suivant le mouvement de gauchisation accéléré entrepris par lex-ministre, il semble prendre soudainement conscience de la toxicité du LMD.
(5) Epouvantail désigné par Allègre pour justifier la nécessité du 3/5/8 (cf. son discours au Collège de France, 25 février 1999).
(6) On peut voir déjà lexpérimentation de cette politique dans laction de lagence Edufrance, opérant pour le compte du ministère de lEducation nationale à léchelle internationale. Alors que les étudiants étrangers « traditionnels » sont moins nombreux à pouvoir venir étudier en France (politique des visas et des bourses qui frappent notamment tous les étudiants africains), Edufrance sest fixée comme objectif de concurrencer les Etats-Unis dans la captation du marché des étudiants étrangers « argentés », en particulier ceux du Sud-Est asiatique.
(7) Et quil faudra un jour relativiser car un cadre propice aux échanges internationaux existait déjà depuis les années 50 (cf. la convention européenne du 11/12/1953).
(8) Décret du 16 avril 2002.
(9) Décret du 24 avril 2002 : la nouvelle procédure permet dobtenir jusquà lintégralité des diplômes, de tous niveaux et de toutes disciplines sur la base des « acquis » de lexpérience, professionnelle, associative, politique, domestique
(l0) Allègre et les trois autres ministres de lEducation (Royaume-Uni, Italie, Allemagne), initiateurs du processus.
(l1) Cf. Christian Morisson, La faisabilité politique de lajustement, OCDE, 1996, Cahiers de Politique Economique n°13.
(l2) Arrêté du 16 janvier 1976 qui prévoyait dinstaurer une sélection à lentrée en second cycle universitaire et faisait dépendre la reconduction des habilitations des débouchés professionnels (supposés, et on imagine comment ) des différentes filières.
(l3) Topique là encore typiquement libéral. Si les libéraux admettent une intervention publique dans lenseignement, cest pour le seul enseignement de base (cf. par exemple, J.B.Say).
(14) Nouveau grade créé en 1998 avec lorthographe « mastaire », réformée en 2002 à des fins de lisibilité, la graphie anglo-saxonne favorisant lharmonisation.
(l5) Discours au Collège de France.
(l6) Beaucoup denseignants nont pas encore vu ce danger, la masterisation leur apparaissant être aux études supérieures ce que la customisation est à lautomobile, lajout de fioritures (il nest pas sûr que les enseignants sadonnant à la customisation soient cependant nombreux ).
(l7) Lorsque les étudiants sont en stage, il ny a pas de cours, et cest autant déconomies de faites. Les petites écoles de commerce, modernes boîtes à bac, qui sétaient développées au milieu des années 80 lavaient bien compris : dans une logique de rentabilisation accélérée, elles multipliaient les stages « terrain » pour réduire la facture des enseignements.
(18) Dans le volume horaire attaché à un enseignement, via les ECTS, est comptabilisé le temps de travail personnel. La tentation est grande de réduire les enseignements « en présentiel », coûteux, tout en revendiquant de maintenir le même niveau dexigence, attesté par lhoraire attaché au cours et de plus en plus lié au travail personnel (déjà prépondérant dans lenseignement supérieur).
(l9) Cf. pour toutes ces « définitions », le Mémorandum sur léducation et la formation tout au long de la vie, présenté par la Commission européenne le 30 octobre 2000, auquel les Etats européens ont décidé de donner une traduction politique au cours du Conseil de Barcelone de mars 2002.
(20) Voir Milton et Rose Friedman, Capitalisme et liberté, Laffont, 1971 (1e édition, 1962).