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Notre Monde Notre Monde (2013, 119') un film de Thomas Lacoste
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© Passant n°28 [mars 2000 - avril 2000]
par Bernard Bolze
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Les murs ont la parole, pas encore les prisonniers


Le patrimoine pénitentiaire n’a pas eu à souffrir, très naturellement, de la tempête météorologique qui a balayé la France le mois dernier. Ici, l’apparence est encore sauve. Une tempête médiatique aura suffi, depuis, à mettre en évidence un système pervers et délabré. Les murs ont parlé. De lèpre et bien pire. Et si la forme, c’est le fond qui remonte à la surface, fallait-il que la « marmite infernale » ait mijoté trop longtemps pour connaître une telle déflagration.

Nous aimerions qu’il y ait un avant et un après l’affaire soulevée par le Dr Vasseur(1). Que pourrait réserver l’après ? La destruction de quelques prisons d’un autre âge ? Chacun s’en réjouira. La construction d’établissements neufs ? Voilà très sûrement la réponse conjuguée de l’Etat et du politique : fabriquer de nouvelles prisons ! Nous pensons avec d’autres, que le parc actuel dispose d’un nombre suffisant de places et que le droit et la dignité des personnes détenues ne se mesurent pas au meilleur des mondes, hygiénique et sécuritaire.

Le Monde publiait, samedi 16 novembre 1991, un texte en forme de manifeste intitulé Pour un Observatoire international des prisons. A peine a-t-il pris une ride. Mais que pouvait-on lire il y a presque dix ans ? « En France, la prison n’est pas un lieu de droit et le détenu n’est plus un citoyen. Le prisonnier ne vote pas. Le prisonnier n’a pas droit à la santé ni à la Sécurité sociale. Quand il a du travail, il ne bénéficie pas d’un salaire décent. Le prisonnier n’a pas droit au RMI, le minimum d’insertion, quand la prison prétend justement le réinsérer. Le prisonnier n’a pas droit d’association. Le prisonnier n’a pas droit à l’instruction et à la formation. Ou de façon discrétionnaire. Le prisonnier n’a pas droit à l’intimité quand l’Etat s’affirme garant des liens familiaux, et il est arrivé qu’une femme détenue accouche menottes aux poignets avec présence policière dans la salle de travail.

Le prisonnier peut être longuement et redoutablement soumis à l’isolement. A la simple peine privative de liberté, la prison croit souvent devoir ajouter l’arbitraire, le mépris, la violence, l’humiliation.

Le prisonnier a droit à la censure de son courrier, à la « double peine » s’il est étranger. Il a droit à des peines accessoires, à l’interdiction de séjour, à la communication de son casier judiciaire en dehors des services judiciaires et de police. La prison coûte cher à la société pour un résultat affligeant : le détenu ne sort pas « libre », le préjudice subi par la victime n’a pas été réparé. La prison enferme les plus pauvres, précipite leur exclusion. Elle ensevelit dans la souffrance là où il faudrait réparation. Pour réintégrer la communauté des hommes, plus que de confort, le prisonnier a besoin d’humanité, et quel regard le journaliste, l’avocat, l’homme politique, l’enseignant, le salarié d’entreprise, l’artisan ou l’artiste accordent-ils à celui-ci ? »

Puisse t-il y avoir un avant et un après l’affaire déclenchée par le Dr Vasseur. Puissent désormais se faire entendre ceux qui savent, et ceux qui « ne savaient pas » avoir la décence de se taire. Puisse notre regard sur les prisonniers changer, plus encore que les prisons. Toute personne enfermée est une part de nous, puissent enfin les prisonniers parler.

Fondateur de L’Observatoire International des Prisons (OIP, 40 rue d’Hauteville, F-75010 Paris, Tél. 33 (0)1 47 70 47 01).
(1) Véronique Vasseur, Médecin-chef à la prison de la Santé, Cherche midi, 2000, 220p., 98 F.
Bernard Bolze

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